Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

12 avril 2018


Les bûcherons ont bien travaillé sur le parvis de la gare de Rouen. Les arbres, côté taxis, qui protégeaient les voyageurs de la pluie, ou leur donnaient de l’ombre, sont désormais parfaitement rangés sous forme de rondins. Il s’agit pour la Métropole de requalifier la place (comme ils disent)
« Ce n'est pas une surprise, commente France Trois Normandie. Sur les maquettes du projet d'aménagement, ces arbres ne figuraient pas. Les espaces verts seront des « salons urbains ». Un concept très à la mode chez les architectes et les élus. La verdure est millimétrée. L'arbre grandeur nature, refuge des oiseaux, qui laisse tomber des feuilles, ombrage, rafraîchit lors des grosses chaleurs est devenu dérangeant. »
La surprise, c’est l’arrivée d’un train Corail en gare à sept heures cinquante-six. Depuis au moins deux mois, il était remplacé par moins bien. L’un des deux phares de la locomotive est en panne mais elle roule bien et ce n’est qu’avec cinq minutes de retard que j’arrive à Saint-Lazare.
De quoi être devant le Book-Off de Ledru-Rollin pour l’ouverture des portes. Il est rare que j’y trouve un livre à un euro achetable au rayon Erotisme, mais là oui : Anthologie du coït de Mathias et Jean-Jacques Pauvert (La Musardine).
Il fait beau. Le soleil me permet de m’attarder au marché d’Aligre mais j’en repars bredouille en direction de la rue du Chemin Vert.
                                                             *
Ligne Huit du métro, un trentenaire à l’homme aux cheveux blancs qui lorgne avidement sur sa place assise :
-Désolé monsieur, vous n’êtes pas encore assez vieux pour que je vous donne ma place.
                                                             *
Dans la ville que je délaisse le mercredi se déroule ce onze avril au Cent Six une réunion des élus de tous les bords : « Rouen, capitale européenne de la culture en 2028 ? » Le fantasme est dans la formule et la réalité dans le point d’interrogation.
Cette réunion aurait dû se tenir le premier avril.
 

11 avril 2018


Ce dimanche après-midi, j’ai une place centrée au cinquième rang du premier balcon de l’Opéra de Rouen pour L’Enlèvement au sérail de Wolfgang Amadeus Mozart, opéra singspiel (chanté parlé) dont je ne connais que l’ouverture. Le livret est dû à Johann Gottlieb Stephanie.
A la baguette, c’est le sympathique et chevronné Antony Hermus dont je peux apercevoir la tête et la gestuelle tout en ayant vue sur l’ensemble du plateau et le surtitrage en français. Emmanuelle Cordoliani, la metteuse en scène, a transporté l’action d’un palais turc du dix-huitième siècle à un cabaret de la Belle Epoque nommé Le Sérail. Constance et sa servante Blonde y sont retenues par Selim Bassa et son âme damnée Osmin. Leurs amoureux respectifs, Belmonte et Pedrillo, cherchent à les délivrer et y parviendront grâce à la magnanimité du geôlier.
« Trois heures vingt avec entracte, ça a intérêt à être bien », s’inquiétait l’un de mes voisins de derrière. Ça l’est. La musique, le décor, la mise en scène, le jeu et le chant, tout me va. Les solistes sont pour partie les lauréats deux mille dix-sept du Concours International de Chant de Clermont-Ferrand. Comme souvent, j’apprécie surtout les chanteuses, deux sopranos talentueuses : Katharine Dain qui interprète Constance et Pauline Texier qui interprète Blonde, perruque bleue et tenue sexy. Je ne dois pas être le seul que cette petite soubrette fasse rêver. Les dames du public n’ont pas à se plaindre avec Stéphane Mercoyrol qui tient le rôle parlé de Selim, voix mâle et sensuelle, physique à l’avenant. Le discret murmure approbateur qui suit l’enlèvement de sa chemise me donne à penser que plus d’une serait ravie d’être sa prisonnière.
Un peu d’humour, un peu de gravité, le recours ponctuel aux marionnettes, au mime et aux ombres chinoises, un propos féministe qui pourrait bien avoir été modernisé dans la partie parlée, cet Enlèvement au sérail assure un véritable triomphe aux chanteurs, comédiens et musiciens, ainsi qu’au maestro, et à Mozart.
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La réplique de la fille aux cheveux bleus à la question : « Et Blonde, qui va l’emmener ? » : « On n’emmène pas Blonde. Elle s’en va toute seule. »
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Et dans la bouche de Selim, de quoi cogiter un moment : « Puisque dans ce monde tout est néant, suppose que tu n’existes pas et sois libre. »
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Quand on consulte Internet, on ne trouve rien sur Stéphane Mercoyrol, hormis qu’il a joué dans quelques films, dont La Vie d’Adèle. Et son adresse et numéro de téléphone à Paris (cela dit au cas où l’une).
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Le correcteur automatique d’orthographe me dit « plus d’une seraient ». Je vérifie et suis conforté dans mon « plus d’une serait ». Quand même, c’est étrange ce plus d’un, c’est-à-dire au moins deux, suivi d’un verbe au singulier. Tout aussi étrange, moins de deux, c’est-à-dire un ou zéro, suivi d’un verbe au pluriel.
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Plus d’un est venu et moins de deux sont partis, combien en reste-t-il ?
 

10 avril 2018


Encore un vide grenier de proximité ce dimanche, rue de la Champmeslé et dans les adjacentes, il est organisé par le Comité Commercial Leclerc Ouest, deux cents à trois cents exposants annoncés.
Quand j’y arrive, ils ne sont pas cent. La pluie, annoncée elle aussi, n’y est pas. Cette fois, on trouve des vendeurs du lieu, notamment des commerçants, mais ce n’est pas plus fructueux pour moi.
Je ne m’y attarde pas et vais au marché du Clos Saint-Marc, côté brocanteurs et bouquinistes, pour rien.
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La veille, profitant d’un relatif beau temps, je m’installe pour la première fois de l’année vers midi à la terrasse du Son du Cor. Celle-ci est désormais surmontée d’un nouvel auvent avec des abattants. C’est pesant. On se croirait sous une tente de l’Armée. Autre nouveauté : un cendrier et une carte des boissons sur les tables dont la nouvelle disposition me déplaît. La mienne bénéficie quand même du soleil. Des trois arbres qui devaient remplacer les trois abattus durant l’hiver, seuls deux ont été plantés. J’y lis tranquillement Endetté comme une mule d’Eric Losfeld jusqu’à ce qu’arrivent des copines de la serveuse, une quadragénaire à gros chien, une vingtenaire à petit chien. Ce dernier non seulement aboie mais se met à vomir, m’obligeant à décamper.
                                                             *
Dans la boîte à lettres, ma déclaration préremplie de revenus deux mille dix-sept :
« Si votre revenu fiscal de référence de 2016 est supérieur à 15 000 euros et que votre résidence principale est équipée d’un accès à internet, votre déclaration de revenus doit être réalisée par internet.
Toutefois, si vous estimez ne pas être en mesure de le faire, vous pouvez continuer à utiliser le présent formulaire. »
Vous devez mais vous pouvez.
 

9 avril 2018


Au tour de Jacques Higelin de mourir, après avoir survécu à bien des abus, malade depuis un certain temps d’on ne sait quoi. La nouvelle m’attriste et rend également triste celle avec qui je l’ai vu en concert, comme me le dit le message qu’elle m’envoie de Nancy ce vendredi après-midi.
Au milieu des années soixante-dix les disques d’Higelin (avec ceux de Ferré) étaient sans cesse sur ma platine dans les trous perdus de l’Eure où je faisais l’instituteur, en maternelle au hameau de Garel, en classe unique à Champigny-la-Futelaye puis au hameau des Taisnières.
De cette époque date la première fois où je l’ai vu en concert. J’étais allé à Paris avec ma Quatre Ailes à trois vitesses. Dans un immense hangar près du périphérique se succédaient nombre de chanteuses et de chanteurs. Il s’agissait de sauver Libération dont les caisses étaient vides. Higelin fut le dernier à chanter et cela dura jusqu’à la fin de la nuit. En sortant je croisais mon frère Jacques que je ne savais pas là.
Ce n’est qu’après mon installation à Rouen que je le revis sur scène, notamment fin deux mille cinq ou début deux mille six, pour son spectacle Higelin enchante Trenet. C’était avant que je commence l’écriture de ce Journal.
En janvier deux mille sept, j’étais au Rive Gauche avec celle qui me tenait la main. Les places nous avaient été offertes par ses parents (ils avaient eu deux invitations). Il en reste une trace écrite. Extrait :
Toujours en forme l’artiste, higelinesque en diable, commençant « au minimum » pour bientôt prendre son envol, « tomber du ciel » et se rattraper au branches ; justifiant sa « réputation d’équilibriste », un petit verre de vin rouge pas loin, ses lunettes posées n’importe où, un chien entrant en scène côté jardin et vite rattrapé ; ne sachant pas (Higelin, pas le chien) les paroles des chansons de son dernier disque (vraiment très bien ce nouvel opus) ; se plantant au piano, s’arrêtant, recommençant ; racontant n’importe quoi, parlant par exemple des femmes de France Culture qui posent des questions sur les Esquimaux et en arrivant au projet d’aller « niquer les otaries » ; bref faisant le Jacques comme lui seul sait le faire.
En février deux mille huit, il passe au Hangar Vingt-Trois et j’y suis seul :
La salle est comble maintenant, des assis comme moi et des debout collé(e)s à la scène. Les lumières baissent. Les musiciens entrent et attaquent la première chanson. Le Jacques commence à chanter Je veux cette fille, à l’arrière, invisible : Je veux cette fille/ Cette fille/ Qui était avec moi. Je suis comme lui, mais ce soir, hélas, elle est à Paris (sans doute pas dans son lit).
Le voici dans son grand manteau gris, les cheveux en bataille un peu plus blancs que l’an dernier peut-être, le visage émacié et le regard assuré, apparemment en pleine forme. C’est qu’il n’est plus tout jeune, « né sous les bombes en quarante », comme il dit. Il se glisse devant le piano, se lève, se rassoit, derrière lui ses cinq musiciens mettent la dose, à la guitare un virtuose chevelu et habité, aux claviers un jeune homme discret, au violoncelle un quinquagénaire débonnaire, aux percussions un docteur bricoleur et à la batterie un autre jeune homme qui semble avoir seize ans et qui en a peut-être vingt, applaudissements pour tout le monde et bravos pour les autres.
Je le revois en mars deux mille neuf mais pas sur scène, à l’enterrement de Bashung :
Là-bas sur un autre banc, Higelin est assis avec un de ses amis, près d’une femme à bouquet, se décoiffant régulièrement, comme il sait bien le faire.
Nous étions peu au Père Lachaise, pour la raison que la cérémonie avait lieu avant l’heure indiquée. Je me souviens qu’un des présents lui avait dit, à propos de je ne sais quoi, « C’était le bon temps », à qui il avait répondu :
-Le bon temps, c’est toujours maintenant.
En mars deux mille onze, Higelin est de nouveau programmé au Rive Gauche. Celle avec qui je dois aller à son concert vient de Paris à cet effet, ce qui lui réserve une surprise :
Dans le train, ayant envie d’aller aux toilettes et n’en trouvant pas d’ouvertes, elle s’adresse à un type qui lit Le Canard Enchaîné  vautré sur la banquette d’une voiture de première classe dont il est le seul passager:
-Vous ne savez pas s’il y a des toilettes ouvertes quelque part dans ce train ?
-Ah ça, mademoiselle, il faut poser la question au contrôleur, lui répond-il ironiquement.
Elle se retourne un peu agacée et découvre qu’il s’agit d’Higelin. Elle lui dit qu’elle vient le voir en concert.
-Vous avez des places ? lui demande-t-il.
Oui, elle en a, ou j’en ai, plus précisément. Higelin lui souhaite de trouver des toilettes avant l’heure du concert.
Lors de cette soirée, il y avait en première partie une chanteuse fatigante dont j’omets le nom et il fut trop bavard, ce qui me découragea d’aller le revoir.
                                                        *
Deux souvenirs des concerts d’Higelin auxquels j’ai assisté avant de commencer à les raconter. Son excuse à une arrivée en retard : « Je suis allé me branler sur la tombe d’Apollinaire ». Cette formule revigorante : « La vie est dure, oui elle est dure. Manquerait plus qu’elle soit molle. »
                                                       *
Samedi matin, j’achète Libération. En couverture, une belle photo noir et blanc jouxtée des paroles d’une de ses chansons : Sur la terre/ Face au ciel/ Tête en l’air/ Amoureux. A l’intérieur, seulement quatre pages sur l’artiste, et des plus banales. Ceux qui les ont rédigées ne doivent pas connaître l’histoire du journal dans lequel ils travaillent.
                                                       *
Soixante-dix-sept ans. Higelin, c’était aussi ma balise de dans dix ans. Ses obsèques auront lieu jeudi à quinze heures trente au Père Lachaise et le public y est invité. J’irai sur sa tombe (comme on dit) plus tard.
 

7 avril 2018


Ce jeudi soir, j’arrive évidemment le premier à l’Hôtel de l’Europe, rue aux Ours, où David Lafore est de nouveau invité à donner concert par Georges-André, le maître des lieux ; celle dont j’ai eu l’un des enfants en petite section de maternelle à Val-de-Reuil, lequel a maintenant deux enfants dont l’un a l’âge qu’il avait à cette époque, servant d’intermédiaire entre lui et le chanteur. Tandis que l’hôtelier vaque à des affaires d’hôtelier, je discute avec elle jusqu’à l’arrivée des autres. Pendant ce temps, l’artiste chauffe sa voix en soufflant ou aspirant dans une sorte de tube puis il monte dans sa chambre faire des vocalises.
Les chaises entourent les tables afin que les spectateurs et spectatrices fassent connaissance. Voulant éviter ça, je me case sur une chaise en arrière. Nous sommes une quinzaine, dont des femmes qui parlent de cours de dessin et de pratique du tai-chi. Cela devait commencer à vingt heures trente mais à moins le quart David Lafore circule encore par-ci par-là, jusque dans la cuisine des petits déjeuners.
-On attend le chanteur ? s’inquiète l’un auprès de l’organisatrice.
-Non il est là, avec la veste rouge.
Rassuré, il se penche vers sa voisine :
-Je croyais qu’il s’agissait d’un employé de l’hôtel.
Après avoir été présenté comme « un punk romantique », David Lafore enlève sa veste et son pull, puis il accorde sa guitare électrique en s’interrogeant sur le sens de l’expression « par acquit de conscience ». Certain(e)s y vont de leur suggestion jusqu’à ce que le jeune homme petit et barbu grimpé sur le tabouret situé derrière moi consulte son smartphone et en donne la définition officielle. Quand j’ai vu ce garçon pour la première fois, il était imberbe et accompagnait celle à qui j’avais proposé de boire un verre avant qu’elle quitte la région. Evidemment, j’avais aussi payé son verre à lui. Me croisant ensuite en ville, il m’avait ignoré ostensiblement.
Le tour de chant de David Lafore est le même que le précédent avec deux ou trois chansons nouvelles, Je ne vais pas répéter ce que j’ai écrit lors de son premier passage. Cela me plaît toujours mais l’effet de surprise lié à la découverte n’y est plus. Les deux femmes à ma droite se gaussent fort. L’homme dont le physique rappelle celui du chanteur à moustache dont l’évocation est un gag récurent du récital est chambré (comme on dit) par l’artiste, puis c’est le tour de celui qui a gardé sa parka bleue malgré la chaleur, enfin le mien pour ne pas frapper dans les mains avec tout le monde quand la musique marche au pas.
Ce n’est pas dans mes mœurs (comme dirait Thomas Clerc). Je me souviens lorsque Lhasa était venue au Hangar Vingt-Trois à quel point j’avais apprécié qu’aucune de ses chansons ne permettent cette pratique totalitaire.
A la fin, David Lafore indique que ses cédés sont disponibles :
-Je les vends dix euros, ou quinze euros, ou vingt euros, alors réfléchissez, soyez malins, et toutes les chansons, vous pouvez les écouter gratuitement sur Internet, alors réfléchissez, ne vous faites pas avoir.
Chacun met un billet dans le chapeau que passe l’organisatrice afin de financer la prestation de ce soir. Je lui dis au revoir ainsi qu’à Georges-André et me carapate.
Il est vingt-deux heures trente. Sur le parvis de la Cathédrale sont assis de bavard(e)s branlotin(e)s italien(ne)s en vadrouille dont le bruit est supérieur à celui des étourneaux qui nichaient dans les arbres abattus.
                                                                  *
Ce jeudi soir, Emmanuel Macron est à un autre genre de concert, celui des demoiselles des maisons d’éducation de la Légion d’Honneur à Saint-Denis. Il ne doit pas s’amuser. Le matin, il était au Céhachu de Rouen. Allumant la télé, je le vois avec sa femme sur la partie droite de l’écran faire risette à des enfants en bas âge atteints d’autisme tandis que sur la partie gauche de l’écran des manifestant(e)s se pressent contre une rangée de Céhéresses. J’en connais plusieurs. Certain(e)s ont la parole, tandis que l’image présidentielle reste muette.
                                                                *
Du peu reluisant recyclage des Ecologistes de premier niveau :
L’ancien sous-Ministre Jean-Vincent Placé traite de pute une jeune fille qu’il voulait payer pour danser et qui a refusé, puis la bouscule ; il menace le videur qui s’interpose de le renvoyer en Afrique puis qualifie les Policiers de tocards et de connards, tout cela en état d’ivresse.
L’ancienne Ministre Cécile Duflot devient Directrice d’Oxfam France.
 

6 avril 2018


Sorti de chez New New, je montre le contenu de mon sac à dos au vigile du Centre Pompidou et franchis le portique de détection des métaux après avoir laissé clés et porte-monnaie dans une bannette. Il a dû se passer quelque chose de fâcheux car une affichette précise que cette manœuvre est interdite aux porteurs de « simulateur cardiaque ». Autrefois, on écrivait sic entre parenthèses après avoir cité ce genre de pataquès.
Délesté de mon sac au vestiaire, je grimpe par la chenille jusqu’au niveau Six afin d’y voir l’exposition du centenaire de la prise du pouvoir par les Bolcheviks : Chagall, Lissitzky, Malevitch L’Avant-garde russe à Vitebsk.
En mil neuf cent dix-huit, Marc Chagall est nommé commissaire des beaux-arts de Vitebsk, sa ville natale aujourd’hui située en Biélorussie. Il crée une école populaire d’art, gratuite et ouverte à tous. Parmi les enseignants El Lissitzky et Kazimir Malevitch. Ce dernier fait des étudiants des adeptes du suprématisme, entrant en conflit avec Chagall qui défend la pluralité des tendances artistiques. L’école ne formera qu’une promotion d’élèves avant d’être fermée. Mon peu de goût pour les avant-gardes et les idéologies fait que je passe assez vite d’une œuvre à l’autre, « en avant, en avant » comme est titré l’un des dessins de je ne sais plus qui. Le projet de tribune pour Lénine, dû à Lissitzky, ici reconstitué, achève de me donner envie d’aller voir ailleurs.
Redescendu au niveau Quatre, j’y découvre la rétrospective Jim Dine Paris Reconnaissance constituée des vingt-huit œuvres que l’artiste vient d’offrir au Centre Pompidou en remerciement du bon temps passé autrefois à Paris : peintures, sculptures, etc. Lesquelles ont de quoi m’intéresser davantage que celles de l’avant-garde de Vitebsk, notamment les Pinocchio sculptés et les installations à outils. Dans la dernière salle sont présentés un immense cœur en paille et une grande main verte qui sont les deux seuls vestiges d’une performance, apprends-je malgré moi du meneur d’une visite guidée qui se vante de connaître « Jim ». Pour que nul n’ignore sa parole savante, il dispose d’un micro. Une subalterne tire derrière elle l’enceinte à roulettes.
Si ce ne sont pas encore les vacances de printemps en France, d’autres pays y ont droit, d’où une certaine attente au vestiaire quand il s’agit de récupérer mon sac. Trois enfants et leurs parents y déposent cinq trottinettes. Un père prie ses garçons de se tenir tranquille, des prénommés Basile et Anatole.
Un bus Vingt et Un m’emmène jusqu’à Opéra. Dans le second Book-Off l’employée blonde met de nouveaux livres à un euro au rayon Connaissance. Elle demande conseil à l’un de ses collègues garçons. Ce livre, faut-il le ranger en Témoignage, en Religion ou en Littérature ? Il hésite pareillement. Je demande à voir. C’est publié aux Editions du Cerf. Ce sont les Œuvres complètes d’un certain Jacques Fesh qui a été condamné à mort pour le meurtre d’un agent de police lors d’un braquage. Gracié, il a connu « une fulgurante conversion au Christ ». Il s’agit là essentiellement de son journal et de sa correspondance.
-Si vous avez une idée de l’endroit où le ranger, donnez-la nous, me dit l’employée.
-Je suis comme vous, hésitant. Je vais le prendre, cela va résoudre le problème.
A Saint-Lazare, je trouve place dans le train de dix-sept heures vingt-cinq sans devoir attendre celui de quarante-huit. La jeune femme blonde près de qui je suis assis me demande ce que je lis. Elle cherche « un livre à lire ». Je lui montre la couverture d’Et devant moi, le monde de Joyce Maynard.
-Ce n’est pas un livre récent. Vous connaissez Salinger ?
-Non.
-C’est un écrivain américain. Cette jeune fille a eu une histoire avec lui. C’est ce qu’elle raconte dans son livre.
Elle ne m’en demande pas plus et descend à Vernon.
                                                            *
Un jour comme ça, le contrôleur ne passe pas. Aurais-je voulu être malhonnête que je n’aurais pas composté mes billets et me les serais fait rembourser ultérieurement en racontant que, vu les circonstances, j’avais renoncé à mon escapade.
 

5 avril 2018


Deux mails de la Senecefe m’annoncent que mes trains d’aller et de retour circuleront ce mercredi de grève des cheminots mais que « les conditions de voyage seront difficiles, en raison d’un service très perturbé ». Rien de pire qu’en temps normal.
Il s’agit de dissuader un certain nombre de voyageurs afin que tout n’aille pas trop mal. Je ne me laisse pas intimider et prends le chemin de la gare comme chaque semaine.
J’y trouve, ressemblant à ces champignons qui poussent en rond, un cercle de policiers ferroviaires côtoyant un cercle de gilets rouges. Des deux trains pour Paris, le premier sera direct mais le mien est transformé en omnibus. Je demande à l’une des femmes à gilet rouge si je peux monter dans le premier, bien que mon billet Prem’s soit pour le deuxième.
-Vous pouvez prendre n’importe quel train un jour comme ça, m’apprend-elle.
Ce sept heures vingt-cinq arrive du Havre avec vingt-cinq minutes de retard, il est complet au départ de Rouen mais nul ne voyage debout. Il va sans souci et je suis au Café du Faubourg à neuf heures et demie. J’ai donc le temps de lire tout Le Parisien avant de bookoffier. J’apprends que de plus en plus de médecins, surtout des femmes, sont frappés par leurs patients. Sur la carte, la Seine-Maritime fait partie des départements de tête.
Chez Book-Off, je n’achète que quatre livres à un euro, dont La Filiale de l’enfer (Ecrits de l’émigration) de Joseph Roth (Le Seuil) et Images abolies de Pierre Mac Orlan (Michel de Maule), un recueil de certains de ses articles de presse.
Je vais ensuite au marché d’Aligre où l’un des vendeurs de livres brade à un euro. Dans sa masse de tout-venant, un ouvrage présente de l’intérêt pour moi : Chamfort, biographie écrite par Claude Arnaud (Robert Laffont).
Désirant visiter les expositions en cours au Centre Pompidou avant qu’arrivent les vacances de printemps, je vais pédestrement jusqu’à l’impasse Beaubourg et entre au restaurant chinois New New à midi pile.
                                                *
Conversation entre collègues :
-Bon, à part ça, t’as passé un bon week-end ?
-Oui, ma mère est venue avec son nouveau chéri. On a joué aux cartes, on a écouté de la musique et on a cherché des œufs de Pâques.
 

4 avril 2018


Le ciel est gris, la pluie menace, je n’en attends rien, mais comme il se déroule à deux cents mètres de chez moi, ce dimanche de Pâques qui est aussi le premier avril, je vais voir à quoi ressemble le vide grenier de la Calende organisé par le Comite Cathédr'Halle aux Toiles, lequel annonce entre deux cents et trois cents exposants.
Il n’y en a pas cent, installés sur une place en chantier, entre des barrières et des gravas. Certains déballeurs bénéficient de l’espace libéré par les arbres récemment abattus. La plupart viennent encore des banlieues, pour qui c’est l’espoir de quelque argent nécessaire à la survie.
-Il faut avoir de la chance pour trouver quelque chose, me dit l’un des bouquinistes du Clos Saint-Marc que j’y croise.
J’en témoigne.
                                                       *
Plus tôt ce dimanche, passé minuit, c’est le tintamarre des cloches de la Cathédrale annonçant « Christ est ressuscité ». Ce n’est pas le meilleur poisson d’avril de la journée mais c’est le premier.
                                                      *
La veille, au marché du Clos Saint-Marc, j’ai la chance de trouver le coffret The Glenn Gould Edition de chez Sony Music. Son étui cartonné a pris l’eau mais huit cédés pour cinq euros, je ne peux laisser passer ça.
                                                      *
Lundi de Pâques, encore un de ces jours où j’aurai fait la fermeture d’un bar. Cette fois, c’est Le Vascœuil, place Saint-Marc. A quinze heures trente.
 

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