Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Une carte Fluo à vingt euros pour voyager un an à moitié prix dans la région Grand Est alors qu’on ne reste pas un an et qu’on a déjà une carte Avantage qui vous permet de voyager à soixante-dix pour cent du prix du billet, est-ce que ça vaut le coup ? Telle est la question que je me pose et que je pose à l’aimable guichetière de la Gare de Colmar ce vendredi matin à sept heures et quart. Elle est comme moi, pense que peut-être, même si je ne vais pas loin, ou peut-être pas, il faudrait faire le calcul. Oui mais comment ? « Allons-y », lui dis-je. J’achète en même temps un billet aller et retour pour Rouffach, quatre euros au lieu de sept quatre-vingts (cinq quatre-vingts avec ma carte Avantage).
Le petit train Fluo pour Mulhouse de sept heures trente-quatre est à l’heure, fréquenté par des étudiants et des travailleurs. J’en descends au bout de dix minutes au deuxième arrêt.
Pour rejoindre le centre de Rouffach, petite ville ignorée des flots de touristes, il faut marcher vingt minutes. Je franchis le pont sur la Lauch, passe sous la quatre voies et j’y suis. Une écolière me dit bonjour à qui je demande la boulangerie. Le pain au chocolat est énorme et coûte un euro quarante. Il s’agit maintenant de trouver un café. Un autochtone qui retire de l’argent à la tirette m’indique le salon de thé mais pas ouvert avant neuf heures. « Venez, je vous offre un café », me dit-il. Il a son magasin à côté. J’accepte cette aimable proposition.
Ce monsieur a été capitaine de l’équipe de rugby de Colmar. Après des ennuis de santé, il a créé sa ligne de vêtements « inclusifs et responsables », colup.fr, d’où cette boutique. Son café est bon. Il attend la fleuriste. Elle arrive avec un pagne qu’elle lui a fabriqué afin qu’il puisse poser nu pour un calendrier de l’Avent vendu au profit des autistes et des handicapés à qui il fait faire du sport.
Je le remercie bien et vais manger mon pain au chocolat sur un banc près de l’imposante église Notre-Dame faite de grès jaune d’Alsace et de grès rose de Saverne. C’est là que je vois ma première cigogne. Elle a son nid au sommet du Musée du Baillage.
D’autres nichent dans le bourg et certaines sont visibles au Parc à Cigognes, un enclos accessible par le Chemin du Rempart. J’ai la chance d’arriver à l’entrée de ce chemin au moment où les gars de la ville enlèvent les barrières qui en interdisaient l’accès pour cause de réfection depuis de longues semaines. L’enclos est un peu plus loin, près de l’élégant Lycée Agricole où l’on apprend à faire du vin. Ces cigognes sont tellement parfaites qu’on les croirait en porcelaine. Cependant, elles bougent et claquent du bec.
Je vais ensuite par les rues typiques du bourg, photographiant de belles maisons colorées et d’autres bâtiments remarquables, « petites merveilles de l’architecture civile de la Renaissance rhénane » comme dit mon Guide du Routard de deux mille six. Je découvre que le restaurant Caveau de Haxakessel qu’il recommande chaudement est à louer depuis un moment.
Au bout du bourg sont les coteaux à vignobles. Je rebrousse avant de les atteindre et trouve ouvert le Café à l’Ours Noir près de l’église. L’intérieur est aussi sombre qu’une caverne. Bien qu’il fasse vraiment frais, je dis au jeune homme tatoué de me servir mon expresso en terrasse (un euro soixante-dix). Il faut demander la clé pour aller aux toilettes.
Je passe ensuite à l’Office de Tourisme où la responsable me dit que malheureusement je ne pourrai pas prendre le Chemin des Remparts qui permet de voir le Parc à Cigognes. « Je vais vous apprendre quelque chose », lui dis-je.
Les pieds trop cuits pour faire plus, je vais boire un autre expresso à un euro quatre-vingt-dix au salon de thé qui a pour nom Au Café Gourmand Chez Céline. Il m’est servi par une svelte et jolie jeune femme à l’accent alsacien. Celui-ci bu, je lis Balzac.
Je reste là pour déjeuner. Le plat du jour est un gratin dauphinois kassler salade à quatorze euros cinquante. Je demande à la serveuse ce qu’est ce kassler. « C’est du porc, c’est super bon », me dit-elle. En dessert, je choisis une part de tarte à la rhubarbe avec une grosse meringue par-dessus. « Ça va ? Vous avez bien mangé ?, me demande-t-elle, ça fait vingt tout rond. »
Je n’ai plus qu’à suivre la piste piétonne et cyclable jusqu’à la Gare et à attendre le train Fluo de treize heures quarante-sept pour Colmar.
*
Toutes les rues du centre de Rouffach sont pavées à l’ancienne. Résultat : le bruit pénible engendré par la circulation automobile. Des pavés inégaux aussi sur les trottoirs, de quoi faire souffrir un peu plus mes pieds.
*
Dans ces bourgs et villages, impossible de prévoir qui va vous dire bonjour en vous croisant. Toujours avoir un bonjour de prêt à retourner à l’envoyeur ou à l’envoyeuse.
Le petit train Fluo pour Mulhouse de sept heures trente-quatre est à l’heure, fréquenté par des étudiants et des travailleurs. J’en descends au bout de dix minutes au deuxième arrêt.
Pour rejoindre le centre de Rouffach, petite ville ignorée des flots de touristes, il faut marcher vingt minutes. Je franchis le pont sur la Lauch, passe sous la quatre voies et j’y suis. Une écolière me dit bonjour à qui je demande la boulangerie. Le pain au chocolat est énorme et coûte un euro quarante. Il s’agit maintenant de trouver un café. Un autochtone qui retire de l’argent à la tirette m’indique le salon de thé mais pas ouvert avant neuf heures. « Venez, je vous offre un café », me dit-il. Il a son magasin à côté. J’accepte cette aimable proposition.
Ce monsieur a été capitaine de l’équipe de rugby de Colmar. Après des ennuis de santé, il a créé sa ligne de vêtements « inclusifs et responsables », colup.fr, d’où cette boutique. Son café est bon. Il attend la fleuriste. Elle arrive avec un pagne qu’elle lui a fabriqué afin qu’il puisse poser nu pour un calendrier de l’Avent vendu au profit des autistes et des handicapés à qui il fait faire du sport.
Je le remercie bien et vais manger mon pain au chocolat sur un banc près de l’imposante église Notre-Dame faite de grès jaune d’Alsace et de grès rose de Saverne. C’est là que je vois ma première cigogne. Elle a son nid au sommet du Musée du Baillage.
D’autres nichent dans le bourg et certaines sont visibles au Parc à Cigognes, un enclos accessible par le Chemin du Rempart. J’ai la chance d’arriver à l’entrée de ce chemin au moment où les gars de la ville enlèvent les barrières qui en interdisaient l’accès pour cause de réfection depuis de longues semaines. L’enclos est un peu plus loin, près de l’élégant Lycée Agricole où l’on apprend à faire du vin. Ces cigognes sont tellement parfaites qu’on les croirait en porcelaine. Cependant, elles bougent et claquent du bec.
Je vais ensuite par les rues typiques du bourg, photographiant de belles maisons colorées et d’autres bâtiments remarquables, « petites merveilles de l’architecture civile de la Renaissance rhénane » comme dit mon Guide du Routard de deux mille six. Je découvre que le restaurant Caveau de Haxakessel qu’il recommande chaudement est à louer depuis un moment.
Au bout du bourg sont les coteaux à vignobles. Je rebrousse avant de les atteindre et trouve ouvert le Café à l’Ours Noir près de l’église. L’intérieur est aussi sombre qu’une caverne. Bien qu’il fasse vraiment frais, je dis au jeune homme tatoué de me servir mon expresso en terrasse (un euro soixante-dix). Il faut demander la clé pour aller aux toilettes.
Je passe ensuite à l’Office de Tourisme où la responsable me dit que malheureusement je ne pourrai pas prendre le Chemin des Remparts qui permet de voir le Parc à Cigognes. « Je vais vous apprendre quelque chose », lui dis-je.
Les pieds trop cuits pour faire plus, je vais boire un autre expresso à un euro quatre-vingt-dix au salon de thé qui a pour nom Au Café Gourmand Chez Céline. Il m’est servi par une svelte et jolie jeune femme à l’accent alsacien. Celui-ci bu, je lis Balzac.
Je reste là pour déjeuner. Le plat du jour est un gratin dauphinois kassler salade à quatorze euros cinquante. Je demande à la serveuse ce qu’est ce kassler. « C’est du porc, c’est super bon », me dit-elle. En dessert, je choisis une part de tarte à la rhubarbe avec une grosse meringue par-dessus. « Ça va ? Vous avez bien mangé ?, me demande-t-elle, ça fait vingt tout rond. »
Je n’ai plus qu’à suivre la piste piétonne et cyclable jusqu’à la Gare et à attendre le train Fluo de treize heures quarante-sept pour Colmar.
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Toutes les rues du centre de Rouffach sont pavées à l’ancienne. Résultat : le bruit pénible engendré par la circulation automobile. Des pavés inégaux aussi sur les trottoirs, de quoi faire souffrir un peu plus mes pieds.
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Dans ces bourgs et villages, impossible de prévoir qui va vous dire bonjour en vous croisant. Toujours avoir un bonjour de prêt à retourner à l’envoyeur ou à l’envoyeuse.
23 mai 2025
Quelques grondements de tonnerre, rien de plus, hier soir, et ce jeudi matin, un temps couvert quand je longe la petite voie ferrée du train qui va à Metzeral. J’achète mon pain au chocolat place Saint-Joseph à la boulangerie Eric Colle, un euro vingt. Trois boulangeries se font concurrence près de l’église. Hélas, point de café. Dans cette ville, les tabacs ne font pas bar. Je marche jusqu’à la grande voie ferrée, celle des Tégévés, et passe dessous. A cet endroit se trouve une belle maison alsacienne rose en ruine dont je fais deux photos.
Je rejoins alors le centre historique et pour boire un café, c’est Dussourd et son cher allongé, baptisé « café moyen », à l’intérieur aujourd’hui, dans la salle du fond, celle des habitués. Un lit le journal, un travaille sur son ordinateur, deux bavardent « Tu vois la rue des Bonnes Gens ? Tu la prends pas. » Je sors Balzac de mon sac : Il y a ici à Paris des gens à qui ma figure déplaît, qui me voudraient assassiné, qui ont des haines plus que féroces contre moi et qui ne me saluent pas moins.
A huit heures trente, je vais voir s’il pleut dehors. Non. Aussi je me lance dans la redécouverte de la Petite Venise où rôdent déjà trop de visiteurs, mais pas encore de groupes cornaqués. C’est charmant, bordé de bâtisses typiques, mais rien qui puisse rappeler Venise. Arrivé au bout de la partie piétonnière, je revois les barques à fond plat qui servent à promener les touristes sur la Lauch et je me souviens du jour où, bien accompagné, assis tous deux à l’avant d’une de ces barques, j’ai repoussé d’une main ferme une autre arrivant en face qui allait nous heurter, évitant ainsi une collision qui aurait pu être fâcheuse.
Après cette agréable balade, je rejoins le Café Rapp et vu la fraîcheur m’installe à l’intérieur. Une salle meublée dans le style Emmaüs, au sol des tapis, pour un café branchouille comme on en trouve un peu partout, Chez Prune à Paris par exemple. La musique est à l’avenant, qui ne m’empêche pas de lire Lettres à Madame Hanska : Mon Dieu, combien je t’aime, je t’aime tant et je suis si sûr de ton cœur, que je me dis parfois : – Pourquoi la consulter, ne sais-je pas ce qui doit faire son bonheur ! Les serveurs sont dégoûtés parce qu’aujourd’hui le Café Rapp inaugure un nouveau mobilier de terrasse et qu’il n’y a personne pour s’y installer.
A l’aller, j’ai repéré, hors du centre touristique, la winstub Au Cygne qui propose un menu du jour, salade de cervelas, couscous aux trois viandes, salade d’orange avec boule vanille, pour quinze euros quatre-vingts. A midi moins cinq, il y a file d’attente devant la porte fermée. Des gens d’ici ayant réservé. Je peux néanmoins obtenir une table dans la deuxième salle de cette belle maison rose alsacienne pas du tout en ruine. Pour fêter ça, je commande un quart d’edelzwicker à cinq euros cinquante à l’accorte et bien portante serveuse. Un homme lit à table en attendant son plat, je suis bien incapable de faire ça et je n’en ai aucune envie. Ici, on appelle un café allongé un rallongé. Je me garde bien de faire remarquer que pour être rallongé, il faut d’abord être allongé. Je n’ai pas envie que mon déjeuner s’achève par une algarade comme celui d’hier, car c’est bien bon et, me dit la patronne, vous pouvez réserver par Facebook.
Après l’église Saint-Joseph, il y a un troquet nommé Café du Marché qui ne donne pas envie. Un lieu triste et sans âme vu de l’extérieur. Un peu louche. J’y entre. Personne. L’intérieur n’est pas désagréable. C’est une affaire reprise par un « Arabe », à qui je demande un café. Le désagrément de l’endroit, c’est l’écran pour turfistes, non muet hélas. Dommage, le café n’y coûte qu’un euro trente.
*
Balzac vu par lui-même :
Tous mes créanciers disent : Monsieur de Balzac est un très honnête homme, il travaille tant, il mène une vie si sage qu’il deviendra riche d’ici à 2 ou 3 ans, nous avons attendu, nous attendrons.
Je rejoins alors le centre historique et pour boire un café, c’est Dussourd et son cher allongé, baptisé « café moyen », à l’intérieur aujourd’hui, dans la salle du fond, celle des habitués. Un lit le journal, un travaille sur son ordinateur, deux bavardent « Tu vois la rue des Bonnes Gens ? Tu la prends pas. » Je sors Balzac de mon sac : Il y a ici à Paris des gens à qui ma figure déplaît, qui me voudraient assassiné, qui ont des haines plus que féroces contre moi et qui ne me saluent pas moins.
A huit heures trente, je vais voir s’il pleut dehors. Non. Aussi je me lance dans la redécouverte de la Petite Venise où rôdent déjà trop de visiteurs, mais pas encore de groupes cornaqués. C’est charmant, bordé de bâtisses typiques, mais rien qui puisse rappeler Venise. Arrivé au bout de la partie piétonnière, je revois les barques à fond plat qui servent à promener les touristes sur la Lauch et je me souviens du jour où, bien accompagné, assis tous deux à l’avant d’une de ces barques, j’ai repoussé d’une main ferme une autre arrivant en face qui allait nous heurter, évitant ainsi une collision qui aurait pu être fâcheuse.
Après cette agréable balade, je rejoins le Café Rapp et vu la fraîcheur m’installe à l’intérieur. Une salle meublée dans le style Emmaüs, au sol des tapis, pour un café branchouille comme on en trouve un peu partout, Chez Prune à Paris par exemple. La musique est à l’avenant, qui ne m’empêche pas de lire Lettres à Madame Hanska : Mon Dieu, combien je t’aime, je t’aime tant et je suis si sûr de ton cœur, que je me dis parfois : – Pourquoi la consulter, ne sais-je pas ce qui doit faire son bonheur ! Les serveurs sont dégoûtés parce qu’aujourd’hui le Café Rapp inaugure un nouveau mobilier de terrasse et qu’il n’y a personne pour s’y installer.
A l’aller, j’ai repéré, hors du centre touristique, la winstub Au Cygne qui propose un menu du jour, salade de cervelas, couscous aux trois viandes, salade d’orange avec boule vanille, pour quinze euros quatre-vingts. A midi moins cinq, il y a file d’attente devant la porte fermée. Des gens d’ici ayant réservé. Je peux néanmoins obtenir une table dans la deuxième salle de cette belle maison rose alsacienne pas du tout en ruine. Pour fêter ça, je commande un quart d’edelzwicker à cinq euros cinquante à l’accorte et bien portante serveuse. Un homme lit à table en attendant son plat, je suis bien incapable de faire ça et je n’en ai aucune envie. Ici, on appelle un café allongé un rallongé. Je me garde bien de faire remarquer que pour être rallongé, il faut d’abord être allongé. Je n’ai pas envie que mon déjeuner s’achève par une algarade comme celui d’hier, car c’est bien bon et, me dit la patronne, vous pouvez réserver par Facebook.
Après l’église Saint-Joseph, il y a un troquet nommé Café du Marché qui ne donne pas envie. Un lieu triste et sans âme vu de l’extérieur. Un peu louche. J’y entre. Personne. L’intérieur n’est pas désagréable. C’est une affaire reprise par un « Arabe », à qui je demande un café. Le désagrément de l’endroit, c’est l’écran pour turfistes, non muet hélas. Dommage, le café n’y coûte qu’un euro trente.
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Balzac vu par lui-même :
Tous mes créanciers disent : Monsieur de Balzac est un très honnête homme, il travaille tant, il mène une vie si sage qu’il deviendra riche d’ici à 2 ou 3 ans, nous avons attendu, nous attendrons.
22 mai 2025
Une logeuse plus jeune que je ne le pensais, fort sympathique, et de plus, pas d’orage. Après qu’elle m’a fait entrer dans les lieux, je m’installe dans son appartement de trois pièces du quartier Saint-Joseph. D’un côté, j’ai vue sur le jardin d’un voisin et les Vosges, de l’autre sur le clocher de l’église Saint-Joseph. J’y passe une nuit moyenne malgré ou à cause du silence total et de l’absence d’éclairage artificiel. Le calme est propice aux idées noires.
Au matin de ce premier mercredi à Colmar, le temps est encore plus ou moins orageux. Sorti à sept heures, j’achète un pain au chocolat à la boulangerie du coin, Ozkan, un euro dix, puis, avec l’aide de deux autochtones, trouve comment accéder au centre-ville. Il faut savoir où et comment franchir la voie ferrée. Je passe par la place Rapp et entre dans les rues piétonnières. On m’indique un café ouvert, la Brasserie Dussourd, face à l’église des Dominicains. Elle fait aussi salon de thé et est déserte. Je m’installe en terrasse pour un allongé dont le prix est aussi solide qu’une maison alsacienne : deux euros cinquante.
Colmar est une ville où l’on se réveille doucement, quelques bicyclistes, des lycéennes, des promeneurs de chien, un avocat avec sa robe sous le bras. Il faut attendre huit heures vingt pour voir arriver deux autres clients, des locaux dont l’un en chorte à l’allemande. C’est l’heure où ça carillonne à la Collégiale.
A neuf heures, j’entre à l’Office du Tourisme (la grosse maison là-bas, m’a dit le conducteur du petit train vert, une pâtisserie d’importance c’est sûr). Je suis accueilli par une femme fort aimable qui me donne tout ce qu’il faut avoir pour vadrouiller autour de Colmar. De là, je rejoins l’agence Trace, le réseau des bus de l’agglomération. Il y règne une certaine agitation car au premier juin on passe aux cartes à biper. D’où la présence d’abonnés grognons. En plus, un ordinateur est planté. Deux employés essaient de le déplanter et n’arrivent à rien. Les deux autres s’occupent de la clientèle. Je garde mon calme et enfin c’est à moi. J’apprends qu’en tant que vieux de plus de soixante-dix ans, j’ai droit à une carte illimitée mensuelle pour dix-sept euros, même si je ne suis pas d’ici. Une carte que je ne pourrai utiliser qu’à partir du premier juin. Une photo et c’est fait.
Un petit tour parmi les maisons de pain d’épice et je retrouve la place Rapp où est le Café Rapp, maintenant ouvert avec sa terrasse au soleil. Le café est à un euro quatre-vingt-dix. J’y lis Balzac. J’ai les nerfs dans un état pitoyable, l’abus du café me fait remuer tous les nerfs des yeux, je me sens épuisé.
A onze heures trente, retour au centre historique, lequel est terriblement envahi par les groupes de touristes à cheveux blancs, les mêmes qu’à Rouen. Je n’ai d’indulgence que pour les groupes de Japonais. Je m’assois sur un banc à l’ombre près de la Collégiale que certains appellent la Cathédrale. Passe un train blanc qui fait concurrence au train vert puis un facteur électrifié « Avec moi le centre-ville respire ». Deux bicyclistes se croisent et se saluent « Hello ! » (à moins que ce soit « Vélo ! »). A côté est le Bistrot des Copains qui propose un menu colmarien à dix-huit euros : cannelloni au duxelle de champignons vinaigrette à l’orange, filet de poulet rôti au beurre de citron et frites, mendiant au chocolat. Comme la terrasse donne sur la Collégiale, j’y vais. Hélas, le poulet est sec et le mendiant itou.
« Dix-neuf euros », me dit le serveur quand je demande l’addition. « C’était dix-huit sur le panneau », lui dis-je. Lequel panneau a été rangé car à midi et quart, plus de plat du jour, une filouterie classique dont a été victime le groupe de douze à l’intérieur. Il me dit que non, c’est écrit dix-neuf. Sa collègue va chercher le panneau et lit comme moi dix-huit euros. « Elle n’est pas serveuse, elle ne sait pas », me répond-il. Il attrape le panneau et le colle sous les yeux des clients de la table d’à côté. « Hein que c’est écrit dix-neuf ? » Eux pas à l’aise disent que peut-être oui ou bien alors dix-huit. Le serveur s’énerve, dit que je le traite de voleur, qu’il n’est pas un animal (rapport à sa peau noire je suppose). Je paie les dix-neuf euros en lui disant que je suis là pour un moment mais qu’avec son attitude, on ne me reverra pas ici. « On n’a pas besoin d’un client comme vous », me dit-il. Bref, on ne se quitte pas copains.
*
Après avoir offert à Saint-Raphaël, Sainte-Maxime et Saint-Tropez la vision de mes Docs trouées comme jamais, c’est muni de Docs neuves que je parcours Colmar. Non sans quelques problèmes de pied. Bien que j’aie dépensé onze euros chez le cordonnier de la rue du Bec pour les assouplir avant mon départ. « Ce n’est plus ce que c’était les Docs, m’a-t-il dit, regardez « Fabriqué au Vietnam ». » « C’est la dernière paire que j’achète, lui ai-je dit, mais je ne sais pas quoi prendre comme chaussures. » Il m’a vanté les Timberland qu’il avait aux pieds. « A nos âges, on a besoin de confort. » Il doit avoir quinze ans de moins que moi.
Au matin de ce premier mercredi à Colmar, le temps est encore plus ou moins orageux. Sorti à sept heures, j’achète un pain au chocolat à la boulangerie du coin, Ozkan, un euro dix, puis, avec l’aide de deux autochtones, trouve comment accéder au centre-ville. Il faut savoir où et comment franchir la voie ferrée. Je passe par la place Rapp et entre dans les rues piétonnières. On m’indique un café ouvert, la Brasserie Dussourd, face à l’église des Dominicains. Elle fait aussi salon de thé et est déserte. Je m’installe en terrasse pour un allongé dont le prix est aussi solide qu’une maison alsacienne : deux euros cinquante.
Colmar est une ville où l’on se réveille doucement, quelques bicyclistes, des lycéennes, des promeneurs de chien, un avocat avec sa robe sous le bras. Il faut attendre huit heures vingt pour voir arriver deux autres clients, des locaux dont l’un en chorte à l’allemande. C’est l’heure où ça carillonne à la Collégiale.
A neuf heures, j’entre à l’Office du Tourisme (la grosse maison là-bas, m’a dit le conducteur du petit train vert, une pâtisserie d’importance c’est sûr). Je suis accueilli par une femme fort aimable qui me donne tout ce qu’il faut avoir pour vadrouiller autour de Colmar. De là, je rejoins l’agence Trace, le réseau des bus de l’agglomération. Il y règne une certaine agitation car au premier juin on passe aux cartes à biper. D’où la présence d’abonnés grognons. En plus, un ordinateur est planté. Deux employés essaient de le déplanter et n’arrivent à rien. Les deux autres s’occupent de la clientèle. Je garde mon calme et enfin c’est à moi. J’apprends qu’en tant que vieux de plus de soixante-dix ans, j’ai droit à une carte illimitée mensuelle pour dix-sept euros, même si je ne suis pas d’ici. Une carte que je ne pourrai utiliser qu’à partir du premier juin. Une photo et c’est fait.
Un petit tour parmi les maisons de pain d’épice et je retrouve la place Rapp où est le Café Rapp, maintenant ouvert avec sa terrasse au soleil. Le café est à un euro quatre-vingt-dix. J’y lis Balzac. J’ai les nerfs dans un état pitoyable, l’abus du café me fait remuer tous les nerfs des yeux, je me sens épuisé.
A onze heures trente, retour au centre historique, lequel est terriblement envahi par les groupes de touristes à cheveux blancs, les mêmes qu’à Rouen. Je n’ai d’indulgence que pour les groupes de Japonais. Je m’assois sur un banc à l’ombre près de la Collégiale que certains appellent la Cathédrale. Passe un train blanc qui fait concurrence au train vert puis un facteur électrifié « Avec moi le centre-ville respire ». Deux bicyclistes se croisent et se saluent « Hello ! » (à moins que ce soit « Vélo ! »). A côté est le Bistrot des Copains qui propose un menu colmarien à dix-huit euros : cannelloni au duxelle de champignons vinaigrette à l’orange, filet de poulet rôti au beurre de citron et frites, mendiant au chocolat. Comme la terrasse donne sur la Collégiale, j’y vais. Hélas, le poulet est sec et le mendiant itou.
« Dix-neuf euros », me dit le serveur quand je demande l’addition. « C’était dix-huit sur le panneau », lui dis-je. Lequel panneau a été rangé car à midi et quart, plus de plat du jour, une filouterie classique dont a été victime le groupe de douze à l’intérieur. Il me dit que non, c’est écrit dix-neuf. Sa collègue va chercher le panneau et lit comme moi dix-huit euros. « Elle n’est pas serveuse, elle ne sait pas », me répond-il. Il attrape le panneau et le colle sous les yeux des clients de la table d’à côté. « Hein que c’est écrit dix-neuf ? » Eux pas à l’aise disent que peut-être oui ou bien alors dix-huit. Le serveur s’énerve, dit que je le traite de voleur, qu’il n’est pas un animal (rapport à sa peau noire je suppose). Je paie les dix-neuf euros en lui disant que je suis là pour un moment mais qu’avec son attitude, on ne me reverra pas ici. « On n’a pas besoin d’un client comme vous », me dit-il. Bref, on ne se quitte pas copains.
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Après avoir offert à Saint-Raphaël, Sainte-Maxime et Saint-Tropez la vision de mes Docs trouées comme jamais, c’est muni de Docs neuves que je parcours Colmar. Non sans quelques problèmes de pied. Bien que j’aie dépensé onze euros chez le cordonnier de la rue du Bec pour les assouplir avant mon départ. « Ce n’est plus ce que c’était les Docs, m’a-t-il dit, regardez « Fabriqué au Vietnam ». » « C’est la dernière paire que j’achète, lui ai-je dit, mais je ne sais pas quoi prendre comme chaussures. » Il m’a vanté les Timberland qu’il avait aux pieds. « A nos âges, on a besoin de confort. » Il doit avoir quinze ans de moins que moi.
21 mai 2025
Moins inquiet que parfois, je suis ce mardi dans le train Nomad de sept heures vingt-deux pour Paris, en première classe pour garder mes bagages près de moi, petite valise et sac à dos noirs. Moins inquiet, car j’ai un énorme temps de latence dans la capitale avant l’heure de mon Tégévé.
Tout se passe bien : arrivée ponctuelle à Saint-Lazare, passage par la moulinette de la descente vers la ligne Quatorze, bain de foule jusqu’à Châtelet dans la rame de cette ligne Quatorze, moment de repos dans le métro Quatre où je suis assis jusqu’à la station Gare de l’Est, sortie rue d’Alsace.
En face de cette Gare est le Café de l’Est. Le café y coûte deux euros soixante-dix. Je commence là le deuxième volume de Lettres à Madame Hanska, retrouvant Balzac (dont c’est aujourd’hui l’anniversaire de la naissance) où je l’ai laissé, endetté, souffrant et porteur de projets qui tous échouent. Tu es un peu follette ma minette, car si je ne bâtis pas en 1845, où logerons-nous en 1846 ?
J’y reste jusqu’à onze heures puis fais un tour dans le quartier, découvrant ainsi l’église Saint-Laurent et le square attenant du même nom où un banc au soleil me permet d’attendre midi. Paisible endroit dans un paisible quartier.
J’ai le temps d’un déjeuner au restaurant. Je choisis Packiams entre l’église et la Gare, boulevard de Strasbourg. La formule est à dix-huit euros quatorze : crevettes tempura maison et tartare de bœuf italien frites maison. La clientèle est cosmopolite, le personnel indo-pakistanais ou tamoul, la cuisine honnête. Une étrangère fourre son croissant avec une crêpe.
La Gare de l’Est est paisible elle aussi. Je trouve un fauteuil métallique rouge pour attendre le Tégévé de treize heures cinquante-trois pour Colmar. Je voyage en seconde : voiture Sept, place Vingt-Cinq. Accroché devant, il y a le train pour Stuttgart. A voir les enfants galopant sur le quai, là-bas ce sont les vacances scolaires. Pour voisin, j’ai un jeune homme sage. Derrière, un vieux couple se chamaille avec l’accent alsacien (elle : « Tu sais bien que les gilets, j’aime pas ça. » lui : « Fiche-moi la paix »). On est vite au-dessus de trois cents kilomètres heure. Côté paysage, rien de palpitant jusqu’à ce que l’on aperçoive la ligne bleue des Vosges. Un très long tunnel et c’est Strasbourg. Presque tout le monde descend. Le chef de bord annonce l’opération de déjumelage du train allemand.
Ensuite, c’est la plaine d’Alsace avec à droite une belle vue sur les sommets des Vosges. Ce château perché là-haut, et cet autre plus loin, m’en font souvenir d’autres, du temps où je parcourais l’Alsace bien accompagné. On traverse Sélestat et c’est l’arrivée à Colmar à l’heure prévue, seize heures vingt-sept.
A l’arrière de la Gare est l’Espace Côté Ouest, une médiocre cafétéria où je prends un café au prix exagéré de deux euros. Le ciel est annonciateur d’orage et je ne peux rejoindre par vingt minutes de marche ma location Air Bibi qu’à dix-sept heures quarante car ma nouvelle logeuse travaille. Mes bagages n’étant pas étanches, je lui envoie un message. Elle propose de passer me prendre. Il me faut donc l’attendre un long moment dans cette cafétéria médiocre, le seul débit de boissons proche de la Gare. Heureusement que je sais que Colmar a autre chose à m’offrir.
*
Balzac : Cette année est une année climatérique pour mes affaires.
Climatérique : constituant un moment important, où il survient de grands changements, m’apprend le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales.
Tout se passe bien : arrivée ponctuelle à Saint-Lazare, passage par la moulinette de la descente vers la ligne Quatorze, bain de foule jusqu’à Châtelet dans la rame de cette ligne Quatorze, moment de repos dans le métro Quatre où je suis assis jusqu’à la station Gare de l’Est, sortie rue d’Alsace.
En face de cette Gare est le Café de l’Est. Le café y coûte deux euros soixante-dix. Je commence là le deuxième volume de Lettres à Madame Hanska, retrouvant Balzac (dont c’est aujourd’hui l’anniversaire de la naissance) où je l’ai laissé, endetté, souffrant et porteur de projets qui tous échouent. Tu es un peu follette ma minette, car si je ne bâtis pas en 1845, où logerons-nous en 1846 ?
J’y reste jusqu’à onze heures puis fais un tour dans le quartier, découvrant ainsi l’église Saint-Laurent et le square attenant du même nom où un banc au soleil me permet d’attendre midi. Paisible endroit dans un paisible quartier.
J’ai le temps d’un déjeuner au restaurant. Je choisis Packiams entre l’église et la Gare, boulevard de Strasbourg. La formule est à dix-huit euros quatorze : crevettes tempura maison et tartare de bœuf italien frites maison. La clientèle est cosmopolite, le personnel indo-pakistanais ou tamoul, la cuisine honnête. Une étrangère fourre son croissant avec une crêpe.
La Gare de l’Est est paisible elle aussi. Je trouve un fauteuil métallique rouge pour attendre le Tégévé de treize heures cinquante-trois pour Colmar. Je voyage en seconde : voiture Sept, place Vingt-Cinq. Accroché devant, il y a le train pour Stuttgart. A voir les enfants galopant sur le quai, là-bas ce sont les vacances scolaires. Pour voisin, j’ai un jeune homme sage. Derrière, un vieux couple se chamaille avec l’accent alsacien (elle : « Tu sais bien que les gilets, j’aime pas ça. » lui : « Fiche-moi la paix »). On est vite au-dessus de trois cents kilomètres heure. Côté paysage, rien de palpitant jusqu’à ce que l’on aperçoive la ligne bleue des Vosges. Un très long tunnel et c’est Strasbourg. Presque tout le monde descend. Le chef de bord annonce l’opération de déjumelage du train allemand.
Ensuite, c’est la plaine d’Alsace avec à droite une belle vue sur les sommets des Vosges. Ce château perché là-haut, et cet autre plus loin, m’en font souvenir d’autres, du temps où je parcourais l’Alsace bien accompagné. On traverse Sélestat et c’est l’arrivée à Colmar à l’heure prévue, seize heures vingt-sept.
A l’arrière de la Gare est l’Espace Côté Ouest, une médiocre cafétéria où je prends un café au prix exagéré de deux euros. Le ciel est annonciateur d’orage et je ne peux rejoindre par vingt minutes de marche ma location Air Bibi qu’à dix-sept heures quarante car ma nouvelle logeuse travaille. Mes bagages n’étant pas étanches, je lui envoie un message. Elle propose de passer me prendre. Il me faut donc l’attendre un long moment dans cette cafétéria médiocre, le seul débit de boissons proche de la Gare. Heureusement que je sais que Colmar a autre chose à m’offrir.
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Balzac : Cette année est une année climatérique pour mes affaires.
Climatérique : constituant un moment important, où il survient de grands changements, m’apprend le Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales.
19 mai 2025
Personne n’est dehors à sept heures le dimanche à Rouen. Sauf une fille perdue au bout de la rue Saint-Romain, près de la Cathédrale. Téléphone en main, elle me demande où trouver le bus Effe Sept pour aller à la Gare. Je lui dis qu’il faudrait qu’elle retourne sur ses pas, qu’il vaut mieux prendre un bus Teor puis le métro. « Je vais vous montrer, je vais par là. »
Elle me suit. Son train est à huit heures. On a le temps. Quand nous arrivons place Lelieur, un Teor en part. « Ce n’est pas grave, le métro est tout près, on va y aller à pied. » « Vous allez par-là ? » me demande cette jeune personne, un brin inquiète. « Oui je vais à un vide-grenier sur les quais. »
Prochaine rame dans huit minutes, est-il affiché à l’entrée du métro vers Boulingrin. « La Gare est au bout de cette rue, lui dis-je en lui montrant la rue de la Jeanne, vous y serez en moins d’un quart d’heure à pied, largement avant huit heures, moi c’est ce que je ferais. » Après m’avoir fait répéter deux fois que c’est tout droit, elle se laisse convaincre et merci.
Je longe l’Opéra et descends sur le quai bas de la rive droite de la Seine où doit se tenir un vide-grenier. Il y est. Au stand du deuxième exposant des cartons de livres me font signe. Pas très frais. Ils ont dû séjourner dans une cave. « Cinquante centimes », me répond le vendeur quand je lui demande combien l’un. Deviennent miens trois vieux Gallimard : De l’Angleterre de Jean Queval, Nouveau Recueil de Francis Ponge et Peau d’Ours d’Henri Calet, ainsi qu’un vieux Christian Bourgois bilingue : Un regard sur le monde de Lawrence Ferlinghetti.
Un peu de soleil accompagne ma remontée des exposants installés face à la Seine et à la Tour des Archives, des vendeurs et des vendeuses qui ont des têtes sympathiques, des familles avec des grandes filles qui ne jouent plus à la poupée, « On les met où tes Barbie ? ». La buvette est tenue par les pompiers.
J’arrive au bout sans autre trouvaille et reviens vers mon point de départ. A mi-chemin, je vois venir un de ma connaissance pas vu depuis avant le Covid. Je le trouve vieilli et affaibli. Je lui demande ce qu’il devient, comment il va. « Mal », me répond-il.
Depuis quatre ans, il a une maladie à lourd traitement. Il a également eu un gros problème pulmonaire. Et aussi un jour il est tombé chez lui sans pouvoir se relever ni appeler à l’aide. Il est resté comme ça par terre pendant une journée et demie. Jusqu’à ce que son fils s’inquiète de ne pouvoir le joindre et qu’il soit secouru. Il a mis des mois à s’en remettre, ne pouvant pas redresser la tête.
Je lui demande si depuis il a quelqu’un pour veiller sur lui. Par exemple, une voisine à qui il aurait donné sa clé. « Bien que je sache que tu n’aimes pas ça. » « Moins que jamais, me répond-il, il n’en est pas question. » « Maintenant, j’ai toujours mon téléphone sur moi », ajoute-t-il.
Je m’abstiens de lui dire qu’en tombant il pourrait le casser, ou alors perdre connaissance. « Je suis encore vivant », me dit-il. « Tiens bon », lui dis-je. Il s’éloigne sans me demander comment je vais. Ce qui montre que malgré tout ça, il est resté le même.
Elle me suit. Son train est à huit heures. On a le temps. Quand nous arrivons place Lelieur, un Teor en part. « Ce n’est pas grave, le métro est tout près, on va y aller à pied. » « Vous allez par-là ? » me demande cette jeune personne, un brin inquiète. « Oui je vais à un vide-grenier sur les quais. »
Prochaine rame dans huit minutes, est-il affiché à l’entrée du métro vers Boulingrin. « La Gare est au bout de cette rue, lui dis-je en lui montrant la rue de la Jeanne, vous y serez en moins d’un quart d’heure à pied, largement avant huit heures, moi c’est ce que je ferais. » Après m’avoir fait répéter deux fois que c’est tout droit, elle se laisse convaincre et merci.
Je longe l’Opéra et descends sur le quai bas de la rive droite de la Seine où doit se tenir un vide-grenier. Il y est. Au stand du deuxième exposant des cartons de livres me font signe. Pas très frais. Ils ont dû séjourner dans une cave. « Cinquante centimes », me répond le vendeur quand je lui demande combien l’un. Deviennent miens trois vieux Gallimard : De l’Angleterre de Jean Queval, Nouveau Recueil de Francis Ponge et Peau d’Ours d’Henri Calet, ainsi qu’un vieux Christian Bourgois bilingue : Un regard sur le monde de Lawrence Ferlinghetti.
Un peu de soleil accompagne ma remontée des exposants installés face à la Seine et à la Tour des Archives, des vendeurs et des vendeuses qui ont des têtes sympathiques, des familles avec des grandes filles qui ne jouent plus à la poupée, « On les met où tes Barbie ? ». La buvette est tenue par les pompiers.
J’arrive au bout sans autre trouvaille et reviens vers mon point de départ. A mi-chemin, je vois venir un de ma connaissance pas vu depuis avant le Covid. Je le trouve vieilli et affaibli. Je lui demande ce qu’il devient, comment il va. « Mal », me répond-il.
Depuis quatre ans, il a une maladie à lourd traitement. Il a également eu un gros problème pulmonaire. Et aussi un jour il est tombé chez lui sans pouvoir se relever ni appeler à l’aide. Il est resté comme ça par terre pendant une journée et demie. Jusqu’à ce que son fils s’inquiète de ne pouvoir le joindre et qu’il soit secouru. Il a mis des mois à s’en remettre, ne pouvant pas redresser la tête.
Je lui demande si depuis il a quelqu’un pour veiller sur lui. Par exemple, une voisine à qui il aurait donné sa clé. « Bien que je sache que tu n’aimes pas ça. » « Moins que jamais, me répond-il, il n’en est pas question. » « Maintenant, j’ai toujours mon téléphone sur moi », ajoute-t-il.
Je m’abstiens de lui dire qu’en tombant il pourrait le casser, ou alors perdre connaissance. « Je suis encore vivant », me dit-il. « Tiens bon », lui dis-je. Il s’éloigne sans me demander comment je vais. Ce qui montre que malgré tout ça, il est resté le même.
18 mai 2025
Vendredi après-midi, par le réseau social Effe Bé, j’apprends que les Archives Départementale de la Seine-Maritime organisent ce ouiquennede une visite « exceptionnelle » de la Tour des Archives de Rouen pour la raison qu’elle a soixante ans et qu’il reste des places. Suis un simple numéro de téléphone fixe. J’appelle. Une voix féminine me répond. En deux temps trois mouvements, me voilà inscrit pour la première visite du samedi.
Je ne pouvais laisser passer l’occasion de grimper au sommet du deuxième plus haut bâtiment de la ville. Le premier me restera interdit. Le temps n’est plus où l’on pouvait par l’escalier intérieur monter jusqu’à l’ultime plate-forme de la flèche de la Cathédrale de Rouen, comme eurent la possibilité de le faire Stendhal et Pierre Louÿs (entre autres).
Le lendemain matin, je traverse la Seine par le pont Corneille. A neuf heures, je suis l’un des trois hommes invités à entrer par un vigile et un pompier. Après avoir traversé la cour en passant au pied de la tour, nous sommes accueillis dans le bâtiment adjacent de celle-ci par une archiviste et un autre pompier.
Nous montons directement en haut par l’ascenseur intérieur qui ne pourrait pas contenir plus que nous sommes. Celui d’extérieur, une bulle de verre, est hors d’usage depuis un moment, nous dit celle qui va nous servir de guide. « De plus, il ne pouvait pas fonctionner par un vent supérieur à trente kilomètres heure. »
Quand l’ascenseur s’arrête, nous sommes au vingt-neuvième étage. Il en reste un à monter à pied pour être au somment d’où l’on a vue sur tout Rouen et ses alentours. Cette plate-forme de la Tour des Archives de Rouen est le spot parfait pour qui veut en finir avec la vie.
Les deux autres ont apporté des appareils photo auprès desquels le mien semble un jouet d’enfant. Je les soupçonne d’être des journalistes locaux. Il fait gris, ce qui permet de photographier sans être gêné par le soleil. A quatre-vingt-neuf mètres de haut, nous admirons le panorama, aval, amont, rive gauche, rive droite. Je connais tout ce que je vois, mais ce n’en est pas moins intéressant. Et je suis le seul à voir les éoliennes qui tournent sur la Côte Sainte-Catherine. Ce grand terrain vide en bas, nous dit l’archiviste, c’est l’emplacement de la future Gare. Une Gare hypothétique, me dis-je. A côté de ce rectangle inoccupé est ce qu’on appelait la Friche Lucien. Ça a changé de nom, mais c’est toujours un lieu pseudo alternatif pour fêtards ayant des idées avancées.
Quand on a tout bien vu, bien photographié, nous descendons au quinzième étage, identique à tous les autres, pour voir comment sont rangées les archives. Elles sont dans des boîtes en carton posées sur des étagères, comme partout. L’un des deux autres a toujours des questions à poser, pas très malignes. C’est ce que j’appelle un brave garçon.
Pour finir, le pompier et l’archiviste nous ramènent au niveau zéro où un autre archiviste a disposé trois documents pour nous dans la salle de consultation : un numéro du Journal de Rouen, la liste d’équipage d’un bateau du Havre et un registre paroissial d’état-civil. D’où de nouvelles questions du brave garçon. Cela devait durer une demi-heure, nous en sommes au double.
D’autres archivistes nous attendent à l’accueil, qui nous demandent si ça nous a plu. Pour chaque visiteur sont offerts un bonbon et un sac bleu en plastique du Département de Seine-Maritime avec de la documentation à l’intérieur. Je refuse le bonbon, ce qui est courageux, et accepte le sac sur lequel est écrit « La Seine-Maritime s’enflamme pour les Jeux », ce qui ne l’est pas. Pourvu que personne de ma connaissance ne me croise avec ça à la main quand je vais rentrer.
*
Vendredi vers neuf heures, passage au Clos Saint-Marc où les cartons de livres de Thierry ont déjà été fouillés par l’ennemi, mais qui à part moi pour être intéressé par la biographie d’un dont le nom m’a toujours réjoui : Poulet Malassis, l’éditeur de Baudelaire. Cet Auguste Poulet Malassis de Claude Pichois chez Fayard devient mien pour trois euros. Par acquit de conscience, comme on dit, je regarde une nouvelle fois le contenu de chaque carton. C’est ainsi que dans l’un, je découvre deux Dominique Meens, Eux, et nous et Ornithologie du promeneur, ainsi que le Villon François de Marcel Schwob, trois Allia grand format, jamais vus ailleurs. Je rejoins Thierry. « Et pour ces trois-là ? » « C’est à moi ça ? » me demande-t-il. « Je ne sais pas si c’est à vous, mais c’était dans un de vos cartons. » « Huit euros », me dit-il. « J’espérais un peu moins. » « C’est des livres rares. » « Je sais, c’est pour ça que je les achète. » « Sept euros », me dit-il. On peut négocier avec lui mais avec diplomatie.
Je ne pouvais laisser passer l’occasion de grimper au sommet du deuxième plus haut bâtiment de la ville. Le premier me restera interdit. Le temps n’est plus où l’on pouvait par l’escalier intérieur monter jusqu’à l’ultime plate-forme de la flèche de la Cathédrale de Rouen, comme eurent la possibilité de le faire Stendhal et Pierre Louÿs (entre autres).
Le lendemain matin, je traverse la Seine par le pont Corneille. A neuf heures, je suis l’un des trois hommes invités à entrer par un vigile et un pompier. Après avoir traversé la cour en passant au pied de la tour, nous sommes accueillis dans le bâtiment adjacent de celle-ci par une archiviste et un autre pompier.
Nous montons directement en haut par l’ascenseur intérieur qui ne pourrait pas contenir plus que nous sommes. Celui d’extérieur, une bulle de verre, est hors d’usage depuis un moment, nous dit celle qui va nous servir de guide. « De plus, il ne pouvait pas fonctionner par un vent supérieur à trente kilomètres heure. »
Quand l’ascenseur s’arrête, nous sommes au vingt-neuvième étage. Il en reste un à monter à pied pour être au somment d’où l’on a vue sur tout Rouen et ses alentours. Cette plate-forme de la Tour des Archives de Rouen est le spot parfait pour qui veut en finir avec la vie.
Les deux autres ont apporté des appareils photo auprès desquels le mien semble un jouet d’enfant. Je les soupçonne d’être des journalistes locaux. Il fait gris, ce qui permet de photographier sans être gêné par le soleil. A quatre-vingt-neuf mètres de haut, nous admirons le panorama, aval, amont, rive gauche, rive droite. Je connais tout ce que je vois, mais ce n’en est pas moins intéressant. Et je suis le seul à voir les éoliennes qui tournent sur la Côte Sainte-Catherine. Ce grand terrain vide en bas, nous dit l’archiviste, c’est l’emplacement de la future Gare. Une Gare hypothétique, me dis-je. A côté de ce rectangle inoccupé est ce qu’on appelait la Friche Lucien. Ça a changé de nom, mais c’est toujours un lieu pseudo alternatif pour fêtards ayant des idées avancées.
Quand on a tout bien vu, bien photographié, nous descendons au quinzième étage, identique à tous les autres, pour voir comment sont rangées les archives. Elles sont dans des boîtes en carton posées sur des étagères, comme partout. L’un des deux autres a toujours des questions à poser, pas très malignes. C’est ce que j’appelle un brave garçon.
Pour finir, le pompier et l’archiviste nous ramènent au niveau zéro où un autre archiviste a disposé trois documents pour nous dans la salle de consultation : un numéro du Journal de Rouen, la liste d’équipage d’un bateau du Havre et un registre paroissial d’état-civil. D’où de nouvelles questions du brave garçon. Cela devait durer une demi-heure, nous en sommes au double.
D’autres archivistes nous attendent à l’accueil, qui nous demandent si ça nous a plu. Pour chaque visiteur sont offerts un bonbon et un sac bleu en plastique du Département de Seine-Maritime avec de la documentation à l’intérieur. Je refuse le bonbon, ce qui est courageux, et accepte le sac sur lequel est écrit « La Seine-Maritime s’enflamme pour les Jeux », ce qui ne l’est pas. Pourvu que personne de ma connaissance ne me croise avec ça à la main quand je vais rentrer.
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Vendredi vers neuf heures, passage au Clos Saint-Marc où les cartons de livres de Thierry ont déjà été fouillés par l’ennemi, mais qui à part moi pour être intéressé par la biographie d’un dont le nom m’a toujours réjoui : Poulet Malassis, l’éditeur de Baudelaire. Cet Auguste Poulet Malassis de Claude Pichois chez Fayard devient mien pour trois euros. Par acquit de conscience, comme on dit, je regarde une nouvelle fois le contenu de chaque carton. C’est ainsi que dans l’un, je découvre deux Dominique Meens, Eux, et nous et Ornithologie du promeneur, ainsi que le Villon François de Marcel Schwob, trois Allia grand format, jamais vus ailleurs. Je rejoins Thierry. « Et pour ces trois-là ? » « C’est à moi ça ? » me demande-t-il. « Je ne sais pas si c’est à vous, mais c’était dans un de vos cartons. » « Huit euros », me dit-il. « J’espérais un peu moins. » « C’est des livres rares. » « Je sais, c’est pour ça que je les achète. » « Sept euros », me dit-il. On peut négocier avec lui mais avec diplomatie.
16 mai 2025
Quiche au boudin noir et pommes suivi d’un tataki de thon sauce soja gratin dauphinois patates douces et salade, c’est mon déjeuner de ce mercredi à La Terrasse, même maison qu’Au Diable des Lombards, en terrasse ensoleillée. La formule est à quatorze euros quatre-vingt-dix. C’est bon mais moins qu’à côté car ici c’est micro-ondé.
Il fait presque trop chaud au sous-sol du Book-Off de Saint-Martin. Ma récolte de livres à un euro est bonne. En édition de poche, L’Air de Paris de Daniel Percheron (Zulma) et Jack London de Jennifer Lesieur (Libretto Phébus). Au rayon Roman, deux livres de Joseph Roth qui n’en sont pas : Symptômes viennois et Une heure avant la fin du monde, tous deux chez Liana Levi. Au rayon Témoignage, qui certes en est un, mais aussi bien plus que ça, le récent Le Couteau de Salman Rushdie (Gallimard). S’y ajoute, trouvé sur le présentoir en bas de l’escalier en béton, Mémoires de l’inachevé de Grisélidis Real (Verticales), ouvrage composé des lettres de l’écrivaine prostituée (ou de la prostituée écrivaine) à Maurice Chappaz, à ses amants et à sa famille, huit euros bien placés. Quand je remonte à l’air libre, le temps a changé. Des nuages témoignent d’une possibilité d’orage.
Je retourne place Sainte-Opportune et m’installe sous la véranda de L’Opportun pour un café vert d’eau lecture, celle de L’Air de Paris de Daniel Percheron, recueil de ses chroniques parues dans Le Monde en mil neuf cent quatre-vingt-seize. J’apprends que le mot misonéiste qualifie les ennemis de la nouveauté, dont je suis, à n’en pas douter. Un homme passe avec un sac à tout « I love my life » Des filles offrent au soleil et à mon regard leur ventre nu si plat. Raymond Queneau trotte dans ma tête avec son Si tu t’imagines.
Je rentre avec le seize heures quarante, voiture Cinq, place Vingt-Sept, mon habituelle, mes livres ayant la place Vingt-Huit. J’y respire encore L’Air de Paris : Dans l’île Saint-Germain, la rue Pierre-Poli sonne de façon préhistorique.
*
Rentré, j’apprends que la Bibliothèque Oscar Niemeyer du Havre organise un gros désherbage ce ouiquennede. Vingt-cinq mille documents (pas uniquement des livres) vendus entre un à quatre euros. C’est tentant, bien que je me souvienne d’un précédent qui fut décevant.
Que faire ? Y aller ou pas ? Le prix du billet de train est une aide à la décision : treize euros quatre-vingt-dix l’aller, huit euros soixante le retour. A quoi je devrais ajouter le prix d’un repas. Pour que ce soit rentable, il faudrait que je trouve beaucoup de livres, et si cela était, porter ça à bout de bras jusqu’à la Gare. Donc, non.
Il fait presque trop chaud au sous-sol du Book-Off de Saint-Martin. Ma récolte de livres à un euro est bonne. En édition de poche, L’Air de Paris de Daniel Percheron (Zulma) et Jack London de Jennifer Lesieur (Libretto Phébus). Au rayon Roman, deux livres de Joseph Roth qui n’en sont pas : Symptômes viennois et Une heure avant la fin du monde, tous deux chez Liana Levi. Au rayon Témoignage, qui certes en est un, mais aussi bien plus que ça, le récent Le Couteau de Salman Rushdie (Gallimard). S’y ajoute, trouvé sur le présentoir en bas de l’escalier en béton, Mémoires de l’inachevé de Grisélidis Real (Verticales), ouvrage composé des lettres de l’écrivaine prostituée (ou de la prostituée écrivaine) à Maurice Chappaz, à ses amants et à sa famille, huit euros bien placés. Quand je remonte à l’air libre, le temps a changé. Des nuages témoignent d’une possibilité d’orage.
Je retourne place Sainte-Opportune et m’installe sous la véranda de L’Opportun pour un café vert d’eau lecture, celle de L’Air de Paris de Daniel Percheron, recueil de ses chroniques parues dans Le Monde en mil neuf cent quatre-vingt-seize. J’apprends que le mot misonéiste qualifie les ennemis de la nouveauté, dont je suis, à n’en pas douter. Un homme passe avec un sac à tout « I love my life » Des filles offrent au soleil et à mon regard leur ventre nu si plat. Raymond Queneau trotte dans ma tête avec son Si tu t’imagines.
Je rentre avec le seize heures quarante, voiture Cinq, place Vingt-Sept, mon habituelle, mes livres ayant la place Vingt-Huit. J’y respire encore L’Air de Paris : Dans l’île Saint-Germain, la rue Pierre-Poli sonne de façon préhistorique.
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Rentré, j’apprends que la Bibliothèque Oscar Niemeyer du Havre organise un gros désherbage ce ouiquennede. Vingt-cinq mille documents (pas uniquement des livres) vendus entre un à quatre euros. C’est tentant, bien que je me souvienne d’un précédent qui fut décevant.
Que faire ? Y aller ou pas ? Le prix du billet de train est une aide à la décision : treize euros quatre-vingt-dix l’aller, huit euros soixante le retour. A quoi je devrais ajouter le prix d’un repas. Pour que ce soit rentable, il faudrait que je trouve beaucoup de livres, et si cela était, porter ça à bout de bras jusqu’à la Gare. Donc, non.
15 mai 2025
Parmi ceux qui fument devant la Gare de Rouen ce mercredi matin, l’artiste de rue graveur de portes Alain Rault, aka le Playboy Communiste, enroulé dans sa couverture, cheveux et barbe en bataille. Entre deux bouffées, il émet un petit rire sardonique. Il y a plusieurs semaines, sur Effe Bé, on l’avait annoncé enfermé dans un établissement spécialisé. Ou bien c’était une fausse nouvelle (une autre l’ayant annoncé mort il y a plusieurs mois, le confondant avec un autre sans-abri) ou bien on l’a laissé sortir.
Dans le train de sept heures vingt-deux pour Paris qui avance dans le brouillard, mon voisin utilise un cache-yeux pour dormir. Je lis Petit Manuel de survie de Francis Galton, tiré de son ouvrage L’Art du voyage paru en mil huit cent cinquante-cinq. J’y apprends comment retrousser ses manches : Lorsque vous avez à retrousser vos manches, souvenez-vous que la bonne manière de le faire, n’est pas de commencer à retourner les poignées à l’extérieur, mais l’inverse ; il faut rouler les manches à l’intérieur contre la peau et non pas de l’autre côté. Dans le premier cas, les manches demeureront retroussées, sans se défaire ; dans l’autre cas, elles descendront toutes les cinq minutes.
A Saint-Lazare, la voix de la ligne Quatorze se vante d’un train toutes les quatre-vingt-cinq secondes. Cela n’empêche pas que la rame qui arrive soit blindée. Heureusement, j’en descends à la suivante, Madeleine, et dans la Huit je peux m’asseoir et respirer jusqu’à Ledru-Rollin où je bois un café comptoir au Camélia dont je suis le seul client.
Comme le beau temps est assuré, au Marché d’Aligre Emile Débarras a fait aligner par ses tâcherons tous ses livres. Il n’y en a aucun pour moi et c’est peut-être mieux ainsi car j’en ai déjà deux dans mon sac, trouvés dans les boîtes à livres des Beaux-Arts et de la Gare avant de quitter Rouen : Les Essais dans la Pochothèque et La servante écarlate, avec préface inédite de l’auteure, chez Pavillons Poche. Auxquels s’ajoutent ceux que je veux vendre chez Re-Read ou l’on ne m’en prend que huit sur douze pour deux euros. Cette modique somme me permet de diviser par deux le prix du Journal d’Helga d’Helga Weissová (Belfond).
Je suis de retour à Ledru-Rollin pour l’ouverture de Book-Off. Une femme a tôt fait de m’énerver, qui parle au téléphone comme si elle était chez elle « On a attendu une heure et le film, il était nul, nul ! » « On s’en fout » lui dis-je, ce qui suffit à la faire disparaître à l’autre bout de la boutique puis à se taire. Cela faisait longtemps que j’avais cherché pouille à quelqu’un. Je suis dans un moment où je ne supporte pas grand monde.
Je ressors avec une récolte de livres à un euro satisfaisante : Une jeunesse de Marcel Proust d’Evelyne Bloch-Dano (Stock), Jean Guéhenno et la Bretagne d’Alain-Gabriel Monot (Blanc Silex), Qui était Juan Népomucène Ruiz ? d’Heinz Berggruen (Christian Bourgois), L’autofictif 2007-2008 d’Eric Chevillard (L’Arbre Vengeur), Prisonnier du sexe de Norman Mailer (Pavillons Poche) et en édition bilingue Le Soutire au pied de l’échelle d’Henry Miller (Buchet Chastel).
*
Une chose qui ne m’était jamais arrivée : la porte des toilettes Decaux qui s’ouvre alors que je suis en pleine action. De quoi se retrouver en garde à vue pour exhibitionnisme.
*
Francis Galton dans son Petit Manuel de survie :
Le voyageur qui se trouve malade, loin de toute aide, peut se consoler avec le proverbe selon lequel « bien qu’il y ait une grande différence entre un bon et un mauvais médecin, il y en a très peu entre un bon médecin et pas de médecin du tout ».
Il faudra que je cite ce proverbe à mon médecin.
Dans le train de sept heures vingt-deux pour Paris qui avance dans le brouillard, mon voisin utilise un cache-yeux pour dormir. Je lis Petit Manuel de survie de Francis Galton, tiré de son ouvrage L’Art du voyage paru en mil huit cent cinquante-cinq. J’y apprends comment retrousser ses manches : Lorsque vous avez à retrousser vos manches, souvenez-vous que la bonne manière de le faire, n’est pas de commencer à retourner les poignées à l’extérieur, mais l’inverse ; il faut rouler les manches à l’intérieur contre la peau et non pas de l’autre côté. Dans le premier cas, les manches demeureront retroussées, sans se défaire ; dans l’autre cas, elles descendront toutes les cinq minutes.
A Saint-Lazare, la voix de la ligne Quatorze se vante d’un train toutes les quatre-vingt-cinq secondes. Cela n’empêche pas que la rame qui arrive soit blindée. Heureusement, j’en descends à la suivante, Madeleine, et dans la Huit je peux m’asseoir et respirer jusqu’à Ledru-Rollin où je bois un café comptoir au Camélia dont je suis le seul client.
Comme le beau temps est assuré, au Marché d’Aligre Emile Débarras a fait aligner par ses tâcherons tous ses livres. Il n’y en a aucun pour moi et c’est peut-être mieux ainsi car j’en ai déjà deux dans mon sac, trouvés dans les boîtes à livres des Beaux-Arts et de la Gare avant de quitter Rouen : Les Essais dans la Pochothèque et La servante écarlate, avec préface inédite de l’auteure, chez Pavillons Poche. Auxquels s’ajoutent ceux que je veux vendre chez Re-Read ou l’on ne m’en prend que huit sur douze pour deux euros. Cette modique somme me permet de diviser par deux le prix du Journal d’Helga d’Helga Weissová (Belfond).
Je suis de retour à Ledru-Rollin pour l’ouverture de Book-Off. Une femme a tôt fait de m’énerver, qui parle au téléphone comme si elle était chez elle « On a attendu une heure et le film, il était nul, nul ! » « On s’en fout » lui dis-je, ce qui suffit à la faire disparaître à l’autre bout de la boutique puis à se taire. Cela faisait longtemps que j’avais cherché pouille à quelqu’un. Je suis dans un moment où je ne supporte pas grand monde.
Je ressors avec une récolte de livres à un euro satisfaisante : Une jeunesse de Marcel Proust d’Evelyne Bloch-Dano (Stock), Jean Guéhenno et la Bretagne d’Alain-Gabriel Monot (Blanc Silex), Qui était Juan Népomucène Ruiz ? d’Heinz Berggruen (Christian Bourgois), L’autofictif 2007-2008 d’Eric Chevillard (L’Arbre Vengeur), Prisonnier du sexe de Norman Mailer (Pavillons Poche) et en édition bilingue Le Soutire au pied de l’échelle d’Henry Miller (Buchet Chastel).
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Une chose qui ne m’était jamais arrivée : la porte des toilettes Decaux qui s’ouvre alors que je suis en pleine action. De quoi se retrouver en garde à vue pour exhibitionnisme.
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Francis Galton dans son Petit Manuel de survie :
Le voyageur qui se trouve malade, loin de toute aide, peut se consoler avec le proverbe selon lequel « bien qu’il y ait une grande différence entre un bon et un mauvais médecin, il y en a très peu entre un bon médecin et pas de médecin du tout ».
Il faudra que je cite ce proverbe à mon médecin.
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