Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
2 mars 2018
Ça tombe un peu ce jeudi au réveil. Moins que l’autre fois. N’ai-je rien d’autre à en dire ? Je manque d’idées. Voyons voir le Dictionnaire des clichés littéraires d’Hervé Laroche (Arléa) :
neige : trois usages : 1) ensevelir la campagne (un village, une maison, etc.) ; 2) étouffer les bruits ; 3) crisser sous les pas. Combinatoire : (1) + (2) est recommandé (La neige qui avait enseveli la campagne étouffait le bruit des ses pas) ; (1) + (3) peut être tenté (La neige qui avait enseveli la campagne crissait sous leurs pieds chaussés de lourdes bottes) ; (2) + (3) est délicat. Voir aussi flocon.
flocons (de neige) : virevoltent (c’est leur manière de tomber). Préférer les gros.
Voilà. Plus qu’à attendre que cela fonde. Le plus vite possible. Je déteste ça.
En attendant, je vagabonde dans l’ouvrage d’Hervé Laroche à la recherche des entrées qui évoquent l’hiver.
bourrasque : si elle est de pluie ou de neige (ou de tout autre précipitation naturelle), ne pas hésiter à l’ennoblir par un article défini singulier : affronter la bourrasque.
brouillard : le faire épais. Le paysage, les arbres, la ville, les maisons, etc. s’y noient immanquablement, malgré la faible densité en eau de ce phénomène météorologique.
brume : noie aussi, comme le brouillard ; mais elle est moins envahissante. La présenter sous forme d’écharpes (qui n’a rien de réchauffant comme les cache-nez de la vie ordinaire).
écharpe : de brume, avant tout. Il est possible toutefois de nouer une écharpe autour de son cou (signe d’un caractère précautionneux, voire timoré).
emmitoufler : toujours préciser dans quoi (quelque chose de grand, d’épais…). Mot irrésistible (les deux m, les moufles, le petit i blotti au milieu).
nuage : utilisable par tout temps. Les nuages sont capables de tout : ils courent, s’accumulent, s’amoncellent, moutonnent, processionnent, s’effilochent, se déchirent, crèvent, s’abattent, etc. Se laissent charrier, chasser, disperser par le vent, percer par le soleil.
Allez, laissez-vous percer les nuages. Que vienne le printemps.
*
Ce n’est pas pour ce vendredi. Pluie sur la ville. Verglas sur les hauteurs. Alors : lecture : captivante, évidemment. Et prise de quelques notes : toujours griffonnées, ou jetées à la hâte sur le papier. Jamais le temps d’écrire proprement.
*
Serge Safran et Laure Leroy (cofondateurs des Editions Zulma), à qui Hervé Laroche avait dédicacé un exemplaire de ce Dictionnaire des clichés littéraires, ont jugé qu’ils n’en auraient pas l’usage, aussi ai-je pu l’acheter un euro chez Book-Off.
neige : trois usages : 1) ensevelir la campagne (un village, une maison, etc.) ; 2) étouffer les bruits ; 3) crisser sous les pas. Combinatoire : (1) + (2) est recommandé (La neige qui avait enseveli la campagne étouffait le bruit des ses pas) ; (1) + (3) peut être tenté (La neige qui avait enseveli la campagne crissait sous leurs pieds chaussés de lourdes bottes) ; (2) + (3) est délicat. Voir aussi flocon.
flocons (de neige) : virevoltent (c’est leur manière de tomber). Préférer les gros.
Voilà. Plus qu’à attendre que cela fonde. Le plus vite possible. Je déteste ça.
En attendant, je vagabonde dans l’ouvrage d’Hervé Laroche à la recherche des entrées qui évoquent l’hiver.
bourrasque : si elle est de pluie ou de neige (ou de tout autre précipitation naturelle), ne pas hésiter à l’ennoblir par un article défini singulier : affronter la bourrasque.
brouillard : le faire épais. Le paysage, les arbres, la ville, les maisons, etc. s’y noient immanquablement, malgré la faible densité en eau de ce phénomène météorologique.
brume : noie aussi, comme le brouillard ; mais elle est moins envahissante. La présenter sous forme d’écharpes (qui n’a rien de réchauffant comme les cache-nez de la vie ordinaire).
écharpe : de brume, avant tout. Il est possible toutefois de nouer une écharpe autour de son cou (signe d’un caractère précautionneux, voire timoré).
emmitoufler : toujours préciser dans quoi (quelque chose de grand, d’épais…). Mot irrésistible (les deux m, les moufles, le petit i blotti au milieu).
nuage : utilisable par tout temps. Les nuages sont capables de tout : ils courent, s’accumulent, s’amoncellent, moutonnent, processionnent, s’effilochent, se déchirent, crèvent, s’abattent, etc. Se laissent charrier, chasser, disperser par le vent, percer par le soleil.
Allez, laissez-vous percer les nuages. Que vienne le printemps.
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Ce n’est pas pour ce vendredi. Pluie sur la ville. Verglas sur les hauteurs. Alors : lecture : captivante, évidemment. Et prise de quelques notes : toujours griffonnées, ou jetées à la hâte sur le papier. Jamais le temps d’écrire proprement.
*
Serge Safran et Laure Leroy (cofondateurs des Editions Zulma), à qui Hervé Laroche avait dédicacé un exemplaire de ce Dictionnaire des clichés littéraires, ont jugé qu’ils n’en auraient pas l’usage, aussi ai-je pu l’acheter un euro chez Book-Off.
1er mars 2018
Parmi mes lectures : Lettres à ses pairs de Colette (de L’Académie Goncourt), un livre publié chez Flammarion en mil neuf cent soixante-quinze et qui a l’air bien plus vieux. J’en garde trois extraits :
On ne se froisse pas, généralement, quand un télégraphiste ou un camelot vous appellent putain à haute voix dans la rue. (A Francis Jammes, décembre mil neuf cent quatre)
Meg fatiguée, mauvaise mine, santé à surveiller. Quand une femme gagne de l’argent, a de jolies robes, un homme pour la b’zer, un autre pour la supplier de la b’zer, un troisième, gigolo superbe et épris, qui postule la même chose, – et que cette femme est triste et jaunâtre… voyez organes ! (A Francis Carco, septembre mil neuf cent vingt)
Je vais acheter le livre de Léautaud. Quand nous dînerons ensemble, – bientôt – je vous raconterai l’histoire d’une jeune fille bretonne éperdument et physiquement amoureuse de Léautaud. Elle venait sangloter chez moi, assise par terre, avec tant d’obstination que j’avais consenti à aller parler pour elle à Léautaud. Il a répondu à ma démarche avec une superbe de Prince charmant excédé. Et je n’ai plus regretté ma démarche. (A Edmond Jaloux, avril mil neuf cent vingt-six)
*
Une note infrapaginale, due à Claude Pichois ou à Roberte Forbin, précise : « cette jeune fille est désignée dans le Journal littéraire de Léautaud par A… ou sous le nom de la Bordelaise, alors qu’il s’agit bien d’une Bretonne. Cette jeune fille a écrit le récit de sa mésaventure sous le pseudonyme de Véronique Valcault (Le Monologue passionné, Julliard, 1961). Léautaud a consigné l’ambassade dont Colette s’est chargée le 16 juin 1925. »
*
J’y vais voir :
Léautaud (cinquante-trois ans en cette année mil neuf cent vingt-cinq) n’a pas le goût des jeunes filles. Celle-ci, âgée de vingt-trois ans, l’exaspère. Cependant:
Jeudi 7 Mai. –J’ai presque dép… A… ce soir à 7 heures. Je crois même pour de bon.
Dimanche 10 Mai. –Visite de A… à Fontenay. Pour échapper à l’ennui, je l’emmène dîner à Robinson. Elle m’entreprend ensuite pour que je rentre chez elle. Je me suis laissé faire. Sapristi ! elle n’est pas du tout dép… comme je le croyais. Rien à faire devant ses cris de souffrance.
*
La visite de Colette eut lieu au Mercure de France :
Mardi 16 Juin (…)
Je lui ai dit : « Rien à faire. Cette demoiselle est encore telle que l’ai connue. Rien à exiger. Qu’elle me laisse en paix. Ne vous laissez pas ennuyer. Coupez, n’est-ce pas, coupez vigoureusement. »
Elle m’a dit : « C’est entendu. Je dirai qu’il n’y a rien à faire. Quel homme ce Léautaud. Que vous êtes donc amusant. Nous aurions dû nous connaître mieux que nous ne l’avons fait. Cette pauvre petite. Elle dit pourtant qu’elle saurait vous rendre heureux. (…)
Je lui ai dit aussi : « Et puis, il y a aussi ceci. Aucune femme ne me fera déranger la tranquillité de ma maison. Ma bonne, mes bêtes, c’est tout. Ma bonne au rez-de-chaussée, moi au premier. Jamais je n’abîmerai cela. J’aurais attendu d’avoir 53 ans pour faire cette bêtise ? Jamais de la vie. » (…)
Je l’ai aidée à remettre son manteau. En descendant l’escalier, elle a convenu que A… est assommante, elle a même dit un mot, un mot plus vif : emm… Je l’ai accompagnée jusqu’à sa voiture.
*
Mardi 14 Juillet (…) A… venue sonner aujourd’hui. Fait répondre par ma bonne que j’étais sorti.
*
Le Monologue passionné de Véronique Valcault est introuvable.
On ne se froisse pas, généralement, quand un télégraphiste ou un camelot vous appellent putain à haute voix dans la rue. (A Francis Jammes, décembre mil neuf cent quatre)
Meg fatiguée, mauvaise mine, santé à surveiller. Quand une femme gagne de l’argent, a de jolies robes, un homme pour la b’zer, un autre pour la supplier de la b’zer, un troisième, gigolo superbe et épris, qui postule la même chose, – et que cette femme est triste et jaunâtre… voyez organes ! (A Francis Carco, septembre mil neuf cent vingt)
Je vais acheter le livre de Léautaud. Quand nous dînerons ensemble, – bientôt – je vous raconterai l’histoire d’une jeune fille bretonne éperdument et physiquement amoureuse de Léautaud. Elle venait sangloter chez moi, assise par terre, avec tant d’obstination que j’avais consenti à aller parler pour elle à Léautaud. Il a répondu à ma démarche avec une superbe de Prince charmant excédé. Et je n’ai plus regretté ma démarche. (A Edmond Jaloux, avril mil neuf cent vingt-six)
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Une note infrapaginale, due à Claude Pichois ou à Roberte Forbin, précise : « cette jeune fille est désignée dans le Journal littéraire de Léautaud par A… ou sous le nom de la Bordelaise, alors qu’il s’agit bien d’une Bretonne. Cette jeune fille a écrit le récit de sa mésaventure sous le pseudonyme de Véronique Valcault (Le Monologue passionné, Julliard, 1961). Léautaud a consigné l’ambassade dont Colette s’est chargée le 16 juin 1925. »
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J’y vais voir :
Léautaud (cinquante-trois ans en cette année mil neuf cent vingt-cinq) n’a pas le goût des jeunes filles. Celle-ci, âgée de vingt-trois ans, l’exaspère. Cependant:
Jeudi 7 Mai. –J’ai presque dép… A… ce soir à 7 heures. Je crois même pour de bon.
Dimanche 10 Mai. –Visite de A… à Fontenay. Pour échapper à l’ennui, je l’emmène dîner à Robinson. Elle m’entreprend ensuite pour que je rentre chez elle. Je me suis laissé faire. Sapristi ! elle n’est pas du tout dép… comme je le croyais. Rien à faire devant ses cris de souffrance.
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La visite de Colette eut lieu au Mercure de France :
Mardi 16 Juin (…)
Je lui ai dit : « Rien à faire. Cette demoiselle est encore telle que l’ai connue. Rien à exiger. Qu’elle me laisse en paix. Ne vous laissez pas ennuyer. Coupez, n’est-ce pas, coupez vigoureusement. »
Elle m’a dit : « C’est entendu. Je dirai qu’il n’y a rien à faire. Quel homme ce Léautaud. Que vous êtes donc amusant. Nous aurions dû nous connaître mieux que nous ne l’avons fait. Cette pauvre petite. Elle dit pourtant qu’elle saurait vous rendre heureux. (…)
Je lui ai dit aussi : « Et puis, il y a aussi ceci. Aucune femme ne me fera déranger la tranquillité de ma maison. Ma bonne, mes bêtes, c’est tout. Ma bonne au rez-de-chaussée, moi au premier. Jamais je n’abîmerai cela. J’aurais attendu d’avoir 53 ans pour faire cette bêtise ? Jamais de la vie. » (…)
Je l’ai aidée à remettre son manteau. En descendant l’escalier, elle a convenu que A… est assommante, elle a même dit un mot, un mot plus vif : emm… Je l’ai accompagnée jusqu’à sa voiture.
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Mardi 14 Juillet (…) A… venue sonner aujourd’hui. Fait répondre par ma bonne que j’étais sorti.
*
Le Monologue passionné de Véronique Valcault est introuvable.
28 février 2018
Que cesse vite cette froidure qui me rend la vie impossible. Je ne sors de chez moi que pour me ravitailler et boire un café.
Ce mardi matin, quand même, je m’arme de courage pour affronter le vent glacial afin d’aller vendre un sac de livres à la bouquinerie Le Rêve de l’Escalier. Je la découvre fermée pour cause d’enterrement. Le défunt est le patron du Super U d’en face. Lequel Super U est ouvert. Business as usual.
Les vacanciers frigorifiés stagnent dans les cafés. Au Café de Rouen, un couple avec trois moutards laisse le temps passer. Verre d’eau pour ces derniers. Cafés pour les parents. Elle et lui sont plongés dans leur smartphone. Ensuite commandent trois croque-monsieur qu’ils partagent en cinq et deux cafés gourmands dont les gourmandises sont elles aussi divisées en cinq. Elle et lui parlent d’acheter une voiture Range Rover puis vont fumer dans la froidure laissant leurs moutards seuls.
Ce mercredi, je préfère renoncer à Paris. Tant pis pour les billets qui cette fois ne seront pas remboursés. Aucun plaisir à parcourir des rues dans lesquelles souffle un vent venu de Russie. Cela après un trajet incertain dans un train peut-être mal chauffé et avant un retour du même ordre.
*
Damien Adam, Député de Rouen, Macroniste, fait lui aussi des allers et retours ferroviaires entre sa ville et Paris. Il vient d’écrire à Guillaume Pepy, Chef de la Senecefe :
« Depuis trois semaines donc, les annulations de train se succèdent, aboutissant à des situations inacceptables où les usagers sont obligés d’effectuer leur trajet debout au mépris de leur confort et de leur sécurité. Après avoir indiqué que cela ne durerait que quelques jours, vos services n’annoncent pas un retour à la normale avant la mi-mars, le temps de réparer les locomotives endommagées. C’est inacceptable. C’est inacceptable pour les Normands de devoir voyager dans des conditions indécentes, dans des trains surchargés. Cette situation n’a que trop duré pour des usagers qui subissent déjà tout au long de l’année des conditions dégradées par la vétusté d’une ligne où les investissements nécessaires n’ont pas été faits depuis des décennies et où les « petits retards » (dus à des mises à quai tardives notamment) sont quotidiens. C’est pourquoi je vous demande de prendre instamment les mesures nécessaires afin de remplacer les cinq locomotives toujours endommagées par les intempéries et ce, afin de retrouver dès maintenant une circulation normale (si tant est qu’elle l’est en Normandie) sur cette ligne Intercités. »
Hervé Morin, Duc de Normandie, Centriste de Droite, du Sultanat d’Oman où il accompagne l’Opéra de Rouen, a fait sa lettre lui aussi, bien que disposant d’un autre moyen de locomotion et faisant partie des responsables de la situation actuelle, au titre de son soutien actif à Sarkozy, celui qui a décidé de construire quatre lignes de Tégévé à la fois, alourdissant massivement la dette de la Senecefe.
Ce mardi matin, quand même, je m’arme de courage pour affronter le vent glacial afin d’aller vendre un sac de livres à la bouquinerie Le Rêve de l’Escalier. Je la découvre fermée pour cause d’enterrement. Le défunt est le patron du Super U d’en face. Lequel Super U est ouvert. Business as usual.
Les vacanciers frigorifiés stagnent dans les cafés. Au Café de Rouen, un couple avec trois moutards laisse le temps passer. Verre d’eau pour ces derniers. Cafés pour les parents. Elle et lui sont plongés dans leur smartphone. Ensuite commandent trois croque-monsieur qu’ils partagent en cinq et deux cafés gourmands dont les gourmandises sont elles aussi divisées en cinq. Elle et lui parlent d’acheter une voiture Range Rover puis vont fumer dans la froidure laissant leurs moutards seuls.
Ce mercredi, je préfère renoncer à Paris. Tant pis pour les billets qui cette fois ne seront pas remboursés. Aucun plaisir à parcourir des rues dans lesquelles souffle un vent venu de Russie. Cela après un trajet incertain dans un train peut-être mal chauffé et avant un retour du même ordre.
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Damien Adam, Député de Rouen, Macroniste, fait lui aussi des allers et retours ferroviaires entre sa ville et Paris. Il vient d’écrire à Guillaume Pepy, Chef de la Senecefe :
« Depuis trois semaines donc, les annulations de train se succèdent, aboutissant à des situations inacceptables où les usagers sont obligés d’effectuer leur trajet debout au mépris de leur confort et de leur sécurité. Après avoir indiqué que cela ne durerait que quelques jours, vos services n’annoncent pas un retour à la normale avant la mi-mars, le temps de réparer les locomotives endommagées. C’est inacceptable. C’est inacceptable pour les Normands de devoir voyager dans des conditions indécentes, dans des trains surchargés. Cette situation n’a que trop duré pour des usagers qui subissent déjà tout au long de l’année des conditions dégradées par la vétusté d’une ligne où les investissements nécessaires n’ont pas été faits depuis des décennies et où les « petits retards » (dus à des mises à quai tardives notamment) sont quotidiens. C’est pourquoi je vous demande de prendre instamment les mesures nécessaires afin de remplacer les cinq locomotives toujours endommagées par les intempéries et ce, afin de retrouver dès maintenant une circulation normale (si tant est qu’elle l’est en Normandie) sur cette ligne Intercités. »
Hervé Morin, Duc de Normandie, Centriste de Droite, du Sultanat d’Oman où il accompagne l’Opéra de Rouen, a fait sa lettre lui aussi, bien que disposant d’un autre moyen de locomotion et faisant partie des responsables de la situation actuelle, au titre de son soutien actif à Sarkozy, celui qui a décidé de construire quatre lignes de Tégévé à la fois, alourdissant massivement la dette de la Senecefe.
27 février 2018
Samedi début d’après-midi, c’est la fin du marché place Saint-Marc. Ne restent que quelques fleuristes et marchand(e)s de sapins. Je suis au café du Grand Saint-Marc. Je lis Un autre d’Imre Kertész. , écrivais-je le vingt-deux décembre deux mille huit en attaque d’un billet titré « Quand déferlent les motards de Noël, place Saint-Marc à Rouen » dans lequel je pestais contre la « mise en danger de l’oreille et du poumon d’autrui ».
Samedi début d’après-midi, c’est la fin du marché place Saint-Marc. Ne restent que quelques fleuristes et marchand(e)s de légumes. Je suis au café du Grand Saint-Marc. Je lis (ou plutôt relis) le premier tome de Lettres à Michel Butor de Georges Perros quand déferlent à nouveau les motards et beaucoup plus nombreux.
Cette fois, ils protestent contre le projet de limitation de la vitesse sur les routes à quatre-vingts kilomètres à l’heure et sont tout aussi néfastes à la lecture. La mise en danger de l’oreille et du poumon d’autrui est maximale pour celles et ceux qui déjeunent en terrasse au soleil malgré le froid, mais à chaque ouverture de la porte du café les gaz s’y infiltrent et tout le monde en profite. Il y a ceux, dont le patron, qui trouvent ça très bien «Les motards, c’est mes copains». Il y en a d’autres qui subissent en silence et attendent impatiemment que la nuisance s’éloigne.
Le silence revenu, je retourne à ma lecture. Il se trouve que Georges Perros était motard. Sa guimbarde ne devait pas dépasser le quatre-vingts. Et il n’était pas du genre à circuler en troupeau. Il en faisait toujours seul. Je pense même que s’il possédait une moto plutôt qu’une voiture, c’est que ça lui permettait d’explorer le bout de la Bretagne sans avoir à emmener femme et enfants (trois).
*
Mon texte d’il y a dix ans m’avait valu un mail énervé de l’un des motards de Noël. Il est vrai qu’à cette époque, j’avais qualifié de crétins ses chevaucheurs de mécanique. J’ai cessé depuis d’utiliser ce genre de qualificatif dans mes écritures.
*
Heureusement que je n’ai plus de voiture. Je me demande comment je ferais pour ne pas dépasser le quatre-vingts. Je n’arrivais déjà pas à respecter le quatre-vingt-dix. Ce qui m’a valu quelques amendes et points de permis.
Samedi début d’après-midi, c’est la fin du marché place Saint-Marc. Ne restent que quelques fleuristes et marchand(e)s de légumes. Je suis au café du Grand Saint-Marc. Je lis (ou plutôt relis) le premier tome de Lettres à Michel Butor de Georges Perros quand déferlent à nouveau les motards et beaucoup plus nombreux.
Cette fois, ils protestent contre le projet de limitation de la vitesse sur les routes à quatre-vingts kilomètres à l’heure et sont tout aussi néfastes à la lecture. La mise en danger de l’oreille et du poumon d’autrui est maximale pour celles et ceux qui déjeunent en terrasse au soleil malgré le froid, mais à chaque ouverture de la porte du café les gaz s’y infiltrent et tout le monde en profite. Il y a ceux, dont le patron, qui trouvent ça très bien «Les motards, c’est mes copains». Il y en a d’autres qui subissent en silence et attendent impatiemment que la nuisance s’éloigne.
Le silence revenu, je retourne à ma lecture. Il se trouve que Georges Perros était motard. Sa guimbarde ne devait pas dépasser le quatre-vingts. Et il n’était pas du genre à circuler en troupeau. Il en faisait toujours seul. Je pense même que s’il possédait une moto plutôt qu’une voiture, c’est que ça lui permettait d’explorer le bout de la Bretagne sans avoir à emmener femme et enfants (trois).
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Mon texte d’il y a dix ans m’avait valu un mail énervé de l’un des motards de Noël. Il est vrai qu’à cette époque, j’avais qualifié de crétins ses chevaucheurs de mécanique. J’ai cessé depuis d’utiliser ce genre de qualificatif dans mes écritures.
*
Heureusement que je n’ai plus de voiture. Je me demande comment je ferais pour ne pas dépasser le quatre-vingts. Je n’arrivais déjà pas à respecter le quatre-vingt-dix. Ce qui m’a valu quelques amendes et points de permis.
26 février 2018
Jeudi soir, dans le froid sec, une jeune fille, sans doute étudiante, me tend « le supplément Sortir du Paris Normandie » sur le parvis de l’Opéra de Rouen. Je le refuse. « C’est gratuit », me dit-elle croyant me convaincre. Que ferais-je de ce papier journal ?
J’ai une bonne place dans la corbeille dont la porte centrale est condamnée par un imposant dispositif technique. Celui-ci est nécessaire à la chorégraphie Solstice de Blanca Li que va interpréter sa compagnie.
A ma droite s’installent une jeune femme et sa neuf/dix ans dont les cheveux blonds ondulés descendent jusqu’au creux des genoux. Mère et fille ont la langue bien pendue. Leur proximité dénonce une absence d’homme à la maison. La lecture du livret programme m’apprend que Bianca Li, née à Grenade, ancienne gymnaste, élève de Martha Graham à New York, est aujourd’hui établie à Paris.
A l’ouverture de Solstice, je crains l’abus de la vidéo et des effets spéciaux mais suis vite rassuré. Les treize danseuses et danseurs et le musicien occupent le plateau sans temps mort, surmontés par une immense structure en tissu mobile qui devient vent, mer, terre. Il est question de la nature et des soucis climatiques. Quelques traits d’humour sont de mise. Cette chorégraphie me sied tout à fait et comme j’aime particulièrement la kora, je suis ravi de l’entendre ce soir.
C’est d’ailleurs le musicien qui, à l’issue, reçoit le plus fort volume d’applaudissements. « Oh comme il est musclé », s’émeut ma voisine à la vue du torse nu bien éclairé par les projecteurs.
*
Dire le supplément Sortir « du » Paris Normandie, c’est dire « le » Paris Normandie. Beaucoup disent « le journal ». Il n’y en a qu’un.
Et contrairement à ce que laisse croire son titre, ce quotidien ne parle que de la Normandie, précisément de sa moitié haute.
*
Le Nouvel Ordre Moral stigmatise les hommes qui fantasment sur le physique d’une artiste mais ne dit rien lorsqu’une femme mettant au second plan le talent d’un musicien s’excite à la vue du beau mâle.
J’ai une bonne place dans la corbeille dont la porte centrale est condamnée par un imposant dispositif technique. Celui-ci est nécessaire à la chorégraphie Solstice de Blanca Li que va interpréter sa compagnie.
A ma droite s’installent une jeune femme et sa neuf/dix ans dont les cheveux blonds ondulés descendent jusqu’au creux des genoux. Mère et fille ont la langue bien pendue. Leur proximité dénonce une absence d’homme à la maison. La lecture du livret programme m’apprend que Bianca Li, née à Grenade, ancienne gymnaste, élève de Martha Graham à New York, est aujourd’hui établie à Paris.
A l’ouverture de Solstice, je crains l’abus de la vidéo et des effets spéciaux mais suis vite rassuré. Les treize danseuses et danseurs et le musicien occupent le plateau sans temps mort, surmontés par une immense structure en tissu mobile qui devient vent, mer, terre. Il est question de la nature et des soucis climatiques. Quelques traits d’humour sont de mise. Cette chorégraphie me sied tout à fait et comme j’aime particulièrement la kora, je suis ravi de l’entendre ce soir.
C’est d’ailleurs le musicien qui, à l’issue, reçoit le plus fort volume d’applaudissements. « Oh comme il est musclé », s’émeut ma voisine à la vue du torse nu bien éclairé par les projecteurs.
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Dire le supplément Sortir « du » Paris Normandie, c’est dire « le » Paris Normandie. Beaucoup disent « le journal ». Il n’y en a qu’un.
Et contrairement à ce que laisse croire son titre, ce quotidien ne parle que de la Normandie, précisément de sa moitié haute.
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Le Nouvel Ordre Moral stigmatise les hommes qui fantasment sur le physique d’une artiste mais ne dit rien lorsqu’une femme mettant au second plan le talent d’un musicien s’excite à la vue du beau mâle.
24 février 2018
Je me doute que le retour à Rouen va être compliqué ce mercredi. Les deux trains précédant le dix-sept heures quarante-huit, pour lequel j’ai un billet, sont supprimés en raison du « service commercial réduit ».en vigueur depuis deux semaines. Trouver une place assise va être un exploit.
Avec d’autres, je me place au milieu du quai Vingt-Trois où devrait arriver le train convoité. Catastrophe, il est soudain annoncé avec un retard de cinquante minutes. Le suivant est à dix-huit heures trente et c’est un omnibus. Pour désengorger la salle des pas perdus, la Senecefe l’affiche dès dix-huit heures. Je passe par le couloir souterrain pour rejoindre le quai Dix-Huit où il stationne. Quand j’arrive toutes les places assises sont déjà occupées. Pas étonnant, il faut faire entrer dans ce train l’équivalent de plusieurs et, en plus, c’en est un à sièges colorés qui possède moins de sièges que les anciens de type bétaillère en raison des toilettes aux normes handicapés et de la possibilité donnée aux bicyclistes d’y ériger leur engin à la verticale.
Ici nul pédaleur, surtout des travailleurs tentant de rentrer à la maison. Je réussis à m’asseoir en haut des marches menant à l’étage. Certains font de même dans les couloirs mais se font sermonner par d’autres qui sont sur le quai et ne peuvent monter. Ils cèdent et la voiture se transforme en boîte de sardines. Il faut attendre une demi-heure dans ces conditions avant que le train parte. A l’heure.
Il ne tarde pas à se mettre en retard, s’arrêtant pour une raison inconnue et une durée de cinq minutes à Mantes-Station.
Sur la plate-forme, celles et ceux collés serrés font connaissance et tentent de se consoler par l’humour :
-J’ai compris, dit une femme, la ligne Paris Rouen, c’est le prolongement de la ligne Treize du métro.
Le meilleur moment est quand un homme se fraie à grand mal un passage dans l’agglomérat. Il veut aller aux toilettes, explique-t-il.
-Il y a déjà au moins trois personnes dans les toilettes, lui dit-on.
-Ben oui, dit une autre, c’est un train pour lequel il fait prévoir des couches.
En gare de Vernon, je réussis à trouver une place assise à l’étage, mais d’autres continuent à voyager debout. Pendant tout le trajet, le chef de bord fait le mort. La seule voix humaine est celle enregistrée qui annonce les arrêts. Au lieu d’être à la maison à dix-neuf heures quinze, j’y arrive à vingt heures trente.
*
Hervé Morin, Duc de Normandie, Centriste de Droite, trouve la situation inacceptable, mais, promet-il, tout ira bien en deux mille vingt quand la région normande gérera la ligne.
Quand on voit que sont toujours ouverts les portiques antifraude qu’il a fait installer avec l’argent public, portiques qui sont de plus un danger évident quand c’est le bazar à Saint-Lazare et que des foules courent en tous sens, c’est-à-dire le plus souvent, on attend la suite avec impatience.
*
Ce Morin s’est fait allumer l’autre semaine par France Info :
« Au mois de décembre, ces portiques ultra-modernes ont été inaugurés par un président de région Normandie tout sourire. Hervé Morin a déclaré la guerre aux fraudeurs et cette machine doit être une arme imparable » « Le Conseil régional a investi plus de deux millions d'euros afin d'équiper la gare Saint-Lazare » « Mais depuis qu'ils sont entrés en service, ils restent le plus souvent ouverts. Apparemment personne n'a encore osé mettre la machine en route en fin d'après-midi, quand des milliers de voyageurs affluent en courant vers les quais dans l'espoir de ne pas rater leur train. Aux heures de pointe, la cohue est telle que l'engorgement du hall serait inévitable. »
*
Morin ou comment jeter plus de deux millions d'euros d’argent public à la poubelle sans avoir à en rendre compte devant un tribunal (il devrait être condamné à rembourser sur sa fortune personnelle).
Avec d’autres, je me place au milieu du quai Vingt-Trois où devrait arriver le train convoité. Catastrophe, il est soudain annoncé avec un retard de cinquante minutes. Le suivant est à dix-huit heures trente et c’est un omnibus. Pour désengorger la salle des pas perdus, la Senecefe l’affiche dès dix-huit heures. Je passe par le couloir souterrain pour rejoindre le quai Dix-Huit où il stationne. Quand j’arrive toutes les places assises sont déjà occupées. Pas étonnant, il faut faire entrer dans ce train l’équivalent de plusieurs et, en plus, c’en est un à sièges colorés qui possède moins de sièges que les anciens de type bétaillère en raison des toilettes aux normes handicapés et de la possibilité donnée aux bicyclistes d’y ériger leur engin à la verticale.
Ici nul pédaleur, surtout des travailleurs tentant de rentrer à la maison. Je réussis à m’asseoir en haut des marches menant à l’étage. Certains font de même dans les couloirs mais se font sermonner par d’autres qui sont sur le quai et ne peuvent monter. Ils cèdent et la voiture se transforme en boîte de sardines. Il faut attendre une demi-heure dans ces conditions avant que le train parte. A l’heure.
Il ne tarde pas à se mettre en retard, s’arrêtant pour une raison inconnue et une durée de cinq minutes à Mantes-Station.
Sur la plate-forme, celles et ceux collés serrés font connaissance et tentent de se consoler par l’humour :
-J’ai compris, dit une femme, la ligne Paris Rouen, c’est le prolongement de la ligne Treize du métro.
Le meilleur moment est quand un homme se fraie à grand mal un passage dans l’agglomérat. Il veut aller aux toilettes, explique-t-il.
-Il y a déjà au moins trois personnes dans les toilettes, lui dit-on.
-Ben oui, dit une autre, c’est un train pour lequel il fait prévoir des couches.
En gare de Vernon, je réussis à trouver une place assise à l’étage, mais d’autres continuent à voyager debout. Pendant tout le trajet, le chef de bord fait le mort. La seule voix humaine est celle enregistrée qui annonce les arrêts. Au lieu d’être à la maison à dix-neuf heures quinze, j’y arrive à vingt heures trente.
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Hervé Morin, Duc de Normandie, Centriste de Droite, trouve la situation inacceptable, mais, promet-il, tout ira bien en deux mille vingt quand la région normande gérera la ligne.
Quand on voit que sont toujours ouverts les portiques antifraude qu’il a fait installer avec l’argent public, portiques qui sont de plus un danger évident quand c’est le bazar à Saint-Lazare et que des foules courent en tous sens, c’est-à-dire le plus souvent, on attend la suite avec impatience.
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Ce Morin s’est fait allumer l’autre semaine par France Info :
« Au mois de décembre, ces portiques ultra-modernes ont été inaugurés par un président de région Normandie tout sourire. Hervé Morin a déclaré la guerre aux fraudeurs et cette machine doit être une arme imparable » « Le Conseil régional a investi plus de deux millions d'euros afin d'équiper la gare Saint-Lazare » « Mais depuis qu'ils sont entrés en service, ils restent le plus souvent ouverts. Apparemment personne n'a encore osé mettre la machine en route en fin d'après-midi, quand des milliers de voyageurs affluent en courant vers les quais dans l'espoir de ne pas rater leur train. Aux heures de pointe, la cohue est telle que l'engorgement du hall serait inévitable. »
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Morin ou comment jeter plus de deux millions d'euros d’argent public à la poubelle sans avoir à en rendre compte devant un tribunal (il devrait être condamné à rembourser sur sa fortune personnelle).
23 février 2018
La journée est bonne (quand même). Je passe d’abord chez Book-Off, puis réserve une table tranquille au Bistrot des Vosges, enfin l’attends au soleil rue Saint-Antoine près de Pierre Caron de Beaumarchais. Elle arrive à midi et demi comme convenu.
Il s’agit de fêter mon anniversaire (quand même) bien installés au fond de ce restaurant plus que centenaire du boulevard Beaumarchais spécialisé dans la cuisine aveyronnaise. Elle opte pour le chou farci pommes grenailles et je choisis la saucisse grillée aligot, dans l’optique de nous les partager. Pour les accompagner, une flûte de vin de Marcillac de la famille Laurens dont elle ne pourra boire qu’un verre en raison de son traitement médicamenteux.
Cela nous rappelle nos premières vacances là-bas alors qu’elle était si jeune. Elle se souvient mieux que moi d’un repas en ferme auberge avec un gros chou farci suivi d’une délicieuse pintade. Ici, ce n’est pas aussi rustique mais fort bon (quand même). Et nous sommes heureux de constater que nous sommes toujours bien ensemble.
En dessert, je prends la tarte à la myrtille et elle, un moelleux à la châtaigne. Un café, une noisette, il est déjà temps de se quitter. L’addition donne un chiffre tout rond que je règle au comptoir. Il est deux heures et quart. Le travail l’appelle et je prends le bus Vingt-Neuf jusqu’à Opéra Quatre-Septembre.
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Avant le train de retour, je bois un café A la Ville d’Argentan près d’une journaliste anglaise et d’un journaliste irlandais travaillant tous deux pour France Vingt-Quatre. Un autre journaliste, d’origine africaine, au prénom biblique et vivant à Rouen, leur donne des conseils avant un prochain séjour au Nigeria où elle et lui doivent retrouver un fixeur. Ils veulent pouvoir suivre une étudiante jusque dans sa famille et filmer un repenti de Boko Haram. Méfiez-vous des gares routières, des marchés, des mosquées, leur dit-il. J’aime quand c’est le chaos, lui explique l’homme en partance, que je peux aller n’importe où et faire ce que veux, par exemple installer une caméra avec du gaffeur en haut d’un immeuble.
*
Rue de Charonne, un bar éphémère nommé Chez Ducon. Je préfère la connerie durable de celui du Havre.
Il s’agit de fêter mon anniversaire (quand même) bien installés au fond de ce restaurant plus que centenaire du boulevard Beaumarchais spécialisé dans la cuisine aveyronnaise. Elle opte pour le chou farci pommes grenailles et je choisis la saucisse grillée aligot, dans l’optique de nous les partager. Pour les accompagner, une flûte de vin de Marcillac de la famille Laurens dont elle ne pourra boire qu’un verre en raison de son traitement médicamenteux.
Cela nous rappelle nos premières vacances là-bas alors qu’elle était si jeune. Elle se souvient mieux que moi d’un repas en ferme auberge avec un gros chou farci suivi d’une délicieuse pintade. Ici, ce n’est pas aussi rustique mais fort bon (quand même). Et nous sommes heureux de constater que nous sommes toujours bien ensemble.
En dessert, je prends la tarte à la myrtille et elle, un moelleux à la châtaigne. Un café, une noisette, il est déjà temps de se quitter. L’addition donne un chiffre tout rond que je règle au comptoir. Il est deux heures et quart. Le travail l’appelle et je prends le bus Vingt-Neuf jusqu’à Opéra Quatre-Septembre.
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Avant le train de retour, je bois un café A la Ville d’Argentan près d’une journaliste anglaise et d’un journaliste irlandais travaillant tous deux pour France Vingt-Quatre. Un autre journaliste, d’origine africaine, au prénom biblique et vivant à Rouen, leur donne des conseils avant un prochain séjour au Nigeria où elle et lui doivent retrouver un fixeur. Ils veulent pouvoir suivre une étudiante jusque dans sa famille et filmer un repenti de Boko Haram. Méfiez-vous des gares routières, des marchés, des mosquées, leur dit-il. J’aime quand c’est le chaos, lui explique l’homme en partance, que je peux aller n’importe où et faire ce que veux, par exemple installer une caméra avec du gaffeur en haut d’un immeuble.
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Rue de Charonne, un bar éphémère nommé Chez Ducon. Je préfère la connerie durable de celui du Havre.
22 février 2018
« En raison de l’indisponibilité d’une partie de notre matériel roulant toujours en réparation dans nos centres de maintenance, nous sommes contraints d’assurer un service commercial réduit », mon train de sept heures cinquante-neuf pour Paris est donc encore supprimé ce mercredi. Je trouve place dans le précédent, partant à sept heures vingt-huit, la bétaillère, qui cette semaine n’est pas transformée en omnibus. Voilà qui me permettra de rejoindre Book-Off tranquillement en bus puis d’avoir le temps de choisir le restaurant où inviter celle avec qui j’ai rendez-vous à midi et demi au pied de la statue de Beaumarchais.
Las, notre train s’arrête brusquement dans la cambrousse avant Mantes-la-Jolie. Le chef de bord nous enjoint de ne pas ouvrir les portes sans en dire davantage. Le temps passe. A un moment, plus de lumière et plus de chauffage. Et pas davantage d’explication. Chacun soupire.
Enfin le chef de bord reprend la parole. Nous ne pouvons pas repartir, le conducteur fait son possible pour réparer. Chacun maugrée dans son coin. La lumière et le chauffage reviennent.
Vingt minutes plus tard, on nous annonce que « notre conducteur vient de demander du secours » puis arrive le message qui déchaîne un concert de « Putain !». Il nous apprend que le conducteur a demandé une machine de secours et qu’en moyenne ce genre d’opération dure deux heures et demie.
Je vois déjà mon rendez-vous de midi et demi annulé. Ma jeune voisine est accablée au téléphone. Il fallait qu’elle soit au tribunal ce matin et « c’est cramé ». Qu’a bien pu faire cette jolie fille ? A peine ai-je le temps de me poser la question que je comprends qu’elle est avocate.
Tout à coup, l’espoir renaît. Le chef de bord déclare que le conducteur est en train de réussir à réparer. S’il peut débloquer le signal d’alarme de la quatrième voiture, on repartira dans un quart d’heure.
C’est effectivement ce qui se passe. Nous constatons alors que la panne s’est produite juste avant l’entrée d’un tunnel.
Il nous faut encore subir plusieurs courts arrêts pour « régulation du trafic ». Le chef de bord passe s’enquérir des soucis de correspondance. Il fait réserver des places dans les Tégévés suivants pour ceux qui ont raté le leur et affréter des taxis aux frais de la Senecefe pour ceux qui rejoignent les aéroports.
Nous sommes à Saint-Lazare à dix heures. « Veuillez nous excuser pour la gêne occasionnée. »
Avec ma voisine nous nous souhaitons une « bonne journée quand même ». Sur le quai, des employés distribuent des formulaires de dédommagement. Inutile que j’en prenne un, mon billet était pour un autre train. Je refuse de même la boîte orange marquée « Assistance » distribuée par d’autres. Elle doit contenir des viennoiseries industrielles.
*
Les répugnantes toilettes de la bétaillère dans lesquelles aucune chasse d’eau ne fonctionne depuis des mois, encore un « service commercial réduit ».
Las, notre train s’arrête brusquement dans la cambrousse avant Mantes-la-Jolie. Le chef de bord nous enjoint de ne pas ouvrir les portes sans en dire davantage. Le temps passe. A un moment, plus de lumière et plus de chauffage. Et pas davantage d’explication. Chacun soupire.
Enfin le chef de bord reprend la parole. Nous ne pouvons pas repartir, le conducteur fait son possible pour réparer. Chacun maugrée dans son coin. La lumière et le chauffage reviennent.
Vingt minutes plus tard, on nous annonce que « notre conducteur vient de demander du secours » puis arrive le message qui déchaîne un concert de « Putain !». Il nous apprend que le conducteur a demandé une machine de secours et qu’en moyenne ce genre d’opération dure deux heures et demie.
Je vois déjà mon rendez-vous de midi et demi annulé. Ma jeune voisine est accablée au téléphone. Il fallait qu’elle soit au tribunal ce matin et « c’est cramé ». Qu’a bien pu faire cette jolie fille ? A peine ai-je le temps de me poser la question que je comprends qu’elle est avocate.
Tout à coup, l’espoir renaît. Le chef de bord déclare que le conducteur est en train de réussir à réparer. S’il peut débloquer le signal d’alarme de la quatrième voiture, on repartira dans un quart d’heure.
C’est effectivement ce qui se passe. Nous constatons alors que la panne s’est produite juste avant l’entrée d’un tunnel.
Il nous faut encore subir plusieurs courts arrêts pour « régulation du trafic ». Le chef de bord passe s’enquérir des soucis de correspondance. Il fait réserver des places dans les Tégévés suivants pour ceux qui ont raté le leur et affréter des taxis aux frais de la Senecefe pour ceux qui rejoignent les aéroports.
Nous sommes à Saint-Lazare à dix heures. « Veuillez nous excuser pour la gêne occasionnée. »
Avec ma voisine nous nous souhaitons une « bonne journée quand même ». Sur le quai, des employés distribuent des formulaires de dédommagement. Inutile que j’en prenne un, mon billet était pour un autre train. Je refuse de même la boîte orange marquée « Assistance » distribuée par d’autres. Elle doit contenir des viennoiseries industrielles.
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Les répugnantes toilettes de la bétaillère dans lesquelles aucune chasse d’eau ne fonctionne depuis des mois, encore un « service commercial réduit ».
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