Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
20 février 2017
L’autre lundi, vers neuf heures, un bruit de moteur m’amène à regarder ce qui se passe dans la ruelle. Un camion a réussi à reculer jusqu'à sous mes fenêtres. Ce n’est pas son moteur que j’entends, mais celui d’un groupe électrogène. Deux ouvriers serruriers y branchent une disqueuse avec laquelle, en quelques minutes, ils découpent la grille de jardin et le portail de la copropriété d’en face. Ils chargent les morceaux sur la plate-forme du camion et s’en vont.
Comme il serait facile d’entrer dans une propriété privée ainsi entourée, à la campagne, loin d’un voisinage susceptible d’être intrigué par le bruit, me dis-je. On se croit protégé et il n’en est rien.
Un peu plus tard, le même camion recule à nouveau dans la venelle, porteur des panneaux de la nouvelle grille. Les serruriers commencent par tronçonner la branche principale du seul arbre du minuscule jardin (elle gênait), puis ils vissent les panneaux dans le muret de pierre et les solidarisent entre eux.
Cette nouvelle grille ressemble à la précédente mais s’y ajoutent à son sommet des piques qui empêcheront de l’escalader et de passer par-dessus. J’ai vu autrefois un facteur remplaçant, n’ayant pas trouvé le bouton de sortie du jardin, se lancer ainsi au péril de sa vie après avoir jeté sa sacoche dans la rue.
Les serruriers s’en vont sans avoir mis le nouveau portail. Le lendemain matin, ils sont de retour pour ce faire mais quand je reviens de courses, j’ai la surprise de les voir déjà partis. Ce qui m’étonne encore plus, c’est qu’ils ont démonté et emporté tout ce qu’ils avaient installé.
Depuis une semaine, des grillages provisoires dissuadent d’entrer dans l’immeuble d’en face. Est-ce une procédure normale ou la conséquence d’une bévue qui oblige à reprendre le travail en atelier, je ne sais.
Ce qui est sûr, c’est que la pose puis la dépose des panneaux colorés sur la façade du Cent Huit, futur Hôtel de la Matmutropole, est la conséquence d’un mélange des pièces du peuzeule dont on ne s’est aperçu qu’au moment où presque tout était installé. Des jours de labeur pour rien qui amènent chacun à citer le proverbe « Faire et défaire, c’est toujours travailler » (que l’on attribue toujours à sa grand-mère).
Comme il serait facile d’entrer dans une propriété privée ainsi entourée, à la campagne, loin d’un voisinage susceptible d’être intrigué par le bruit, me dis-je. On se croit protégé et il n’en est rien.
Un peu plus tard, le même camion recule à nouveau dans la venelle, porteur des panneaux de la nouvelle grille. Les serruriers commencent par tronçonner la branche principale du seul arbre du minuscule jardin (elle gênait), puis ils vissent les panneaux dans le muret de pierre et les solidarisent entre eux.
Cette nouvelle grille ressemble à la précédente mais s’y ajoutent à son sommet des piques qui empêcheront de l’escalader et de passer par-dessus. J’ai vu autrefois un facteur remplaçant, n’ayant pas trouvé le bouton de sortie du jardin, se lancer ainsi au péril de sa vie après avoir jeté sa sacoche dans la rue.
Les serruriers s’en vont sans avoir mis le nouveau portail. Le lendemain matin, ils sont de retour pour ce faire mais quand je reviens de courses, j’ai la surprise de les voir déjà partis. Ce qui m’étonne encore plus, c’est qu’ils ont démonté et emporté tout ce qu’ils avaient installé.
Depuis une semaine, des grillages provisoires dissuadent d’entrer dans l’immeuble d’en face. Est-ce une procédure normale ou la conséquence d’une bévue qui oblige à reprendre le travail en atelier, je ne sais.
Ce qui est sûr, c’est que la pose puis la dépose des panneaux colorés sur la façade du Cent Huit, futur Hôtel de la Matmutropole, est la conséquence d’un mélange des pièces du peuzeule dont on ne s’est aperçu qu’au moment où presque tout était installé. Des jours de labeur pour rien qui amènent chacun à citer le proverbe « Faire et défaire, c’est toujours travailler » (que l’on attribue toujours à sa grand-mère).
18 février 2017
Un petit train tranquille sans guère de passagers m’emmène à Dieppe ce vendredi matin. A l’arrivée, je réserve la seule table ronde du restaurant La Musardière où l’on ne cuisine que des produits frais puis je vais boire un café au Tout Va Bien. Un peu après onze heures m’y rejoint le trio en vacances dans le coin. Pour une fois, je fête mon l’anniversaire en famille.
Avant ce déjeuner festif, j’emmène l’enfant et ses parents découvrir le quartier du Pollet. Nous y signons la pétition pour la sauvegarde de la Poste sise dans un bâtiment typique des années cinquante. Au marché des pêcheurs, mes invités demandent le prix des huîtres pied de cheval.
-Cinquante centimes pièce, leur répond-on.
Plus qu’à aller déposer le sac lourd dans le coffre de la voiture (treize pour le prix de dix).
Le coquetèle d’apéritif de La Musardière est un peu décevant mais la cuisine rattrape cela. L’une et moi-même avons opté pour les fruits de mer suivis d’un plat de poisson. Celui qui a choisi le vin (un sauvignon un peu trop frais) mange un tourteau. L’enfant dévore des moules à la crème et des frites de la maison. En dessert, ce sont deux crèmes brûlées, une tarte fine et une glace à la fraise. Quand même, nous sommes restés deux heures et demi à table, constatons-nous à la sortie.
J’emmène le trio jusqu’au numéro vingt-quatre de la rue des Maillots. Au Service Communication de la Ville de Dieppe se tient une exposition des photos que prend depuis son vaisseau spatial l’astronome Thomas Pesquet, enfant du pays. On y voit notamment la ville et son port. Je sers de secrétaire à l’enfant qui ne peut encore écrire elle-même sur le livre d’or : « C’est joli. C’est sympa. Ça m’intéresse l’espace. » Après qu’elle a écrit son nom et son âge, une employée lui offre des marque-pages représentant des demi poissons à rapprocher l’un de l’autre. De notre côté, nous puisons dans ceux qu’a édités la Ville de Dieppe à partir des photos de l’exposition.
Il est temps d’aller voir la mer de près et sa plage de galets où l’enfant découvre des œufs de dinosaure. Impossible de s'engager sur la jetée, la dernière tempête a emporté une partie de la rambarde. Après une halte au Café de la Marine, il est l’heure de se séparer. Le trio rejoint son gîte rural en voiture tandis qu’un petit train tranquille plus fréquenté que celui de l’aller me reconduit à Rouen. Dans mon sac se trouvent un petit cadeau qui se mange et un dessin d’enfant au verso d’une carte postale dieppoise.
*
Les tabs évoqués (ou évoquées) par Andy Warhol dans son Journal ont fait cogiter plusieurs de mes lecteurs et lectrices.
Un premier a trouvé cette phrase sur le net: « Mind that the effects can be slowed down by fatty food and alcohol you take prior to the tab... », qui se traduit par: « Gardez à l'esprit que si vous prenez le comprimé après avoir pris des aliments gras et de l'alcool les effets peuvent être ralentis... ». Il serait plausible, en déduit-il, que ces messieurs dames, soucieux de leur ligne, se soient équipés de tablettes qui auraient la vertu d'annihiler les effets nocifs de l'alcool et des graisses quand ils mangeaient au restau...
Une deuxième m’indique que les tabs sont les languettes amovibles des canettes d'aluminium et que cela pourrait par métonymie désigner ces canettes elles-mêmes.
Une troisième va dans le même sens en m’apprenant que Tab est une marque de soda en canette appartenant à Coca Cola, l’ancêtre du Coca Light.
Un quatrième penche du côté de l’erreur de traduction : « To pick up the tab » signifiant « Payer l'addition ».
*
Les traducteurs du Journal de Warhol sont deux: Jérôme Jacobs et Jean-Sébastien Stelhi. Le second travaille maintenant au Figaro. Je vais tenter de le contacter pour avoir le fin mot de cette histoire (comme on dit).
*
Que Trump paie l’addition, ce ne serait que justice.
Avant ce déjeuner festif, j’emmène l’enfant et ses parents découvrir le quartier du Pollet. Nous y signons la pétition pour la sauvegarde de la Poste sise dans un bâtiment typique des années cinquante. Au marché des pêcheurs, mes invités demandent le prix des huîtres pied de cheval.
-Cinquante centimes pièce, leur répond-on.
Plus qu’à aller déposer le sac lourd dans le coffre de la voiture (treize pour le prix de dix).
Le coquetèle d’apéritif de La Musardière est un peu décevant mais la cuisine rattrape cela. L’une et moi-même avons opté pour les fruits de mer suivis d’un plat de poisson. Celui qui a choisi le vin (un sauvignon un peu trop frais) mange un tourteau. L’enfant dévore des moules à la crème et des frites de la maison. En dessert, ce sont deux crèmes brûlées, une tarte fine et une glace à la fraise. Quand même, nous sommes restés deux heures et demi à table, constatons-nous à la sortie.
J’emmène le trio jusqu’au numéro vingt-quatre de la rue des Maillots. Au Service Communication de la Ville de Dieppe se tient une exposition des photos que prend depuis son vaisseau spatial l’astronome Thomas Pesquet, enfant du pays. On y voit notamment la ville et son port. Je sers de secrétaire à l’enfant qui ne peut encore écrire elle-même sur le livre d’or : « C’est joli. C’est sympa. Ça m’intéresse l’espace. » Après qu’elle a écrit son nom et son âge, une employée lui offre des marque-pages représentant des demi poissons à rapprocher l’un de l’autre. De notre côté, nous puisons dans ceux qu’a édités la Ville de Dieppe à partir des photos de l’exposition.
Il est temps d’aller voir la mer de près et sa plage de galets où l’enfant découvre des œufs de dinosaure. Impossible de s'engager sur la jetée, la dernière tempête a emporté une partie de la rambarde. Après une halte au Café de la Marine, il est l’heure de se séparer. Le trio rejoint son gîte rural en voiture tandis qu’un petit train tranquille plus fréquenté que celui de l’aller me reconduit à Rouen. Dans mon sac se trouvent un petit cadeau qui se mange et un dessin d’enfant au verso d’une carte postale dieppoise.
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Les tabs évoqués (ou évoquées) par Andy Warhol dans son Journal ont fait cogiter plusieurs de mes lecteurs et lectrices.
Un premier a trouvé cette phrase sur le net: « Mind that the effects can be slowed down by fatty food and alcohol you take prior to the tab... », qui se traduit par: « Gardez à l'esprit que si vous prenez le comprimé après avoir pris des aliments gras et de l'alcool les effets peuvent être ralentis... ». Il serait plausible, en déduit-il, que ces messieurs dames, soucieux de leur ligne, se soient équipés de tablettes qui auraient la vertu d'annihiler les effets nocifs de l'alcool et des graisses quand ils mangeaient au restau...
Une deuxième m’indique que les tabs sont les languettes amovibles des canettes d'aluminium et que cela pourrait par métonymie désigner ces canettes elles-mêmes.
Une troisième va dans le même sens en m’apprenant que Tab est une marque de soda en canette appartenant à Coca Cola, l’ancêtre du Coca Light.
Un quatrième penche du côté de l’erreur de traduction : « To pick up the tab » signifiant « Payer l'addition ».
*
Les traducteurs du Journal de Warhol sont deux: Jérôme Jacobs et Jean-Sébastien Stelhi. Le second travaille maintenant au Figaro. Je vais tenter de le contacter pour avoir le fin mot de cette histoire (comme on dit).
*
Que Trump paie l’addition, ce ne serait que justice.
17 février 2017
En feuilletant ce jeudi le Journal d’Andy Warhol avant de lui trouver une place dans ma bibliothèque, j’ai l’œil attiré par un nom qui ne me disait rien quand j’ai lu l’ouvrage et qui depuis est devenu mondialement connu : Trump.
Nul doute que si ma lecture avait été postérieure de quelques mois, ce passage, daté du vendredi vingt-quatre avril mil neuf cent quatre-vingt-un, aurait fait partie de mes prélèvements, même si on n’y apprend rien d’extraordinaire :
Je devais rencontrer Donald Trump au bureau (taxi $4,50). Marc Balet avait organisé cette rencontre. (…) Il prépare un catalogue pour toutes les boutiques de l’atrium de la Trump Tower. Il a dit à Donald Trump que je devrais faire un portrait de l’immeuble qui serait accroché au-dessus de la porte de la partie résidentielle. Alors ils sont venus parler de ça. Donald Trump est vraiment beau. Une fille dénommée Evans était avec lui ainsi qu’une autre femme. C’était très étrange, ces gens sont tellement riches. Ils ont parlé de l’achat d’un immeuble hier 500 millions de dollars ou à peu près. Ils se sont extasiés sur le déjeuner de chez Balducci, mais ils ont seulement picoré. J’imagine que c’est parce qu’ils vont dans tant d’endroits où il y a à manger. Ils ne boivent pas, ils n’ont pris que des tabs. C’est un type massif. Rien n’est décidé, mais je vais quand même faire quelques toiles et leur montrer.
La suite est à la date du lundi premier juin :
J’ai vu Marc Balet pour lui montrer mon esquisse de la Trump Tower. Marc a fait en sorte que mon tableau figure en couverture du catalogue qu’il prépare. Comme ça les Trump finiraient par avoir ce tableau de l’immeuble. C’est une bonne idée, non ?
Je ne trouve pas le nom de Trump dans les pages suivantes. Je ne sais s’il est encore question de lui plus tard. Je ne manquerai pas de le remarquer si un jour je relis de la première à la dernière page ce Journal d’Andy Warhol publié par Grasset.
*
Que sont ces tabs ? Une recherche me laisse sans réponse. Des amuse-bouches ?
*
En deux mille trente, il y aura à Rouen une place Andy-Warhol dans l’éco-quartier Flaubert. Ainsi en ont décidé celles et ceux qui ont voté pour élire douze personnalités parmi les soixante proposées par la Mairie afin d’en faire des noms de rues et de places.. Dans ce choix final, il y a des gloires locales, des gloires nationales et des gloires internationales. Et surtout la parité homme/femme est parfaitement respectée. C’est magique.
Parmi les femmes choisies : Berthe Morisot, Camille Claudel, Frida Kahlo, Sonia Delaunay, Niki de Saint-Phalle et Olympe de Gouge.
Nul doute que si ma lecture avait été postérieure de quelques mois, ce passage, daté du vendredi vingt-quatre avril mil neuf cent quatre-vingt-un, aurait fait partie de mes prélèvements, même si on n’y apprend rien d’extraordinaire :
Je devais rencontrer Donald Trump au bureau (taxi $4,50). Marc Balet avait organisé cette rencontre. (…) Il prépare un catalogue pour toutes les boutiques de l’atrium de la Trump Tower. Il a dit à Donald Trump que je devrais faire un portrait de l’immeuble qui serait accroché au-dessus de la porte de la partie résidentielle. Alors ils sont venus parler de ça. Donald Trump est vraiment beau. Une fille dénommée Evans était avec lui ainsi qu’une autre femme. C’était très étrange, ces gens sont tellement riches. Ils ont parlé de l’achat d’un immeuble hier 500 millions de dollars ou à peu près. Ils se sont extasiés sur le déjeuner de chez Balducci, mais ils ont seulement picoré. J’imagine que c’est parce qu’ils vont dans tant d’endroits où il y a à manger. Ils ne boivent pas, ils n’ont pris que des tabs. C’est un type massif. Rien n’est décidé, mais je vais quand même faire quelques toiles et leur montrer.
La suite est à la date du lundi premier juin :
J’ai vu Marc Balet pour lui montrer mon esquisse de la Trump Tower. Marc a fait en sorte que mon tableau figure en couverture du catalogue qu’il prépare. Comme ça les Trump finiraient par avoir ce tableau de l’immeuble. C’est une bonne idée, non ?
Je ne trouve pas le nom de Trump dans les pages suivantes. Je ne sais s’il est encore question de lui plus tard. Je ne manquerai pas de le remarquer si un jour je relis de la première à la dernière page ce Journal d’Andy Warhol publié par Grasset.
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Que sont ces tabs ? Une recherche me laisse sans réponse. Des amuse-bouches ?
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En deux mille trente, il y aura à Rouen une place Andy-Warhol dans l’éco-quartier Flaubert. Ainsi en ont décidé celles et ceux qui ont voté pour élire douze personnalités parmi les soixante proposées par la Mairie afin d’en faire des noms de rues et de places.. Dans ce choix final, il y a des gloires locales, des gloires nationales et des gloires internationales. Et surtout la parité homme/femme est parfaitement respectée. C’est magique.
Parmi les femmes choisies : Berthe Morisot, Camille Claudel, Frida Kahlo, Sonia Delaunay, Niki de Saint-Phalle et Olympe de Gouge.
16 février 2017
Train au ralenti, métro au ralenti, même pas le temps, ce mercredi, de lire Le Parisien au comptoir du Café du Faubourg avant l’ouverture de Book-Off, comme s’il ne fallait pas, en ce lendemain de Saint Valentin qui ne me concerne plus, aller trop vite vers l'achèvement de mes soixante-cinq ans. C’est un moment un peu difficile à passer. Chaque année de prise me rapproche dangereusement de la fin. Parti de Rouen juste après une averse, le soleil de Paris m’aide à chasser les idées noires.
Je suis encore déçu par l’espace livres de Book-Off où il faudrait lancer une opération Book-In tant les rayonnages sont devenus indigents depuis quelques semaines. Au marché d’Aligre, les habituels vendeurs de livres ne renouvellement pas davantage leur stock et celui qui les vendait un euro a doublé son prix. Quand même, un brocanteur propose quelques livres d’art dont l’un m’attire. Je le feuillette.
-Très intéressant, me dit-il, j’en voulais huit, mais je vous le laisse à cinq.
Une vieille technique qui empêche l’éventuel acheteur de demander moins.
-Je le prends, lui dis-je..
-J’aurai même pas eu le temps de le lire, L’Art de l’œil, veut-il me faire croire.
La pArt de l’œil est une revue annuelle belge. Son titre est calligraphié, la lettre a écrite en capitale. Il l’a regardé un peu vite. Le numéro Dix que je lui achète est consacré à Bataille et les arts plastiques. Il date de mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.
A midi, je déjeune d’un confit de canard, pommes rissolées, quart de côtes-du-rhône, café, à treize euros quatre-vingt-dix, au Péhemmu chinois.
-Vous n’avez pas froid, me demande la gentille serveuse.
Oh non, il fait vraiment doux. Dans la rue du Faubourg-Saint-Antoine passent des branlotines en ticheurte. En avril, ne te découvre pas d’un fil mais à mi-février, tu peux y aller.
Voulant moi aussi profiter de cet avant printemps, je rejoins pédestrement le jardin des Plantes par l’avenue Ledru-Rollin et le pont d’Austerlitz d’où je fais une photo de la Seine, côté Notre-Dame, afin de certifier le ciel bleu.
Que de monde au jardin, que de familles en pique-nique, que de grands-mères gardant leurs petits-enfants pendant les vacances et quel beau temps ! Cela mérite un petit téléphonage à maman : « Oui, on est assis sur un banc, au soleil ». J’y suis aussi, lisant les Lettres de Gertrud Kolmar, une activité que je poursuis dans le train du retour.
Il fait beau également à Rouen quand j’y arrive en fin d’après-midi. Trois voitures de la Police dévalent la rue de la Jeanne à contresens sirènes hurlantes vers la rive gauche où se tient le deuxième rassemblement contre les violences policières organisé par une poignée de jeunes gens dont le but est de se friter avec la Police dans un bel effet de gaz lacrymogène, de vitrines brisées et d’incendie de poubelles.
Aux terrasses du Flo’s et du Socrate, là où a eu lieu la première manche, des jeunes gens plus nombreux jouissent de la douceur vespérale. « Ça fait du bien de voir du monde en terrasse », commente une commerçante voisine.
*
Ce jeudi seize février deux mille dix-sept, c’est le premier jour de ma dernière année pyrénéenne, La traversée des Pyrénées-Orientales, si tout se passe bien, débouche sur la plaine d’Alsace.
Je suis encore déçu par l’espace livres de Book-Off où il faudrait lancer une opération Book-In tant les rayonnages sont devenus indigents depuis quelques semaines. Au marché d’Aligre, les habituels vendeurs de livres ne renouvellement pas davantage leur stock et celui qui les vendait un euro a doublé son prix. Quand même, un brocanteur propose quelques livres d’art dont l’un m’attire. Je le feuillette.
-Très intéressant, me dit-il, j’en voulais huit, mais je vous le laisse à cinq.
Une vieille technique qui empêche l’éventuel acheteur de demander moins.
-Je le prends, lui dis-je..
-J’aurai même pas eu le temps de le lire, L’Art de l’œil, veut-il me faire croire.
La pArt de l’œil est une revue annuelle belge. Son titre est calligraphié, la lettre a écrite en capitale. Il l’a regardé un peu vite. Le numéro Dix que je lui achète est consacré à Bataille et les arts plastiques. Il date de mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.
A midi, je déjeune d’un confit de canard, pommes rissolées, quart de côtes-du-rhône, café, à treize euros quatre-vingt-dix, au Péhemmu chinois.
-Vous n’avez pas froid, me demande la gentille serveuse.
Oh non, il fait vraiment doux. Dans la rue du Faubourg-Saint-Antoine passent des branlotines en ticheurte. En avril, ne te découvre pas d’un fil mais à mi-février, tu peux y aller.
Voulant moi aussi profiter de cet avant printemps, je rejoins pédestrement le jardin des Plantes par l’avenue Ledru-Rollin et le pont d’Austerlitz d’où je fais une photo de la Seine, côté Notre-Dame, afin de certifier le ciel bleu.
Que de monde au jardin, que de familles en pique-nique, que de grands-mères gardant leurs petits-enfants pendant les vacances et quel beau temps ! Cela mérite un petit téléphonage à maman : « Oui, on est assis sur un banc, au soleil ». J’y suis aussi, lisant les Lettres de Gertrud Kolmar, une activité que je poursuis dans le train du retour.
Il fait beau également à Rouen quand j’y arrive en fin d’après-midi. Trois voitures de la Police dévalent la rue de la Jeanne à contresens sirènes hurlantes vers la rive gauche où se tient le deuxième rassemblement contre les violences policières organisé par une poignée de jeunes gens dont le but est de se friter avec la Police dans un bel effet de gaz lacrymogène, de vitrines brisées et d’incendie de poubelles.
Aux terrasses du Flo’s et du Socrate, là où a eu lieu la première manche, des jeunes gens plus nombreux jouissent de la douceur vespérale. « Ça fait du bien de voir du monde en terrasse », commente une commerçante voisine.
*
Ce jeudi seize février deux mille dix-sept, c’est le premier jour de ma dernière année pyrénéenne, La traversée des Pyrénées-Orientales, si tout se passe bien, débouche sur la plaine d’Alsace.
15 février 2017
Suite et fin des prélèvements effectués lors de ma lecture du Journal d’Andy Warhol (Grasset) :
Stuart est vraiment étrange. Complètement noué. Il était tout excité, parce qu’une nettoyeuse de tuyauterie allait passer. C’est comme ça qu’il appelle les filles qui viennent chez lui faire l’amour. (Dimanche cinq octobre mil neuf cent quatre-vingt-six)
J’ai reçu l’Enquirer avec Sean et Madonna sur la une, c’était sur Martin, comment il avait partagé un appartement avec Madonna, comment il avait le sida maintenant. Martin m’a appelé. Ça doit être vraiment atroce de lire un article sur soi qui raconte qu’on est en train de mourir. (Lundi treize octobre mil neuf cent quatre-vingt-six)
Diane (von Furstenberg) a suivi le chemin de Marilyn en épousant une personne pour son nom, maintenant elle sort avec le type qui va écrire un livre sur elle. (Mardi vingt et un octobre mil neuf cent quatre-vingt-six)
Thanksgiving. Le téléphone a sonné. C’était Wilfredo disant qu’il ne pourrait pas venir avec nous nourrir les pauvres, qu’il allait dans sa famille dans le New Jersey. (Jeudi vingt-sept novembre mil neuf cent quatre-vingt-six)
Ensuite Jean-Michel a appelé. (…) Il a raconté que son père écrivait un livre. Il a ajouté : « Il n’est même pas drogué, comment peut-il écrire un livre ? Sur quoi ? » C’est la première fois que j’entends Jean-Michel dire quelque chose de drôle. (Même jour)
Ou Ethel s’est fait faire trop de lifting ou elle a une attaque, je ne sais pas. (Jeudi onze décembre mil neuf cent quatre-vingt-six)
Reçu un tas d’appels pour aller à des réveillons mais j’ai décidé de simplement rester chez moi et j’ai adoré. (Jeudi vingt-cinq décembre mil neuf cent quatre-vingt-six)
Mon ambition, si je devais vraiment avoir un lifting, serait d’en ressortir comme Debbie Harry. (Dimanche vingt-huit décembre mil neuf cent quatre-vingt-six)
Bruno a voulu s’asseoir à côté de Robert Mapplethorpe mais pas moi. Il est malade. Je me suis assis à une autre place. (Vendredi seize janvier mil neuf cent quatre-vingt-sept)
Michelle Loud est venue travailler. Elle rentre de vacances. Elle a cousu à la machine toutes les photos porno que j’ai prises, mais il faut que j’appelle le bureau pour leur dire de les cacher parce que tous les gosses qui y traînent – ceux de Interview que je ne connais même pas – me dénonceraient sans doute à la police. (Mardi vingt-sept janvier mil neuf cent quatre-vingt-sept)
*
Le samedi quatorze février mil neuf cent quatre-vingt-sept, il y a exactement trente ans, Andy Warhol se met à souffrir violemment de la vésicule biliaire. Le médecin lui demande de se faire opérer. La suite racontée par Pat Hackett :
Le jeudi, lorsque Andy a répondu au téléphone à 9 heures du matin, il respirait fortement. Il m’a dit qu’il avait vu le Dr Cox et qu’il allait « là-bas » pour « le » faire faire (la crainte d’Andy vis-à-vis des hôpitaux et des opérations était telle qu’il ne pouvait se résoudre à prononcer les mots précis) parce qu’« ils m’ont dit que j’allais mourir si je ne le faisais pas ». Il a ajouté qu’il reprendrait le Journal une fois que « ce » serait fini, qu’il appellerait de « là-bas ».
Le vendredi 20 février, Andy a été admis au service des urgences du New York Hospital. Le samedi, sa vésicule lui a été retirée. Il a semblé bien se remettre de l’opération –il a regardé la télévision et téléphoné à des amis. Mais tôt le dimanche matin, pour des raisons demeurées litigieuses, il est décédé.
*
Ouiquipédia sur ce sujet : « Il meurt dans son sommeil d'une attaque cardiaque probablement victime de ses excès (prise régulière de produits anorexigènes pour perdre du poids mais aussi d'amphétamines pour réduire le sommeil). » (Il avait cinquante-huit ans.)
Stuart est vraiment étrange. Complètement noué. Il était tout excité, parce qu’une nettoyeuse de tuyauterie allait passer. C’est comme ça qu’il appelle les filles qui viennent chez lui faire l’amour. (Dimanche cinq octobre mil neuf cent quatre-vingt-six)
J’ai reçu l’Enquirer avec Sean et Madonna sur la une, c’était sur Martin, comment il avait partagé un appartement avec Madonna, comment il avait le sida maintenant. Martin m’a appelé. Ça doit être vraiment atroce de lire un article sur soi qui raconte qu’on est en train de mourir. (Lundi treize octobre mil neuf cent quatre-vingt-six)
Diane (von Furstenberg) a suivi le chemin de Marilyn en épousant une personne pour son nom, maintenant elle sort avec le type qui va écrire un livre sur elle. (Mardi vingt et un octobre mil neuf cent quatre-vingt-six)
Thanksgiving. Le téléphone a sonné. C’était Wilfredo disant qu’il ne pourrait pas venir avec nous nourrir les pauvres, qu’il allait dans sa famille dans le New Jersey. (Jeudi vingt-sept novembre mil neuf cent quatre-vingt-six)
Ensuite Jean-Michel a appelé. (…) Il a raconté que son père écrivait un livre. Il a ajouté : « Il n’est même pas drogué, comment peut-il écrire un livre ? Sur quoi ? » C’est la première fois que j’entends Jean-Michel dire quelque chose de drôle. (Même jour)
Ou Ethel s’est fait faire trop de lifting ou elle a une attaque, je ne sais pas. (Jeudi onze décembre mil neuf cent quatre-vingt-six)
Reçu un tas d’appels pour aller à des réveillons mais j’ai décidé de simplement rester chez moi et j’ai adoré. (Jeudi vingt-cinq décembre mil neuf cent quatre-vingt-six)
Mon ambition, si je devais vraiment avoir un lifting, serait d’en ressortir comme Debbie Harry. (Dimanche vingt-huit décembre mil neuf cent quatre-vingt-six)
Bruno a voulu s’asseoir à côté de Robert Mapplethorpe mais pas moi. Il est malade. Je me suis assis à une autre place. (Vendredi seize janvier mil neuf cent quatre-vingt-sept)
Michelle Loud est venue travailler. Elle rentre de vacances. Elle a cousu à la machine toutes les photos porno que j’ai prises, mais il faut que j’appelle le bureau pour leur dire de les cacher parce que tous les gosses qui y traînent – ceux de Interview que je ne connais même pas – me dénonceraient sans doute à la police. (Mardi vingt-sept janvier mil neuf cent quatre-vingt-sept)
*
Le samedi quatorze février mil neuf cent quatre-vingt-sept, il y a exactement trente ans, Andy Warhol se met à souffrir violemment de la vésicule biliaire. Le médecin lui demande de se faire opérer. La suite racontée par Pat Hackett :
Le jeudi, lorsque Andy a répondu au téléphone à 9 heures du matin, il respirait fortement. Il m’a dit qu’il avait vu le Dr Cox et qu’il allait « là-bas » pour « le » faire faire (la crainte d’Andy vis-à-vis des hôpitaux et des opérations était telle qu’il ne pouvait se résoudre à prononcer les mots précis) parce qu’« ils m’ont dit que j’allais mourir si je ne le faisais pas ». Il a ajouté qu’il reprendrait le Journal une fois que « ce » serait fini, qu’il appellerait de « là-bas ».
Le vendredi 20 février, Andy a été admis au service des urgences du New York Hospital. Le samedi, sa vésicule lui a été retirée. Il a semblé bien se remettre de l’opération –il a regardé la télévision et téléphoné à des amis. Mais tôt le dimanche matin, pour des raisons demeurées litigieuses, il est décédé.
*
Ouiquipédia sur ce sujet : « Il meurt dans son sommeil d'une attaque cardiaque probablement victime de ses excès (prise régulière de produits anorexigènes pour perdre du poids mais aussi d'amphétamines pour réduire le sommeil). » (Il avait cinquante-huit ans.)
14 février 2017
Vendredi samedi dimanche, c’est Grand Déstockage au local de la ressourcerie Resistes de Darnétal, une association que je connais jusqu’à présent uniquement par ses quelques ventes rouennaises à la Halle aux Toiles. On y annonce des livres.
Aucune explication n’est donnée sur la manière de s’y rendre en bus. Je demande par mail. « Vous prenez le T3 arrêt Mairie de Darnétal. Ensuite 5 minutes à pied », me répond-on. Ce que je fais vendredi en début d’après-midi dans un Té Trois comme toujours surchargé où je trouve néanmoins place assise.
Descendu devant la Mairie, je demande à une autochtone comment rejoindre la rue de Waddington. Sur ses indications, je contourne la Mairie et ai la surprise d’arriver à l’église devant laquelle je me garais quand j’allais au vide grenier du lieu en voiture. Je n’ai aucune vision d’ensemble de ces communes de la banlieue de Rouen. Au feu, je continue tout droit. Une fumeuse sortie de son atelier pour se livrer à son vice veut m’envoyer à gauche dans ce qu’elle appelle la côte de Waddington. J’ai un doute. Je rebrousse et entre dans une brasserie à menu ouvrier dont les vitres sont couvertes de vapeur. Une jolie fille à ordinateur s’y est réfugiée pour travailler. Le patron me remet dans le droit chemin. A droite en sortant puis ce sera à gauche à quatre cents mètres, vous ne pouvez pas le rater.
Le hangar de la ressourcerie Resistes est dans une zone artisanale un peu décatie. A l’intérieur du bâtiment, on se croirait chez Emmaüs. Les livres sont dans une salle au fond. J’explore les rayons mais ne trouve rien qui puisse me plaire. La brocante ne peut me retenir, je n’achète plus aucun objet.
C’est donc bredouille que je reprends un Té Trois et heureusement que je suis en règle car à l’arrêt Martainville l’attend une escouade de contrôleurs renforcée de policiers chargés de bloquer ceux qui descendent. Se déplacer avec les transports en commun de la Matmutropole est toujours une épreuve.
*
La ressourcerie Resistes a pour habitude de peser les achats que l’on y fait afin de calculer l’économie de gaz carbonique qu’engendre le réemploi de ce qu’elle propose. Dans le calcul n’entrent pas les émissions de gaz carbonique produites lors du transport des meubles ou objets jusqu’au hangar de Darnétal, ni celles produites par les acheteurs pour y aller et en revenir.
Un meuble ou un objet t’embarrasse. Tu le mets dans la rue. Un(e) passant(e) le récupère. Zéro émission de Cého Deux.
*
La semaine dernière, je m’inscris via Weezevent Commerce Electronique (comme il est obligatoire) pour la visite de chantier du futur Hôtel de la Matmutropole proposée au début du Mois de l’Architecture. A l’issue, je découvre qu’il faut imprimer le billet gratuit.
Je téléphone à la Maison de l’Architecture de Rouen, organisatrice de l’évènement, et explique à celle qui décroche que je n’ai pas d’imprimante. « Il est obligatoire d’avoir le billet imprimé avec soi », me dit-elle. « Ou alors, vous pourrez montrer ce billet sur votre téléphone », ajoute-t-elle. Je lui apprends que je n’ai pas davantage de téléphone portatif. « Alors vous ne pourrez pas entrer », me dit-elle sèchement. Je raccroche sans lui dire au revoir.
Croyez-vous que cette personne m’aurait proposé de passer dans sa Maison de l’Architecture (laquelle est ouverte au public) pour y imprimer mon billet ? Que nenni.
Aucune explication n’est donnée sur la manière de s’y rendre en bus. Je demande par mail. « Vous prenez le T3 arrêt Mairie de Darnétal. Ensuite 5 minutes à pied », me répond-on. Ce que je fais vendredi en début d’après-midi dans un Té Trois comme toujours surchargé où je trouve néanmoins place assise.
Descendu devant la Mairie, je demande à une autochtone comment rejoindre la rue de Waddington. Sur ses indications, je contourne la Mairie et ai la surprise d’arriver à l’église devant laquelle je me garais quand j’allais au vide grenier du lieu en voiture. Je n’ai aucune vision d’ensemble de ces communes de la banlieue de Rouen. Au feu, je continue tout droit. Une fumeuse sortie de son atelier pour se livrer à son vice veut m’envoyer à gauche dans ce qu’elle appelle la côte de Waddington. J’ai un doute. Je rebrousse et entre dans une brasserie à menu ouvrier dont les vitres sont couvertes de vapeur. Une jolie fille à ordinateur s’y est réfugiée pour travailler. Le patron me remet dans le droit chemin. A droite en sortant puis ce sera à gauche à quatre cents mètres, vous ne pouvez pas le rater.
Le hangar de la ressourcerie Resistes est dans une zone artisanale un peu décatie. A l’intérieur du bâtiment, on se croirait chez Emmaüs. Les livres sont dans une salle au fond. J’explore les rayons mais ne trouve rien qui puisse me plaire. La brocante ne peut me retenir, je n’achète plus aucun objet.
C’est donc bredouille que je reprends un Té Trois et heureusement que je suis en règle car à l’arrêt Martainville l’attend une escouade de contrôleurs renforcée de policiers chargés de bloquer ceux qui descendent. Se déplacer avec les transports en commun de la Matmutropole est toujours une épreuve.
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La ressourcerie Resistes a pour habitude de peser les achats que l’on y fait afin de calculer l’économie de gaz carbonique qu’engendre le réemploi de ce qu’elle propose. Dans le calcul n’entrent pas les émissions de gaz carbonique produites lors du transport des meubles ou objets jusqu’au hangar de Darnétal, ni celles produites par les acheteurs pour y aller et en revenir.
Un meuble ou un objet t’embarrasse. Tu le mets dans la rue. Un(e) passant(e) le récupère. Zéro émission de Cého Deux.
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La semaine dernière, je m’inscris via Weezevent Commerce Electronique (comme il est obligatoire) pour la visite de chantier du futur Hôtel de la Matmutropole proposée au début du Mois de l’Architecture. A l’issue, je découvre qu’il faut imprimer le billet gratuit.
Je téléphone à la Maison de l’Architecture de Rouen, organisatrice de l’évènement, et explique à celle qui décroche que je n’ai pas d’imprimante. « Il est obligatoire d’avoir le billet imprimé avec soi », me dit-elle. « Ou alors, vous pourrez montrer ce billet sur votre téléphone », ajoute-t-elle. Je lui apprends que je n’ai pas davantage de téléphone portatif. « Alors vous ne pourrez pas entrer », me dit-elle sèchement. Je raccroche sans lui dire au revoir.
Croyez-vous que cette personne m’aurait proposé de passer dans sa Maison de l’Architecture (laquelle est ouverte au public) pour y imprimer mon billet ? Que nenni.
13 février 2017
Une nouvelle fois en fond de corbeille à l’Opéra de Rouen, ce jeudi soir, j’ai comme voisine l’une de mes anciennes collègues de l’école maternelle du quartier Saint-Sever où la même année nous finîmes notre carrière (comme on dit) . Elle me raconte qu’elle est allée récemment à la Chapelle Corneille et heureusement qu’elle était au deuxième rang car une amie à elle, assise plus loin, ne pouvait voir que la chanteuse (debout) et pas du tout les musiciens (assis). Elle ne compte pas y retourner. Ici, nous sommes dans une salle en amphithéâtre et avons bonne vue sur le plateau dans son ensemble.
Le Ballet de l’Opéra de Lyon doit danser trois fois La Grande Fugue (Die Grosse Fuge) de Ludwig van Beethoven dans des chorégraphies dues à des pointures de la discipline, la musique nécessaire à chaque prestation provenant d’un enregistrement différent.
Pour commencer, c’est la pièce pour douze danseurs (moitié filles, moitié garçons) de Lucinda Childs assistée de Caitlin Scranton, une création de deux mille seize, tout ce que je n’aime pas en danse, du néoclassique qui suit servilement la musique de Ludwig van. Que de sauts de biche, il ne manque que les tutus.
A l’entracte, un spectateur inconnu de moi vient me parler :
-Alors vous avez inventé une nouvelle discipline olympique ? Pas trop d’hématomes ?
-Non, aucun, et je ne vais pas recommencer.
A la reprise, c’est la pièce pour huit danseurs (six garçons et deux filles en noir et blanc) d’Anne Teresa De Keersmaeker, dont la création remonte à mil neuf cent quatre-vingt-douze. J’aime cette danse vigoureuse qui n’est pas assujettie à la musique tout en en faisant grand cas.
-Voilà qui est beaucoup mieux, dis-je à ma voisine.
Elle partage mon point de vue.
-J’aime beaucoup la façon dont ils chutent, me dit-elle.
Dans la loge derrière nous, le vieux ronchon que je croyais disparu, mais qui est de retour, est d’un avis différent :
-Ils sont toujours par terre, bougonne-t-il.
Enfin est donnée la pièce pour quatre danseuses de Maguy Marin créée en deux mille un. Les quatre filles sont vêtues de rouge. Elles se démènent sans répit. Cela me plaît aussi mais moins que la chorégraphie précédente. « C’est fatigant », constate dans un soupir celui qui accompagne mon ancienne collègue, un pratiquant de l’humour anglais.
Moi-même un peu affaibli par la dépense physique des quatre danseuses, je suis plus que prudent en descendant l’escalier où je me suis étalé la fois dernière (ma façon de chuter n’est pas celle d’un danseur). Ses marches sont moins visibles depuis que l’installation bucolique qui pend du plafond a eu pour conséquence un éclairage restreint du foyer. Je n’irai cependant pas jusqu’à accuser la direction de l’Opéra de Rouen de mise en danger de la vie d’autrui.
Deux femmes de mon âge me précèdent. « Heureusement qu’il y avait la première partie », dit l’une à l’autre.
Le Ballet de l’Opéra de Lyon doit danser trois fois La Grande Fugue (Die Grosse Fuge) de Ludwig van Beethoven dans des chorégraphies dues à des pointures de la discipline, la musique nécessaire à chaque prestation provenant d’un enregistrement différent.
Pour commencer, c’est la pièce pour douze danseurs (moitié filles, moitié garçons) de Lucinda Childs assistée de Caitlin Scranton, une création de deux mille seize, tout ce que je n’aime pas en danse, du néoclassique qui suit servilement la musique de Ludwig van. Que de sauts de biche, il ne manque que les tutus.
A l’entracte, un spectateur inconnu de moi vient me parler :
-Alors vous avez inventé une nouvelle discipline olympique ? Pas trop d’hématomes ?
-Non, aucun, et je ne vais pas recommencer.
A la reprise, c’est la pièce pour huit danseurs (six garçons et deux filles en noir et blanc) d’Anne Teresa De Keersmaeker, dont la création remonte à mil neuf cent quatre-vingt-douze. J’aime cette danse vigoureuse qui n’est pas assujettie à la musique tout en en faisant grand cas.
-Voilà qui est beaucoup mieux, dis-je à ma voisine.
Elle partage mon point de vue.
-J’aime beaucoup la façon dont ils chutent, me dit-elle.
Dans la loge derrière nous, le vieux ronchon que je croyais disparu, mais qui est de retour, est d’un avis différent :
-Ils sont toujours par terre, bougonne-t-il.
Enfin est donnée la pièce pour quatre danseuses de Maguy Marin créée en deux mille un. Les quatre filles sont vêtues de rouge. Elles se démènent sans répit. Cela me plaît aussi mais moins que la chorégraphie précédente. « C’est fatigant », constate dans un soupir celui qui accompagne mon ancienne collègue, un pratiquant de l’humour anglais.
Moi-même un peu affaibli par la dépense physique des quatre danseuses, je suis plus que prudent en descendant l’escalier où je me suis étalé la fois dernière (ma façon de chuter n’est pas celle d’un danseur). Ses marches sont moins visibles depuis que l’installation bucolique qui pend du plafond a eu pour conséquence un éclairage restreint du foyer. Je n’irai cependant pas jusqu’à accuser la direction de l’Opéra de Rouen de mise en danger de la vie d’autrui.
Deux femmes de mon âge me précèdent. « Heureusement qu’il y avait la première partie », dit l’une à l’autre.
11 février 2017
Suite des prélèvements effectués lors de ma lecture du Journal d’Andy Warhol (Grasset) :
Je ne comprends pas pourquoi je n’ai jamais touché un rond sur le premier disque du Velvet Underground. Ce disque se vend vraiment bien et c’est moi qui l’ai produit ! Est-ce que je n’ai pas droit à quelque chose ? Je n’ai droit à rien ? Et je n’arrive pas non plus à comprendre à quel moment j’ai cessé de plaire à Lou. Il est allé jusqu’à s’acheter deux teckels comme moi, et après ça il s’est mis à ne plus m’aimer, mais je ne sais pas exactement pourquoi ni quand. (Mercredi vingt-quatre avril mil neuf cent quatre-vingt-cinq)
Putain, quand je pense que Madonna était simple serveuse au Lucky Strike il y a un an. (Jeudi huit mai mil neuf cent quatre-vingt-cinq)
J’ai cassé un truc et je me suis rendu compte que je devais casser quelque chose une fois par semaine pour ne pas perdre de vue la fragilité de l’existence. (Mardi vingt-neuf octobre mil neuf cent quatre-vingt-cinq)
Tous ces types pleins aux as, chics, smoking, avec ces filles magnifiques. Moi, j’avais l’air de sortir d’une poubelle. Ils ont servi du caviar à pleins baquets. J’ai tout mangé parce que j’étais angoissé. (Lundi dix-huit novembre mil neuf cent quatre-vingt-cinq)
Je crois que j’ai oublié de parler de cette fille que j’ai vue au coin de la 57e et de Park : elle s’est complètement déshabillée et elle a pissé en pleine rue avant de se rhabiller et de repartir. Devant ce magasin de valises où je ne vois jamais personne. L’angle sud-ouest, tu sais ? Tout le monde a fait comme si de rien n’était. Elle portait des talons hauts. (Mardi vingt et un janvier mil neuf cent quatre-vingt-six)
Suis allé faire un tour chez Bernsohn et je n’ai pas été déçu du voyage. Il m’a serré dans ses bras et m’a demandé si quelqu’un m’avait déjà fait ça, j’ai dit que non. Mais je ne lui ai pas dit que je ne voulais pas qu’on me prenne dans ses bras. (Vendredi vingt-cinq avril mil neuf cent quatre-vingt-six)
Fred m’a raconté que le gâteau d’anniversaire des Thurn und Taxis était à l’ancienne mode, style années 70 –avec des centaines de bites dessus. Chacun a eu la sienne. (Dimanche quinze juin mil neuf cent quatre-vingt-six)
(…) et le directeur de tournée a bien aimé la mère de Paulina, la petite amie de Ric Ocasek, alors elle lui a donné son adresse. C’est un Indien. Paulina a dit : « Il faut qu’on s’arrange pour que ma mère se fasse mettre avant qu’elle quitte New York. » (Jeudi dix-sept juillet mil neuf cent quatre-vingt-six)
Là où j’ai vraiment compris que ça allait mal tourner, c’est quand j’ai offert de payer l’addition et que Steven Greenberg ne m’a pas arrêté dans mon élan. (dîner $300). (Mardi vingt-neuf juillet mil neuf cent quatre-vingt-six)
*
Dans cette période, il y a aussi le mercredi trente octobre mil neuf cent quatre-vingt-cinq, le jour où mon pire cauchemar s’est réalisé. Un évènement qu’il ne peut raconter que le deux novembre à Pat Hackett, sa copiste.
Alors qu’il signait des exemplaires d’America dans la librairie Rizzoli à Soho, une fille tellement jolie et tellement bien habillée lui arrache sa perruque et l’envoie par-dessus la balustrade (un complice s’enfuit avec le butin) :
Je ne sais pas ce qui m’a retenu de la pousser par-dessus la balustrade.
Pat Hackett explique qu’Andy a continué à signer ses livres, protégé par la capuche de son manteau Calvin Klein.
Je ne comprends pas pourquoi je n’ai jamais touché un rond sur le premier disque du Velvet Underground. Ce disque se vend vraiment bien et c’est moi qui l’ai produit ! Est-ce que je n’ai pas droit à quelque chose ? Je n’ai droit à rien ? Et je n’arrive pas non plus à comprendre à quel moment j’ai cessé de plaire à Lou. Il est allé jusqu’à s’acheter deux teckels comme moi, et après ça il s’est mis à ne plus m’aimer, mais je ne sais pas exactement pourquoi ni quand. (Mercredi vingt-quatre avril mil neuf cent quatre-vingt-cinq)
Putain, quand je pense que Madonna était simple serveuse au Lucky Strike il y a un an. (Jeudi huit mai mil neuf cent quatre-vingt-cinq)
J’ai cassé un truc et je me suis rendu compte que je devais casser quelque chose une fois par semaine pour ne pas perdre de vue la fragilité de l’existence. (Mardi vingt-neuf octobre mil neuf cent quatre-vingt-cinq)
Tous ces types pleins aux as, chics, smoking, avec ces filles magnifiques. Moi, j’avais l’air de sortir d’une poubelle. Ils ont servi du caviar à pleins baquets. J’ai tout mangé parce que j’étais angoissé. (Lundi dix-huit novembre mil neuf cent quatre-vingt-cinq)
Je crois que j’ai oublié de parler de cette fille que j’ai vue au coin de la 57e et de Park : elle s’est complètement déshabillée et elle a pissé en pleine rue avant de se rhabiller et de repartir. Devant ce magasin de valises où je ne vois jamais personne. L’angle sud-ouest, tu sais ? Tout le monde a fait comme si de rien n’était. Elle portait des talons hauts. (Mardi vingt et un janvier mil neuf cent quatre-vingt-six)
Suis allé faire un tour chez Bernsohn et je n’ai pas été déçu du voyage. Il m’a serré dans ses bras et m’a demandé si quelqu’un m’avait déjà fait ça, j’ai dit que non. Mais je ne lui ai pas dit que je ne voulais pas qu’on me prenne dans ses bras. (Vendredi vingt-cinq avril mil neuf cent quatre-vingt-six)
Fred m’a raconté que le gâteau d’anniversaire des Thurn und Taxis était à l’ancienne mode, style années 70 –avec des centaines de bites dessus. Chacun a eu la sienne. (Dimanche quinze juin mil neuf cent quatre-vingt-six)
(…) et le directeur de tournée a bien aimé la mère de Paulina, la petite amie de Ric Ocasek, alors elle lui a donné son adresse. C’est un Indien. Paulina a dit : « Il faut qu’on s’arrange pour que ma mère se fasse mettre avant qu’elle quitte New York. » (Jeudi dix-sept juillet mil neuf cent quatre-vingt-six)
Là où j’ai vraiment compris que ça allait mal tourner, c’est quand j’ai offert de payer l’addition et que Steven Greenberg ne m’a pas arrêté dans mon élan. (dîner $300). (Mardi vingt-neuf juillet mil neuf cent quatre-vingt-six)
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Dans cette période, il y a aussi le mercredi trente octobre mil neuf cent quatre-vingt-cinq, le jour où mon pire cauchemar s’est réalisé. Un évènement qu’il ne peut raconter que le deux novembre à Pat Hackett, sa copiste.
Alors qu’il signait des exemplaires d’America dans la librairie Rizzoli à Soho, une fille tellement jolie et tellement bien habillée lui arrache sa perruque et l’envoie par-dessus la balustrade (un complice s’enfuit avec le butin) :
Je ne sais pas ce qui m’a retenu de la pousser par-dessus la balustrade.
Pat Hackett explique qu’Andy a continué à signer ses livres, protégé par la capuche de son manteau Calvin Klein.
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