Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
27 août 2015
La rentrée n’est pas encore pour tout le monde si j’en juge par le nombre modéré de celles et ceux (surtout ceux) qui attendent le train de sept heures cinquante-neuf pour Paris sur le quai deux de la gare de Rouen ce mercredi. Confirmation m’en est faite dans le métro et les rues de la capitale. Cependant chez Book-Off, à la Bastille, il y a foule, surtout composée de revendeuses et revendeurs de livres pour gain minime, à valises, à caddies, à sacs à dos tous lourds.
Le mien est hors d’usage, rangé dans un sac jaune Gibert. Je le donne à celle qui me l’a offert quand elle me rejoint vers onze heures afin qu’elle le confie à une spécialiste de sa connaissance. Bien qu’elle ait un travail de dingue (c’est permanent), nous allons boire un café au soleil à la terrasse du centreville, carrefour Charonne Ledru-Rollin.
Après ce bon moment, je déjeune Chez Céleste, à l’ombre de l’auvent et pour le prix habituel, d’un avocat crevettes et poulet au gingembre accompagnés de vin portugais. L’addition réglée, je souhaite une bonne installation à la jeune serveuse qui reprend ses études à Strasbourg, entre à côté chez Arts Factory pour y voir les cyanotypes du clip Come to Me d’ALA.NI puis retourne chez Book-Off où je n’avais pas terminé.
Fuyant la chaleur, je passe une partie de l’après-midi à l’ombre près du bassin à jets d’eau dans le jardin du Palais Royal, lisant La Symphonie de Paris et autres histoires d’Irène Némirovsky (Denoël), des textes écrits pour le cinéma et qui ne feront jamais film, tout en regardant l’installation de socles de pierre recevant des sculptures métalliques (un engin de chantier, deux hommes manuels, la femme artiste allant et venant, une autre photographiant).
Il me reste à passer par le Book-Off de l’Opéra pour que ma journée soit remplie. Le ciel est chargé lorsque je quitte Paris et rejoins Rouen. J’ai heureusement, car comment tenir un parapluie quand on a faute de sac à dos les deux mains déjà prises, le temps d’arriver à la maison avant que l’averse ne tombe en même temps que la nuit.
*
Parmi les livres rapportés, le prometteur Adresses fantômes de Michel Longuet publié chez Grasset. L’auteur dessine et raconte ce qu’il trouve quand il va sonner chez Méliès, Lautrec, Marquet, Gauguin, Atget, Calder, Beckett, Michaux et Follain, « personnes parties sans laisser d’adresse ».
Le mien est hors d’usage, rangé dans un sac jaune Gibert. Je le donne à celle qui me l’a offert quand elle me rejoint vers onze heures afin qu’elle le confie à une spécialiste de sa connaissance. Bien qu’elle ait un travail de dingue (c’est permanent), nous allons boire un café au soleil à la terrasse du centreville, carrefour Charonne Ledru-Rollin.
Après ce bon moment, je déjeune Chez Céleste, à l’ombre de l’auvent et pour le prix habituel, d’un avocat crevettes et poulet au gingembre accompagnés de vin portugais. L’addition réglée, je souhaite une bonne installation à la jeune serveuse qui reprend ses études à Strasbourg, entre à côté chez Arts Factory pour y voir les cyanotypes du clip Come to Me d’ALA.NI puis retourne chez Book-Off où je n’avais pas terminé.
Fuyant la chaleur, je passe une partie de l’après-midi à l’ombre près du bassin à jets d’eau dans le jardin du Palais Royal, lisant La Symphonie de Paris et autres histoires d’Irène Némirovsky (Denoël), des textes écrits pour le cinéma et qui ne feront jamais film, tout en regardant l’installation de socles de pierre recevant des sculptures métalliques (un engin de chantier, deux hommes manuels, la femme artiste allant et venant, une autre photographiant).
Il me reste à passer par le Book-Off de l’Opéra pour que ma journée soit remplie. Le ciel est chargé lorsque je quitte Paris et rejoins Rouen. J’ai heureusement, car comment tenir un parapluie quand on a faute de sac à dos les deux mains déjà prises, le temps d’arriver à la maison avant que l’averse ne tombe en même temps que la nuit.
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Parmi les livres rapportés, le prometteur Adresses fantômes de Michel Longuet publié chez Grasset. L’auteur dessine et raconte ce qu’il trouve quand il va sonner chez Méliès, Lautrec, Marquet, Gauguin, Atget, Calder, Beckett, Michaux et Follain, « personnes parties sans laisser d’adresse ».
26 août 2015
Hormis L’Iliade et L’Odyssée, étudiées au collège, je ne connais pas grand-chose de la littérature gréco-latine et m’en désole. Récemment, j’ai découvert Martial (Marcus Valerius Martialis, né vers quarante à Bilbilis en Hispanie, actuelle Espagne, où il mourra vers cent quatre après avoir passé l’essentiel de sa vie à Rome). Ce mardi, j’achève la lecture des Epigrammes traduites par Jean Malaplace pour Poésie/ Gallimard (un livre acheté au Rêve de L’Escalier il y a quelques semaines).
Martial est un lanceur de flèches narquoises. En font les frais ses contemporains.
Ainsi Thaïs :
Personne, dans le peuple ou dans toute la ville,
Qui puisse se vanter d’avoir baisé Thaïs ;
Dieu sait pourtant que nul ne la laisse tranquille,
Que tous se voudraient ses amis.
-Eh quoi ! si chaste, si revêche ?
-Non, pas du tout ! C’est qu’elle lèche.
Zoïle :
Par édit l’Empereur prohibe l’adultère.
Zoïle, sois heureux : tu n’as plus rien à faire.
Mévius :
Toi qui, jadis des plus ingambes,
Ne pisses plus qu’entre tes jambes,
Dont le gland, des doigts titillé,
N’en est pas plus émoustillé,
Pourquoi tenter de faire outrage
Aux cons, aux malheureux pétards ?
Mévius, monte au dernier étage :
Là-haut revivent les vieux dards !
Safron :
Visage et cœur si purs ! Safron, je désespère
De comprendre comment tu pus devenir père !
Et Milon :
Bijoux, poivre, manteaux, argenterie, encens,
Ton client les achète et repasse ta porte.
Ta femme est, des objets que tous les jours tu vends,
Le plus avantageux : car nul ne te l’emporte.
Ultime pique, destinée à Castor, dont je devrais me souvenir lorsque j’emplis mon sac de livres à Paris le mercredi :
A force de tout acheter, ne vas-tu pas devoir tout vendre ?
Martial est un lanceur de flèches narquoises. En font les frais ses contemporains.
Ainsi Thaïs :
Personne, dans le peuple ou dans toute la ville,
Qui puisse se vanter d’avoir baisé Thaïs ;
Dieu sait pourtant que nul ne la laisse tranquille,
Que tous se voudraient ses amis.
-Eh quoi ! si chaste, si revêche ?
-Non, pas du tout ! C’est qu’elle lèche.
Zoïle :
Par édit l’Empereur prohibe l’adultère.
Zoïle, sois heureux : tu n’as plus rien à faire.
Mévius :
Toi qui, jadis des plus ingambes,
Ne pisses plus qu’entre tes jambes,
Dont le gland, des doigts titillé,
N’en est pas plus émoustillé,
Pourquoi tenter de faire outrage
Aux cons, aux malheureux pétards ?
Mévius, monte au dernier étage :
Là-haut revivent les vieux dards !
Safron :
Visage et cœur si purs ! Safron, je désespère
De comprendre comment tu pus devenir père !
Et Milon :
Bijoux, poivre, manteaux, argenterie, encens,
Ton client les achète et repasse ta porte.
Ta femme est, des objets que tous les jours tu vends,
Le plus avantageux : car nul ne te l’emporte.
Ultime pique, destinée à Castor, dont je devrais me souvenir lorsque j’emplis mon sac de livres à Paris le mercredi :
A force de tout acheter, ne vas-tu pas devoir tout vendre ?
25 août 2015
Beaucoup de voitures ce mardi matin sur les quais hauts de Rouen que je traverse à pied pour me rendre au marché des Emmurées. Août n’est pas terminé que la rentrée semble à l’ordre du jour. En contrebas du pont Corneille, le sable de l’ex-plage est partagé en trois gros tas. Vont-ils rester là pour empêcher les forains de la Saint-Romain de s’installer ? Un peu plus loin, sur ce même quai, la Mairie de Rouen a creusé des tranchées et placé des obstacles, officiellement pour en poursuivre l’aménagement. L’affrontement risque d’être rude avec les forains, d’une autre nature que celui des autorités avec les anciens résidants de la Ferme des Bouillons.
Ceux-ci ont quitté sous une pluie intense le champ municipal qu’ils occupaient près de la ferme, menacés qu’ils étaient d’une astreinte journalière de mille euros et de la matraque policière. Ils se sont repliés au jardin de Repainville en attendant des jours meilleurs.
*
A la terrasse de l’Interlude, sous l’auvent pour cause d’averses :
-J’ai perdu ma mère.
-C’était prévu ?
-Non, elle s’est endormie en jouant aux cartes avec la voisine. Belle mort, à quatre-vingts ans, impeccable.
Il ajoute, au bout d’un moment, que ça remue des choses.
Ceux-ci ont quitté sous une pluie intense le champ municipal qu’ils occupaient près de la ferme, menacés qu’ils étaient d’une astreinte journalière de mille euros et de la matraque policière. Ils se sont repliés au jardin de Repainville en attendant des jours meilleurs.
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A la terrasse de l’Interlude, sous l’auvent pour cause d’averses :
-J’ai perdu ma mère.
-C’était prévu ?
-Non, elle s’est endormie en jouant aux cartes avec la voisine. Belle mort, à quatre-vingts ans, impeccable.
Il ajoute, au bout d’un moment, que ça remue des choses.
24 août 2015
Obligatoirement « festive », une grande marche entre Rouen et Mont-Saint-Aignan est organisée par les anciens occupants de la Ferme des Bouillons réfugiés dans le champ voisin après leur expulsion par les Céhéresses pour laisser place aux acquéreurs officiels, les frères Mégard soutenus par la Safer, le Ministère de l’Intérieur et Auchan. Son point de départ est à dix heures ce dimanche au Clos Saint-Marc où se tient le plus gros marché de la semaine. Je ne sais si cette marche sera grande mais elle sera longue (comme du temps des maoïstes) et fatigante, ça monte. En fait de libération, il s’agira d’accrocher des mots doux sur la clôture érigée par les acquéreurs autour de leur nouveau bien (mal acquis).
Pas question que je participe à quoi que ce soit de festif, je ne suis là qu’au départ, en retrait derrière les policiers, des jeunes en uniforme et des vieux à cheveux blancs en civil. L’un de leurs amis les salue, pantacourt et chemise au vent. « Je suis habillé comme un Bouillon », leur dit-il.
Les futurs marcheurs arrivent régulièrement. La télé locale est là, dont la caméra est protégée de la pluie par une bâche. Un accrochage verbal a lieu entre Claude Taleb, Vice-Président de la Région Haute-Normandie, du Parti Ecolo, et je ne sais qui, peut-être parce que les Verts tout en soutenant à Rouen les anciens occupants des Bouillons mis à mal par le Péhesse ont passé le samedi à faire du lèche Fabius à Villeneuve-d’Ascq lors de leurs Journées d’été. « On reste unis, on reste unis », clame une bonne âme.
Quand tout le monde est là, les festivités commencent. Un comique à cravate blanche grimpe sur une chaise de bar pour faire son chaud, égrenant à son public tous les jeux de mots que l’on peut faire avec Bouillons et Mégard, « mais je m’égare ». A l’issue, la foule entonne « On lâche rien », ce qu’il est d’usage de faire quand on a déjà perdu.
Un jeune homme me tend un tract. Je lui dis que je suis au courant mais que je reste en dehors. Pourquoi ? me demande-t-il. Je lui explique mon allergie aux actions « festives ».
-C’est ça ou la violence, me dit-il
-Festif n’est pas le contraire de violent, lui dis-je.
Il m’invite à venir donner mon point de vue aux assemblées générales. Inutile, lui dis-je, je ne suis pas à ma place dans le monde tel qu’il est mais pas davantage dans celui que vous désirez. Il me dit alors que cette marche festive est un exutoire, il ne faut pas que certains qui ont envie d’en découdre physiquement passent à l’acte.
Un sexagénaire à tête de beauf vient voir de quoi il retourne et déclare à ce candide jeune homme qu’il a « fait Mai Soixante-Huit », mais que maintenant on vit en dictature, si tu dis ce que tu penses on te traite de raciste. Le jeune homme bat en retraite. Après une nouvelle altercation entre un écologiste et un antinucléaire, la marche démarre. La première étape sera le cinéma Omnia. Même le moins futé des policiers sait qu’en face se trouve le local du Parti Socialiste.
Sous mon parapluie, je regarde partir le cortège festif, entre Singin’ in the Rain et chemin de croix.
-Le marché peut commencer, déclare un fleuriste.
*
La suite m’est connue par le réseau social Effe Bé, un cortège accueilli par les Céhéresses, gaz lacrymogènes, coups de matraque, puis autorisation donnée à une vingtaine de marcheurs d’aller accrocher les mots doux sur la clôture des frères Mégard.
*
Le champ dans lequel sont désormais installés les anciens occupants de la ferme ne serait pas départemental mais municipal. La Maire de Mont-Saint-Aignan, Catherine Flavigny, membre de Les Républicains, ayant demandé leur expulsion, la suite est prévisible.
Pas question que je participe à quoi que ce soit de festif, je ne suis là qu’au départ, en retrait derrière les policiers, des jeunes en uniforme et des vieux à cheveux blancs en civil. L’un de leurs amis les salue, pantacourt et chemise au vent. « Je suis habillé comme un Bouillon », leur dit-il.
Les futurs marcheurs arrivent régulièrement. La télé locale est là, dont la caméra est protégée de la pluie par une bâche. Un accrochage verbal a lieu entre Claude Taleb, Vice-Président de la Région Haute-Normandie, du Parti Ecolo, et je ne sais qui, peut-être parce que les Verts tout en soutenant à Rouen les anciens occupants des Bouillons mis à mal par le Péhesse ont passé le samedi à faire du lèche Fabius à Villeneuve-d’Ascq lors de leurs Journées d’été. « On reste unis, on reste unis », clame une bonne âme.
Quand tout le monde est là, les festivités commencent. Un comique à cravate blanche grimpe sur une chaise de bar pour faire son chaud, égrenant à son public tous les jeux de mots que l’on peut faire avec Bouillons et Mégard, « mais je m’égare ». A l’issue, la foule entonne « On lâche rien », ce qu’il est d’usage de faire quand on a déjà perdu.
Un jeune homme me tend un tract. Je lui dis que je suis au courant mais que je reste en dehors. Pourquoi ? me demande-t-il. Je lui explique mon allergie aux actions « festives ».
-C’est ça ou la violence, me dit-il
-Festif n’est pas le contraire de violent, lui dis-je.
Il m’invite à venir donner mon point de vue aux assemblées générales. Inutile, lui dis-je, je ne suis pas à ma place dans le monde tel qu’il est mais pas davantage dans celui que vous désirez. Il me dit alors que cette marche festive est un exutoire, il ne faut pas que certains qui ont envie d’en découdre physiquement passent à l’acte.
Un sexagénaire à tête de beauf vient voir de quoi il retourne et déclare à ce candide jeune homme qu’il a « fait Mai Soixante-Huit », mais que maintenant on vit en dictature, si tu dis ce que tu penses on te traite de raciste. Le jeune homme bat en retraite. Après une nouvelle altercation entre un écologiste et un antinucléaire, la marche démarre. La première étape sera le cinéma Omnia. Même le moins futé des policiers sait qu’en face se trouve le local du Parti Socialiste.
Sous mon parapluie, je regarde partir le cortège festif, entre Singin’ in the Rain et chemin de croix.
-Le marché peut commencer, déclare un fleuriste.
*
La suite m’est connue par le réseau social Effe Bé, un cortège accueilli par les Céhéresses, gaz lacrymogènes, coups de matraque, puis autorisation donnée à une vingtaine de marcheurs d’aller accrocher les mots doux sur la clôture des frères Mégard.
*
Le champ dans lequel sont désormais installés les anciens occupants de la ferme ne serait pas départemental mais municipal. La Maire de Mont-Saint-Aignan, Catherine Flavigny, membre de Les Républicains, ayant demandé leur expulsion, la suite est prévisible.
23 août 2015
La fermeture de mon sac à dos étant hors d’usage, c’est avec l’espoir de lui trouver un remplaçant le temps de la réparation que je prends la route ce samedi matin, direction Montaure dans l’Eure.
J’y arrive par le hameau des Fosses, me gare près du cimetière sis hors du village et rejoins le déballage à pied, lequel se tient moitié dans un pré vert, moitié dans des chaumes jaunes.
Montaure est au bord du plateau du Neubourg, cela s’entend à la façon dont s’expriment les organisateurs. Depuis mil neuf cent soixante-treize, le Maire est du Parti Communiste. Aux Elections Européennes, le F-Haine est arrivé largement en tête. La conjonction de coordination qui pourrait lier ces deux phrases est plutôt donc que mais, me semble-t-il.
Beaucoup d’exposants sont venus d’ailleurs. Ici comme partout, ce qui les préoccupe est de savoir où sont les toilettes. Elles sont dans le pré, des cabines en plastique comme on en trouve sur les chantiers. Cela ne convient pas à tous, encore moins à toutes. L’une a sa solution :
-Moi j’ai un petit seau, je peux faire pipi tranquillement dans mon camion.
L’homme à la mobylette à café a fait le déplacement. La chaleur étant annoncée, il a ajouté sur le devant un panier métallique empli de petites bouteilles d’eau. Un collectionneur se désole de ne pas trouver de jetons de caddie. Ma recherche n’est pas davantage fructueuse. Je ne vois qu’un sac à dos. Il est tellement laid que je ne demande pas le prix.
Je me console lorsque je découvre une admiratrice de Barbara vendant de nombreux livres et revues consacrés à la chanteuse ainsi que des dévédés et des cédés. Je ne lui demande pas pourquoi elle juge bon de s’en débarrasser et fais affaire avec elle.
J’y arrive par le hameau des Fosses, me gare près du cimetière sis hors du village et rejoins le déballage à pied, lequel se tient moitié dans un pré vert, moitié dans des chaumes jaunes.
Montaure est au bord du plateau du Neubourg, cela s’entend à la façon dont s’expriment les organisateurs. Depuis mil neuf cent soixante-treize, le Maire est du Parti Communiste. Aux Elections Européennes, le F-Haine est arrivé largement en tête. La conjonction de coordination qui pourrait lier ces deux phrases est plutôt donc que mais, me semble-t-il.
Beaucoup d’exposants sont venus d’ailleurs. Ici comme partout, ce qui les préoccupe est de savoir où sont les toilettes. Elles sont dans le pré, des cabines en plastique comme on en trouve sur les chantiers. Cela ne convient pas à tous, encore moins à toutes. L’une a sa solution :
-Moi j’ai un petit seau, je peux faire pipi tranquillement dans mon camion.
L’homme à la mobylette à café a fait le déplacement. La chaleur étant annoncée, il a ajouté sur le devant un panier métallique empli de petites bouteilles d’eau. Un collectionneur se désole de ne pas trouver de jetons de caddie. Ma recherche n’est pas davantage fructueuse. Je ne vois qu’un sac à dos. Il est tellement laid que je ne demande pas le prix.
Je me console lorsque je découvre une admiratrice de Barbara vendant de nombreux livres et revues consacrés à la chanteuse ainsi que des dévédés et des cédés. Je ne lui demande pas pourquoi elle juge bon de s’en débarrasser et fais affaire avec elle.
21 août 2015
Découragé par l’usage quasi permanent du mot festif dans leurs communiqués, je n’ai pas participé à la « marche festive » puis aux « rassemblements festifs » destinés à soutenir la demande d’acquisition par les occupants zadistes de la Ferme des Bouillons de Mont-Saint-Aignan, celle-ci appartenant à Auchan qui voulait la démolir pour ériger un hypermarché et ne pouvait plus légalement le faire.
Le projet des occupants étant en rivalité avec celui de petits capitalistes locaux, jeunes gens ayant soudain des ambitions agricoles et par ailleurs catholiques anti mariage gay, c’est sans surprise que la Safer qui est aux mains du syndicat agricole de droite majoritaire, en refusant de faire usage de son droit de préemption, a donné sa préférence aux petits capitalistes cathos à qui Auchan avait cédé les bâtiments et les terres à un prix dérisoire. Pour permettre à ces heureux acquéreurs de se lancer sans tarder dans le binage et le sarclage, les autorités ont envoyé ce mercredi à six heures du matin les Céhéresses déloger les occupants sans titre.
Le futur battu aux élections de décembre prochain, (actuellement Chef de la Haute-Normandie), Nicolas Mayer-Rossignol (Socialiste) a fait état de son manque de soutien aux expulsés en déclarant qu’il regrettait « qu’aucune solution évitant le recours aux forces de l’ordre n’ait pu être trouvée ».
Ceux-ci se sont installés dans le champ d’à côté appartenant au Conseil Général. La pluie étant tombée toute la nuit, ils n’ont pas dû être à la fête.
*
Rêver d’une rentrée scolaire où l’on se retrouve face à une classe sans avoir rien préparé puis, la nuit suivante, d’une fête scolaire de fin d’année dont la sono tombe en panne, révèle la profondeur du traumatisme.
Sera-ce pareil pour celui de ma connaissance qui va bientôt quitter l’usine ?
Le projet des occupants étant en rivalité avec celui de petits capitalistes locaux, jeunes gens ayant soudain des ambitions agricoles et par ailleurs catholiques anti mariage gay, c’est sans surprise que la Safer qui est aux mains du syndicat agricole de droite majoritaire, en refusant de faire usage de son droit de préemption, a donné sa préférence aux petits capitalistes cathos à qui Auchan avait cédé les bâtiments et les terres à un prix dérisoire. Pour permettre à ces heureux acquéreurs de se lancer sans tarder dans le binage et le sarclage, les autorités ont envoyé ce mercredi à six heures du matin les Céhéresses déloger les occupants sans titre.
Le futur battu aux élections de décembre prochain, (actuellement Chef de la Haute-Normandie), Nicolas Mayer-Rossignol (Socialiste) a fait état de son manque de soutien aux expulsés en déclarant qu’il regrettait « qu’aucune solution évitant le recours aux forces de l’ordre n’ait pu être trouvée ».
Ceux-ci se sont installés dans le champ d’à côté appartenant au Conseil Général. La pluie étant tombée toute la nuit, ils n’ont pas dû être à la fête.
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Rêver d’une rentrée scolaire où l’on se retrouve face à une classe sans avoir rien préparé puis, la nuit suivante, d’une fête scolaire de fin d’année dont la sono tombe en panne, révèle la profondeur du traumatisme.
Sera-ce pareil pour celui de ma connaissance qui va bientôt quitter l’usine ?
20 août 2015
-J’admire votre constance à acheter des livres, me dit l’un de mes lecteurs rencontré dans le train de sept heures cinquante-neuf au moment d’en descendre à Saint-Lazare ce mercredi.
-C’est peut-être une maladie, lui dis-je.
-Il en est de pire, conclut-il.
A onze heures, venue du dix-huitième arrondissement sur son haut vélo hollandais me rejoint, dans le Book-Off de Bastille, celle que je n’ai pas vue depuis trop longtemps. Après que je l’ai aidée à renouveler sa provision de lectures, nous prenons un café au soleil au Centreville à l’angle de Charonne et Ledru-Rollin en parlant de nos vies respectives. Chez Céleste étant fermé pour vacances, nous traversons la rue de Charonne et nous installons à la terrasse du Bistro du Commerce dont le menu du jour nous tente. Poursuivant la conversation, nous y mangeons excellemment, ce dont nous faisons compliment au responsable qui nous invite à revenir. Ce sera le cas, mais pas ensemble, lui dis-je. Je la regarde remonter la rue du Faubourg-Saint-Antoine vers la Bastille et le travail. Il s’agit pour elle de rejoindre son rendez-vous de quinze heures rue du Temple.
A la même heure, c’est un autre vélo qui s’arrête devant le Book-Off de l’Opéra, d’un modèle robuste et urbain, piloté par l’ami d’Orléans qui l’emporte avec lui dans le train. Il a coupé la barbe qu’il portait avant que cela se répande. Ce vélo attaché, nous prenons une boisson fraîche à la Clé des Champs, rue des Petits-Champs, en évoquant nos vies respectives et incidemment les soucis que lui causent parfois mes écritures qu’il héberge généreusement. Quand arrive pour lui l’heure de rejoindre sur son coursier métallique la gare d’Austerlitz, j’entre chez Book-Off.
Mes achats de l’après-midi s’ajoutant à ceux du matin, c’est encore une fois lesté de livres que je quitte Paris, parmi lesquels Forêt noire de Valérie Mréjen (P.O.L.), Picasso par Sabartés (L’Ecole des lettres), La vie drôle de Curnonsky (Ramsay) et l’édition revue et augmentée des Lettres à Lucilius de Sénèque parue chez Arléa sous le titre Apprendre à vivre (il n’est jamais trop tard, comme on dit).
*
La veille, à Rouen en fin d’après-midi, boisson chaude à la terrasse du Citizen (le nom dit tout de l’endroit) avec la bonne fée qui installa ma nouvelle box Orange (et un de ses amis). Cela avant qu’elle ne joue l’arlésienne.
-C’est peut-être une maladie, lui dis-je.
-Il en est de pire, conclut-il.
A onze heures, venue du dix-huitième arrondissement sur son haut vélo hollandais me rejoint, dans le Book-Off de Bastille, celle que je n’ai pas vue depuis trop longtemps. Après que je l’ai aidée à renouveler sa provision de lectures, nous prenons un café au soleil au Centreville à l’angle de Charonne et Ledru-Rollin en parlant de nos vies respectives. Chez Céleste étant fermé pour vacances, nous traversons la rue de Charonne et nous installons à la terrasse du Bistro du Commerce dont le menu du jour nous tente. Poursuivant la conversation, nous y mangeons excellemment, ce dont nous faisons compliment au responsable qui nous invite à revenir. Ce sera le cas, mais pas ensemble, lui dis-je. Je la regarde remonter la rue du Faubourg-Saint-Antoine vers la Bastille et le travail. Il s’agit pour elle de rejoindre son rendez-vous de quinze heures rue du Temple.
A la même heure, c’est un autre vélo qui s’arrête devant le Book-Off de l’Opéra, d’un modèle robuste et urbain, piloté par l’ami d’Orléans qui l’emporte avec lui dans le train. Il a coupé la barbe qu’il portait avant que cela se répande. Ce vélo attaché, nous prenons une boisson fraîche à la Clé des Champs, rue des Petits-Champs, en évoquant nos vies respectives et incidemment les soucis que lui causent parfois mes écritures qu’il héberge généreusement. Quand arrive pour lui l’heure de rejoindre sur son coursier métallique la gare d’Austerlitz, j’entre chez Book-Off.
Mes achats de l’après-midi s’ajoutant à ceux du matin, c’est encore une fois lesté de livres que je quitte Paris, parmi lesquels Forêt noire de Valérie Mréjen (P.O.L.), Picasso par Sabartés (L’Ecole des lettres), La vie drôle de Curnonsky (Ramsay) et l’édition revue et augmentée des Lettres à Lucilius de Sénèque parue chez Arléa sous le titre Apprendre à vivre (il n’est jamais trop tard, comme on dit).
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La veille, à Rouen en fin d’après-midi, boisson chaude à la terrasse du Citizen (le nom dit tout de l’endroit) avec la bonne fée qui installa ma nouvelle box Orange (et un de ses amis). Cela avant qu’elle ne joue l’arlésienne.
19 août 2015
Dernière plongée dans la correspondance de Jean-Paul Sartre, laquelle à partir de son retour de camp se raréfie et se fait moins intéressante.
Quand même ces deux extraits de lettres à Simone de Beauvoir :
Mes rapports avec T. sont parfaits. Elle est absolument charmante avec moi, dans le genre propriétaire ; je me sens un chat ou un pékinois très aimé, ce qui est plutôt gonflant. (…) Mouloudji sort souvent avec nous le soir car il n’a pas le sou et se fait entretenir avec simplicité. (non datée, mil neuf cent quarante et un)
J’ai grand hâte de vous voir, mon doux, mon cher petit et j’ai grande envie de me balader avec vous, même à bicyclette. (un jeudi huit de l’été mil neuf cent quarante-trois, Simone fait des émissions à Radio Vichy, Mouloudji est casé dans une télévision allemande)
Après la guerre, Sartre est invité à donner des conférences aux Etats-Unis, ce qui n’est pas sans péril :
Vous savez qu’au retour notre auto a capoté sur une autostrade américaine. Hare était dessous, puis Dolorès puis moi au-dessus. Personne n’a rien eu : simplement 300 dollars de réparation. Mais enfin, c’était le gros accident. (un lundi de février mil neuf cent quarante-six)
Pour finir, cet extrait d’une lettre à celle qui fut son amoureuse avant le Castor, Simone Jolivet dite Toulouse:
… et, en plus, il fallait courir pour les cadeaux (car nous avons atteint cet âge où on fait des cadeaux sans en recevoir, j’ai deux filleuls et une nuée de demi-filleuls en bas-âge). (en décembre mil neuf cent quarante-neuf)
La dernière missive du second volume des Lettres au Castor et à quelques autres, publié par Gallimard, date du vingt-cinq juillet mil neuf cent soixante-trois. Une note de Simone explique cela : Par la suite, au cours de nos brèves séparations, nous nous téléphonions.
*
Cet été sur France Culture, une rediffusion succède à une rediffusion et il y a même rediffusion le soir de la rediffusion du matin et réciproquement (Olivier Poivre d’Arvor, Directeur, a été viré en juillet par Mathieu Gallet, Chef de Radio France, pour avoir critiqué le manque de moyens financiers).
Consolation, cette semaine, le matin, l’une de ces rediffusions est consacrée à la vie et l’œuvre de Simone de Beauvoir.
Quand même ces deux extraits de lettres à Simone de Beauvoir :
Mes rapports avec T. sont parfaits. Elle est absolument charmante avec moi, dans le genre propriétaire ; je me sens un chat ou un pékinois très aimé, ce qui est plutôt gonflant. (…) Mouloudji sort souvent avec nous le soir car il n’a pas le sou et se fait entretenir avec simplicité. (non datée, mil neuf cent quarante et un)
J’ai grand hâte de vous voir, mon doux, mon cher petit et j’ai grande envie de me balader avec vous, même à bicyclette. (un jeudi huit de l’été mil neuf cent quarante-trois, Simone fait des émissions à Radio Vichy, Mouloudji est casé dans une télévision allemande)
Après la guerre, Sartre est invité à donner des conférences aux Etats-Unis, ce qui n’est pas sans péril :
Vous savez qu’au retour notre auto a capoté sur une autostrade américaine. Hare était dessous, puis Dolorès puis moi au-dessus. Personne n’a rien eu : simplement 300 dollars de réparation. Mais enfin, c’était le gros accident. (un lundi de février mil neuf cent quarante-six)
Pour finir, cet extrait d’une lettre à celle qui fut son amoureuse avant le Castor, Simone Jolivet dite Toulouse:
… et, en plus, il fallait courir pour les cadeaux (car nous avons atteint cet âge où on fait des cadeaux sans en recevoir, j’ai deux filleuls et une nuée de demi-filleuls en bas-âge). (en décembre mil neuf cent quarante-neuf)
La dernière missive du second volume des Lettres au Castor et à quelques autres, publié par Gallimard, date du vingt-cinq juillet mil neuf cent soixante-trois. Une note de Simone explique cela : Par la suite, au cours de nos brèves séparations, nous nous téléphonions.
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Cet été sur France Culture, une rediffusion succède à une rediffusion et il y a même rediffusion le soir de la rediffusion du matin et réciproquement (Olivier Poivre d’Arvor, Directeur, a été viré en juillet par Mathieu Gallet, Chef de Radio France, pour avoir critiqué le manque de moyens financiers).
Consolation, cette semaine, le matin, l’une de ces rediffusions est consacrée à la vie et l’œuvre de Simone de Beauvoir.
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