Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

Quelques méchancetés et compliments signés Balzac

5 mai 2025


Balzac dans ses Lettres à Madame Hanska s’épanche surtout sur ses malheurs : amour contrarié par la distance, épuisement au travail, affaires désastreuses, dettes, procès, maladies diverses. Par goût personnel, j’ai choisi dans le premier volume, lu durant mon séjour sur la Côte d’Azur, quelques méchancetés et deux compliments :
Fin mars mil huit cent trente-trois : Eugène Sue est un bon et aimable jeune homme, fanfaron du vice, désespéré de s’appeler Sue, faisant du luxe pour se faire grand seigneur, mais à cela près quoique un peu usé, valant mieux que ses ouvrages.
Mercredi vingt-neuf mai mil huit cent trente-trois : Mon Dieu, l’auteur d’Indiana, Mme Dudevant s’est déshonorée, tout Paris s’intéressait à ses deux amants, Sandeau vient de partir pour l’Italie, il est au désespoir, je l’ai cru fou. Mme Dudevant s’est donnée à un homme, nommé G. Planche, un homme généralement méprisé, mais qui l’avait encensée dans la Revue des 2 mondes. (George Sand)
Mardi trente juin mil huit cent trente-cinq : Mme d’Agoult est une tourangelle, pâle, jaunasse, cheveux traînants, maigre, assez désagréable à voir, nerveuse qui, dit-on, aimait Liszt depuis longtemps en toute tranquillité de mari.
Mercredi dix-neuf juillet mil huit cent trente-sept : Hier, je parlais à Heine de faire du théâtre, et il me disait : Prenez-y garde, celui qui s’est habitué à Brest, ne peut pas s’accoutumer à Toulon, restez dans votre bagne.
Vendredi deux mars mil huit cent trente-huit : Elle est excellente mère, adorée de ses enfants, mais elle met sa fille Solange en petit garçon, et ce n’est pas bien. Elle a laissé son fils Maurice goûter de trop bonne heure aux dissipations de Paris, il a une maladie de langueur à 12 ans et son épine dorsale est malade, il est comme un homme de vingt ans moralement car elle est intimement chaste, prude, et n’est artiste qu’à l’extérieur. Elle fume démesurément, elle joue peut-être un peu trop à la princesse et je suis convaincu qu’elle s’est peinte fidèlement dans la princesse du Secrétaire intime. (George Sand)
Lundi vingt-six mars mil huit cent trente-huit : Ajaccio est un séjour insupportable, je n’y connais personne, et il n’y a d’ailleurs personne. La civilisation y est comme au Groënland, les Corses aiment peu les étrangers. J’y suis comme échoué sur un banc de granit, allant voir la mer, revenant dîner, déjeuner, voir la mer, me coucher, et recommencer, n’osant pas me mettre à travailler, car à tout moment je puis partir, et cette situation est l’antipode de mon caractère, qui est toute résolution, toute activité. Je suis allé voir la maison où est né Napoléon et c’est une pauvre baraque.
Mardi vingt-sept mars mil huit cent trente-huit : Il n’y a ici ni cabinet de lecture, ni filles, ni théâtres populaires, ni société, ni journaux, ni aucune des impuretés qui annoncent la civilisation ; les femmes n’aiment pas les étrangers, les hommes se promènent toute la journée en fumant, c’est une paresse incroyable. (la Corse toujours)
Dimanche quatorze avril mil huit cent trente-neuf : Beyle vient de publier, à mon sens, le plus beau livre qui ait paru depuis cinquante ans. Cela s’appelle La Chartreuse de Parme, et je ne sais si vous pourrez vous le procurer. Si Machiavel écrivait un roman, ce serait celui-là. 
Dimanche neuf avril mil huit cent quarante-trois : J’ai dîné hier à la place Royale. La seconde fille de Hugo est la plus grande beauté que j’aurai vue de ma vie. Elle n’a que 14 ans, mais elle sera ! Enfin vous la verrez. C’est quelque chose de faire ses enfants beaux. Il faut pour cela de la richesse dans le sang, la pureté, etc. J’ai été médiocrement content de ce dîner. (Adèle)
Dimanche dix-huit juin mil huit cent quarante-trois : Je viens de lire Consuelo !... Après Le Compagnon du Tour de France, avoir fait cela, c’est une telle chute qu’il n’y a plus rien à attendre de George Sand, Consuelo est le produit de tout ce qu’il y a de plus vide, de plus invraisemblable, de plus enfant
Mardi cinq décembre mil huit cent quarante-trois : Ma sœur a dit en voyant les 15 ou 16 bustes de grands hommes faits par David : - Allons ! je vois qu’Honoré n’est pas le plus mal. Et en effet, vous serez stupéfaite en voyant la tête olympienne que David a su tirer de ma grosse face de bouledogue.
Dimanche vingt-trois mil huit cent quarante-quatre : Il n’est rien advenu du dîner de Rothschild, car nous y étions 25. Mais j’y ai trouvé Liszt. Non, chère, vous ne vous figurez pas ce qu’est un drôle de cette espèce ! Il a la fatuité d’un comédien, et la haine d’un accusateur public. Il n’a que des doigts.
Lundi premier juillet mil huit cent quarante-quatre : Je dîne aujourd’hui chez Mme de Castries, qui part pour Dieppe, et notre inimitié demande tous les égards possibles.