Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
4 novembre 2016
Il pleuvouille ce vendredi matin quand je longe la Seine à pied en direction du cinéma Pathé sis dans le centre commercial des Docks. Au loin sont visibles les manèges et les attractions de la foire Saint-Romain pour laquelle des dizaines de platanes et des bâtiments portuaires ont été sacrifiés. Les restaurants et les salles de sport s’en protègent en cernant leurs parquignes de barrières. Vue de l’endroit où je quitte le bord du fleuve pour entrer dans le bâtiment à boutiques, cette fête foraine semble se tenir dans un camp retranché.
Je passe par la case toilettes, délaissant Robert le Brochet au profit d’Arthur le Silure qui « parade derrière ses moustaches ». Il existe aussi des brochets à moustache, du moins j’en connais un. Il ne fait pas partie des porteurs de sacs en plastique qui attendent impatiemment que montent les rideaux du cinéma derrière lesquels se cachent les livres d’occasion du Secours Populaire. D’autres humains sont là pour voir un film à dix heures quarante.
Dix minutes avant cet horaire, les rideaux se lèvent. Chacun va vers son intérêt. La chance étant avec moi, mon sac se remplit peu à peu. Quand je me mets dans la file pour payer mon dû, deux femmes bourgeoises sont devant moi. Elles n’ont acheté que des livres pour leurs petits-enfants. Elles ne savent pas quel est le nom de l’association qui les vend. L’une se recule, regarde la banderole :
-Ah, le Secours Populaire, dit-elle d’un air mi-figue, mi-raisin (comme on dit).
-Je n’ai même pas eu le temps de vous dire bonjour, me dit la dame bénévole qui tient la caisse, stressée comme elle est toujours. Aujourd’hui, c’est parce que le cinéma leur a ouvert les portes avec retard et que tout n’a pu être bien installé.
Il pleuvouille toujours quand je sors, aussi est-ce avec le premier bus Teor que je rentre, pas mécontent de ma matinée.
*
De la foire Saint-Romain, je n’entends parler que pour s’en plaindre. Son nouvel emplacement génère des embouteillages conséquents qui dissuadent la clientèle habituelle des restaurants du bord de Seine.
Il n’a pas été difficile de se débarrasser des forains en surnombre qui occupaient les lieux. Un procès en référé puis la menace de ne pas ouvrir la foire tant qu’ils seraient présents ont eu raison de leur envie d’en découdre.
Cela a réjoui Robert, Maire, Socialiste, et Fourneyron, Députée, Socialiste, que des photos ont montré ensemble dans la nacelle d’un manège pour enfants, s’amusant comme des petits fous. Yvon et Valérie sont dans un bateau, vieille histoire.
*
On les retrouvera peut-être à jouer ensemble dans le Donjon où Jeanne d’Arc fut menacée de la torture puis des Résistants enfermés par la Gestapo qui avait son siège à proximité.
Celui-ci va être transformé en lieu d’attraction selon le désir de Sanchez, Chef de la Matmutropole, Socialiste, qui a une haute idée de la politique culturelle. Te v’là coincé dans l’Donjon, trouve moyen d’en sortir en répondant aux questions qu’on va te poser sur la Pucelle.
Cette animation festive sera confiée à la société privée Brainscape qui sévit déjà dans ses propres locaux, rue Alsace-Lorraine, à proximité de ceux de l’Ubi, lieu artistique mutualisé, où j’écris ce jour, encouragé par un bruit d’aspirateur.
Je passe par la case toilettes, délaissant Robert le Brochet au profit d’Arthur le Silure qui « parade derrière ses moustaches ». Il existe aussi des brochets à moustache, du moins j’en connais un. Il ne fait pas partie des porteurs de sacs en plastique qui attendent impatiemment que montent les rideaux du cinéma derrière lesquels se cachent les livres d’occasion du Secours Populaire. D’autres humains sont là pour voir un film à dix heures quarante.
Dix minutes avant cet horaire, les rideaux se lèvent. Chacun va vers son intérêt. La chance étant avec moi, mon sac se remplit peu à peu. Quand je me mets dans la file pour payer mon dû, deux femmes bourgeoises sont devant moi. Elles n’ont acheté que des livres pour leurs petits-enfants. Elles ne savent pas quel est le nom de l’association qui les vend. L’une se recule, regarde la banderole :
-Ah, le Secours Populaire, dit-elle d’un air mi-figue, mi-raisin (comme on dit).
-Je n’ai même pas eu le temps de vous dire bonjour, me dit la dame bénévole qui tient la caisse, stressée comme elle est toujours. Aujourd’hui, c’est parce que le cinéma leur a ouvert les portes avec retard et que tout n’a pu être bien installé.
Il pleuvouille toujours quand je sors, aussi est-ce avec le premier bus Teor que je rentre, pas mécontent de ma matinée.
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De la foire Saint-Romain, je n’entends parler que pour s’en plaindre. Son nouvel emplacement génère des embouteillages conséquents qui dissuadent la clientèle habituelle des restaurants du bord de Seine.
Il n’a pas été difficile de se débarrasser des forains en surnombre qui occupaient les lieux. Un procès en référé puis la menace de ne pas ouvrir la foire tant qu’ils seraient présents ont eu raison de leur envie d’en découdre.
Cela a réjoui Robert, Maire, Socialiste, et Fourneyron, Députée, Socialiste, que des photos ont montré ensemble dans la nacelle d’un manège pour enfants, s’amusant comme des petits fous. Yvon et Valérie sont dans un bateau, vieille histoire.
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On les retrouvera peut-être à jouer ensemble dans le Donjon où Jeanne d’Arc fut menacée de la torture puis des Résistants enfermés par la Gestapo qui avait son siège à proximité.
Celui-ci va être transformé en lieu d’attraction selon le désir de Sanchez, Chef de la Matmutropole, Socialiste, qui a une haute idée de la politique culturelle. Te v’là coincé dans l’Donjon, trouve moyen d’en sortir en répondant aux questions qu’on va te poser sur la Pucelle.
Cette animation festive sera confiée à la société privée Brainscape qui sévit déjà dans ses propres locaux, rue Alsace-Lorraine, à proximité de ceux de l’Ubi, lieu artistique mutualisé, où j’écris ce jour, encouragé par un bruit d’aspirateur.
3 novembre 2016
L’affluence est inhabituelle et le train de Paris plus long ce mercredi à huit heures douze. Le jour de la fête des morts est aussi celui de la fin des vacances de la Toussaint. Il est temps pour les pères divorcés de ramener les enfants à leurs mères. Le plus proche de moi parle de lui à la troisième personne et en s’appelant lui-même « Papa », comme ils le font presque tous (divorcés ou pas) :
-Ne t’en fais pas, Papa va t’aider.
Peu de livres m’attendent chez Book-Off ; et au marché d’Aligre, pour une raison que j’ignore, les vendeurs de livres à bas prix font les morts. Je mets le cap sur l’Emmaüs de la rue de Charonne sans plus de succès.
A midi, je déjeune avenue Parmentier, face à un bâtiment des Petits Frères des Pauvres, dans une gargote nommée Onzième Avenue, un lieu assez peu new-yorkais où l’on sert le bœuf bourguignon qui s’impose quand le temps se rafraîchit. Puis, je remonte la rue du Chemin-Vert jusqu’à la ressourcerie La Petite Rockette.
A l’ouverture, j’y trouve le catalogue de l’exposition Djamel Tatah au Musée d’Art Moderne et Contemporain de Saint-Etienne et L’Idiot du Vieil-Age de Jean-Pierre Verheggen (L’Arbalète/Gallimard).
La récolte est moins bonne dans l’autre Book-Off, près du restaurant Drouant où c’est le calme avant le Goncourt. J’y achète néanmoins Disparitions bucoliques, qui fut publié par Le Promeneur/Gallimard en collaboration avec le Musée de la Chasse et de la Nature à l’occasion de l’exposition de Gianni Burattoni. Le texte est signé Michèle Lesbre, une fiction sans grand intérêt, mais l’exemplaire est dédicacé par l’auteure : « Disparitions bucoliques et rendez-vous intimes, pour vous Colette, très sincèrement ».
Acheter des livres pour des raisons futiles est un plaisir que je ne me refuse pas. C’est aussi pour cela, qu’après l’avoir ouvert au hasard et lu F. et son amie ont fait des portraits d’écrivains dans l’atelier de photographie qu’elles viennent d’ouvrir, rue du Chemin-Vert. Depuis, quand elles parlent de l’un d’eux, elles l’appellent par son prénom, à la manière des groupies de « Johnny », qu’elles méprisent pourtant : « Le livre d’Yves marche bien, on est contentes pour lui. » que je rachète le Journal du dehors d’Annie Ernaux (Gallimard). Je le considère pourtant comme son livre le moins bon, alourdi qu’il est par des considérations sociologiques à la Bourdieu.
Je ne sais pas qui est Yves, aucun écrivain portant ce nom ne me vient, hormis Yves Simon qui n’en est pas un, mais de Johnny il est question dans ce Book-Off du Quatre-Septembre. Les employé(e)s évoquent le Top Cinq des chansons diffusées lors des crémations. Allumez le feu en fait partie, mais la championne est Céline Dion.
-Quand mon père est mort, conclut l’une, c’était Ascenseur pour l’échafaud de Miles Davis, c’est quand même plus classe.
*
A l’entrée du marché d’Aligre, des militants de Greenpeace et leurs tablettes à pétitions. Aujourd’hui, c’est contre la disparition des arbres de la forêt équatoriale. J’accepte de signer même si je pense que ça ne sert à rien, mais avant de pouvoir le faire il faudrait écouter, écran à l’appui, les arguments et propositions de l’association. Désolé, dis-je à celui qui m’a arrêté, signer oui mais s’il faut subir le catéchisme, non.
*
Deux jeunes au café, l’un :
-Hier, il était chez moi, du coup on a boulé sur Paris.
-Ne t’en fais pas, Papa va t’aider.
Peu de livres m’attendent chez Book-Off ; et au marché d’Aligre, pour une raison que j’ignore, les vendeurs de livres à bas prix font les morts. Je mets le cap sur l’Emmaüs de la rue de Charonne sans plus de succès.
A midi, je déjeune avenue Parmentier, face à un bâtiment des Petits Frères des Pauvres, dans une gargote nommée Onzième Avenue, un lieu assez peu new-yorkais où l’on sert le bœuf bourguignon qui s’impose quand le temps se rafraîchit. Puis, je remonte la rue du Chemin-Vert jusqu’à la ressourcerie La Petite Rockette.
A l’ouverture, j’y trouve le catalogue de l’exposition Djamel Tatah au Musée d’Art Moderne et Contemporain de Saint-Etienne et L’Idiot du Vieil-Age de Jean-Pierre Verheggen (L’Arbalète/Gallimard).
La récolte est moins bonne dans l’autre Book-Off, près du restaurant Drouant où c’est le calme avant le Goncourt. J’y achète néanmoins Disparitions bucoliques, qui fut publié par Le Promeneur/Gallimard en collaboration avec le Musée de la Chasse et de la Nature à l’occasion de l’exposition de Gianni Burattoni. Le texte est signé Michèle Lesbre, une fiction sans grand intérêt, mais l’exemplaire est dédicacé par l’auteure : « Disparitions bucoliques et rendez-vous intimes, pour vous Colette, très sincèrement ».
Acheter des livres pour des raisons futiles est un plaisir que je ne me refuse pas. C’est aussi pour cela, qu’après l’avoir ouvert au hasard et lu F. et son amie ont fait des portraits d’écrivains dans l’atelier de photographie qu’elles viennent d’ouvrir, rue du Chemin-Vert. Depuis, quand elles parlent de l’un d’eux, elles l’appellent par son prénom, à la manière des groupies de « Johnny », qu’elles méprisent pourtant : « Le livre d’Yves marche bien, on est contentes pour lui. » que je rachète le Journal du dehors d’Annie Ernaux (Gallimard). Je le considère pourtant comme son livre le moins bon, alourdi qu’il est par des considérations sociologiques à la Bourdieu.
Je ne sais pas qui est Yves, aucun écrivain portant ce nom ne me vient, hormis Yves Simon qui n’en est pas un, mais de Johnny il est question dans ce Book-Off du Quatre-Septembre. Les employé(e)s évoquent le Top Cinq des chansons diffusées lors des crémations. Allumez le feu en fait partie, mais la championne est Céline Dion.
-Quand mon père est mort, conclut l’une, c’était Ascenseur pour l’échafaud de Miles Davis, c’est quand même plus classe.
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A l’entrée du marché d’Aligre, des militants de Greenpeace et leurs tablettes à pétitions. Aujourd’hui, c’est contre la disparition des arbres de la forêt équatoriale. J’accepte de signer même si je pense que ça ne sert à rien, mais avant de pouvoir le faire il faudrait écouter, écran à l’appui, les arguments et propositions de l’association. Désolé, dis-je à celui qui m’a arrêté, signer oui mais s’il faut subir le catéchisme, non.
*
Deux jeunes au café, l’un :
-Hier, il était chez moi, du coup on a boulé sur Paris.
2 novembre 2016
La météo annonçant une journée ensoleillée ce dernier jour d’octobre, j’ai en poche un billet pour Saint-Valéry-en-Caux, première partie du voyage en train jusqu’à Yvetot, le car ensuite.
Las, quand j’arrive à la gare de Rouen, c’est pour apprendre que le train de huit heures cinq aura quinze minutes de retard, suite à « des difficultés de préparation ». Il ne pourra pas être arrivé à Yvetot quand le car en partira à huit heures quarante-cinq.
Je demande aux gilets rouges si ce car est susceptible d’attendre. Ils n’en savent rien. J’insiste. L’un se renseigne à l’aide de sa technologie portative. Non, il n’attendra pas. Le retard annoncé est maintenant de vingt minutes et le car suivant me ferait rester une grande partie de la matinée à Yvetot (charmante perspective). J’échange donc mon billet pour Saint-Valéry contre un pour Dieppe, en train, sans car, départ neuf heures onze.
Je l’attends au Bar Tabac de la Gare, lisant le Journal inutile de Paul Morand. Admirable journée d’octobre, sans un nuage, comme nous les aimons tant, ici., écrivait celui-ci le deux octobre mil neuf cent soixante-quinze, quelques mois avant sa mort.
Un ciel sans nuage, c’est ce que je trouve à l’arrivée à Dieppe, ville dont heureusement je ne me lasse pas. Contrairement à lundi dernier, le port est plein de bateaux de pêche et les quais emplis de visiteurs. « Y a du monde, quand même, oh la la », dit-on au Tout Va Bien, « Avec ce soleil de mois d’août, on se croirait pas à la Toussaint ».
Le soleil chauffe bien mais il est bas. Déjeuner en terrasse m’obligerait à l’avoir dans les yeux, aussi j’opte pour une place à l’ombre sous la véranda du Nautic : assiette de fruits de mer, choucroute de la mer, creumebeule banane chocolat, accompagnés de chardonnay. Avec le café, cela fera vingt-six euros. Les mangeurs sous le soleil ont bientôt la couleur de l’écrevisse. Le serveur sue. Vers midi et demi se forme la file de celles et ceux qui doivent attendre qu’une table se libère et qui font la tête. Il en est ainsi devant chaque restaurant du port.
Après le repas, je me balade au Pollet, empruntant la rue où se tient une maison d’hôtes dont les propriétaires m’ont à plusieurs reprises invité à passer les voir mais la haute porte fermée m’empêche d’oser appuyer sur la sonnette.
C’est donc à la terrasse du Café de l’Escale, quai Henri le Quatrième, que je profite de l’après-midi de beau temps du dernier jour d’octobre dont on se réjouit alentour : « Ah bah oui ça va, avec ce beau soleil, pourvu que ça dure, même jusqu’à Noël on veut bien ».
Quand le rond jaune disparaît derrière les maisons du quai Duquesne, il est l’heure de mon train de retour d’où je peux admirer les arbres au feuillage automnal d’une campagne cauchoise déserte.
*
Au Nautic, une femme qui fait glisser dans son sac les rince-doigts non utilisés.
*
Des groupes de moutards maquillés quêtant des bonbons rappellent que c’est Allo Ouine. Ils sont tous sous la surveillance des mères. Comme si les pères travaillaient pendant ce ouiquennede de quatre jours.
*
Beau succès pour le bateau qui emmène les familles faire un petit tour sur l’eau, lequel peut aussi être loué pour la dispersion des cendres.
*
L’impossibilité d’aller passer cette admirable journée d’octobre à Saint-Valéry-en-Caux est une coproduction de Guillaume Pepy (Chef de la Senecefe, avec ses trains régulièrement en retard) et d’Hervé Morin (Duc de Normandie, avec ses cars qui partent à l’heure quoi qu’il arrive).
*
Changement d’ambiance en ce mardi matin de Toussaint à Rouen. Personne dans les rues, que ce soit à pied, à vélo ou en voiture. Le contraste est rude avec le grouillement dieppois de la veille et pourrait vite me déprimer. Heureusement, le soleil donne encore sur le banc du jardin entre onze heures trente et treize heures trente. J y termine le Journal inutile de Paul Morand pendant que le carillonneur de la Cathédrale montre ce qu’il sait faire avec son instrument.
Las, quand j’arrive à la gare de Rouen, c’est pour apprendre que le train de huit heures cinq aura quinze minutes de retard, suite à « des difficultés de préparation ». Il ne pourra pas être arrivé à Yvetot quand le car en partira à huit heures quarante-cinq.
Je demande aux gilets rouges si ce car est susceptible d’attendre. Ils n’en savent rien. J’insiste. L’un se renseigne à l’aide de sa technologie portative. Non, il n’attendra pas. Le retard annoncé est maintenant de vingt minutes et le car suivant me ferait rester une grande partie de la matinée à Yvetot (charmante perspective). J’échange donc mon billet pour Saint-Valéry contre un pour Dieppe, en train, sans car, départ neuf heures onze.
Je l’attends au Bar Tabac de la Gare, lisant le Journal inutile de Paul Morand. Admirable journée d’octobre, sans un nuage, comme nous les aimons tant, ici., écrivait celui-ci le deux octobre mil neuf cent soixante-quinze, quelques mois avant sa mort.
Un ciel sans nuage, c’est ce que je trouve à l’arrivée à Dieppe, ville dont heureusement je ne me lasse pas. Contrairement à lundi dernier, le port est plein de bateaux de pêche et les quais emplis de visiteurs. « Y a du monde, quand même, oh la la », dit-on au Tout Va Bien, « Avec ce soleil de mois d’août, on se croirait pas à la Toussaint ».
Le soleil chauffe bien mais il est bas. Déjeuner en terrasse m’obligerait à l’avoir dans les yeux, aussi j’opte pour une place à l’ombre sous la véranda du Nautic : assiette de fruits de mer, choucroute de la mer, creumebeule banane chocolat, accompagnés de chardonnay. Avec le café, cela fera vingt-six euros. Les mangeurs sous le soleil ont bientôt la couleur de l’écrevisse. Le serveur sue. Vers midi et demi se forme la file de celles et ceux qui doivent attendre qu’une table se libère et qui font la tête. Il en est ainsi devant chaque restaurant du port.
Après le repas, je me balade au Pollet, empruntant la rue où se tient une maison d’hôtes dont les propriétaires m’ont à plusieurs reprises invité à passer les voir mais la haute porte fermée m’empêche d’oser appuyer sur la sonnette.
C’est donc à la terrasse du Café de l’Escale, quai Henri le Quatrième, que je profite de l’après-midi de beau temps du dernier jour d’octobre dont on se réjouit alentour : « Ah bah oui ça va, avec ce beau soleil, pourvu que ça dure, même jusqu’à Noël on veut bien ».
Quand le rond jaune disparaît derrière les maisons du quai Duquesne, il est l’heure de mon train de retour d’où je peux admirer les arbres au feuillage automnal d’une campagne cauchoise déserte.
*
Au Nautic, une femme qui fait glisser dans son sac les rince-doigts non utilisés.
*
Des groupes de moutards maquillés quêtant des bonbons rappellent que c’est Allo Ouine. Ils sont tous sous la surveillance des mères. Comme si les pères travaillaient pendant ce ouiquennede de quatre jours.
*
Beau succès pour le bateau qui emmène les familles faire un petit tour sur l’eau, lequel peut aussi être loué pour la dispersion des cendres.
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L’impossibilité d’aller passer cette admirable journée d’octobre à Saint-Valéry-en-Caux est une coproduction de Guillaume Pepy (Chef de la Senecefe, avec ses trains régulièrement en retard) et d’Hervé Morin (Duc de Normandie, avec ses cars qui partent à l’heure quoi qu’il arrive).
*
Changement d’ambiance en ce mardi matin de Toussaint à Rouen. Personne dans les rues, que ce soit à pied, à vélo ou en voiture. Le contraste est rude avec le grouillement dieppois de la veille et pourrait vite me déprimer. Heureusement, le soleil donne encore sur le banc du jardin entre onze heures trente et treize heures trente. J y termine le Journal inutile de Paul Morand pendant que le carillonneur de la Cathédrale montre ce qu’il sait faire avec son instrument.
1er novembre 2016
Suite et fin de mes notes de relecture du Journal (1879-1939) de l’abbé Mugnier paru au Mercure de France dans la collection Le Temps retrouvé), une édition contestée par A. d’Esneval dans un article du Bulletin de la Société J. K. Huysmans intitulé Le " Journal " de l'abbé Mugnier. Un document très expurgé, parfois remodelé, peut-il encore être tenu pour authentique?
Dans cette étude de l'édition du Journal par Marcel Billot pour le Mercure de France, A. d’Esneval regrette des coupures maladroites ou mal intentionnées et une simplification abusive du style et du caractère de l’abbé Mugnier. L'écrémage du manuscrit tel qu'il a été pratiqué est très préjudiciable à l'authenticité documentaire du Journal, conclut-il.
Quoi qu’il en soit, retrouvons Arthur Mugnier au début de la guerre de Quatorze, il mourra pendant la suivante à l’âge de quatre-vingt onze ans :
Seules les cartes de la guerre intéressent. On y pique de petits drapeaux. Une guerre, occasion d’apprendre sa géographie ! Le malheur instruit. (dix septembre mil neuf cent quatorze)
Quel courage il faut pour être soi ! On a contre soi la masse des autres qui ont abdiqué d’avance. Ils se regardent, ils se copient, ils se singent mutuellement. (douze septembre mil neuf cent quatorze)
Pour moi, le grand mal c’est de vivre en société. Le mensonge est une nécessité sociale. On ne peut être soi, au milieu des hommes. Ils vous engagent, vous enrégimentent, vous solidarisent, mettent la main sur votre liberté intérieure et extérieure. Toutes les institutions font main basse sur le moi humain. (treize octobre mil neuf cent quinze)
Mme Bourget rappelait avoir entendu Mme Zola dire à son mari : « Minet, veux-tu un chocolat ? » Zola, minet ! (vingt-neuf février mil neuf cent seize)
On parle du Bois Fumin, du côté de Verdun. Des morceaux de terre sortent de leur anonymat, connus des seuls oiseaux, de quelques fleurs ; les voilà illustrés par la violence, le feu, le sang. L’humanité est folle et tout ce qu’elle fait est discrédité par elle-même. (vingt-trois juin mil neuf cent seize)
Les gens de la bonne société transforment leurs habitudes en principes. Ils ne mettent rien dans leur vie, et c’est ce qu’ils appellent la correction et le « comme il faut ». Ils consacrent le vide et l’ennui, et l’inertie en mettant sur tout cela l’étiquette divine. (trente et un juillet mil neuf cent dix sept)
Descaves m’a parlé de Méry Laurent qui n’avait pas voulu être la maîtresse de Mallarmé parce qu’elle ne le trouvait pas assez propre. (vingt-six février mil neuf cent dix-huit)
Encore une allocution de mariage à préparer, jamais, jamais de repos et je suis fait cependant pour une paresse intelligente. (six juin mil neuf cent vingt)
Nous devions avoir Picasso et Colette, mais Picasso attend un bébé et Colette se fait remonter le visage. (cinq janvier mil neuf cent vingt et un)
Ce soleil de janvier est déconcertant. Faudra-t-il l’expier ? C’est comme la jeunesse des désirs que ne calme pas la soixantaine. (dix janvier mil neuf cent vingt et un)
Quand Oscar Wilde mourut, dit Berthelot, nous fûmes 9 à son enterrement. Il n’y avait qu’une couronne, de la part d’un locataire. On le conduisit au cimetière de Pantin. (même jour)
Oh ! les attentats contre l’individu, c’est-à-dire contre la vie ! On vous momifie, enfant, dans une croyance : maintenant vous croyez, ne bougez plus ! (onze mai mil neuf cent vingt-quatre)
Je ne tiens pas pour le moment à être chanoine prébendé. (vingt et un novembre mil neuf cent vingt-quatre)
Alphonse Daudet plein de charme mais faux. Il écrivait de belles lettres charmantes pour recommander les auteurs à Charpentier et il avait fait un signe mystérieux qui avertissait l’éditeur de n’en rien faire. (dix-neuf février mil neuf cent vingt cinq)
Notre époque peut se résumer ainsi : usines, banques, cinémas, dancings, palaces, enseignes lumineuses, réclames, automobiles, téléphonages, etc. C’est-à-dire matérialisme, argent, plaisir et tout le contraire de la simplicité et de la modestie. (huit octobre mil neuf cent vingt-six)
Curel citait ce mot de Toulouse-Lautrec qui était petit, bossu : « Quand je bande, je suis un trépied. » (huit août mil neuf cent vingt-sept)
Cueilli chemin faisant Paul Léautaud, qui habite 24 rue Guérard, à Fontenay-aux-Roses. C’est un homme qui, avec ses lunettes, sa figure maigre, sombre, mal rasée, sa voix et ses gestes de cabotin, ressemble ou à un prêtre défroqué ou à un homme de théâtre dans la débine. En réalité, un timide, un nerveux, un malheureux. (sept août mil neuf cent trente)
J’ai fait signer deux exemplaires du Voyage au bout de la nuit. Céline s’y prête avec très bonne grâce, sur la table de la salle à manger, le premier destiné à la comtesse de Castries, le second pour moi avec ces mots : « A M. le Chanoine Mugnier, notre compagnon d’infini, bien amicalement et respectueusement. » (dix-huit janvier mil neuf cent trente-trois)
Dans cette étude de l'édition du Journal par Marcel Billot pour le Mercure de France, A. d’Esneval regrette des coupures maladroites ou mal intentionnées et une simplification abusive du style et du caractère de l’abbé Mugnier. L'écrémage du manuscrit tel qu'il a été pratiqué est très préjudiciable à l'authenticité documentaire du Journal, conclut-il.
Quoi qu’il en soit, retrouvons Arthur Mugnier au début de la guerre de Quatorze, il mourra pendant la suivante à l’âge de quatre-vingt onze ans :
Seules les cartes de la guerre intéressent. On y pique de petits drapeaux. Une guerre, occasion d’apprendre sa géographie ! Le malheur instruit. (dix septembre mil neuf cent quatorze)
Quel courage il faut pour être soi ! On a contre soi la masse des autres qui ont abdiqué d’avance. Ils se regardent, ils se copient, ils se singent mutuellement. (douze septembre mil neuf cent quatorze)
Pour moi, le grand mal c’est de vivre en société. Le mensonge est une nécessité sociale. On ne peut être soi, au milieu des hommes. Ils vous engagent, vous enrégimentent, vous solidarisent, mettent la main sur votre liberté intérieure et extérieure. Toutes les institutions font main basse sur le moi humain. (treize octobre mil neuf cent quinze)
Mme Bourget rappelait avoir entendu Mme Zola dire à son mari : « Minet, veux-tu un chocolat ? » Zola, minet ! (vingt-neuf février mil neuf cent seize)
On parle du Bois Fumin, du côté de Verdun. Des morceaux de terre sortent de leur anonymat, connus des seuls oiseaux, de quelques fleurs ; les voilà illustrés par la violence, le feu, le sang. L’humanité est folle et tout ce qu’elle fait est discrédité par elle-même. (vingt-trois juin mil neuf cent seize)
Les gens de la bonne société transforment leurs habitudes en principes. Ils ne mettent rien dans leur vie, et c’est ce qu’ils appellent la correction et le « comme il faut ». Ils consacrent le vide et l’ennui, et l’inertie en mettant sur tout cela l’étiquette divine. (trente et un juillet mil neuf cent dix sept)
Descaves m’a parlé de Méry Laurent qui n’avait pas voulu être la maîtresse de Mallarmé parce qu’elle ne le trouvait pas assez propre. (vingt-six février mil neuf cent dix-huit)
Encore une allocution de mariage à préparer, jamais, jamais de repos et je suis fait cependant pour une paresse intelligente. (six juin mil neuf cent vingt)
Nous devions avoir Picasso et Colette, mais Picasso attend un bébé et Colette se fait remonter le visage. (cinq janvier mil neuf cent vingt et un)
Ce soleil de janvier est déconcertant. Faudra-t-il l’expier ? C’est comme la jeunesse des désirs que ne calme pas la soixantaine. (dix janvier mil neuf cent vingt et un)
Quand Oscar Wilde mourut, dit Berthelot, nous fûmes 9 à son enterrement. Il n’y avait qu’une couronne, de la part d’un locataire. On le conduisit au cimetière de Pantin. (même jour)
Oh ! les attentats contre l’individu, c’est-à-dire contre la vie ! On vous momifie, enfant, dans une croyance : maintenant vous croyez, ne bougez plus ! (onze mai mil neuf cent vingt-quatre)
Je ne tiens pas pour le moment à être chanoine prébendé. (vingt et un novembre mil neuf cent vingt-quatre)
Alphonse Daudet plein de charme mais faux. Il écrivait de belles lettres charmantes pour recommander les auteurs à Charpentier et il avait fait un signe mystérieux qui avertissait l’éditeur de n’en rien faire. (dix-neuf février mil neuf cent vingt cinq)
Notre époque peut se résumer ainsi : usines, banques, cinémas, dancings, palaces, enseignes lumineuses, réclames, automobiles, téléphonages, etc. C’est-à-dire matérialisme, argent, plaisir et tout le contraire de la simplicité et de la modestie. (huit octobre mil neuf cent vingt-six)
Curel citait ce mot de Toulouse-Lautrec qui était petit, bossu : « Quand je bande, je suis un trépied. » (huit août mil neuf cent vingt-sept)
Cueilli chemin faisant Paul Léautaud, qui habite 24 rue Guérard, à Fontenay-aux-Roses. C’est un homme qui, avec ses lunettes, sa figure maigre, sombre, mal rasée, sa voix et ses gestes de cabotin, ressemble ou à un prêtre défroqué ou à un homme de théâtre dans la débine. En réalité, un timide, un nerveux, un malheureux. (sept août mil neuf cent trente)
J’ai fait signer deux exemplaires du Voyage au bout de la nuit. Céline s’y prête avec très bonne grâce, sur la table de la salle à manger, le premier destiné à la comtesse de Castries, le second pour moi avec ces mots : « A M. le Chanoine Mugnier, notre compagnon d’infini, bien amicalement et respectueusement. » (dix-huit janvier mil neuf cent trente-trois)
31 octobre 2016
Mon exemplaire de l’édition de poche du Journal (1879-1939) de l’abbé Mugnier publié au Mercure de France, dans la collection Le Temps retrouvé, a certaines pages dont l’encre a pâli, comme si je l’avais usée à force de relectures. La plus récente, au Pays Basque, date du printemps dernier.
L’abbé Mugnier, plus souvent présent dans le monde (où il entra par Huysmans qu’il convertit) qu’à la chapelle (d’où des ennuis avec sa hiérarchie), y raconte essentiellement ce que d’autres lui racontent dans les salons ou au confessionnal, vivant par procuration la vie qu’il aurait voulu avoir, tout en donnant de temps à autre un point de vue sans illusions sur les hommes et la société. Il n’est jamais aussi heureux que lorsqu’il reçoit un témoignage de reconnaissance, comme celui que lui envoie Cosima Wagner (une lettre de quatre pages) suite à une conférence qu’il a faite sur son défunt mari en mil huit cent quatre-vingt-quinze. Il m’est doux de rayonner sous forme admiratrice., avoue-t-il à cette occasion.
Cette relecture est responsable de nombreuses notes, dont voici les premières :
Renan couchait avec sa sœur. Lockroy aurait avoué qu’il aurait donné à Renan la croix de commandeur, en souvenir des exploits érotiques de l’auteur de La Vie de Jésus avec sa sœur Henriette sous la tente. (vingt-six avril mil huit cent quatre-vingt-seize, citant les propos d’un certain Dessus, ami de Huysmans )
Hier, Huysmans me contait que Victor Hugo était jusqu’à la fin un colosse « libidineux ». Il montait sur les omnibus pour y ramasser des petites filles avec lesquelles il se satisfaisait. (six septembre mil huit cent quatre-vingt-dix-sept)
Hier, au confessionnal, une femme m’a révélé l’existence de brasseries (il y en aurait trois comme celle-là) à Paris, où, après une consommation élevée, on fournit, au premier, dans des salons d’un luxe inouï des femmes à des femmes, des femmes à des hommes, voire même des enfants, petites filles non encore violées ou qui le sont déjà et qui simulent une virginité perdue… Des femmes s’amusent avec des chiens, des danois dont on entend les aboiements. De vieux messieurs viennent, pour des sommes importantes, voir derrière des rideaux les spectacles auxquels leur impuissance les empêche de se mêler. Cette femme qui a été caissière dans l’une de ces maisons, m’a confié que les mères venaient proposer leurs filles encore vierges. (quatre septembre mil huit cent quatre-vingt-dix-huit)
Huysmans a redit qu’il n’y a pas de talent sans péché, que pour avoir du talent il faut avoir couché avec des femmes. Il va même plus loin. Baiser, dit-il, une femme, dessus, ne suffit pas. il faut du vice pour avoir du talent. Voilà une thèse curieuse. Dans quelle mesure est-elle vraie ? (dix-neuf mai mil neuf cent cinq)
Les femmes, les jeunes filles de la haute société fument maintenant devant leurs mères. (dix-sept juin mil neuf cent sept)
Lu la correspondance de Huysmans à Gustave Boucher. Quelques lignes sur moi m’ont déplu. Il m’appelle « pétulant abbé », « l’abbé Batifole ». (onze mars mil neuf cent neuf)
Encore la même jeune fille de la société (dix-neuf ans) couchant avec un valet de chambre. Elle l’aime. Elle lui avait fait faire ses Pâques. Conversion et perversion. (vingt-trois juin mil neuf cent neuf)
La comtesse Krosnowska m’a dit un mot de Renée Vivien morte de sa vie contre nature. Elle était trop étroitement unie avec la baronne Z. qui n’aime que les squelettes et les mourantes. (quinze octobre mil neuf cent dix)
On a beau être jeune, jolie et comtesse, et même pieuse : cela ne vous empêche pas de vous faire avorter deux fois, des œuvres de son mari et à l’insu de ce mari. Je viens de voir la coupable, qui est venue à mon confessionnal par cette pluie de novembre. (vingt-sept novembre mil neuf cent dix)
Jamais prêtre ne mangea plus en ville que moi. Je dissipe mon âme à pleine assiette. (vingt-neuf janvier mil neuf cent onze)
On m’a cité hier ce mot de Forain : « Le salon de la duchesse de Rohan, c’est la rue avec un toit. » (vingt-trois février mil neuf cent onze)
Je ne dis rien de Mme Bourget qui me paraît bonne, douce, mais peu intéressante, maladive d’ailleurs. Les hommes de lettres ne devraient pas se marier. (cinq février mil neuf cent douze)
L’abbé Mugnier, plus souvent présent dans le monde (où il entra par Huysmans qu’il convertit) qu’à la chapelle (d’où des ennuis avec sa hiérarchie), y raconte essentiellement ce que d’autres lui racontent dans les salons ou au confessionnal, vivant par procuration la vie qu’il aurait voulu avoir, tout en donnant de temps à autre un point de vue sans illusions sur les hommes et la société. Il n’est jamais aussi heureux que lorsqu’il reçoit un témoignage de reconnaissance, comme celui que lui envoie Cosima Wagner (une lettre de quatre pages) suite à une conférence qu’il a faite sur son défunt mari en mil huit cent quatre-vingt-quinze. Il m’est doux de rayonner sous forme admiratrice., avoue-t-il à cette occasion.
Cette relecture est responsable de nombreuses notes, dont voici les premières :
Renan couchait avec sa sœur. Lockroy aurait avoué qu’il aurait donné à Renan la croix de commandeur, en souvenir des exploits érotiques de l’auteur de La Vie de Jésus avec sa sœur Henriette sous la tente. (vingt-six avril mil huit cent quatre-vingt-seize, citant les propos d’un certain Dessus, ami de Huysmans )
Hier, Huysmans me contait que Victor Hugo était jusqu’à la fin un colosse « libidineux ». Il montait sur les omnibus pour y ramasser des petites filles avec lesquelles il se satisfaisait. (six septembre mil huit cent quatre-vingt-dix-sept)
Hier, au confessionnal, une femme m’a révélé l’existence de brasseries (il y en aurait trois comme celle-là) à Paris, où, après une consommation élevée, on fournit, au premier, dans des salons d’un luxe inouï des femmes à des femmes, des femmes à des hommes, voire même des enfants, petites filles non encore violées ou qui le sont déjà et qui simulent une virginité perdue… Des femmes s’amusent avec des chiens, des danois dont on entend les aboiements. De vieux messieurs viennent, pour des sommes importantes, voir derrière des rideaux les spectacles auxquels leur impuissance les empêche de se mêler. Cette femme qui a été caissière dans l’une de ces maisons, m’a confié que les mères venaient proposer leurs filles encore vierges. (quatre septembre mil huit cent quatre-vingt-dix-huit)
Huysmans a redit qu’il n’y a pas de talent sans péché, que pour avoir du talent il faut avoir couché avec des femmes. Il va même plus loin. Baiser, dit-il, une femme, dessus, ne suffit pas. il faut du vice pour avoir du talent. Voilà une thèse curieuse. Dans quelle mesure est-elle vraie ? (dix-neuf mai mil neuf cent cinq)
Les femmes, les jeunes filles de la haute société fument maintenant devant leurs mères. (dix-sept juin mil neuf cent sept)
Lu la correspondance de Huysmans à Gustave Boucher. Quelques lignes sur moi m’ont déplu. Il m’appelle « pétulant abbé », « l’abbé Batifole ». (onze mars mil neuf cent neuf)
Encore la même jeune fille de la société (dix-neuf ans) couchant avec un valet de chambre. Elle l’aime. Elle lui avait fait faire ses Pâques. Conversion et perversion. (vingt-trois juin mil neuf cent neuf)
La comtesse Krosnowska m’a dit un mot de Renée Vivien morte de sa vie contre nature. Elle était trop étroitement unie avec la baronne Z. qui n’aime que les squelettes et les mourantes. (quinze octobre mil neuf cent dix)
On a beau être jeune, jolie et comtesse, et même pieuse : cela ne vous empêche pas de vous faire avorter deux fois, des œuvres de son mari et à l’insu de ce mari. Je viens de voir la coupable, qui est venue à mon confessionnal par cette pluie de novembre. (vingt-sept novembre mil neuf cent dix)
Jamais prêtre ne mangea plus en ville que moi. Je dissipe mon âme à pleine assiette. (vingt-neuf janvier mil neuf cent onze)
On m’a cité hier ce mot de Forain : « Le salon de la duchesse de Rohan, c’est la rue avec un toit. » (vingt-trois février mil neuf cent onze)
Je ne dis rien de Mme Bourget qui me paraît bonne, douce, mais peu intéressante, maladive d’ailleurs. Les hommes de lettres ne devraient pas se marier. (cinq février mil neuf cent douze)
29 octobre 2016
L’autre semaine, voulant acheter, comme j’en ai l’habitude, des billets de train via Internet, je me heurte au moment de payer à un refus de la banque, laquelle exige désormais que je lui donne un message de confirmation envoyé par téléphone portatif pour s’assurer que c’est bien moi
Je n’ai plus qu’à passer à la boutique de la Senefece, où il faut toujours attendre et qui ne dispose pas de toutes les offres promotionnelles.
Sorti de là, je me rends à l’agence du Crédit Agricole de la rue de la Jeanne, tape mon nom à la borne d’accueil (c’est obligatoire) et attends qu’un employé me reçoive en m’appelant par mon nom comme s’il me connaissait.
-Que puis-je faire pour vous ?
C’est la première question de la procédure. Je lui explique que je n’aurai jamais de téléphone portable (du moins tant que ce ne sera pas obligatoire). Je vais faire le nécessaire pour qu’on vous envoie un message vocal sur votre téléphone fixe, me répond-il. Il a besoin pour cela d’un tas de renseignements qu’il a déjà puisque je suis client depuis plus de quarante ans, jusqu’à photocopier ma carte d’identité. Pour finir, il me fait signer un avenant au contrat de ma carte bancaire.
Lorsque je veux commander un nouveau billet de train, je ne reçois aucun message vocal. Je retourne au Crédit Agricole où, bien qu’il n’y ait pas d'autres clients, je dois m’identifier à la borne (c’est obligatoire). Un employé inoccupé claironne mon nom deux minutes plus tard.
-Que puis-je faire pour vous ?
Je lui explique que son collègue, dont j’ai retenu le nom car c’est celui d’un roi mage, présentement au téléphone, n’a pas su faire quelque chose pour moi. Serait-il, lui, capable de résoudre mon problème ? Il me dit d’attendre que son voisin ait fini de téléphoner et que s’il n’arrivait pas à me donner satisfaction, il viendrait l’aider.
Cette fois, l’employé au nom de roi mage téléphone au service des cartes bancaires et apprend qu’on ne peut pas recevoir de code de confirmation par le téléphone fixe. C’est en revanche possible par mail.
Je suis donc obligé de donner mon adresse électronique à ma banque, ce que j’avais toujours refusé de faire, craignant qu’elle l’utilise pour me faire parvenir mes relevés de compte.
*
Conséquence des remous liés à l’abattage des arbres rouennais, Rouen.fr, la Voix de son Maire, publie à nouveau le calendrier des prochaines coupes en spécifiant que les arbres condamnés seront remplacés et même que « de nouveaux arbres seront également ajoutés en plus ».
*
De leur côté, les Ecologistes municipaux communiquent :
« Des associations et des citoyens s’interrogent sur les travaux qui sont en cours, notamment les abattages d’arbres. Nous les remercions de leur veille. »
Cet apparent soutien est vite démenti :
« Si certains abattages sont inadmissibles et injustifiables, tel celui des platanes de l’esplanade Waddington, d’autres s’inscrivent dans le cadre du plan pluriannuel de renouvellement du patrimoine arboré de la Ville de Rouen. Il est nécessaire de remplacer des arbres très vieillissants et / ou présentant des pathologies susceptibles de générer des risques de sécurité, tels les cerisiers de la Place du Lieutenant Aubert. »
Et la conclusion est non équivoque :
« Face aux questionnements des habitants, Françoise Lesconnec (adjointe en charge de l’environnement) et Jean-Michel Bérégovoy (adjoint en charge de la démocratie participative et de la coordination des politiques de proximité) ont décidé la création à partir de janvier prochain d’une « commission de la biodiversité » afin de travailler notamment, dans un esprit de transparence et de co-élaboration, au plan pluriannuel de renouvellement du patrimoine arboré. »
Autrement dit, tu contestes l’abattage des arbres, bravo, mais viens donc discuter avec nous, les gestionnaires verts adeptes des plans pluriannuels, qui savons mieux que toi ce qui est bon pour la nature et pour la ville, tu sortiras de là d’accord avec nous (c’est obligatoire).
Je n’ai plus qu’à passer à la boutique de la Senefece, où il faut toujours attendre et qui ne dispose pas de toutes les offres promotionnelles.
Sorti de là, je me rends à l’agence du Crédit Agricole de la rue de la Jeanne, tape mon nom à la borne d’accueil (c’est obligatoire) et attends qu’un employé me reçoive en m’appelant par mon nom comme s’il me connaissait.
-Que puis-je faire pour vous ?
C’est la première question de la procédure. Je lui explique que je n’aurai jamais de téléphone portable (du moins tant que ce ne sera pas obligatoire). Je vais faire le nécessaire pour qu’on vous envoie un message vocal sur votre téléphone fixe, me répond-il. Il a besoin pour cela d’un tas de renseignements qu’il a déjà puisque je suis client depuis plus de quarante ans, jusqu’à photocopier ma carte d’identité. Pour finir, il me fait signer un avenant au contrat de ma carte bancaire.
Lorsque je veux commander un nouveau billet de train, je ne reçois aucun message vocal. Je retourne au Crédit Agricole où, bien qu’il n’y ait pas d'autres clients, je dois m’identifier à la borne (c’est obligatoire). Un employé inoccupé claironne mon nom deux minutes plus tard.
-Que puis-je faire pour vous ?
Je lui explique que son collègue, dont j’ai retenu le nom car c’est celui d’un roi mage, présentement au téléphone, n’a pas su faire quelque chose pour moi. Serait-il, lui, capable de résoudre mon problème ? Il me dit d’attendre que son voisin ait fini de téléphoner et que s’il n’arrivait pas à me donner satisfaction, il viendrait l’aider.
Cette fois, l’employé au nom de roi mage téléphone au service des cartes bancaires et apprend qu’on ne peut pas recevoir de code de confirmation par le téléphone fixe. C’est en revanche possible par mail.
Je suis donc obligé de donner mon adresse électronique à ma banque, ce que j’avais toujours refusé de faire, craignant qu’elle l’utilise pour me faire parvenir mes relevés de compte.
*
Conséquence des remous liés à l’abattage des arbres rouennais, Rouen.fr, la Voix de son Maire, publie à nouveau le calendrier des prochaines coupes en spécifiant que les arbres condamnés seront remplacés et même que « de nouveaux arbres seront également ajoutés en plus ».
*
De leur côté, les Ecologistes municipaux communiquent :
« Des associations et des citoyens s’interrogent sur les travaux qui sont en cours, notamment les abattages d’arbres. Nous les remercions de leur veille. »
Cet apparent soutien est vite démenti :
« Si certains abattages sont inadmissibles et injustifiables, tel celui des platanes de l’esplanade Waddington, d’autres s’inscrivent dans le cadre du plan pluriannuel de renouvellement du patrimoine arboré de la Ville de Rouen. Il est nécessaire de remplacer des arbres très vieillissants et / ou présentant des pathologies susceptibles de générer des risques de sécurité, tels les cerisiers de la Place du Lieutenant Aubert. »
Et la conclusion est non équivoque :
« Face aux questionnements des habitants, Françoise Lesconnec (adjointe en charge de l’environnement) et Jean-Michel Bérégovoy (adjoint en charge de la démocratie participative et de la coordination des politiques de proximité) ont décidé la création à partir de janvier prochain d’une « commission de la biodiversité » afin de travailler notamment, dans un esprit de transparence et de co-élaboration, au plan pluriannuel de renouvellement du patrimoine arboré. »
Autrement dit, tu contestes l’abattage des arbres, bravo, mais viens donc discuter avec nous, les gestionnaires verts adeptes des plans pluriannuels, qui savons mieux que toi ce qui est bon pour la nature et pour la ville, tu sortiras de là d’accord avec nous (c’est obligatoire).
28 octobre 2016
Mon sac posé à la maison au retour de Paris, je ressors ce mercredi afin de rejoindre le rassemblement contre l’abattage des arbres du square Verdrel (et d’ailleurs) organisé via le réseau social Effe Bé. J’en croise l’initiateur place des Carmes, porteur de bougies destinées à remplacer celles qui ont été volées ou mises à la poubelle.
Quelques jeunes gens sont déjà là, assis sur les marches du Musée des Beaux-Arts. D’autres protestataires d’âges divers arrivent. Je dépose le galet ramassé lundi sur la plage de Dieppe près d’une bougie puis discute avec certains, d’accord avec l’un qui me dit que le grand nettoyage de ce square est aussi ou surtout destiné à en supprimer la vie nocturne. Les homosexuels ne pourront plus s’enfiler dans les bosquets. Une journaliste est là qui prend des notes. Arrive aussi l’un des responsables de l’association Effet de Serre Toi-Même, un militant de la militance qui m’insupporte car il prêche en permanence (je l’ai déjà subi dans un rassemblement antinucléaire).
Quand je lui demande pourquoi ses amis écologistes élus au Conseil Municipal de Rouen soutiennent le plan d’abattage, il me répond que lui est associatif. Okay, mais sait-il pourquoi ils agissent ainsi ? Il faut le leur demander. Ils devraient être là, lui dis-je, et je n’en vois aucun, du moins ceux que je connais. Il y en a une, me dit-il, mais il ne veut pas me la montrer, « droit de réserve ».
Il harangue à nouveau les quelques dizaines de présent(e)s et finit par accaparer la journaliste. Quand il parle de Robert, Maire, Socialiste, chef des bûcherons, il l’appelle par son prénom.
Soûlé, je dis au revoir aux deux jeunes défenseurs des arbres à l’origine du rassemblement et quitte les lieux.
*
S’agissant des quatre cerisiers du Japon de la place du Lieutenant-Aubert abattus en début de semaine, l’alibi municipal serait que l’un était malade, régulièrement blessé par les camions entrant dans la zone piétonnière. (Toutes les rues piétonnières de Rouen sont envahies par les voitures et les camions. Que font les Ecologistes municipaux et les autres face à ce problème ? Rien.)
Le restaurateur de L’Etoile d’Or m’a dit qu’on ne lui avait pas demandé son avis avant de couper ces quatre cerisiers.
-Votre terrasse ne sera plus ombragée l’été prochain, lui ai-je fait remarquer.
-Ce n’est pas ça qui m’ennuie, m’a-t-il répondu, c’est qu’ils étaient si beaux au printemps avec leurs petites fleurs roses.
*
A qui servent les élu(e)s écolos rouennais(e)s ?
Tans que l’une, Françoise Lesconnec, Adjointe chargée de la Santé et de l’Environnement fait tomber les arbres, une autre, Fatima El Khili, Adjointe chargée du Logement et de l’Habitat Durable, des Bâtiments Communaux, de l’Energie, de la Commission Communale de Sécurité et de l’Hygiène et de la Salubrité Publique, fait fermer des bars de nuit.
*
Guillaume Blavette, le harangueur d’Effet de Serre Toi-Même, c’est Sers tes Effets Toi-Même.
*
Les homos, les Socialistes les préfèrent mariés, à la maison, un peu de télévision, une tisane, et au lit.
Quelques jeunes gens sont déjà là, assis sur les marches du Musée des Beaux-Arts. D’autres protestataires d’âges divers arrivent. Je dépose le galet ramassé lundi sur la plage de Dieppe près d’une bougie puis discute avec certains, d’accord avec l’un qui me dit que le grand nettoyage de ce square est aussi ou surtout destiné à en supprimer la vie nocturne. Les homosexuels ne pourront plus s’enfiler dans les bosquets. Une journaliste est là qui prend des notes. Arrive aussi l’un des responsables de l’association Effet de Serre Toi-Même, un militant de la militance qui m’insupporte car il prêche en permanence (je l’ai déjà subi dans un rassemblement antinucléaire).
Quand je lui demande pourquoi ses amis écologistes élus au Conseil Municipal de Rouen soutiennent le plan d’abattage, il me répond que lui est associatif. Okay, mais sait-il pourquoi ils agissent ainsi ? Il faut le leur demander. Ils devraient être là, lui dis-je, et je n’en vois aucun, du moins ceux que je connais. Il y en a une, me dit-il, mais il ne veut pas me la montrer, « droit de réserve ».
Il harangue à nouveau les quelques dizaines de présent(e)s et finit par accaparer la journaliste. Quand il parle de Robert, Maire, Socialiste, chef des bûcherons, il l’appelle par son prénom.
Soûlé, je dis au revoir aux deux jeunes défenseurs des arbres à l’origine du rassemblement et quitte les lieux.
*
S’agissant des quatre cerisiers du Japon de la place du Lieutenant-Aubert abattus en début de semaine, l’alibi municipal serait que l’un était malade, régulièrement blessé par les camions entrant dans la zone piétonnière. (Toutes les rues piétonnières de Rouen sont envahies par les voitures et les camions. Que font les Ecologistes municipaux et les autres face à ce problème ? Rien.)
Le restaurateur de L’Etoile d’Or m’a dit qu’on ne lui avait pas demandé son avis avant de couper ces quatre cerisiers.
-Votre terrasse ne sera plus ombragée l’été prochain, lui ai-je fait remarquer.
-Ce n’est pas ça qui m’ennuie, m’a-t-il répondu, c’est qu’ils étaient si beaux au printemps avec leurs petites fleurs roses.
*
A qui servent les élu(e)s écolos rouennais(e)s ?
Tans que l’une, Françoise Lesconnec, Adjointe chargée de la Santé et de l’Environnement fait tomber les arbres, une autre, Fatima El Khili, Adjointe chargée du Logement et de l’Habitat Durable, des Bâtiments Communaux, de l’Energie, de la Commission Communale de Sécurité et de l’Hygiène et de la Salubrité Publique, fait fermer des bars de nuit.
*
Guillaume Blavette, le harangueur d’Effet de Serre Toi-Même, c’est Sers tes Effets Toi-Même.
*
Les homos, les Socialistes les préfèrent mariés, à la maison, un peu de télévision, une tisane, et au lit.
27 octobre 2016
Ambiance de vacances dans le train de huit heures douze ce mercredi, mais néanmoins studieuse. Les enfants montés à Vernon avec leurs mères soit lisent soit dessinent en silence. Les garçons ont les cheveux sur les oreilles. Les deux femmes qui ne se connaissent pas doivent être enseignantes. Elles ne lisent ni ne dessinent, ne tripotent pas de téléphone.
Les métros Trois et Huit m’emmènent jusqu’au Café du Faubourg où l’on se moque de François Hollande, « Monsieur Quatre Pour Cent », tandis que je bois vite le mien sans m’en mêler. J’explore ensuite Book-Off puis le marché d’Aligre.
Chez Céleste, j’opte cette fois pour la formule plat dessert : rôti de veau à l’ail et tarte Tatin. C’est calme, comme on dirait à Dieppe. Près de moi déjeunent trois peutes étudiants qui n’ont pas de soucis financiers.
-J’suis super chaud pour aller en Vendée ce week-end, c’est la saison des moules et de la langoustine, déclare l’un. Ça vous dit ?
Les autres sont aussi super chauds, mais l’un doit travailler sur son projet et l’autre a un anniversaire en famille.
Il est ensuite question de voter ou non à la primaire et quoi faire pour l’élection présidentielle :
-Nicolas Dupont-Aignan, je l’ai croisé, il est vachement sympa, conclut l’un.
La tarte Tatin est excellente.
Je rejoins la place de la Bastille, grimpe dans le bus Vingt-Neuf, en descends à Bibliothèque Nationale et vais profiter d’un poil de soleil sur l’une des chaises cernant le bassin du jardin du Palais Royal. Un jeune couple se sépare pour trouver de quoi s’asseoir. Elle fonce sur une chaise qui se libère tandis qu’il en cherche une autre trente mètres plus loin. Quand il a la chaise en main, il ne voit plus sa copine. En désespoir, il la bipe avec son téléphone. Sans cette technologie, il ne l’aurait jamais retrouvée.
*
Une femme félicitant le cuisinier à l’issue de son repas à la brasserie A la Ville d’Argentan :
-C’était très bon. C’était pas grand-chose à faire, mais c’était très bon.
*
Parmi les livres trouvés ce mercredi : Un peu de cocaïne pour me délier la langue… un étude vantant cette drogue et son usage, qu’écrivit le jeune Sigmund Freud avant de s’intéresser à autre chose (Max Milo Editions) et L’ardoise magique de Georges Perros avec poème liminaire de Michel Butor, postface de Bernard Noël et dessin de couverture de Frédéric Poulot (fils de l’auteur), dernier texte de l’écrivain, dédié aux laryngectomisés (Editions L’œil ébloui).
*
Et aussi le Dictionnaire des clichés littéraires d’Hervé Laroche chez Arléa, un exemplaire dédicacé par l’auteur « Pour Serge Safran et Laure Leroy, peut-être à une prochaine fois. Amicalement. ». Serge Safran et Laure Leroy sont les responsables des Editions Zulma qui ont publié le Prix Femina nouveau. Le premier est également l’auteur d’une quinzaine de livres. Recevoir ce dictionnaire en cadeau quand on est écrivain, c’est la vexation assurée. La prochaine fois a dû rester hypothétique.
*
Dédicace idéale pour un tel livre : « Pour vous qui n’en aurez pas besoin, ce livre qui vous fera songer à certains que nous connaissons. »
*
Je le lis au hasard dans le train du retour, sans prendre de notes, hormis celle-ci :
Notes : toujours « griffonnées », ou « jetées à la hâte sur le papier ». Jamais le temps d’écrire proprement.
Les métros Trois et Huit m’emmènent jusqu’au Café du Faubourg où l’on se moque de François Hollande, « Monsieur Quatre Pour Cent », tandis que je bois vite le mien sans m’en mêler. J’explore ensuite Book-Off puis le marché d’Aligre.
Chez Céleste, j’opte cette fois pour la formule plat dessert : rôti de veau à l’ail et tarte Tatin. C’est calme, comme on dirait à Dieppe. Près de moi déjeunent trois peutes étudiants qui n’ont pas de soucis financiers.
-J’suis super chaud pour aller en Vendée ce week-end, c’est la saison des moules et de la langoustine, déclare l’un. Ça vous dit ?
Les autres sont aussi super chauds, mais l’un doit travailler sur son projet et l’autre a un anniversaire en famille.
Il est ensuite question de voter ou non à la primaire et quoi faire pour l’élection présidentielle :
-Nicolas Dupont-Aignan, je l’ai croisé, il est vachement sympa, conclut l’un.
La tarte Tatin est excellente.
Je rejoins la place de la Bastille, grimpe dans le bus Vingt-Neuf, en descends à Bibliothèque Nationale et vais profiter d’un poil de soleil sur l’une des chaises cernant le bassin du jardin du Palais Royal. Un jeune couple se sépare pour trouver de quoi s’asseoir. Elle fonce sur une chaise qui se libère tandis qu’il en cherche une autre trente mètres plus loin. Quand il a la chaise en main, il ne voit plus sa copine. En désespoir, il la bipe avec son téléphone. Sans cette technologie, il ne l’aurait jamais retrouvée.
*
Une femme félicitant le cuisinier à l’issue de son repas à la brasserie A la Ville d’Argentan :
-C’était très bon. C’était pas grand-chose à faire, mais c’était très bon.
*
Parmi les livres trouvés ce mercredi : Un peu de cocaïne pour me délier la langue… un étude vantant cette drogue et son usage, qu’écrivit le jeune Sigmund Freud avant de s’intéresser à autre chose (Max Milo Editions) et L’ardoise magique de Georges Perros avec poème liminaire de Michel Butor, postface de Bernard Noël et dessin de couverture de Frédéric Poulot (fils de l’auteur), dernier texte de l’écrivain, dédié aux laryngectomisés (Editions L’œil ébloui).
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Et aussi le Dictionnaire des clichés littéraires d’Hervé Laroche chez Arléa, un exemplaire dédicacé par l’auteur « Pour Serge Safran et Laure Leroy, peut-être à une prochaine fois. Amicalement. ». Serge Safran et Laure Leroy sont les responsables des Editions Zulma qui ont publié le Prix Femina nouveau. Le premier est également l’auteur d’une quinzaine de livres. Recevoir ce dictionnaire en cadeau quand on est écrivain, c’est la vexation assurée. La prochaine fois a dû rester hypothétique.
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Dédicace idéale pour un tel livre : « Pour vous qui n’en aurez pas besoin, ce livre qui vous fera songer à certains que nous connaissons. »
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Je le lis au hasard dans le train du retour, sans prendre de notes, hormis celle-ci :
Notes : toujours « griffonnées », ou « jetées à la hâte sur le papier ». Jamais le temps d’écrire proprement.
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