Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

Mai Soixante-Huit et ses suites vus par Cioran

22 décembre 2020


Habitant le Quartier Latin, au vingt et un de la rue de l’Odéon, Cioran est un témoin privilégié de l’effervescence étudiante de Mai Soixante-Huit, et de ses suites. Il en retient quelques anecdotes et en tire pour ses Cahiers quelques réflexions regroupées ci-après :
Ce peuple grammairien. A l’Odéon, occupé par les étudiants, l’un deux disait tout à l’heure que les ouvriers n’aiment pas prendre part aux discussions par peur de faire des fautes de français.
Les enfants se retournent contre les parents ; et les parents méritent leur sort. Tout se retourne contre tout, chacun engendre son propre ennemi. Telle est la loi.
1er juin 1968. Devant l’Odéon. Au milieu d’étudiants plus ou moins anarchistes, un monsieur d’un certain âge vend La Lumière, organe des guérisseurs ( ?), et parle de « Dieu » comme seule réponse aux grandes questions. La discussion s’échauffe, les étudiants deviennent agressifs, et l’un d'eux demande au monsieur en question :
« Savez-vous en quoi consiste la preuve ontologique ?
-Je ne suis pas savant », répond le vieux colporteur.
L’histoire n’est qu’un malentendu interminable. Les jeunes en France jurent par Mao. Demain on révélera ses crimes, on le dénoncera comme on l’a fait pour Staline. Rien ne sera changé ; on se trouvera une idole de rechange, le plus loin possible, pour qu’elle ne soit pas vue de près, pour qu’elle ne puisse pas décevoir tout de suite.
20 septembre La rentrée. Samedi après-midi, boulevard Saint-Michel. Comment croire que cette foule de jeunes, impropres à rien, puissent permettre à la société de continuer comme auparavant ! D’ailleurs la société, ce sont eux qui la constituent. Ces filles pratiquement nues, ces garçons aux longs cheveux, quelle sinistre dégueulasserie ! Tout cela craquera, inexorablement !
Je ne suis pas réactionnaire, j’admets toutes les réformes et toutes les révolutions qu’on voudra. Mais n’exigez pas de moi de croire que l’Histoire ait un sens et l’humanité un avenir. L’homme passera de difficultés en difficultés ; et il en sera ainsi, jusqu’à ce qu’il en crève.
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Ces filles pratiquement nues, ces garçons aux longs cheveux, quelle sinistre dégueulasserie !, un témoignage de l’ouverture d’esprit du neurasthénique. Un autre, récurrent : si lorsqu’il évoque un homme dans ses Cahiers, Cioran écrit « un monsieur » ; lorsque c’est une femme, il écrit « une bonne femme ».