Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

Exposition Jane Evelyn Atwood, Histoires de prostitution, Paris (1976-1979) à la Maison de la Photographie Robert Doisneau

30 mars 2019


La Maison de la Photographie Robert Doisneau (lequel est né à Gentilly) jouxte la Médiathèque. Elle présente l’exposition Jane Evelyn Atwood, Histoires de prostitution, Paris (1976-1979). Une grande reproduction d’une des images de la photographe franco-américaine, montrant une prostituée renversée sur le capot d'une voiture, occupe une partie de la façade que je photographie avant d’entrer. Il est un peu après treize heures trente. L’employée qui est assise à l’accueil me confirme que c’est gratuit et accepte de garder mon sac à dos. Elle me demande comment j’ai eu vent de l’évènement. « Vous n’êtes quand même pas venu exprès de Rouen ? »
Au rez-de-chaussée sont montrées des photos prises rue des Lombards en mil neuf cent soixante-seize, des tirages en noir et blanc de taille moyenne qui expriment l’atmosphère d’une époque que j’ai connue. Elles montrent Blondine et ses collègues dans l’exercice de leur profession nocturne ainsi que certains de leurs clients. L’une de ces dames était à spécialité, outillée de chaînes comme on en trouvait dans les quincailleries. Une image  montre un gros homme nu enchaîné à plat ventre sur un lit et je m’interroge : la photo a-t-elle été prise à son insu ? La photographe pourrait me le dire, qui vit toujours en France, entre Paris et la Bretagne. Elle avait vingt-neuf ans, ayant quitté les Etats-Unis cinq ans plus tôt, quand elle fit cette série : « La nuit était devenue confortable pour moi et je me sentais décalée pendant le jour. J’étais introvertie à l’époque, mais l’immeuble était devenu mon monde. Les femmes étaient extraordinaires. Blondine était la plus impressionnante ; une poitrine qui donnait envie d’y plonger et un rire qui partait comme un grondement de tonnerre. J’ai voulu connaître les prostituées et la photographie devint un moyen d’y parvenir. »
A l’étage sont montrés les tirages d’époque, faits par elle-même, de sa série consacrée à Pigalle quelques années plus tard, des photos grandes comme des cartes postales. Personne ne me gêne pour les voir car ne me tiennent compagnie qu’une vingtenaire et une trentenaire. « En photographiant Pigalle en 1978 et 1979, explique  Jane Evelyn Atwood sur le mur de la première salle, j’ai découvert un mélange de prostituées, de transgenres, des sans-logis, d’habitués du quartier, de petits commerçants vivant au-dessus de leurs boutiques et de touristes. »
Sur le mur de la seconde salle, elle commente l’une de ses photos : « Environ deux semaines avant de se donner la mort, Ingrid m’avait laissée la photographier nue. C’est une photo qui est tellement étrange. La moitié du corps est celui d’une femme extrêmement belle, elle avait une belle chevelure rousse longue et ondulante, et l’autre moitié du corps montre un beau sexe d’homme. »
Le paradoxe est que cette exposition est visible dans une ville gérée par le Parti Communiste, lequel fait partie de ceux qui ont voté la loi faisant des clients de prostituées des délinquants, obligeant celles-ci pour les protéger à exercer dans des zones de plus en plus dangereuses. Benoît Hamon est aussi un partisan de cette loi  (il n’y a pas d’espoir).
Mon sac récupéré, je prends le bus Cinquante-Sept dans l’autre sens et vient le moment où je crains de passer le reste de la journée à Gentilly car peu après son départ il est bloqué dans la rue étroite. Face à lui un autre bus et un camion encore plus large. Comme il faut bien que les problèmes soient résolus, nous nous en sortons. Arrivé place d’Italie il me reste le temps d’aller voir s’il y a quelque chose pour moi au Book-Off de Ledru-Rollin. Dans les couloirs du métro des affiches annoncent le premier Salon de la Liberté Pédagogique. D’autres montrent de bonnes tètes de barbus rouennais : La Maison Tellier passe bientôt au Trianon.
Au lieu du Corail espéré, c’est la bétaillère qui part du quai Dix-Neuf à dix-sept heures vingt-trois. Nous avons à peine quitté Paris que le ciel devient gris.
                                                          *
« Ma relation avec Blondine c’était une vraie, authentique relation privilégiée, parce que moi j’étais une « cavette », c’est-à-dire une personne qui n’est pas du milieu de la prostitution, et elle, c’était une pute de bas niveau, une prostituée de la rue. On avait fondé une réelle amitié, basée sur le respect mutuel, c’était inattendu, et ça m’est arrivé une seule fois dans ma vie de photographe. Blondine m’a protégée d’elle-même, elle ne voulait pas venir chez moi mais je pouvais aller chez elle, dans son monde. Quand je suis devenue un peu connue, elle était très fière de moi, comme si j’étais l’enfant qu’elle n’avait pas pu avoir. » (Jane Evelyn Atwood, le quatorze février deux mille dix-neuf dans Par les temps qui courent sur France Culture)
 


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