Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
26 mai 2019
Vendredi soir on célèbre la Fête des Voisins en bas d’un des immeubles faisant face à celui où je loge provisoirement. Cela me rappelle l’une à laquelle j’ai participé avec une majorité des habitant(e)s de la copropriété rouennaise qui m’abrite depuis vingt ans. Etrange évènement : on se retrouve avec des personnes à qui jusqu’à présent on disait bonjour poliment et dont on connaît peu ou rien et cela se termine, alcool aidant, par confidences, tutoiements et visites d’appartements. Le lendemain on est un peu gêné. Je me suis juré de ne pas recommencer et je n’ai pas eu de mal car cela ne se fait plus. Celles et ceux qui étaient là ce soir-là n’y sont plus, ayant déménagé, sauf une, avec qui plus tard je me suis définitivement fâché.
Ces festivités ne m’empêchent pas de dormir. Levé tôt ce samedi, je vais en métro jusqu’à Notre-Dame-de-Lorette. Près de l’église commence la rue de Maubeuge qui monte vers Barbès. S’y déroule ce que les organisateurs appellent « un vide grenier festif et intemporel » permettant une « très belle balade au centre d'un agréable quartier parisien ».
Tout cela est un peu exagéré. Le déballage se tient d’un seul côté de la rue. On y trouve bon nombre de professionnels, dont l’un que j’ai l’habitude de voir à Rouen au Clos Saint-Marc, et peu de livres, dont aucun pour moi.
A pied, je rejoins l’Opéra où le métro sept me conduit jusqu’au quartier Mouffetard où est annoncé un vide grenier de cent à deux cents exposants. Ils ne sont qu’une dizaine. Je retourne dans le dix-huitième.
A midi, pour déjeuner, je choisis Le Bon Coin, rue des Cloÿs, un endroit que m’avait fait découvrir Philippe Dumez quand il trouvait encore de l’intérêt à ma compagnie. Le patron me propose une petite table au fond qui m’agrée. Sur le mur derrière elle, un article de journal qualifie la maison d’« institution de quartier ». Elle l’est assurément. La plupart des clients sont des habitués. Parmi les quelques qui ne le sont pas, un père excédé par sa deux ans qui ne veut pas manger mais qui ne fait rien pour aider sa femme. A côté de lui est son beau-frère et en face sa belle-mère. Il a parfois le regard si noir pour l’ensemble de sa famille que sa présence future à la page des faits divers du Parisien n’est pas à exclure.
Mon choix va au travers de porc pommes sautées (dix euros cinquante), à la tarte pomme rhubarbe (trois euros quatre-vingt-dix) et au quart de côtes-du-rhône (sept euros cinquante). L’ensemble est fort bon et le service attentif malgré l’affluence.
*
Rue Mouffetard, la Fête des Voisins, c’était chez Franprix, « Apéro offert ».
*
« Moi, ça me va bien » (tic de jeune Parisien)
Ces festivités ne m’empêchent pas de dormir. Levé tôt ce samedi, je vais en métro jusqu’à Notre-Dame-de-Lorette. Près de l’église commence la rue de Maubeuge qui monte vers Barbès. S’y déroule ce que les organisateurs appellent « un vide grenier festif et intemporel » permettant une « très belle balade au centre d'un agréable quartier parisien ».
Tout cela est un peu exagéré. Le déballage se tient d’un seul côté de la rue. On y trouve bon nombre de professionnels, dont l’un que j’ai l’habitude de voir à Rouen au Clos Saint-Marc, et peu de livres, dont aucun pour moi.
A pied, je rejoins l’Opéra où le métro sept me conduit jusqu’au quartier Mouffetard où est annoncé un vide grenier de cent à deux cents exposants. Ils ne sont qu’une dizaine. Je retourne dans le dix-huitième.
A midi, pour déjeuner, je choisis Le Bon Coin, rue des Cloÿs, un endroit que m’avait fait découvrir Philippe Dumez quand il trouvait encore de l’intérêt à ma compagnie. Le patron me propose une petite table au fond qui m’agrée. Sur le mur derrière elle, un article de journal qualifie la maison d’« institution de quartier ». Elle l’est assurément. La plupart des clients sont des habitués. Parmi les quelques qui ne le sont pas, un père excédé par sa deux ans qui ne veut pas manger mais qui ne fait rien pour aider sa femme. A côté de lui est son beau-frère et en face sa belle-mère. Il a parfois le regard si noir pour l’ensemble de sa famille que sa présence future à la page des faits divers du Parisien n’est pas à exclure.
Mon choix va au travers de porc pommes sautées (dix euros cinquante), à la tarte pomme rhubarbe (trois euros quatre-vingt-dix) et au quart de côtes-du-rhône (sept euros cinquante). L’ensemble est fort bon et le service attentif malgré l’affluence.
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Rue Mouffetard, la Fête des Voisins, c’était chez Franprix, « Apéro offert ».
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« Moi, ça me va bien » (tic de jeune Parisien)
25 mai 2019
Voici celle qui me tenait autrefois la main partie en vacances bien méritées et moi bénéficiant de son appartement durant ce temps. Une bétaillère de début d’après-midi m’emmène à Saint-Lazare où je prends le métro douze jusqu’à Jules Joffrin. Je n’ai qu’à tirer ma nouvelle valise sur quelques centaines de mètres pour y être.
Quand je ressors, je vais boire un diabolo menthe à la terrasse de Chez Dionis au bout de la rue Letort, d’où j’observe la vie de ce sympathique quartier. A ma droite sont deux femmes dont l’une a déjà accouché et l’autre pas encore. Il est question du trousseau demandé par Trousseau. A ma gauche, deux professeures et un professeur des écoles se livrent à leur occupation préférée de fin de semaine : « boire des coups ». Leur conversation, professionnelle, ne m’est pas trop pénible.
Je passe ensuite au Gé Vingt faire des emplettes puis profite de l’ambiance sonore générée par des branlotin(e)s dans la rue tout en réfléchissant à mes projets : parcourir quelques vide greniers et traîner mes guêtres dans des communes périphériques afin de vérifier le propos d’Alphonse Allais : Les environs de Paris sont les plus beaux environs du monde.
Quand je ressors, je vais boire un diabolo menthe à la terrasse de Chez Dionis au bout de la rue Letort, d’où j’observe la vie de ce sympathique quartier. A ma droite sont deux femmes dont l’une a déjà accouché et l’autre pas encore. Il est question du trousseau demandé par Trousseau. A ma gauche, deux professeures et un professeur des écoles se livrent à leur occupation préférée de fin de semaine : « boire des coups ». Leur conversation, professionnelle, ne m’est pas trop pénible.
Je passe ensuite au Gé Vingt faire des emplettes puis profite de l’ambiance sonore générée par des branlotin(e)s dans la rue tout en réfléchissant à mes projets : parcourir quelques vide greniers et traîner mes guêtres dans des communes périphériques afin de vérifier le propos d’Alphonse Allais : Les environs de Paris sont les plus beaux environs du monde.
24 mai 2019
Sitôt arrivé à Saint-Lazare ce mercredi matin, je rejoins pédestrement le Musée de l’Orangerie. Point de file d’attente à l’entrée, je paie mes neuf euros (tarif plein pot), laisse mon sac au vestiaire puis descends au niveau moins deux afin de découvrir l’exposition Franz Marc/August Macke, l’aventure du Cavalier bleu, sur laquelle je n’ai rien lu ni entendu mais ces deux peintres sont de ceux pour qui j’ai une particulière dilection.
Las, je suis fort désappointé tant par la quantité que par la qualité des œuvres montrées. Il n’y en a pas pour plus de cinq euros et la relecture des Nymphéas de Monet par Alex Katz n’est pas de nature à me dédommager. Dans l’exposition permanente, des élèves de Cépé munis d’oreillettes suivent les explications d’une guide parlant bas dans le micro, ce qui a pour double avantage de les obliger à être attentifs et de ne pas déranger les autres visiteurs. Au niveau zéro, chez Monet, prolifèrent des Japonais(e)s s’entre-photographiant.
C’est plus tôt que prévu que je rejoins la place de l’Opéra par la place Vendôme et la rue de la Paix. J’ai le temps d’explorer le premier Book Off avant midi. J’y trouve au rayon Policiers Nature morte avec bride et mors de Zbigniew Herbert (Calmann-Lévy), ce qui relève d’une certaine logique, bien qu’il s’agisse d’une enquête sur le rapport entre l’art et la vie quotidienne.
Sorti de là je choisis le Royal Bourse Opéra pour un déjeuner rondement mené par les deux jeunes serveuses. Mes voisines déclarent qu’elles vont essayer de ne pas parler boulot. Moyennant quoi, elles parlent marmaille. « J’ai trouvé une nounou, une jeune étudiante qui rentre en France et qui a besoin de travailler ». Le bon burgueur classique frites salade, la très bonne tarte à l’abricot et le quart de côtes-du-rhône me coûtent vingt euros.
Le métro Huit me permet d’être au second Book-Off avant treize heures trente. Au détour d’une allée, j’y découvre le vieux bouquiniste. Il m’explique que s’il ne lit plus, c’est à cause de son avécé dont la moitié affaissée de son visage témoigne. Il voit beaucoup moins et au bout d’un quart d’heure a mal à la tête.
Mon sac un peu plus empli, faute de bus Vingt qui a changé d’itinéraire, je prends une nouvelle fois le Vingt-Neuf pour regagner Saint-Lazare et une nouvelle fois j’ai tort. Traverser le Marais avec ce genre de véhicule est l’assurance d’être bloqué au moindre incident. J’ai le temps de bien voir un jeune homme à drapeau tricolore et vélo couvert d’affiches faire la promotion du Frexit.
J’arrive échauffé à La Ville d’Argentan où opère un nouveau serveur à qui je demande mon habituel café verre d’eau. Il innove en m’apportant carrément une bouteille d’eau. Cette nouveauté est bienvenue. Elle est la conséquence de l’absence pour arrêt de travail de quatre mois d’un des serveurs habituels, victime d’un accident de trottinette électrique.
*
Ce jeudi, au Son du Cor, deux quinquagénaires découvrant l’inscription « la vie est belle » sur le mur de l’orthophoniste d’en face.
-Un mec bourré sûrement, suppute l’un.
-Bah oui, pour écrire des conneries pareilles, commente l’autre.
*
Devant le lycée Camille Saint-Saëns, tracés à la peinture jaune sur tous les panneaux électoraux, des Fuck signés des initiales G J. Des Gilets sont passés par-là avec leur argumentaire élaboré. Seules quelques affiches de candidats sont collées, dont celle de la liste pour laquelle votera celui qui le fera à ma place dimanche.
Las, je suis fort désappointé tant par la quantité que par la qualité des œuvres montrées. Il n’y en a pas pour plus de cinq euros et la relecture des Nymphéas de Monet par Alex Katz n’est pas de nature à me dédommager. Dans l’exposition permanente, des élèves de Cépé munis d’oreillettes suivent les explications d’une guide parlant bas dans le micro, ce qui a pour double avantage de les obliger à être attentifs et de ne pas déranger les autres visiteurs. Au niveau zéro, chez Monet, prolifèrent des Japonais(e)s s’entre-photographiant.
C’est plus tôt que prévu que je rejoins la place de l’Opéra par la place Vendôme et la rue de la Paix. J’ai le temps d’explorer le premier Book Off avant midi. J’y trouve au rayon Policiers Nature morte avec bride et mors de Zbigniew Herbert (Calmann-Lévy), ce qui relève d’une certaine logique, bien qu’il s’agisse d’une enquête sur le rapport entre l’art et la vie quotidienne.
Sorti de là je choisis le Royal Bourse Opéra pour un déjeuner rondement mené par les deux jeunes serveuses. Mes voisines déclarent qu’elles vont essayer de ne pas parler boulot. Moyennant quoi, elles parlent marmaille. « J’ai trouvé une nounou, une jeune étudiante qui rentre en France et qui a besoin de travailler ». Le bon burgueur classique frites salade, la très bonne tarte à l’abricot et le quart de côtes-du-rhône me coûtent vingt euros.
Le métro Huit me permet d’être au second Book-Off avant treize heures trente. Au détour d’une allée, j’y découvre le vieux bouquiniste. Il m’explique que s’il ne lit plus, c’est à cause de son avécé dont la moitié affaissée de son visage témoigne. Il voit beaucoup moins et au bout d’un quart d’heure a mal à la tête.
Mon sac un peu plus empli, faute de bus Vingt qui a changé d’itinéraire, je prends une nouvelle fois le Vingt-Neuf pour regagner Saint-Lazare et une nouvelle fois j’ai tort. Traverser le Marais avec ce genre de véhicule est l’assurance d’être bloqué au moindre incident. J’ai le temps de bien voir un jeune homme à drapeau tricolore et vélo couvert d’affiches faire la promotion du Frexit.
J’arrive échauffé à La Ville d’Argentan où opère un nouveau serveur à qui je demande mon habituel café verre d’eau. Il innove en m’apportant carrément une bouteille d’eau. Cette nouveauté est bienvenue. Elle est la conséquence de l’absence pour arrêt de travail de quatre mois d’un des serveurs habituels, victime d’un accident de trottinette électrique.
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Ce jeudi, au Son du Cor, deux quinquagénaires découvrant l’inscription « la vie est belle » sur le mur de l’orthophoniste d’en face.
-Un mec bourré sûrement, suppute l’un.
-Bah oui, pour écrire des conneries pareilles, commente l’autre.
*
Devant le lycée Camille Saint-Saëns, tracés à la peinture jaune sur tous les panneaux électoraux, des Fuck signés des initiales G J. Des Gilets sont passés par-là avec leur argumentaire élaboré. Seules quelques affiches de candidats sont collées, dont celle de la liste pour laquelle votera celui qui le fera à ma place dimanche.
23 mai 2019
Trois décennies plus tard, Anatole Deibler était de retour à Rouen avec sa guillotine. Il narre la chose avec moult détails et quelques redites mais je résiste à l’envie de le raccourcir :
Exécuté à Rouen, le 21 juin 1930
Le nommé Verdière, Henri Ferdinand, débardeur âgé de vingt-quatre ans, né le 12 juin 1906 à Saint-Aignan, village situé à deux kilomètres au nord de Rouen, condamné par la cour d’Assises de la Seine-Inférieure le 7 mars 1930, pour attentat à la pudeur, viol et meurtre d’une fillette de huit ans.
Le mercredi 11 décembre 1929, vers 2 heures de l’après-midi, Monsieur Galland, employé des chemins de fer, demeurant au 5 de la rue des Limites à Rouen, signalait à la police la disparition de sa fillette Christiane, âgée de huit ans, qu’il avait envoyée faire une commission vers midi et demi.
Quelques instants après cette déclaration, des inspecteurs de police se mirent à la recherche de la fillette, et commencèrent à inspecter un hôtel meublé à côté de la maison où elle habitait.
Ils demandèrent à la gérante de l’hôtel de leur faire visiter les chambres. Au bas de l’escalier qui donnait accès au premier étage, ils trouvèrent une paire de sabots d’enfant, sabots qui furent reconnus comme appartenant à la petite Christiane Galland. Bientôt, dans la misérable chambre occupée par un débardeur nommé Verdière, ils découvrirent le cadavre encore chaud de la fillette entre le matelas et le sommier.
Elle était morte depuis peu et ses vêtements en désordre laissaient supposer qu’elle avait été violée. La malheureuse avait les mains liées et la bouche bâillonnée. Pour ce faire, le misérable individu s’était servi d’une chemise kaki dont les morceaux inutilisés furent retrouvés dans un coin de la chambre.
Toute l’après-midi et toute la nuit, les inspecteurs de la Sûreté recherchèrent Henri Verdière sans résultat.
Le lendemain matin, vers 10 heures, les inspecteurs Méridienne et Clouet l’arrêtèrent alors qu’il travaillait sur le quai. Il protesta d’abord de son innocence, donnant des alibis qui seront démentis après avoir été vérifiés.
Après un interrogatoire serré, Verdière finit par admettre qu’il avait rencontré la petite fille près de chez lui.
L’ayant attirée dans sa chambre en lui offrant des bonbons, et s’être livré sur elle à des attouchements obscènes, la victime, se mettant à crier, il la bâillonna et lui attacha les mains avec des bandelettes arrachées à sa chemise ; puis, l’ayant violée, il la cacha entre le matelas et le sommier de son lit avant de prendre la fuite. Elle mourra étouffée peu de temps après.
Le jour de son exécution, réveillé par l’avocat général qui lui demandait d’avoir du courage, et s’il avait compris que son recours en grâce était rejeté, il répondit « non » d’un geste de la tête.
Après s’être habillé, il consentit à entendre la messe, à genoux sur un prie-Dieu. Il communia et récita le Pater Noster et l’Ave Maria avec l’aumônier puis, d’un pas ferme, il descendit au greffe avec deux gardiens.
L’avocat général lui demanda s’il avait des déclarations ou des recommandations à faire :
-Non, aucune. Rien, répondit le condamné.
L’avocat général, s’adressant alors à l’exécuteur, lui dit :
-Monsieur l’exécuteur, le condamné vous appartient.
L’aumônier et l’avocat adressèrent quelques paroles d’encouragement à Verdière, et comme le défenseur lui disait : « Montrez que vous êtes un homme ! », le condamné lui répondit d’une voix calme :
-Je veux mourir comme un brave. Je n’ai pas peur !
On lui offrit une cigarette et un demi-verre de rhum dont il but quelques gorgées. Il ôta lui-même son veston et se laissa entraver les mains et les jambes sans souffler mot.
Puis, avant de sortir du greffe, se tournant vers les gardiens, d’une voix nette, il les remercia des égards qu’ils avaient eus pour lui, sans oublier le gardien-chef.
D’un pas ferme, il monta dans le fourgon, qui s’arrêta quelque cent mètres plus loin, au coin de la place Bonne-Nouvelle. Verdière en descendit, toujours calme, embrassa l’aumônier puis se laissa basculer sur la guillotine sans offrir la moindre résistance.
Le père et les deux grands-pères de la petite Christiane Galland assistaient à l’exécution.
*
Employé modèle, Anatole Deibler mourut à la tâche. Le deux février mil neuf cent trente-neuf, âgé de soixante-quinze ans, il s’écroula sur le quai du métro Porte de Saint-Cloud alors qu’il se rendait à la gare Montparnasse afin de prendre le train pour Rennes où il devait guillotiner Maurice Pilorge, vingt-quatre ans, qui avait tué son amant Néstor Escudero devant le Casino de Dinard.
Un sien neveu héritera de son activité et de sa guillotine.
*
Maurice Pilorge fut guillotiné par un des assistants d’Anatole Deibler puis immortalisé (comme on dit) par Jean Genet dans son poème Le Condamné à mort.
Exécuté à Rouen, le 21 juin 1930
Le nommé Verdière, Henri Ferdinand, débardeur âgé de vingt-quatre ans, né le 12 juin 1906 à Saint-Aignan, village situé à deux kilomètres au nord de Rouen, condamné par la cour d’Assises de la Seine-Inférieure le 7 mars 1930, pour attentat à la pudeur, viol et meurtre d’une fillette de huit ans.
Le mercredi 11 décembre 1929, vers 2 heures de l’après-midi, Monsieur Galland, employé des chemins de fer, demeurant au 5 de la rue des Limites à Rouen, signalait à la police la disparition de sa fillette Christiane, âgée de huit ans, qu’il avait envoyée faire une commission vers midi et demi.
Quelques instants après cette déclaration, des inspecteurs de police se mirent à la recherche de la fillette, et commencèrent à inspecter un hôtel meublé à côté de la maison où elle habitait.
Ils demandèrent à la gérante de l’hôtel de leur faire visiter les chambres. Au bas de l’escalier qui donnait accès au premier étage, ils trouvèrent une paire de sabots d’enfant, sabots qui furent reconnus comme appartenant à la petite Christiane Galland. Bientôt, dans la misérable chambre occupée par un débardeur nommé Verdière, ils découvrirent le cadavre encore chaud de la fillette entre le matelas et le sommier.
Elle était morte depuis peu et ses vêtements en désordre laissaient supposer qu’elle avait été violée. La malheureuse avait les mains liées et la bouche bâillonnée. Pour ce faire, le misérable individu s’était servi d’une chemise kaki dont les morceaux inutilisés furent retrouvés dans un coin de la chambre.
Toute l’après-midi et toute la nuit, les inspecteurs de la Sûreté recherchèrent Henri Verdière sans résultat.
Le lendemain matin, vers 10 heures, les inspecteurs Méridienne et Clouet l’arrêtèrent alors qu’il travaillait sur le quai. Il protesta d’abord de son innocence, donnant des alibis qui seront démentis après avoir été vérifiés.
Après un interrogatoire serré, Verdière finit par admettre qu’il avait rencontré la petite fille près de chez lui.
L’ayant attirée dans sa chambre en lui offrant des bonbons, et s’être livré sur elle à des attouchements obscènes, la victime, se mettant à crier, il la bâillonna et lui attacha les mains avec des bandelettes arrachées à sa chemise ; puis, l’ayant violée, il la cacha entre le matelas et le sommier de son lit avant de prendre la fuite. Elle mourra étouffée peu de temps après.
Le jour de son exécution, réveillé par l’avocat général qui lui demandait d’avoir du courage, et s’il avait compris que son recours en grâce était rejeté, il répondit « non » d’un geste de la tête.
Après s’être habillé, il consentit à entendre la messe, à genoux sur un prie-Dieu. Il communia et récita le Pater Noster et l’Ave Maria avec l’aumônier puis, d’un pas ferme, il descendit au greffe avec deux gardiens.
L’avocat général lui demanda s’il avait des déclarations ou des recommandations à faire :
-Non, aucune. Rien, répondit le condamné.
L’avocat général, s’adressant alors à l’exécuteur, lui dit :
-Monsieur l’exécuteur, le condamné vous appartient.
L’aumônier et l’avocat adressèrent quelques paroles d’encouragement à Verdière, et comme le défenseur lui disait : « Montrez que vous êtes un homme ! », le condamné lui répondit d’une voix calme :
-Je veux mourir comme un brave. Je n’ai pas peur !
On lui offrit une cigarette et un demi-verre de rhum dont il but quelques gorgées. Il ôta lui-même son veston et se laissa entraver les mains et les jambes sans souffler mot.
Puis, avant de sortir du greffe, se tournant vers les gardiens, d’une voix nette, il les remercia des égards qu’ils avaient eus pour lui, sans oublier le gardien-chef.
D’un pas ferme, il monta dans le fourgon, qui s’arrêta quelque cent mètres plus loin, au coin de la place Bonne-Nouvelle. Verdière en descendit, toujours calme, embrassa l’aumônier puis se laissa basculer sur la guillotine sans offrir la moindre résistance.
Le père et les deux grands-pères de la petite Christiane Galland assistaient à l’exécution.
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Employé modèle, Anatole Deibler mourut à la tâche. Le deux février mil neuf cent trente-neuf, âgé de soixante-quinze ans, il s’écroula sur le quai du métro Porte de Saint-Cloud alors qu’il se rendait à la gare Montparnasse afin de prendre le train pour Rennes où il devait guillotiner Maurice Pilorge, vingt-quatre ans, qui avait tué son amant Néstor Escudero devant le Casino de Dinard.
Un sien neveu héritera de son activité et de sa guillotine.
*
Maurice Pilorge fut guillotiné par un des assistants d’Anatole Deibler puis immortalisé (comme on dit) par Jean Genet dans son poème Le Condamné à mort.
22 mai 2019
Descendant d’une lignée de bourreaux, Anatole Deibler n’a pas seulement coupé des têtes, il a aussi fait le récit de chacune des missions pour lesquelles lui-même et sa guillotine se rendaient en train dans toute la France. Ces récits ont été publiés en deux mille quatre sous le titre Carnets d’exécutions (1885-1939) par l’Archipel.
Ils sont d’une réjouissante lecture. En voici un premier :
Exécuté à Rouen, le 9 septembre 1901
Le nommé Bouvier Etienne, ajusteur mécanicien âgé de trente-sept ans, condamné par la cour d’Assises de Seine-Inférieure, le 20 juillet 1901, pour avoir, le 4 avril 1901, tenté de violer et d’assassiner la petite Godalier, Madeleine, âgée de cinq ans, habitant chez ses parents, rue Eau-de-Robec à Rouen.
Bouvier avait entraîné la petite Madeleine en lui promettant des gâteaux puis, quand la pauvre enfant s’était trouvée hors de vue des voisins, il l’avait emmenée en courant jusque chez lui. Là, il essaya d’abuser d’elle, mais comme l’enfant criait, il lui trancha la gorge et pour faire disparaître les traces de son crime, il dépeça et désarticula les membres du petit cadavre pour les disperser un peu plus tard en différents endroits.
Mais il ne put le faire aussi facilement qu’il aurait désiré, car, du 4 avril au 20 avril, il dut conserver cachés, dans le matelas sur lequel il couchait, les membres en décomposition de la jeune Madeleine. Le 20, des pêcheurs installés en face de l’île aux Cerises, à Sotteville-lès-Rouen, aperçurent deux paquets flottant sur l’eau. C’étaient les deux bras de la fillette. Le lendemain, deux autres paquets étaient découverts, l’un près du bois de Saint-Léger, l’autre dans une prairie à Darnétal. C’était les restes du cadavre de l’enfant. Bouvier, soupçonné, puis arrêté, fit des aveux complets.
Ses antécédents étaient déplorables : bien qu’alcoolique, il était reconnu par les médecins comme possédant toute sa responsabilité.
Il avait déjà subi cinq condamnations.
*
Pour une tentative d’assassinat, elle fut quand même bien réussie. On ne saura pas comment s’est comporté le condamné à l’approche de la guillotine. Plus tard, Anatole Deibler devint plus prolixe dans ses comptes-rendus.
J’aurais également aimé savoir dans quelle maison de la rue Eau-de-Robec vivait la pauvre enfant. Etait-ce en face du Son du Cor ?
Ils sont d’une réjouissante lecture. En voici un premier :
Exécuté à Rouen, le 9 septembre 1901
Le nommé Bouvier Etienne, ajusteur mécanicien âgé de trente-sept ans, condamné par la cour d’Assises de Seine-Inférieure, le 20 juillet 1901, pour avoir, le 4 avril 1901, tenté de violer et d’assassiner la petite Godalier, Madeleine, âgée de cinq ans, habitant chez ses parents, rue Eau-de-Robec à Rouen.
Bouvier avait entraîné la petite Madeleine en lui promettant des gâteaux puis, quand la pauvre enfant s’était trouvée hors de vue des voisins, il l’avait emmenée en courant jusque chez lui. Là, il essaya d’abuser d’elle, mais comme l’enfant criait, il lui trancha la gorge et pour faire disparaître les traces de son crime, il dépeça et désarticula les membres du petit cadavre pour les disperser un peu plus tard en différents endroits.
Mais il ne put le faire aussi facilement qu’il aurait désiré, car, du 4 avril au 20 avril, il dut conserver cachés, dans le matelas sur lequel il couchait, les membres en décomposition de la jeune Madeleine. Le 20, des pêcheurs installés en face de l’île aux Cerises, à Sotteville-lès-Rouen, aperçurent deux paquets flottant sur l’eau. C’étaient les deux bras de la fillette. Le lendemain, deux autres paquets étaient découverts, l’un près du bois de Saint-Léger, l’autre dans une prairie à Darnétal. C’était les restes du cadavre de l’enfant. Bouvier, soupçonné, puis arrêté, fit des aveux complets.
Ses antécédents étaient déplorables : bien qu’alcoolique, il était reconnu par les médecins comme possédant toute sa responsabilité.
Il avait déjà subi cinq condamnations.
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Pour une tentative d’assassinat, elle fut quand même bien réussie. On ne saura pas comment s’est comporté le condamné à l’approche de la guillotine. Plus tard, Anatole Deibler devint plus prolixe dans ses comptes-rendus.
J’aurais également aimé savoir dans quelle maison de la rue Eau-de-Robec vivait la pauvre enfant. Etait-ce en face du Son du Cor ?
21 mai 2019
Qu’on puisse choisir le dimanche pour mourir, rien de moins surprenant. C’est ce qu’a fait, d’une insuffisance cardiaque, à l’âge de soixante et un an, Nilda Fernández qui était encore Daniel Fernández quand il enseignait l’espagnol au lycée Thomas Corneille de Barentin, ville dont il a fait une description sans baratin dans l’une de ses premières chansons intitulée 76360.
Son premier album de treize chansons, paru en mil neuf cent quatre-vingt-un avec son prénom officiel, passa inaperçu mais fut réédité en mil neuf cent quatre-vingt-douze après le succès des deux suivants, publiés avec celui permuté de Nilda.
C’est à cette époque que je le vis en concert au Théâtre des Chalands à Val-de-Reuil avec celle qui me tenait la main quand j’habitais là-bas. Depuis, cette salle a disparu et maintenant Nilda Fernández est mort.
*
Ce dimanche à dix-sept heures quarante-cinq mon téléphone sonne. Comme je ne m’attends pas à un démarchage en ce jour férié, je décroche. « Bonjour, c’est Jean-Luc Mélenchon ». Il a un message pour moi, qui ne me prendra pas plus d’une minute. « Pour l’écouter, tapez un ». Je m’en dispense.
Dans la semaine et dans ma boîte à lettres, une liasse de publicités pour supermarchés comprenant un tract de Nathalie Loiseau. Je n’ai eu qu’à pivoter pour mettre le tout dans la poubelle.
*
Une nouvelle directrice pour l’Office du Tourisme de Rouen, une manageuse dans l’air du temps, comme le montre sa première déclaration sur 76actu : «Il s’agit de voir comment le territoire se positionne par rapport aux grandes tendances actuelles du tourisme : tourisme créatif, collaboratif, durable etc. Il s’agira également de continuer à développer le sentiment d’appartenance au territoire.»
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Au Sacre. Celui qui prend une mangue à l’eau. Et pourquoi pas un bingue à l’eau ?
Son premier album de treize chansons, paru en mil neuf cent quatre-vingt-un avec son prénom officiel, passa inaperçu mais fut réédité en mil neuf cent quatre-vingt-douze après le succès des deux suivants, publiés avec celui permuté de Nilda.
C’est à cette époque que je le vis en concert au Théâtre des Chalands à Val-de-Reuil avec celle qui me tenait la main quand j’habitais là-bas. Depuis, cette salle a disparu et maintenant Nilda Fernández est mort.
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Ce dimanche à dix-sept heures quarante-cinq mon téléphone sonne. Comme je ne m’attends pas à un démarchage en ce jour férié, je décroche. « Bonjour, c’est Jean-Luc Mélenchon ». Il a un message pour moi, qui ne me prendra pas plus d’une minute. « Pour l’écouter, tapez un ». Je m’en dispense.
Dans la semaine et dans ma boîte à lettres, une liasse de publicités pour supermarchés comprenant un tract de Nathalie Loiseau. Je n’ai eu qu’à pivoter pour mettre le tout dans la poubelle.
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Une nouvelle directrice pour l’Office du Tourisme de Rouen, une manageuse dans l’air du temps, comme le montre sa première déclaration sur 76actu : «Il s’agit de voir comment le territoire se positionne par rapport aux grandes tendances actuelles du tourisme : tourisme créatif, collaboratif, durable etc. Il s’agira également de continuer à développer le sentiment d’appartenance au territoire.»
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Au Sacre. Celui qui prend une mangue à l’eau. Et pourquoi pas un bingue à l’eau ?
20 mai 2019
Faute de beau temps, c’est au Faute de Mieux que je prends un café en tapotant sur mon ordinateur ce samedi après-midi. Vers quinze heures, l’arrivée de motards de la Police au carrefour signale l’habituelle approche des Gilets Jaunes. Cela a pour effet de faire fuir un couple de consommateurs :
-Ils nous font chier les Gilets Jaunes.
-Bon ben ça au moins, c’est clair, commente le serveur.
Le cortège est encore moins nombreux que la semaine dernière. Une seule pancarte s’y fait remarquer : « On veut vivre correctement, pas vous ? ».
-Correctement, ça veut dire quoi ? commente la serveuse à temps partiel pour qui l’argent n’est pas une priorité (plus elle fait la fête, plus elle vit correctement).
Ce qui met davantage en émoi le personnel, ce sont les deux couples de quinquagénaires qui s’installent à une table pour commander des verres d’eau.
L’apprenti serveur leur explique qu’ici c’est un commerce.
Le quatuor ressort.
-Des Français en plus, commente le patron.
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Plus tôt dans la semaine, une nonagénaire et sa copine octogénaire au Lido :
-L’autre semaine c’était folklorique avec les gays, là, qui étaient dehors.
-Ah oui, je croyais que c’était un lycée qui faisait carnaval, mais on m’a expliqué.
*
Et au Son du Cor des élèves de Terminale discutent de la double réponse positive inattendue qu’a reçu de Parcoursup l’une qui hésite maintenant entre Caen ou la Sorbonne « Du coup. A la base. Carrément. Trop dar. » (Le soir venu, ayant appris que le système s’est planté et que beaucoup se retrouvent en attente, je crains qu’elle en soit.)
A une autre table, des élèves de Seconde dont l’un est en manque d’argent de poche. « Un truc qui marche bien, lui explique l’une, c’est « J’ai une soirée d’anniversaire, faut que je cotise pour le cadeau. ». Ces filles et ces garçons évoquent ensuite le passé ; « C’était une prof de musique qui était nudiste et qui avait un œil de verre. A chaque fois qu’on la faisait chier, elle nous faisait un solo de batterie. » puis écoutent une chansonnette incorrecte via un téléphone muni d’une petite enceinte, une ritournelle que reprend celle qui paraît la plus jeune : Elle parlait trop, j'ai tout rentré dans sa bouche/ J'aime quand elles sont classes/ J'aime pas quand elles font la rue/ Elle veut un négro en place/ J'espère qu'elle secoue bien son cul. (La Puenta de Diddi Trix, apprends-je le soir venu.)
-Ils nous font chier les Gilets Jaunes.
-Bon ben ça au moins, c’est clair, commente le serveur.
Le cortège est encore moins nombreux que la semaine dernière. Une seule pancarte s’y fait remarquer : « On veut vivre correctement, pas vous ? ».
-Correctement, ça veut dire quoi ? commente la serveuse à temps partiel pour qui l’argent n’est pas une priorité (plus elle fait la fête, plus elle vit correctement).
Ce qui met davantage en émoi le personnel, ce sont les deux couples de quinquagénaires qui s’installent à une table pour commander des verres d’eau.
L’apprenti serveur leur explique qu’ici c’est un commerce.
Le quatuor ressort.
-Des Français en plus, commente le patron.
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Plus tôt dans la semaine, une nonagénaire et sa copine octogénaire au Lido :
-L’autre semaine c’était folklorique avec les gays, là, qui étaient dehors.
-Ah oui, je croyais que c’était un lycée qui faisait carnaval, mais on m’a expliqué.
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Et au Son du Cor des élèves de Terminale discutent de la double réponse positive inattendue qu’a reçu de Parcoursup l’une qui hésite maintenant entre Caen ou la Sorbonne « Du coup. A la base. Carrément. Trop dar. » (Le soir venu, ayant appris que le système s’est planté et que beaucoup se retrouvent en attente, je crains qu’elle en soit.)
A une autre table, des élèves de Seconde dont l’un est en manque d’argent de poche. « Un truc qui marche bien, lui explique l’une, c’est « J’ai une soirée d’anniversaire, faut que je cotise pour le cadeau. ». Ces filles et ces garçons évoquent ensuite le passé ; « C’était une prof de musique qui était nudiste et qui avait un œil de verre. A chaque fois qu’on la faisait chier, elle nous faisait un solo de batterie. » puis écoutent une chansonnette incorrecte via un téléphone muni d’une petite enceinte, une ritournelle que reprend celle qui paraît la plus jeune : Elle parlait trop, j'ai tout rentré dans sa bouche/ J'aime quand elles sont classes/ J'aime pas quand elles font la rue/ Elle veut un négro en place/ J'espère qu'elle secoue bien son cul. (La Puenta de Diddi Trix, apprends-je le soir venu.)
18 mai 2019
Au temps où je lisais de la fiction, j’ai beaucoup aimé les romans et nouvelles autobiographiques de John Fante, fils d’immigrés italiens aux Etats-Unis : Bandini, La Route de Los Angeles, Demande à la poussière, Rêves de Bunker Hill, Les Compagnons de la grappe, Pleins de vie, L’Orgie, Le Vin de la jeunesse.
Le seul texte de lui qui m’ait ennuyé est Mon chien Stupide (pas plus que les histoires d’enfants, les histoires d’animaux ne m’intéressent).
Après la lecture de la Correspondance de John Fante avec le journaliste et critique littéraire Henry Louis Mencken (laquelle a duré vingt ans, jusqu’à la mort de Fante, sans que les deux hommes se rencontrent) qui a été publiée en France par Christian Bourgois en mil neuf cent quatre-vingt-onze, je retiens cet extrait d’une lettre datée du seize juin mil neuf cent trente-quatre :
Personnellement, je n’ai aucune sympathie pour les masses. Les masses existeront toujours. Elles sont composées d’imbéciles. Elles sont indispensables à la société. Si vous voulez mon opinion, je hais les masses. J’ai vécu avec elles, j’ai respiré leur haleine fétide, côtoyé leur esprit abruti. La culture ne les concerne pas. En fait, rien ne les concerne. Elles sont condamnées. Qu’elles crèvent donc. Mon boulot dans l’existence, c’est de me sauver. C’est là une rude affaire. Je ne compte pas me salir les mains en essayant de sauver les masses.
Et dans la même lettre :
Qu’est-ce que j’en ai à foutre du communisme ? Ils peuvent bien me coller le dos au mur et me fusiller, ce n’est pas pour ça que j’adhérerai au marxisme de pacotille d’une coterie imbécile de diplômés d’Harvard qui – parce qu’ils n’ont rien dans les tripes – gobent et défendent des principes auxquels ils pigent que dalle. Aujourd’hui, n’importe quel marginal, pédé ou lesbienne est communiste. Ils me rendent malade !
Le seul texte de lui qui m’ait ennuyé est Mon chien Stupide (pas plus que les histoires d’enfants, les histoires d’animaux ne m’intéressent).
Après la lecture de la Correspondance de John Fante avec le journaliste et critique littéraire Henry Louis Mencken (laquelle a duré vingt ans, jusqu’à la mort de Fante, sans que les deux hommes se rencontrent) qui a été publiée en France par Christian Bourgois en mil neuf cent quatre-vingt-onze, je retiens cet extrait d’une lettre datée du seize juin mil neuf cent trente-quatre :
Personnellement, je n’ai aucune sympathie pour les masses. Les masses existeront toujours. Elles sont composées d’imbéciles. Elles sont indispensables à la société. Si vous voulez mon opinion, je hais les masses. J’ai vécu avec elles, j’ai respiré leur haleine fétide, côtoyé leur esprit abruti. La culture ne les concerne pas. En fait, rien ne les concerne. Elles sont condamnées. Qu’elles crèvent donc. Mon boulot dans l’existence, c’est de me sauver. C’est là une rude affaire. Je ne compte pas me salir les mains en essayant de sauver les masses.
Et dans la même lettre :
Qu’est-ce que j’en ai à foutre du communisme ? Ils peuvent bien me coller le dos au mur et me fusiller, ce n’est pas pour ça que j’adhérerai au marxisme de pacotille d’une coterie imbécile de diplômés d’Harvard qui – parce qu’ils n’ont rien dans les tripes – gobent et défendent des principes auxquels ils pigent que dalle. Aujourd’hui, n’importe quel marginal, pédé ou lesbienne est communiste. Ils me rendent malade !
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