Je ne suis plus seul Villa Les Marronniers. Les résidents secondaires de l’un des appartements du rez-de-chaussée sont là, que je n’entends pas. Comme la barrière de la cour et la porte d’entrée restent ouvertes, c’est mieux de ne pas être seul en cas d’intrusion, bien que celle-ci soit improbable.
Il a plu. Il va pleuvoir. Cela n’empêche pas les habitués du Quay des Brunes d’être là à se raconter des histoires. Celui qui a été gardien d’immeuble à Paris en a de bonnes sur les ouvriers qui venaient rénover les appartements et celui qui parle toujours de sa femme donne de ses nouvelles « Madame a fait un gâteau » « Madame tricote des pulls ».
L’imprévu, ce sont deux filles en minijupe qui débarquent. Elles ont l’air d’avoir passé une partie de la nuit dehors. Elles n’en sont pas moins fraîches, le privilège de la jeunesse. L’habitué en chef est obligé d’aller souvent aux toilettes. « Alors, on est fatiguées ? », dit-il aux deux filles en ressortant. Elles n’étaient pas à la boîte de nuit. Elles étaient à une soirée, un peu plus haut.
Il pleut quand, protégé par mon coupe-vent de Saint-Brieuc, je parcours le sentier entre la Plage du Casino et Port d’Armor, où, comme il fait doux, je m’installe côté terrasse abritée par un semblant d’auvent, à L’Ecume, avec vue sur l’arrivée du Géherre dominée par une splendide villa inoccupée dotée d’un escalier de secours hélicoïdal extérieur.
Souvenirs pieux est dans l’une de mes poches. Je l’en sors. J’aime la manière froide et distanciée dont Marguerite raconte sa naissance et la mort qui s’ensuivit de sa mère qu’elle ne nomme que par son prénom : Fernande. Ceux qui viennent à L’Ecume pour le tabac repartent déçus. Les rayons sont quasiment vides depuis un moment. Un problème avec le fournisseur, c’est la raison officielle. Les cigarettes ça se paye d’avance et il y a un souci de trésorerie, c’est ce que dit Lisa du Quay des Brunes. En même temps, c’est le mois sans tabac, conclut la serveuse de L’Ecume.
Il pleut de plus belle (comme on dit) quand je marche jusqu’aux rues intérieures du Portrieux pour savoir si ce dimanche est ouvert Le Bon Dieu Sans Confession, petit bar tabac tout en profondeur face à la librairie Le Fanal. Il l’est. A une table perché, je bois un nouveau café tandis que le patron se vante de ses exploits en gravel et se demande si les vaccins contre le Covid ne l’ont pas affaibli. Il est souvent patraque, une des raisons de l’ouverture intermittente du Bon Dieu. On y écoute Fip, ce qui fait que je me sens un peu dans le sous-sol du Book-Off de Saint-Martin.
Souvenirs pieux, quoi de plus approprié comme lecture au Bon Dieu Sans Confession. Je m’inscris en faux contre l’assertion souvent entendue que la perte prématurée d’une mère est toujours un désastre, ou qu’un enfant privé de la sienne éprouve toute sa vie le sentiment d’un manque et la nostalgie de l’absente. écrit Marguerite Yourcenar.
Ouvert, le Poisson Rouge l’est aussi, en l’honneur des vacances. La crêpe du moment est à quinze euros quatre-vingt-dix. Je préfère, au Port d’Armor, entrer chez Victoria où je déjeune à ma table de prédilection d’une pizza Napoli (avec anchois et câpres) à quatorze euros vingt. Les bateaux des pêcheurs sont immobiles. Des plongeurs passent, ployant sous leurs bouteilles, pour qui la pluie n’est rien.
Une arcade me permet de rejoindre sans me mouiller ma table d’habitué à l’intérieur de L’Ecume où une famille de vacanciers désespère. J’y rouvre Marguerite. Rien ne prouve mieux le peu qu’est cette individualité humaine, à laquelle nous tenons tant, que la rapidité avec laquelle les quelques objets qui en sont le support et parfois le symbole sont à leur tour périmés, détériorés ou perdus.
Du vent, mais plus de pluie, quand je ressors vers quinze heures. Je peux faire une pause durant une éclaircie sur le banc bleu du muret au lézard. La mer est basse. Une famille a la plage pour elle seule. Une autre arpente l’Ile de la Comtesse. Le lézard est planqué quelque part.
*
Les jours de pluie, il semble que les chiens n’aient pas besoin de sortir. Contrairement aux sportifs, qui font ça tous les jours.
Il a plu. Il va pleuvoir. Cela n’empêche pas les habitués du Quay des Brunes d’être là à se raconter des histoires. Celui qui a été gardien d’immeuble à Paris en a de bonnes sur les ouvriers qui venaient rénover les appartements et celui qui parle toujours de sa femme donne de ses nouvelles « Madame a fait un gâteau » « Madame tricote des pulls ».
L’imprévu, ce sont deux filles en minijupe qui débarquent. Elles ont l’air d’avoir passé une partie de la nuit dehors. Elles n’en sont pas moins fraîches, le privilège de la jeunesse. L’habitué en chef est obligé d’aller souvent aux toilettes. « Alors, on est fatiguées ? », dit-il aux deux filles en ressortant. Elles n’étaient pas à la boîte de nuit. Elles étaient à une soirée, un peu plus haut.
Il pleut quand, protégé par mon coupe-vent de Saint-Brieuc, je parcours le sentier entre la Plage du Casino et Port d’Armor, où, comme il fait doux, je m’installe côté terrasse abritée par un semblant d’auvent, à L’Ecume, avec vue sur l’arrivée du Géherre dominée par une splendide villa inoccupée dotée d’un escalier de secours hélicoïdal extérieur.
Souvenirs pieux est dans l’une de mes poches. Je l’en sors. J’aime la manière froide et distanciée dont Marguerite raconte sa naissance et la mort qui s’ensuivit de sa mère qu’elle ne nomme que par son prénom : Fernande. Ceux qui viennent à L’Ecume pour le tabac repartent déçus. Les rayons sont quasiment vides depuis un moment. Un problème avec le fournisseur, c’est la raison officielle. Les cigarettes ça se paye d’avance et il y a un souci de trésorerie, c’est ce que dit Lisa du Quay des Brunes. En même temps, c’est le mois sans tabac, conclut la serveuse de L’Ecume.
Il pleut de plus belle (comme on dit) quand je marche jusqu’aux rues intérieures du Portrieux pour savoir si ce dimanche est ouvert Le Bon Dieu Sans Confession, petit bar tabac tout en profondeur face à la librairie Le Fanal. Il l’est. A une table perché, je bois un nouveau café tandis que le patron se vante de ses exploits en gravel et se demande si les vaccins contre le Covid ne l’ont pas affaibli. Il est souvent patraque, une des raisons de l’ouverture intermittente du Bon Dieu. On y écoute Fip, ce qui fait que je me sens un peu dans le sous-sol du Book-Off de Saint-Martin.
Souvenirs pieux, quoi de plus approprié comme lecture au Bon Dieu Sans Confession. Je m’inscris en faux contre l’assertion souvent entendue que la perte prématurée d’une mère est toujours un désastre, ou qu’un enfant privé de la sienne éprouve toute sa vie le sentiment d’un manque et la nostalgie de l’absente. écrit Marguerite Yourcenar.
Ouvert, le Poisson Rouge l’est aussi, en l’honneur des vacances. La crêpe du moment est à quinze euros quatre-vingt-dix. Je préfère, au Port d’Armor, entrer chez Victoria où je déjeune à ma table de prédilection d’une pizza Napoli (avec anchois et câpres) à quatorze euros vingt. Les bateaux des pêcheurs sont immobiles. Des plongeurs passent, ployant sous leurs bouteilles, pour qui la pluie n’est rien.
Une arcade me permet de rejoindre sans me mouiller ma table d’habitué à l’intérieur de L’Ecume où une famille de vacanciers désespère. J’y rouvre Marguerite. Rien ne prouve mieux le peu qu’est cette individualité humaine, à laquelle nous tenons tant, que la rapidité avec laquelle les quelques objets qui en sont le support et parfois le symbole sont à leur tour périmés, détériorés ou perdus.
Du vent, mais plus de pluie, quand je ressors vers quinze heures. Je peux faire une pause durant une éclaircie sur le banc bleu du muret au lézard. La mer est basse. Une famille a la plage pour elle seule. Une autre arpente l’Ile de la Comtesse. Le lézard est planqué quelque part.
*
Les jours de pluie, il semble que les chiens n’aient pas besoin de sortir. Contrairement aux sportifs, qui font ça tous les jours.



