Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
24 février 2015
Après un été à relire le Journal de Jules Renard, pavé publié chez Bouquins Laffont, aux terrasses du Son du Cor et de l’Interlude, je passe pas mal de jours d’hiver à l’intérieur de l’Ubi et du Guidoline Café pour tapoter à deux doigts sur le clavier ce que j’en ai extrait, mon meilleur, exceptant ce qui est trop connu et qu’on trouvera sur les sites et dans les livres de compilation :
-Avez-vous déjà donné quelque chose aux éditeurs ?
-Oui, mais ils me l’ont bien rendu ! (neuf février mil huit cent quatre-vingt-dix)
Un monsieur très bien, propriétaire d’un palmier en Tunisie. (premier avril mil huit cent quatre-vingt-dix)
Mendès me raconte que Sarcey avoue avoir dit, dans une conférence en Belgique, à un public de jeunes filles et de leurs mères :
-Le jeune homme la baisa…
Puis, se reprenant :
-Je dois vous dire, mesdames, que le mot n’avait pas encore le sens qu’on lui prête aujourd’hui. (treize mai mil huit cent quatre-vingt-treize)
Il renvoyait les cartes de visite en mettant ; « Vu et approuvé. ». (dix janvier mil huit cent quatre-vingt-quatorze)
Pourquoi vous obstinez-vous à vouloir vivre à Paris, chère demoiselle ? Vous feriez si bien dans un bordel en province. (onze janvier mil huit cent quatre-vingt-quatorze)
Un ami de Schwob vient lui emprunter La seconde vie de Michel Tessier.
-Prenez, dit Schwob, mais à la condition que vous ne le rapporterez jamais. (trois février mil huit cent quatre-vingt-quatorze)
Les enfants devraient être des apparitions facultatives. (quatre février mil huit cent quatre-vingt-quatorze)
Il marchait sans bruit, comme un poisson. (quatre février mil huit cent quatre-vingt-quatorze)
Enfin, elle avait fini, nous poussâmes un gros soupir d’applaudissement. (vingt-six février mil huit cent quatre-vingt-quatorze)
Il présentait sa femme en disant : « Mon ordinaire. » (vingt-quatre avril mil huit cent quatre-vingt-quatorze)
Comment se fait-il donc qu’on connaisse toutes les bonnes actions discrètes ? (dix-neuf janvier mil huit cent quatre-vingt-quinze)
Achille et Don Quichotte sont, Dieu merci, assez connus, pour que nous nous dispensions de lire Homère et Cervantès. (treize février mil huit cent quatre-vingt-quinze)
C’est l’heure où sortent des ateliers de petits modèles à suivre. (dix-huit février mil huit cent quatre-vingt-quinze)
(À suivre, oui)
-Avez-vous déjà donné quelque chose aux éditeurs ?
-Oui, mais ils me l’ont bien rendu ! (neuf février mil huit cent quatre-vingt-dix)
Un monsieur très bien, propriétaire d’un palmier en Tunisie. (premier avril mil huit cent quatre-vingt-dix)
Mendès me raconte que Sarcey avoue avoir dit, dans une conférence en Belgique, à un public de jeunes filles et de leurs mères :
-Le jeune homme la baisa…
Puis, se reprenant :
-Je dois vous dire, mesdames, que le mot n’avait pas encore le sens qu’on lui prête aujourd’hui. (treize mai mil huit cent quatre-vingt-treize)
Il renvoyait les cartes de visite en mettant ; « Vu et approuvé. ». (dix janvier mil huit cent quatre-vingt-quatorze)
Pourquoi vous obstinez-vous à vouloir vivre à Paris, chère demoiselle ? Vous feriez si bien dans un bordel en province. (onze janvier mil huit cent quatre-vingt-quatorze)
Un ami de Schwob vient lui emprunter La seconde vie de Michel Tessier.
-Prenez, dit Schwob, mais à la condition que vous ne le rapporterez jamais. (trois février mil huit cent quatre-vingt-quatorze)
Les enfants devraient être des apparitions facultatives. (quatre février mil huit cent quatre-vingt-quatorze)
Il marchait sans bruit, comme un poisson. (quatre février mil huit cent quatre-vingt-quatorze)
Enfin, elle avait fini, nous poussâmes un gros soupir d’applaudissement. (vingt-six février mil huit cent quatre-vingt-quatorze)
Il présentait sa femme en disant : « Mon ordinaire. » (vingt-quatre avril mil huit cent quatre-vingt-quatorze)
Comment se fait-il donc qu’on connaisse toutes les bonnes actions discrètes ? (dix-neuf janvier mil huit cent quatre-vingt-quinze)
Achille et Don Quichotte sont, Dieu merci, assez connus, pour que nous nous dispensions de lire Homère et Cervantès. (treize février mil huit cent quatre-vingt-quinze)
C’est l’heure où sortent des ateliers de petits modèles à suivre. (dix-huit février mil huit cent quatre-vingt-quinze)
(À suivre, oui)
23 février 2015
Oui, Quéréel ne l’est plus (je ne suis pas mécontent de mon jeu de mot qui évite celui que d’un commun accord les gens du cru font ce dimanche matin : Quéréel a pris du champ). Le voilà mort lui aussi, le spécialiste bouffon et autoproclamé de l’œuvre de Marcel, d’un cancer, à soixante-huit ans. C’est vrai que depuis un moment, je ne le voyais plus, se dit-on dans ce cas-là.
Souvent, nous nous croisions au Clos Saint-Marc, les jours de marché, ou alors dans la ruelle quand il faisait conférence devant une poignée de bourgeoises (et passait aussi la nuit) à La Page Blanche, en face de là où j’habite.
Il venait à moi de sa placide démarche d’éléphant rose et me saluait d’un « Comment vas-tu ? », étant une exception en ce qu’il ne me tenait pas rigueur (comme on dit) de toutes les moqueries et méchancetés que j’ai écrites sur son compte. Après l’échange de quelques mots, chacun de nous allait vers son but.
La dernière fois où j’ai discuté un peu longuement avec lui, c’était pour qu’il me raconte la mort de Marcel Duchamp. J’avais une idée derrière la tête. Je voulais savoir si ce qu’écrit et dessine Philippe Katerine dans son livre Doublez votre mémoire (Denoël) était exact, que lorsqu’on a incinéré Marcel on a trouvé dans le tas de cendres ses clés qui étaient restées dans sa poche. C’était vrai. Je lui ai demandé s’il connaissait Katerine. Non, évidemment.
Me levant à six heures, je ne le verrai plus à travers ma fenêtre, déjà debout dans l’appartement d’en face, installé à une table, un livre ouvert devant lui, l’image même de la solitude. Resteront aussi les bons souvenirs, quand j’étais bien accompagné, de la visite guidée de Rouen érotique, à l’occasion de la sortie de son livre sur le sujet, et de la journée passée à Nolléval en son Cimetière Mondial de l’Art, du déjeuner sur l’herbe après l'enterrement de quelques œuvres.
A ton tour d’être incinéré, Quéréel. Que trouvera-t-on dans ton tas de cendres ?
Souvent, nous nous croisions au Clos Saint-Marc, les jours de marché, ou alors dans la ruelle quand il faisait conférence devant une poignée de bourgeoises (et passait aussi la nuit) à La Page Blanche, en face de là où j’habite.
Il venait à moi de sa placide démarche d’éléphant rose et me saluait d’un « Comment vas-tu ? », étant une exception en ce qu’il ne me tenait pas rigueur (comme on dit) de toutes les moqueries et méchancetés que j’ai écrites sur son compte. Après l’échange de quelques mots, chacun de nous allait vers son but.
La dernière fois où j’ai discuté un peu longuement avec lui, c’était pour qu’il me raconte la mort de Marcel Duchamp. J’avais une idée derrière la tête. Je voulais savoir si ce qu’écrit et dessine Philippe Katerine dans son livre Doublez votre mémoire (Denoël) était exact, que lorsqu’on a incinéré Marcel on a trouvé dans le tas de cendres ses clés qui étaient restées dans sa poche. C’était vrai. Je lui ai demandé s’il connaissait Katerine. Non, évidemment.
Me levant à six heures, je ne le verrai plus à travers ma fenêtre, déjà debout dans l’appartement d’en face, installé à une table, un livre ouvert devant lui, l’image même de la solitude. Resteront aussi les bons souvenirs, quand j’étais bien accompagné, de la visite guidée de Rouen érotique, à l’occasion de la sortie de son livre sur le sujet, et de la journée passée à Nolléval en son Cimetière Mondial de l’Art, du déjeuner sur l’herbe après l'enterrement de quelques œuvres.
A ton tour d’être incinéré, Quéréel. Que trouvera-t-on dans ton tas de cendres ?
21 février 2015
Analyses de sang et d’urine, m’a prescrit le médecin mardi matin. A la prise de rendez-vous au laboratoire, la secrétaire m’explique qu’il s’agit de récolter toute l’urine de vingt-quatre heures. Elle sort pour ce faire un bidon en plastique de deux litres sur lequel elle écrit mon nom, puis m’en donne un autre en m’expliquant que c’est parfois nécessaire.
Jeudi, je passe ma journée à uriner dans le bidon, m’étonnant moi-même d’être capable de suivre une telle consigne et ce vendredi matin à six heures je peux enfin cesser. Question quantité, mon résultat est moyen : un litre quatre cents. Je ne suis pas de ceux qui ont besoin d’un second bidon. Pour la qualité, on verra à l’analyse.
A sept heures et quart, dans une semi obscurité, je contourne la Cathédrale mon sac en plastique au bout du bras (rien de plus louche qu’un individu dans mon genre un bidon empli d’un liquide jaunâtre à la main près d’un lieu de culte à une heure où la patrouille militaro-policière du plan Vigipirate rouge renforcé dort encore).
J’offre ma récolte à la dame du labo. Elle constate que je n’ai utilisé qu’un bidon et m’annonce que le résultat ne sera disponible qu’à partir de jeudi car cela va à Paris. J’enchaîne avec la prise de sang.
*
Je préfère faire pipi dans la nature, au pied d’un arbre, dans un bosquet ou sur une araignée. A défaut de nature, sur un mur, celui d’une école, d’une église ou d’une salle des fêtes, comme cela m’arrive souvent au matin d’un vide grenier dans ces villages démunis de toilettes publiques.
L’été dernier, une mienne connaissance féminine s’énervait à propos d’un tiers qui se soulageait (comme on dit) dans le jardin d’une maison de vacances. C’était intolérable.
Elle se plaignait de ce que les hommes ne se cachent pas assez pour uriner au bord des routes. Depuis, quand il m’arrive de le faire au hasard de mes déplacements en voiture, je ne peux m’empêcher de penser à elle.
Jeudi, je passe ma journée à uriner dans le bidon, m’étonnant moi-même d’être capable de suivre une telle consigne et ce vendredi matin à six heures je peux enfin cesser. Question quantité, mon résultat est moyen : un litre quatre cents. Je ne suis pas de ceux qui ont besoin d’un second bidon. Pour la qualité, on verra à l’analyse.
A sept heures et quart, dans une semi obscurité, je contourne la Cathédrale mon sac en plastique au bout du bras (rien de plus louche qu’un individu dans mon genre un bidon empli d’un liquide jaunâtre à la main près d’un lieu de culte à une heure où la patrouille militaro-policière du plan Vigipirate rouge renforcé dort encore).
J’offre ma récolte à la dame du labo. Elle constate que je n’ai utilisé qu’un bidon et m’annonce que le résultat ne sera disponible qu’à partir de jeudi car cela va à Paris. J’enchaîne avec la prise de sang.
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Je préfère faire pipi dans la nature, au pied d’un arbre, dans un bosquet ou sur une araignée. A défaut de nature, sur un mur, celui d’une école, d’une église ou d’une salle des fêtes, comme cela m’arrive souvent au matin d’un vide grenier dans ces villages démunis de toilettes publiques.
L’été dernier, une mienne connaissance féminine s’énervait à propos d’un tiers qui se soulageait (comme on dit) dans le jardin d’une maison de vacances. C’était intolérable.
Elle se plaignait de ce que les hommes ne se cachent pas assez pour uriner au bord des routes. Depuis, quand il m’arrive de le faire au hasard de mes déplacements en voiture, je ne peux m’empêcher de penser à elle.
20 février 2015
Ah ! la charmante chose
Quitter un pays morose
Pour Paris
Paris joli
Qu’un jour dût créer l’Amour. écrivait Guillaume Apollinaire et chantait Angelika Kirchschlager l’autre semaine à l’Opéra de Rouen sur une musique de Francis Poulenc.
Ce mercredi matin, c’est le merle qui chante dans les arbres au-dessus de la statue de Flaubert lorsque je passe par là, en chemin vers la gare. Le train direct de sept heures vingt-trois doit m’emmener à la capitale dans le meilleur délai.
Malheureusement, il s’arrête à Gaillon. Le conducteur nous annonce « une personne étendue sur les voies » puis un peu plus tard que « nous repartons normalement ». C’est une fausse joie, déçue par un nouvel arrêt à Vernon. Une voyageuse en liaison avec le train précédant nous apprend qu’il s’agit d’un suicide. « Ça repart », nous annonce au bout d’un moment le conducteur, qui un peu plus tard précise qu’« une personne s’est jetée du pont de l’Europe sur les voies », raison pour laquelle on n’avance pas vite. J’ai le temps de bien voir le nouveau portrait mural de Zola à Médan.
C’est avec quarante-cinq minutes de retard que nous arrivons à Saint-Lazare, ce dont s’excuse le chef de bord en évoquant « un suicide », puis se reprenant, « une tentative de suicide », laissant entendre que celui qui s’est jeté s’est raté. En conséquence, comme on dit à la Senecefe, je ne suis pas en avance mais exactement à l’heure pour l’ouverture des portes du Book-Off du Faubourg Saint-Antoine.
J’y reste deux bonnes heures puis vais faire un tour au marché d’Aligre où j’achète les Souvenirs indiscrets de Natalie Clifford Barney (Flammarion) et Femmes de la Rive Gauche (Paris, 1900-1940) (des femmes), dans lequel outre Natalie Barney sont évoquées toutes les personnalités homosexuelles américaines de cette époque, à un bouquiniste qui semble avoir un besoin impérieux de mon billet de cinq euros.
A treize heures moins cinq, je suis de retour devant chez Book-Off, le point de rendez-vous avec Philippe Dumez. Nous devons déjeuner ensemble, profitant que ce mercredi il n’ait pas piscine, c’est jour de vidange. Je ne le vois pas venir et commence à m’inquiéter. C’est alors qu’il surgit en Vélib’. Il m’explique qu’il s’est trompé de Book-Off et vient de faire la traversée de la moitié de Paris à fond en vingt-cinq minutes grillant quelques feux rouges. Il est pourtant aussi frais que s’il sortait de son bureau. Je lui propose La Grille, place d’Aligre. Nous y déjeunons d’un tagine de poulet suivi d’un tiramisu (écrit tiramitsou sur l’ardoise, ce qui me fait songer au chat de Balthus) et échangeons sur les sujets qui nous intéressent jusqu’à ce qu’une réunion de travail l’appelle. Avant qu’on se sépare, je lui offre Le Manuel de survie de David Borgenicht et Joshua Piven (Hors Collection), il en a besoin.
C’est en bus Vingt que je rejoins le Book-Off de l’Opéra, admirant l’exploit de mon commensal pédaleur. Au rayon des romans à un euro, je crois reconnaître l’une de mes amies du réseau social Effe Bé mais comme elle ne sourcille pas à mon approche, je me garde de l’aborder.
Mon train de retour étant supprimé en raison d’une mystérieuse grève dont les syndicats doutent (d’après eux il manque du personnel en raison des vacances d’hiver), je dois attendre le suivant, lequel s’arrête à toutes les gares intermédiaires. Il a bien du mal à atteindre Rouen. Quand je crois toucher au but, il se bloque longuement dans le dernier tunnel sans qu’aucune information ne nous soit donnée. Personne ne bronche. Un notable rouennais s’étonne de ce que les gens soient si résignés.
*
Une fille et ses parents Chez Léon.
La mère, excédée :
-Tu veux aller vivre à la campagne dans le Sud. Tu veux aller vivre dans une grande ville au Canada. Tu te contredis sans cesse.
-C’est parce que je me cherche.
*
C’était bien elle chez Book-Off, apprends-je le lendemain. M’a point vu ou point reconnu. Dans un cas comme dans l’autre, ce n’est pas à mon avantage.
Quitter un pays morose
Pour Paris
Paris joli
Qu’un jour dût créer l’Amour. écrivait Guillaume Apollinaire et chantait Angelika Kirchschlager l’autre semaine à l’Opéra de Rouen sur une musique de Francis Poulenc.
Ce mercredi matin, c’est le merle qui chante dans les arbres au-dessus de la statue de Flaubert lorsque je passe par là, en chemin vers la gare. Le train direct de sept heures vingt-trois doit m’emmener à la capitale dans le meilleur délai.
Malheureusement, il s’arrête à Gaillon. Le conducteur nous annonce « une personne étendue sur les voies » puis un peu plus tard que « nous repartons normalement ». C’est une fausse joie, déçue par un nouvel arrêt à Vernon. Une voyageuse en liaison avec le train précédant nous apprend qu’il s’agit d’un suicide. « Ça repart », nous annonce au bout d’un moment le conducteur, qui un peu plus tard précise qu’« une personne s’est jetée du pont de l’Europe sur les voies », raison pour laquelle on n’avance pas vite. J’ai le temps de bien voir le nouveau portrait mural de Zola à Médan.
C’est avec quarante-cinq minutes de retard que nous arrivons à Saint-Lazare, ce dont s’excuse le chef de bord en évoquant « un suicide », puis se reprenant, « une tentative de suicide », laissant entendre que celui qui s’est jeté s’est raté. En conséquence, comme on dit à la Senecefe, je ne suis pas en avance mais exactement à l’heure pour l’ouverture des portes du Book-Off du Faubourg Saint-Antoine.
J’y reste deux bonnes heures puis vais faire un tour au marché d’Aligre où j’achète les Souvenirs indiscrets de Natalie Clifford Barney (Flammarion) et Femmes de la Rive Gauche (Paris, 1900-1940) (des femmes), dans lequel outre Natalie Barney sont évoquées toutes les personnalités homosexuelles américaines de cette époque, à un bouquiniste qui semble avoir un besoin impérieux de mon billet de cinq euros.
A treize heures moins cinq, je suis de retour devant chez Book-Off, le point de rendez-vous avec Philippe Dumez. Nous devons déjeuner ensemble, profitant que ce mercredi il n’ait pas piscine, c’est jour de vidange. Je ne le vois pas venir et commence à m’inquiéter. C’est alors qu’il surgit en Vélib’. Il m’explique qu’il s’est trompé de Book-Off et vient de faire la traversée de la moitié de Paris à fond en vingt-cinq minutes grillant quelques feux rouges. Il est pourtant aussi frais que s’il sortait de son bureau. Je lui propose La Grille, place d’Aligre. Nous y déjeunons d’un tagine de poulet suivi d’un tiramisu (écrit tiramitsou sur l’ardoise, ce qui me fait songer au chat de Balthus) et échangeons sur les sujets qui nous intéressent jusqu’à ce qu’une réunion de travail l’appelle. Avant qu’on se sépare, je lui offre Le Manuel de survie de David Borgenicht et Joshua Piven (Hors Collection), il en a besoin.
C’est en bus Vingt que je rejoins le Book-Off de l’Opéra, admirant l’exploit de mon commensal pédaleur. Au rayon des romans à un euro, je crois reconnaître l’une de mes amies du réseau social Effe Bé mais comme elle ne sourcille pas à mon approche, je me garde de l’aborder.
Mon train de retour étant supprimé en raison d’une mystérieuse grève dont les syndicats doutent (d’après eux il manque du personnel en raison des vacances d’hiver), je dois attendre le suivant, lequel s’arrête à toutes les gares intermédiaires. Il a bien du mal à atteindre Rouen. Quand je crois toucher au but, il se bloque longuement dans le dernier tunnel sans qu’aucune information ne nous soit donnée. Personne ne bronche. Un notable rouennais s’étonne de ce que les gens soient si résignés.
*
Une fille et ses parents Chez Léon.
La mère, excédée :
-Tu veux aller vivre à la campagne dans le Sud. Tu veux aller vivre dans une grande ville au Canada. Tu te contredis sans cesse.
-C’est parce que je me cherche.
*
C’était bien elle chez Book-Off, apprends-je le lendemain. M’a point vu ou point reconnu. Dans un cas comme dans l’autre, ce n’est pas à mon avantage.
19 février 2015
Ce mardi soir, je suis de nouveau sur une chaise de premier rang à l’Opéra où accentus donne concert, lequel sera enregistré comme l’indiquent les micros de toutes sortes dressés sur la scène ; le chœur de Laurence Equilbey prépare un cédé consacré à Bruno Mantovani, né en soixante-quatorze.
Derrière moi, on étudie le programme et on s’en effraie : « C’est très contemporain et y a de l’accordéon». Mon écharpe sur la chaise à ma droite garde sa place à l’homme au chapeau. Lorsqu’il arrive je lui dis qu’il ne s’agit pas de faire du bruit pendant le concert aujourd’hui, manquerait plus qu’on entende sa toux sur le disque de Laurence.
Deux photographes prennent place sur les deux bords du plateau ainsi qu’un homme de caméra. Le chœur s’installe et la cheffe lance Sechs geistliche Lieder (six chants sacrés) mis en musique par le romantique Hugo Wolf. Le contraste est flagrant lorsqu’on en vient aux Vier geistliche Gedichte (quatre poèmes religieux) mis en musique par Bruno Mantovani et dirigés par le chef en second, Pieter-Jelle de Boer. Le point commun est l’auteur des textes, Joseph von Eichendorff. D’où je suis, impossible de lire les surtitrages en français et je m‘en réjouis.
Le désordre vocal ordonné de Mantovani n’est pas du goût de tout le monde comme je le constate à l’entracte. L’un se plaint à un autre de cette musique qui n’est ni mélodie ni harmonie :
- Ça tient à la fois du caquetage de poulailler et du rap de cité.
Son ami n’est pas d’accord et lui répond qu’il est là pour découvrir des nouveautés, pas pour entendre toujours le même genre de musique. Avant, il était à Lille, où certains dans le public huaient le compositeur lorsqu’ils n’aimaient pas sa musique. Ici, dit-il, ce ne sera pas le cas ; à Rouen on est poli.
Pendant ce temps, un olibrius suivi d’une caméra et d’un micro poilu interroge des spectatrices et spectateurs, une sorte de sosie d’Alexandre Jardin jeune, à qui je prédis une carrière de comique de télévision. J’échappe à ça mais l'homme au chapeau fait partie des élu(e)s. Il me dit que le jeune agité lui a posé des questions sur la musique contemporaine. C’est pour une vidéo.
-C’est vrai que Laurence est aussi sur YouTube, lui dis-je. Elle est venue avec tout son matériel et tout son personnel.
Elle revient avec son accordéoniste et une violoncelliste pour diriger la Cantate numéro quatre « Komm, Jesu komm » de Mantovani, une composition qui plaît autant à mon voisin qu’à moi. Le compositeur, monté sur scène, est applaudi par tout le monde comme il est d’usage à Rouen. Pour finir, et ça en achève certain(e)s, est donné Astralis de Wolfgang Rihm, né en cinquante-quatre, composition qui, nous a dit la cheffe, doit être chantée pianissimo.
A l’annonce du bonus, une chanson de Brahms, l’une au premier rang se réjouit que cela va être moins lugubre, mais Laurence Equilbey, se retournant, la détrompe : « C’est encore une histoire de rupture. »
*
En avant programme auquel j’ai échappé, les élèves des ateliers « Chantons avec accentus » montraient ce qu’ils et elles ont appris. Là encore, il s’agissait d’une « restitution ».
*
« Etudiant ? Arts visuels et plastiques, graphisme, design, arts appliqués, cinéma, animation… Réalise un clip/une pochette pour le prochain disque d’accentus à paraître chez naïve. Prix du clip : 1er prix 400 €. Prix du visuel : 1er prix 400 €. » (flayeur distribué avec le livret programme)
Ce qui s’appelle avoir le sens des affaires.
Derrière moi, on étudie le programme et on s’en effraie : « C’est très contemporain et y a de l’accordéon». Mon écharpe sur la chaise à ma droite garde sa place à l’homme au chapeau. Lorsqu’il arrive je lui dis qu’il ne s’agit pas de faire du bruit pendant le concert aujourd’hui, manquerait plus qu’on entende sa toux sur le disque de Laurence.
Deux photographes prennent place sur les deux bords du plateau ainsi qu’un homme de caméra. Le chœur s’installe et la cheffe lance Sechs geistliche Lieder (six chants sacrés) mis en musique par le romantique Hugo Wolf. Le contraste est flagrant lorsqu’on en vient aux Vier geistliche Gedichte (quatre poèmes religieux) mis en musique par Bruno Mantovani et dirigés par le chef en second, Pieter-Jelle de Boer. Le point commun est l’auteur des textes, Joseph von Eichendorff. D’où je suis, impossible de lire les surtitrages en français et je m‘en réjouis.
Le désordre vocal ordonné de Mantovani n’est pas du goût de tout le monde comme je le constate à l’entracte. L’un se plaint à un autre de cette musique qui n’est ni mélodie ni harmonie :
- Ça tient à la fois du caquetage de poulailler et du rap de cité.
Son ami n’est pas d’accord et lui répond qu’il est là pour découvrir des nouveautés, pas pour entendre toujours le même genre de musique. Avant, il était à Lille, où certains dans le public huaient le compositeur lorsqu’ils n’aimaient pas sa musique. Ici, dit-il, ce ne sera pas le cas ; à Rouen on est poli.
Pendant ce temps, un olibrius suivi d’une caméra et d’un micro poilu interroge des spectatrices et spectateurs, une sorte de sosie d’Alexandre Jardin jeune, à qui je prédis une carrière de comique de télévision. J’échappe à ça mais l'homme au chapeau fait partie des élu(e)s. Il me dit que le jeune agité lui a posé des questions sur la musique contemporaine. C’est pour une vidéo.
-C’est vrai que Laurence est aussi sur YouTube, lui dis-je. Elle est venue avec tout son matériel et tout son personnel.
Elle revient avec son accordéoniste et une violoncelliste pour diriger la Cantate numéro quatre « Komm, Jesu komm » de Mantovani, une composition qui plaît autant à mon voisin qu’à moi. Le compositeur, monté sur scène, est applaudi par tout le monde comme il est d’usage à Rouen. Pour finir, et ça en achève certain(e)s, est donné Astralis de Wolfgang Rihm, né en cinquante-quatre, composition qui, nous a dit la cheffe, doit être chantée pianissimo.
A l’annonce du bonus, une chanson de Brahms, l’une au premier rang se réjouit que cela va être moins lugubre, mais Laurence Equilbey, se retournant, la détrompe : « C’est encore une histoire de rupture. »
*
En avant programme auquel j’ai échappé, les élèves des ateliers « Chantons avec accentus » montraient ce qu’ils et elles ont appris. Là encore, il s’agissait d’une « restitution ».
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« Etudiant ? Arts visuels et plastiques, graphisme, design, arts appliqués, cinéma, animation… Réalise un clip/une pochette pour le prochain disque d’accentus à paraître chez naïve. Prix du clip : 1er prix 400 €. Prix du visuel : 1er prix 400 €. » (flayeur distribué avec le livret programme)
Ce qui s’appelle avoir le sens des affaires.
18 février 2015
Ce lundi seize, je quitte le Puy de Dôme et attaque les Pyrénées, première étape les Atlantiques. Soixante-quatre ans, ce n’est pas excitant.
Heureusement, bientôt arrive celle venue de Paris pour l’occasion avec qui je prends un thé. Elle m’offre le meilleur cadeau qui soit : les deux volumes des Lettres au Castor et à quelques autres de Jean-Paul Sartre, dont j’entreprendrai la lecture quand j’en aurai terminé avec le volume deux des Lettres à Sartre de Simone de Beauvoir.
A midi, nous mettons le cap sur Le Cap vers…, restaurant de la rue de République aux allures de brasserie dont la cuisine est l’objet de bonnes critiques. J’y ai retenu une table. Celle qui nous échoit est idéalement située en retrait, contre la vitre. Nous pouvons parler tranquillement.
Je commande deux kirs royaux et nous optons pour deux menus à vingt-quatre euros quatre-vingt-dix, dont l’un, hasard heureux, nous est offert par ATwoPrix.com : œuf cocotte pour elle, foie gras maison pour moi, Saint-Jacques au chorizo avec frites maison pour nous deux, cela fort bon, et pour finir un honnête dessert : le gourmand aux pommes. Le chablis conseillé par la sociable serveuse s’avère délicieux et à l’issue la bouteille est vide comme le constate le chef : « Alors, on n’a rien laissé pour le petit personnel ? »
C’est un endroit populaire comme on les aime, où les habitué(e)s embrassent le personnel petit et grand. Nous sommes heureux de constater que nous nous entendons toujours aussi bien et je le suis de ce repas d’anniversaire.
Après une courte sieste à la maison, il lui faut repartir. Demain sera un autre jour qu’elle passera à travailler sur un mystérieux projet dans une campagne proche d’Amsterdam. De mon côté, la journée commencera par une visite chez le médecin qui j’espère ne me confortera pas dans l’idée que les Pyrénées-Atlantiques ne me valent rien. Je me souviens trop bien de la clavicule cassée à Espelette.
Heureusement, bientôt arrive celle venue de Paris pour l’occasion avec qui je prends un thé. Elle m’offre le meilleur cadeau qui soit : les deux volumes des Lettres au Castor et à quelques autres de Jean-Paul Sartre, dont j’entreprendrai la lecture quand j’en aurai terminé avec le volume deux des Lettres à Sartre de Simone de Beauvoir.
A midi, nous mettons le cap sur Le Cap vers…, restaurant de la rue de République aux allures de brasserie dont la cuisine est l’objet de bonnes critiques. J’y ai retenu une table. Celle qui nous échoit est idéalement située en retrait, contre la vitre. Nous pouvons parler tranquillement.
Je commande deux kirs royaux et nous optons pour deux menus à vingt-quatre euros quatre-vingt-dix, dont l’un, hasard heureux, nous est offert par ATwoPrix.com : œuf cocotte pour elle, foie gras maison pour moi, Saint-Jacques au chorizo avec frites maison pour nous deux, cela fort bon, et pour finir un honnête dessert : le gourmand aux pommes. Le chablis conseillé par la sociable serveuse s’avère délicieux et à l’issue la bouteille est vide comme le constate le chef : « Alors, on n’a rien laissé pour le petit personnel ? »
C’est un endroit populaire comme on les aime, où les habitué(e)s embrassent le personnel petit et grand. Nous sommes heureux de constater que nous nous entendons toujours aussi bien et je le suis de ce repas d’anniversaire.
Après une courte sieste à la maison, il lui faut repartir. Demain sera un autre jour qu’elle passera à travailler sur un mystérieux projet dans une campagne proche d’Amsterdam. De mon côté, la journée commencera par une visite chez le médecin qui j’espère ne me confortera pas dans l’idée que les Pyrénées-Atlantiques ne me valent rien. Je me souviens trop bien de la clavicule cassée à Espelette.
17 février 2015
Une chaise au premier rang, décentrée, pour voir de biais ce qui se passe sur le plateau, c’est ma place samedi soir quatorze février à l’Opéra de Rouen. La salle est dans une semi obscurité, pas moyen de lire le livret programme. Je sais seulement que Teresa De Keersmaeker et Boris Charmatz font faire duo dansant sur une chorégraphie de la première et la musique de Johan Sebastian Bach, Partita numéro deux, jouée par Amandine Beyer. C’est un spectacle en co-accueil avec le Hangar Vingt-Trois. Le plateau est nu, à l’état brut, faisant apparaître les boîtiers électriques, les extincteurs et les tuyaux d’incendie. Levant la tête, je vois au plus haut des cintres, à me croire dans une cathédrale.
L’obscurité devient complète. Amandine Beyer apparaît, fantomatique, jouant de son violon suffisamment longtemps pour qu’on oublie qu’on est venu pour de la danse. Brusquement, elle s’éclipse côté cour, ce qui suscite quelques applaudissements. La lumière revient apportant avec elle Teresa De Keersmaeker et Boris Charmatz.
Leur duo est d’abord sans musique puis la violoniste revient et se plante en fond de scène, musicienne de rue au djine retroussé. Teresa De Keersmaeker et Boris Charmatz font ce qu’il faut. J’aime particulièrement le moment où l’un(e) couché(e) suit comme son ombre le déplacement de l’autre debout.
Cela se termine avec beaucoup d’applaudissements et un court bonus à l’avant-scène. A la sortie, l’un dit que c’était exactement ce à quoi il s’attendait. Pour moi aussi et je sais gré au trio de m’avoir fait oublier la fête du jour pendant une heure et quart.
*
Dans un an, c’en sera fait du Hangar Vingt-Trois, raison d’économie dit la Mairie de Rouen, dit Paris Normandie. Encore un lieu qui va disparaître, où j’aurai connu des moments de bonheur, bien accompagné ou en solitaire.
Les spectacles se dérouleront ailleurs, notamment dans le futur auditorium du lycée Corneille. Christine Argelès, Première Adjointe chargée de la Culture, redécouvre les vertus du centre-ville, qualifiant ce fichu Hangar de lieu « énergivore, peu accessible, coûteux et pas fait pour ».
Conséquemment, l’Opéra de Rouen s’est vu retirer la gestion de l’auditorium, ce futur lieu « performant, confortable et accessible ».
*
Le même journal, ce lundi, donne la parole à l’équipe technique du Hangar Vingt-Trois, non consultée par les politicien(ne)s avant la prise de décision. Le fichu Hangar y est présenté sous un autre angle :
« C’est l’un des plus gros plateaux de la région, il a la même taille que celui de l’opéra, 22 m sur 15. Il sert d’ailleurs parfois à celui-ci, comme lors des auditions pour le nouveau chef d’orchestre. Le CDN aussi s’en est servi parfois quand son plateau ne permettait pas l’accueil de certaines productions. Le 11 janvier dernier, le conservatoire a pour la première fois pu réunir en même temps ses classes de danse, d’art dramatique et l’orchestre. C’est absurde de se priver d’un tel outil. »
Quant à la Chapelle du Lycée Corneille, elle ne serait pas adaptée à la musique amplifiée :
« C’est un endroit magnifique mais il y a une réverbération énorme, de 7 secondes. La boule magique est censée la réduire entre 1 et 2 secondes, mais cela nécessitera tout de même de grosses recherches en acoustique. »
D’où des travaux supplémentaires à prévoir, pour un coût « énorme ».
L’obscurité devient complète. Amandine Beyer apparaît, fantomatique, jouant de son violon suffisamment longtemps pour qu’on oublie qu’on est venu pour de la danse. Brusquement, elle s’éclipse côté cour, ce qui suscite quelques applaudissements. La lumière revient apportant avec elle Teresa De Keersmaeker et Boris Charmatz.
Leur duo est d’abord sans musique puis la violoniste revient et se plante en fond de scène, musicienne de rue au djine retroussé. Teresa De Keersmaeker et Boris Charmatz font ce qu’il faut. J’aime particulièrement le moment où l’un(e) couché(e) suit comme son ombre le déplacement de l’autre debout.
Cela se termine avec beaucoup d’applaudissements et un court bonus à l’avant-scène. A la sortie, l’un dit que c’était exactement ce à quoi il s’attendait. Pour moi aussi et je sais gré au trio de m’avoir fait oublier la fête du jour pendant une heure et quart.
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Dans un an, c’en sera fait du Hangar Vingt-Trois, raison d’économie dit la Mairie de Rouen, dit Paris Normandie. Encore un lieu qui va disparaître, où j’aurai connu des moments de bonheur, bien accompagné ou en solitaire.
Les spectacles se dérouleront ailleurs, notamment dans le futur auditorium du lycée Corneille. Christine Argelès, Première Adjointe chargée de la Culture, redécouvre les vertus du centre-ville, qualifiant ce fichu Hangar de lieu « énergivore, peu accessible, coûteux et pas fait pour ».
Conséquemment, l’Opéra de Rouen s’est vu retirer la gestion de l’auditorium, ce futur lieu « performant, confortable et accessible ».
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Le même journal, ce lundi, donne la parole à l’équipe technique du Hangar Vingt-Trois, non consultée par les politicien(ne)s avant la prise de décision. Le fichu Hangar y est présenté sous un autre angle :
« C’est l’un des plus gros plateaux de la région, il a la même taille que celui de l’opéra, 22 m sur 15. Il sert d’ailleurs parfois à celui-ci, comme lors des auditions pour le nouveau chef d’orchestre. Le CDN aussi s’en est servi parfois quand son plateau ne permettait pas l’accueil de certaines productions. Le 11 janvier dernier, le conservatoire a pour la première fois pu réunir en même temps ses classes de danse, d’art dramatique et l’orchestre. C’est absurde de se priver d’un tel outil. »
Quant à la Chapelle du Lycée Corneille, elle ne serait pas adaptée à la musique amplifiée :
« C’est un endroit magnifique mais il y a une réverbération énorme, de 7 secondes. La boule magique est censée la réduire entre 1 et 2 secondes, mais cela nécessitera tout de même de grosses recherches en acoustique. »
D’où des travaux supplémentaires à prévoir, pour un coût « énorme ».
16 février 2015
Ce samedi c’est journée portes ouvertes au Conservatoire de Rouen et je n’ai pas envie de m’y rendre mais apprenant par le programme qu’il existe un tunnel passant sous l’avenue de la Porte des Champs afin de relier cette industrieuse maison avec la Chapelle du Collège Fontenelle, je change d’avis. J’ai un faible pour les tunnels depuis ma lecture enfantine d’Enid Blyton.
Après l’averse, je franchis les portes coulissantes et trouve, tout de suite à gauche, l’entrée de ce mystérieux passage souterrain. Un aimable vigile m’en ouvre la porte. Je descends quelques marches, me voici dans le tunnel.
Comme il se doit, il en tombe des gouttes d’eau et l’on s’y sent un peu oppressé malgré qu’un artiste l’ait enjolivé de tasseaux de bois peints en vert harmonieusement disposés contre les parois de béton et qu’un autre ait agrémenté le carrelage d’une mosaïque marron.
Las, je suis déçu à la sortie. Je m’imaginais déboucher dans la sacristie mais c’est dans la cour du Collège que j’arrive.
Je marche donc sur le macadam mouillé pour rejoindre la Chapelle qui, elle aussi, est portes ouvertes. A l’intérieur, devant une poignée d’auditrices et d’auditeurs, se dépense une bande de trombonistes constituée de quelques filles et de beaucoup de garçons originaires de Strasbourg et de Rouen en répétition publique pour leur concert de fin d’après-midi.
J’écoute un peu puis repasse sous l’avenue de la Porte des Champs et, puisque je suis là, parcours les couloirs du Conservatoire. Ceux-ci sont complètement encombrés par les familles soucieuses d’inscrire leur descendance du bon côté de la société. Impossible de pénétrer dans les salles où se déroulent concerts, théâtre et danse. Je renonce et rentre avant l’averse suivante.
*
Enfin pris le temps de faire le tour de l’exposition des dessins au stylo bille noir à rond blanc intriguant de François Trocquet à la MAM Galerie, dont j’avais manqué le vernissage, trop mouillé et fatigué après la manifestation rouennaise du dix janvier. Sûrement que j’aurais eu des choses intelligentes à en dire ce jour-là.
*
Au café Le Grand Saint-Marc : « T’étais là le dimanche matin où Béatrice Dalle est venue boire un coup ici ? Au début, j’ai hésité mais je l’ai reconnue à ses dents. Bon, elle a un peu forci, c’est sûr, mais elle a toujours sa bouche, comment dire ? Pulpeuse. Elle était là parce qu’elle faisait un truc de théâtre avec des jeunes de Rouen. Sympa et tout. Elle s’est laissée photographier avec deux filles qui prenaient un café. A la fin, c’est elle qui a payé pour tout le monde. Elle a fait une carte. »
Après l’averse, je franchis les portes coulissantes et trouve, tout de suite à gauche, l’entrée de ce mystérieux passage souterrain. Un aimable vigile m’en ouvre la porte. Je descends quelques marches, me voici dans le tunnel.
Comme il se doit, il en tombe des gouttes d’eau et l’on s’y sent un peu oppressé malgré qu’un artiste l’ait enjolivé de tasseaux de bois peints en vert harmonieusement disposés contre les parois de béton et qu’un autre ait agrémenté le carrelage d’une mosaïque marron.
Las, je suis déçu à la sortie. Je m’imaginais déboucher dans la sacristie mais c’est dans la cour du Collège que j’arrive.
Je marche donc sur le macadam mouillé pour rejoindre la Chapelle qui, elle aussi, est portes ouvertes. A l’intérieur, devant une poignée d’auditrices et d’auditeurs, se dépense une bande de trombonistes constituée de quelques filles et de beaucoup de garçons originaires de Strasbourg et de Rouen en répétition publique pour leur concert de fin d’après-midi.
J’écoute un peu puis repasse sous l’avenue de la Porte des Champs et, puisque je suis là, parcours les couloirs du Conservatoire. Ceux-ci sont complètement encombrés par les familles soucieuses d’inscrire leur descendance du bon côté de la société. Impossible de pénétrer dans les salles où se déroulent concerts, théâtre et danse. Je renonce et rentre avant l’averse suivante.
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Enfin pris le temps de faire le tour de l’exposition des dessins au stylo bille noir à rond blanc intriguant de François Trocquet à la MAM Galerie, dont j’avais manqué le vernissage, trop mouillé et fatigué après la manifestation rouennaise du dix janvier. Sûrement que j’aurais eu des choses intelligentes à en dire ce jour-là.
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Au café Le Grand Saint-Marc : « T’étais là le dimanche matin où Béatrice Dalle est venue boire un coup ici ? Au début, j’ai hésité mais je l’ai reconnue à ses dents. Bon, elle a un peu forci, c’est sûr, mais elle a toujours sa bouche, comment dire ? Pulpeuse. Elle était là parce qu’elle faisait un truc de théâtre avec des jeunes de Rouen. Sympa et tout. Elle s’est laissée photographier avec deux filles qui prenaient un café. A la fin, c’est elle qui a payé pour tout le monde. Elle a fait une carte. »
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