Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

A l’Ouest : Dinard (deuxième)

21 octobre 2020


Quand je grimpe ce mardi matin dans le car BreizhGo dont le terminus est Dinard, son chauffeur, qui est le même qu’hier et avait trouvé mon ticket bizarre, n’en veut plus. Son responsable lui a dit qu’il n’était pas valable sur cette ligne. Je paie donc deux euros cinquante, me demandant ce que deviendront les trois qui me restent de la dizaine achetée à Paimpol pour vingt euros au lieu de vingt-cinq.
A l’arrivée, après avoir photographié le majestueux Office du Tourisme et l’esthétique cinéma, je me dirige vers la plage de l’Ecluse dans le but de suivre la côte par le Géherre Trente-Quatre en direction de Port Blanc.
Cette portion est appelée localement chemin de ronde et a pour particularité d’être peu au-dessus de la mer et pas mal dégradée par celle-ci lors des tempêtes. Danger de chute, danger de submersion et difficulté pour se croiser, est-il indiqué par panneaux, pas de quoi me dissuader.
Je rejoins aisément la pointe de la Malouine d’où l’on voit au mieux la cité corsaire puis je fais attention où je pose le pied, tout en admirant la côte surmontée des villas qui font la renommée de cette ville touristique. Mon intention est d’aller jusqu’à la plage de Saint-Enogat, ensuite le chemin devient escarpé pour grimper à la pointe de la Roche Pelée, un peu trop pour moi. Presque arrivé à cette plage, un coureur qui a rebroussé me dit qu’on ne peut plus passer, la grande marée est à l’œuvre.
Je trouve un escalier pour échapper à la submersion et reviens vers la plage de l’Ecluse par des rues intérieures sans intérêt. Pour jouir du spectacle de cette mer haute et toujours en mouvement, je m’assois au plus près de l’eau à la terrasse du Cent 80 qui est  niché au rez-de-chaussée du Casino et commande un café à deux euros. J’en profite pour demander l’heure au serveur, dix heures dix, car depuis cette nuit la pile de ma montre a rendu l’âme (si je puis dire).
Comme il fait doux, tout en regardant le mouvement des vagues et le passage des bateaux au loin, je lis Georges Perros de Thierry Gillybœuf un long moment, puis avec l’aide d’autochtones bien habillés, je trouve la bijouterie Chauvin où, contre dix euros, la bijoutière remplace la pile usagée de ma montre. Je peux ainsi constater qu’il est midi moins cinq.
Je décide de déjeuner au même endroit que la veille mais déception à l’arrivée, le menu du marché du 2 pointzero est le même qu’hier, ce qui est bien moderne. Je vais donc m’asseoir à la terrasse voisine, celle de Chez Ma Pomme, où je devine que ça va être moins bien, pour cinquante centimes de plus.
A peine suis-je installé que la serveuse vient me voir avec le cahier à coordonnées, rapport au Covid. Sûrement déçu d’être ici sans l’avoir voulu, je suis mal aimable avec elle dans mon refus « Je suis seul ici, je n’ai pas de téléphone, je suis en vacances, je ne consulte pas mes mails, alors laissez-moi tranquille ». Quand elle revient pour m’apporter six écrevisses manifestement décongelées, je m’excuse d’avoir été désagréable.
-Ah mais non, me répond-elle, les anarchistes, j’adore.
-On me fait faire des choses que je n’ai pas envie de faire, ajoute-elle.
-Oui je sais, c’est pourquoi je n’aurais pas dû vous répondre ainsi.
Nous nous entendons bien pendant la suite du repas qui consiste en une andouillette sauce moutarde que j’accompagne de cidre. Après avoir payé, en extérieur, je lui dis au revoir avec le petit regret de ne pas en savoir plus sur elle. Je devrais me munir d’un cahier à coordonnées de serveuses.
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Donc la petite ordure d’islamiste qui a assassiné puis décapité Samuel Paty avait acheté son couteau à Rouen. Je me demande si c’est à la coutellerie qui fait le coin de ma ruelle et de la rue Saint-Nicolas.
Ce fanatique avait six ans quand il est arrivé avec ses parents en France. Autre question que je me pose : est-ce-que le Réseau Education Sans Frontières a aidé cette famille à obtenir des papiers ?
Si j’ai quitté le Réseau Education Sans Frontières après l’attentat contre Charlie Hebdo, ce n’est pas seulement en raison de l’attitude ambiguë de certains de ses membres, il y avait aussi la crainte d’aider une famille musulmane dont le bambin se transformerait en terroriste.