Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

27 avril 2021


Passant ce dimanche matin par la Croix de Pierre, je découvre une affiche « A céder » sur la vitrine de La Tonne, cet attachant bar brasserie aux délicieuses frites où eurent lieu plusieurs rencontres Rouen Stockholm.
Le patron n’était pas en forme et son âge estimé peut faire penser à un départ en retraite. A moins que ce soit la conséquence de la fermeture administrative et des difficultés à prévoir la réouverture. L’endroit ne possède pas de terrasse. C’était le dernier café de ce quartier que l’on peut qualifier de populaire, si j’excepte L’Idéale Bar où n’osent entrer que quelques amis du patron.
Y aura-t-il une nouvelle rencontre Rouen Stockholm ? Je n’en suis pas sûr. La situation sanitaire et nos emplois du temps respectifs rendent les choses compliquées. Et puis aussi, le lien avec les amis de là-bas se relâche. Même des lointains la pandémie sépare. Mon dernier mail espérant une réponse date du dimanche vingt-quatre janvier.
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Philippe Sollers invité de Remède à la mélancolie ce dimanche à dix heures sur France Inter. « Je suis résolument hostile à la mélancolie », déclare d’emblée ce bouffon. « Comme je suis innocent, je ne suis pas mélancolique », ajoute-t-il en se revendiquant du bonheur. Quand Eva Bester le titille en lui rappelant qu’il s’est prosterné devant le pape, il répond « J’ai été béni par un saint. J’en ressens les avantages tous les jours ».
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L’après-midi, quatre heures au soleil sur le banc du jardin pour lire d’une traite L’inconnu de la poste de Florence Aubenas. Celle-ci excelle à raconter, d’un ton neutre et par une construction ingénieuse, ce fait divers sorti du lot en raison du rôle qu’on a voulu y faire jouer à Gérald Thomassin, qui fut le rôle-titre du Petit Criminel de Jacques Doillon, aujourd’hui disparu (au sens propre).
 

26 avril 2021


Ce samedi, après avoir achevé sur le banc du jardin ma relecture du Journal de Catherine Pozzi, j’ouvre ma boîte à lettres et ai la surprise d’y découvrir un paquet blanc. Sa forme ne laisse aucun doute sur son contenu : un livre.
Celui-ci est emballé de la même manière que ceux que je réussis à vendre de moins en moins souvent, la faute à une énième augmentation des frais de port en janvier dernier. Il ne peut s’agir du retour de l’un d’eux qui n’aurait pas trouvé son destinataire, pour une raison que je dois taire.
En découvrant l’écriture sur l’emballage, je sais que l’expéditrice travaille à Paris près de la Bastille et j’en devine précisément le contenu.
Il y a quelques jours quand je l’ai avertie de la diffusion sur France Culture d’A voix nue avec Florence Aubenas, laquelle fait partie de son panthéon personnel, elle m’a écrit qu’elle avait envie de lire son dernier livre L’inconnu de la poste. Moi aussi, lui ai-je répondu, songeant que peut-être un jour il me serait possible d’acheter à nouveau des livres à un euro. Ce n’était nullement une suggestion souterraine, mais elle n’a pas laissé passer l’occasion.
« Ce sera sûrement la première fois qu’on lira la même chose en même temps ! », écrit-elle sur la carte accompagnant l’ouvrage.
 

24 avril 2021


Ce jeudi, le beau temps revenu, lecture du Journal de Catherine Pozzi au jardin, lequel est enfin débarrassé des fagots qui traînaient sur la pelouse, et, ce vendredi matin, muni de mon attestation de déplacement dérogatoire, direction Dieppe.
L’un des premiers Dieppois que je croise, téléphonant sans masque sur le quai face à sa permanence, est Sébastien Jumel, Député, Communiste. Il a pour ambition de devenir Duc de Normandie à la place d’Hervé Morin, Centriste de Droite, d’où une candidature en tête de liste aux Régionales du mois de juin. C’est perdu d’avance.
En cette période de vacances de Pâques, Dieppe est aussi peu fréquentée que la dernière fois où j’y suis venu. Rien qui ressemble à un touriste. Des grands-parents promènent leur descendance. Des solitaires font quelques courses. Les affichettes des journaux évoquent en gros caractères le décollage à mi-journée de l’enfant du pays Thomas Pesquet.
Après être passé devant la proue du Transmanche qui s’apprête à rejoindre New Haven, je marche jusqu’au bout de la jetée où prospèrent quelques pécheurs à la ligne puis je reviens en ville par le square Louise-Michel « Institutrice, Insurgée de la Commune de Paris ». Sa boîte à livres, comme celle du Pollet, est pleine d’exemplaires jamais renouvelés. Je note cela sur un petit carnet Editions Didier trouvé dans une boîte à livres rouennaise.
Quand vient l’heure du déjeuner, je n’ai le choix sur le port que du New Haven. Il propose toujours à emporter son fish and chips à treize euros. C’est l’occasion d’encore constater que la deuxième fois rend moins content que la première.
Après le café à un euro, je me rends côté plage et sur un banc tranquille me démasque pour reprendre là où j’en étais resté du Journal de guerre d’Hans Canossa. Cette lecture se poursuit jusqu’à ce qu’il soit l’heure de mon train de retour.
A l’aller, j’étais seul dans la voiture. Cette fois, nous sommes plusieurs mais c’est loin d’être complet. Jour après jour, la Senecefe creuse son déficit.
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Sur l’une des pages de mon petit carnet Editions Didier une écriture féminine a inscrit un parcours scolaire depuis le collège et le lycée à Evreux, bac en deux mille huit, jusqu’à l’entrée dans la vie active, prof de Français Langue Etrangère en deux mille seize ; d’autres pages, sans doute plus intéressantes, ont été arrachées.
 

22 avril 2021


Tout est dit, et l’on vient trop tard depuis plus de sept mille ans qu’il y a des hommes qui pensent. Ainsi débute  Les Caractères de Jean de La Bruyère où j’ai picoré. De même ai-je fait pour les Maximes de François de La Rochefoucauld et les Pensées de Blaise Pascal. Cela dans l’édition de Bouquins/Laffont où ils se tiennent compagnie sous le titre Moralistes du XVIIe siècle.
De La Rochefoucauld, j’ai noté ceci :
Nous avons tous assez de force pour supporter les maux d’autrui.
Les vieillards aiment à donner de bons préceptes, pour se consoler de n’être plus en état de donner de bons exemples.
Ce qui nous empêche souvent de nous abandonner à un seul vice est que nous en avons plusieurs.
Nous oublions aisément nos fautes lorsqu’elles ne sont sues que de nous.
De La Bruyère, ceci :
Les enfants sont hautains, dédaigneux, colères, envieux, curieux, intéressés, paresseux, volages, timides, intempérants, menteurs, dissimulés ; ils rient et pleurent facilement ; ils ont des joies immodérées et des afflictions amères sur de très petits sujets ; ils ne veulent point souffrir de mal, et aiment à en faire : ils sont déjà des hommes.
Je mets au-dessus d’un grand politique que celui qui néglige de le devenir, et qui se persuade de plus en plus que le monde ne mérite point qu’on s’en occupe.
Et de Pascal, uniquement ceci :
La danse : il faut bien penser où l’on mettra les pieds.
 

21 avril 2021


Cette histoire des eaux usées de la copropriété passant sous la cour de l’Eglise de Jésus-Christ des Saints des Derniers Jours et l’ayant affaissée suite à la rupture du tuyau, je la croyais réglée depuis l’an dernier, mais pas du tout. Ce mardi matin, un jeune homme, barbe et casquette, employé d’une entreprise mandatée par le syndic, arrive pour faire un relevé de toutes les canalisations. Ce pourquoi je dois le recevoir chez moi.
D’abord il étudie la tuyauterie de l’évier de la cuisine puis celle des toilettes, fais des photos, monte à l’étage pour faire de même dans la salle d’eau. Enfin, et c’est le plus important, il verse un liquide rouge dans les vécés puis soulève la plaque d’égout de la ruelle et me demande de tirer la chasse. Comme il était prévisible, mes eaux usées vont directement de ce côté. Je ne suis donc pas concerné (ni ma propriétaire) par la suite.
Je retrouve ce jeune homme l’après-midi au jardin où je relis le Journal de Catherine Pozzi. Il a soulevé les plaques des différents regards et à l’aide d’appareils électroniques, dont une caméra, étudie l’affaire. « C’est une coloscopie », lui dit le voisin boute-en-train dont les plaisanteries ne font rire que lui.
Ce jeune homme ayant laissé la porte du porche ouverte, Chat Noir en a profité pour se carapater. Il en est marri. Le propriétaire du chat le cherche dans le quartier. L’incident se termine bien car son amie retrouve l’animal dans le jardin de l’immeuble d’en face.
Le jeune homme a un autre problème : personne chez les Mormons. La pandémie a eu raison de la présence récurrente de jeunes Américains bien sous tous rapports, en chemise blanche, venus là à leurs frais pour une assez longue durée comme missionnaires chargés d’évangéliser dans les rues de Rouen. Même les cérémonies du dimanche semblent suspendues.
Il reviendra donc demain, avant pris rendez-vous avec le responsables de l’Eglise pour qu’il lui ouvre les portes.
                                                                       *
Bizarrement, la possibilité d’un nouvel abcès sur la gencive s’est évanouie. Cela m’évite le dentiste et l’antibiotique qu’il m’aurait prescrit, lequel aurait eu pour défaut de rendre moins efficace ma future deuxième dose de vaccin.
                                                                       *
La question de savoir si oui ou non c’était mieux avant ne se pose plus. Le coronavirus a mis tout le monde d’accord.
 

18 mars 2021


Quoi de plus énervant que ce soleil qui brille chaque matin et qui vers midi, l’heure où il touche le banc, est voilé par des nuages de plus en plus nombreux, ce qui ruine mon espoir de pouvoir lire au jardin. Avril est si froid, c’est comme un mois d’hiver supplémentaire.
Pour ajouter à ce marasme, voici que reviennent les symptômes de l’abcès buccal qui m’avait fait souffrir à Noël dernier et dont je m’étais débarrassé par une auto-chirurgie brutale. J’aurais dû suivre le conseil de celle qui travaille à Paris : prendre un rendez-vous chez le dentiste, plutôt que de croire l’affaire réglée.
Quand même ce samedi, après que m’a téléphoné celle dont je parle ci-dessus, et alors que le concert de carillon hebdomadaire à la Cathédrale s’achève sur une danse d’Alan Stivell, aucun nuage ne menace.
En compagnie de Chat Bicolore qui chasse les mouches comme s’il s’agissait d’oiseaux ou se roule à mes pieds sur la brique chaude, je passe l’après-midi dans le Bouquins/Laffont Moralistes du XVIIe siècle. Précisément, je survole Les Pensées de Pascal et Les Caractères de La Bruyère, allant un peu moins vite quand il s’agit des Maximes de La Rochefoucauld. L’une est perpétuellement d’actualité : La philosophie triomphe aisément des maux passés et des maux à venir. Mais les maux présents triomphent d’elle.
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Double mutant en Inde, usine à variants au Brésil, pas un jour sans raison de se dire que malgré les vaccins on n’est pas prêt d’en sortir. Je suis persuadé que jamais je ne reverrai une salle de spectacle emplie d’un public côte à côte sans masque. Ce qui signifie que jamais je n’y retournerai.
 

15 avril 2021


Du soleil et la compagnie épisodique de Chat Noir ce mardi pour terminer le second volume publié au Seuil du Journal de Victor Klemperer dans lequel le philologue narre les persécutions incessantes qu’il subit de la Gestapo en raison de son origine juive (bien que converti au protestantisme), n’évitant la déportation et l’extermination que par son mariage avec une aryenne. Le morceau de bravoure est le dantesque bombardement de Dresde auquel lui et sa femme survivent par miracle (comme on dit). La dernière partie, moins intéressante, raconte comment Klemperer se débat pour retrouver son poste de professeur à l’Université de Dresde dans cette partie de l’Allemagne en ruine contrôlée par les Russes. Il devra pour cela se résoudre à adhérer au Parti Communiste.
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Rebelle : pas de masque.
Demi-rebelle : masque sous le menton (prêt à le mettre dès l’apparition d’un képi)
Quart de rebelle : masque sur la bouche (ah il fallait le mettre aussi sur le naseau, je ne savais pas)
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Casquette à l’envers. Masque sous le menton.
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Jargon du moment : cranter. Se dit pour qui franchit une étape en excluant de revenir en arrière. Exemple : Xavier Bertrand a cranté en annonçant sa candidature à la prochaine Présidentielle.
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Jargon du moment encore : à date. Remplace : à ce jour.
 

12 avril 2021


Il est cinq heures et demie quand piaillent les goélands. C’est l’époque de la reproduction de l’espèce. Mon radio-réveil se déclenche un quart d’heure plus tard.
Sur France Culture, l’invité de l’émission Les Matins du Samedi de Chloé Cambreling est David Bobée, Il parle de la future reprise à Lille de son Lucrèce Borgia, évoquant le jeune (qu’on devine des quartiers), pour qui Hugo n’est qu’un mauvais souvenir scolaire, traîné là par sa prof de français et qui appréciera la pièce grâce au hip hop de danseurs en qui il pourra se reconnaître, et la p’tite dame (la prof de français ?) venue là pour le texte d’Hugo et qui aura, grâce à lui, l’occasion de découvrir le hip hop.
Peut-on faire preuve, à la fois pour le jeune et pour la p’tite dame, de plus de mépris ?
Ce début de printemps se fait remarquer par la froidure. Il pleut un jour sur deux. L’autre, j’en passe l’après-midi sur le banc du jardin, toujours dans la lecture des mille pages du second volume du Journal de Victor Klemperer. Au soleil, mais pas toujours au calme, car sous le pansement de la flèche de la Cathédrale le décapage a repris dans un bruit de cimenterie.
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Report à des temps meilleurs du retour des trains de nuit Paris Nice, la Senecefe aurait pu éviter de se ridiculiser en promettant le premier pour le seize avril.
 

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