Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

Korneï Tchoukovski et les écrivains persécutés

8 mai 2021


Toute sa vie Korneï Tchoukovski s’est démené au profit des écrivains persécutés par le pouvoir communiste. En témoignent ces extraits de son Journal publié chez Fayard :
Vingt-quatre novembre mil neuf cent soixante-deux : L’inquisition stalinienne s’est cassé les dents sur Akhmatova… Les dizaines de milliers de policiers de Staline, avec tous leurs moyens de torture, avec leurs pistolets et leurs canons, ne sont pas arrivés à faire plier une femme sans défense.
Quatorze mars mil neuf cent soixante-trois : Paoustovski m’a montré une photo (qu’il a tirée de sa poche) : c’était un bloc de marbre sur lequel il y avait gravé : « Marina Tsvétaïeva souhaitait être enterrée ici. » Le marbre a été jeté dans l’Oka. Les autorités ont spécialement réquisitionné un bac pour cette opération. «  Mais je sais à quel endroit ils l’ont jeté, et cet été j’essaierai de le repêcher. J’entreprendrai des démarches pour sa réhabilitation. »
Dix-sept février mil neuf cent soixante-quatre : Lida et Frida Vigdorova essaient en ce moment de faire quelque chose pour Iossif Brodski, qui endure depuis quelque temps les persécutions des « russistes », un groupe léningradois de poètes sans talent. Il doit être jugé demain pour dépravation morale.
Six janvier mil neuf cent soixante-six : J’ai eu la visite de Iossif Brodski. Il a l’air solide et même satisfait de celui qui sait que ses poèmes sont confus, certes, mais non dénués de talent. Il n’a pas jugé utile de me remercier de ce que j’ai fait pour lui. Son amour de la poésie anglaise est feint, car il ne comprend presque pas la langue. Pour le reste, c’est un homme très agréable. Il parle d’Anna Akhmatova avec grand respect.
Cinq mars mil neuf cent soixante-six : Elle (Anna Akhmatova) est morte à Domodédovo d’un cinquième infarctus. Je n’ai encore rien dit à Lida. Elle vient d’avoir une sérieuse crise de bradycardie. Et j’ai peur qu’elle ne décide de se rendre aux obsèques à Leningrad. Je connais Akhmatova depuis 1912. Je la revois devant moi – jeune fille frêle, coquette, au nez busqué, et cette image a pour moi plus de réalité que la vieille femme fragile, malade et bouffie qu’elle était devenue. Nos débiles de gouvernants ont procédé à la levée du corps en grand secret, et pas un seul journal n’a soufflé mot de ses funérailles.
Mardi trois décembre mil neuf cent soixante-huit : « Evtouchenko est malade », m’a dit la dame qui m’a ouvert la porte. En fait, il avait passé trois jours à Moscou sans dessoûler. «  Je voulais m’acheter un magnétophone, mais j’ai tout dépensé en vodka », dit-il navré. J’ai honte de me montrer devant ma femme. »