Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

Saint-Quay-Portrieux (trente) : dernière

30 octobre 2025


Du monde et du bruit au Quay des Brunes ce mercredi matin. Sur la place, un engin de chantier installe des fûts de je-ne-sais-quoi en vue de la Samain qui a lieu ce vendredi, le nouvel an celte, grosse fête d’Allo Ouine à laquelle j’échapperai.
Mon petit déjeuner pris, je passe par le Parc de la Duchesse Anne afin de déposer les livres récoltés ici est là, puis, une dernière fois, je prends le sentier côtier. Une photo de la piscine et il se met à pleuvoir. J’assiste au passage, entre l’Ile Harbour et le continent, de la pêche à la coquille. Je compte trente-sept bateaux. Ils se suivent dans un bruit d’autoroute. Tous opèrent au même endroit, selon un horaire imposé, pour une quantité limitée. Le surplus doit être remis en mer.
Arrivé à la turquerie, je remonte vers le logis que je vais quitter demain et me livre à un premier rangement tout en soignant ma gorge qui me fait moins souffrir.
Vers dix heures trente, toujours sous la pluie, je termine le parcours de bord de mer entre l’Ile de la Comtesse et Port d’Armor. Je réserve pour midi chez Victoria et assiste au départ de la vedette de la Gendarmerie Maritime (il y a du contrôle dans l’air) puis je m’assois une dernière fois à ma table en coin de L’Ecume.
Tess, la compagne du patron Pierrick, m’apporte un café sans que je l’aie commandé. Les vieux de tous les jours sont là avec leur conversation de vieux. « A huit jours de la retraite, il a été hospitalisé et il est mort. » Si je vais jusqu’au bout d’Almanach d’un comté des sables, c’est que je n’ai rien d’autre à lire. Ce qui retient mon attention, ce sont les deux pages de biographie d’Aldo Léopold à la fin de l’ouvrage. J’apprends que ce défenseur de la nature est mort à soixante et un ans, un mois après avoir écrit la préface de son livre, d’une crise cardiaque alors qu’il aidait ses voisins à éteindre un feu de broussailles.
Midi approche, la salle se vide. Je rejoins le Victoria abrité par l’arcade. J’ai la même table en hauteur à l’écart avec vue sur le port de pêche vidé de ses bateaux. Au menu du jour : quiche saumon crevettes, moules au curry du Mont-Saint-Michel frites maison et vacherin. Tandis que je mange, j’assiste au retour des bateaux de pêche. C’est comme un spectacle commandé pour mon dernier repas à Saint-Quay-Portrieux.
Une qui s’est décommandée, en revanche, c’est Cristalle avec qui je devais boire un café à quatorze heures. Un texto d’elle à l’heure très matinale où je me suis levé me disant qu’elle était malade, voulait se reposer et qu’elle n’arriverait au Café de la Plage qu’à quinze heures au moment de prendre son travail. « Désolée pour ce nouveau faux plan. » « Je serai quand même là à quatorze heures », lui ai-je répondu.
Ça se voit qu’elle est malade, Cristalle, quand elle arrive à quinze heures. « Je le suis aussi mais moins que vous », lui dis-je. On échange quelques mots en espérant se revoir un jour puis elle est prise par le travail. Pierre m’offre ce dernier café. Je sors et me dirige vers le Fournil du Casino pour acheter mon déjeuner de Tégévé. « Au revoir Monsieur ! », entends-je crier derrière moi. Cette petite folle est sortie malgré sa maladie. Je lui fais signe d’approcher. « On se fait la bise, même si vous êtes malade », lui dis-je. « Vous l’êtes aussi alors ça s’annule. »