Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

Au Centre : Lacapelle-Viescamp

26 juillet 2020


Même train qu’hier, même horaire, même contrôleur, mais ce samedi j’en descends à quelques encablures d’Aurillac. Le quai de la Gare définitivement fermée de Lacapelle-Viescamp est herbeux. Un intervalle dans une clôture permet de sortir.
Ce village jouxte le lac de barrage aménagé de Saint-Etienne-Cantalès, que j’ai repéré lors de mes précédents passages, lorsque du viaduc de Ribeyrès le machiniste fait tut tut pour amuser les baigneurs. Mon vieux Guide du Routard n’en dit pas un mot.
A huit heures trente-huit, seuls quelques volailles et bovins sont debout. Grâce à son clocher je repère l’église et me dirige de ce côté. Elle est entourée de quelques belles maisons à toit de lauze ainsi que d’une Mairie et d’une Ecole mignonnettes. Une moderne Salle des Fêtes complète l’ensemble. La voirie est neuve avec câbles enterrés. Il doit y avoir de l’argent dans les caisses municipales de Lacapelle-Viescamp. Dans ce très petit centre se trouve aussi l’Hôtel du Lac dont le restaurant est ouvert.
J’y réserve une table pour midi auprès du maître des lieux. Ce beau jeune homme à la peau cuivrée m’indique comment rejoindre au mieux la partie publique la plus proche du lac, au lieu-dit Puech des Ouilhes, à deux kilomètres d’ici.
-Vous passez au-dessus de la voie de chemin de fer puis vous prenez à droite en direction du Rieu, au bout de la route vous trouverez un chemin dans la forêt, il va au lac.
Ce chemin est tout à fait bucolique mais hélas il ne va pas jusqu’au bout, une barrière verte le termine que je peux heureusement contourner grâce à un grillage plié sauvagement. Il me faut marcher un peu le long de la route et j’y suis.
Quelle paix au bord de l’eau à cette heure. Il n’y a là que quelques pêcheurs que je n’évite pas sur mes photos car un pêcheur n’est pas un humain, c’est un élément du décor. Lorsque j’ai parcouru suffisamment la promenade sur pilotis, je m’installe à la terrasse du Nautilus et y bois un café verre d’eau à un euro trente en regardant ce qui se passe : une jolie fille qui court avec dans le dos Sport Etudes Font-Romeu, des employés du cleube nautique qui sortent un bateau de l’eau à l’aide d’un minuscule tracteur rouge.
Dix heures trente, c’est le moment où les premières familles arrivent. Les pêcheurs s’en vont, moi aussi. Je fais le chemin dans l’autre sens et trouve un banc à l’ombre pour lire Les Essais en attendant midi.
Assez souvent Montaigne me lasse, je saute des passages si ce n’est des pages, mais parfois ce qu’il dit de lui me va si bien qu’il pourrait l’avoir écrit pour moi. Ceci par exemple : Car j’en suis là que, sauf la santé et la vie, il n’est chose pourquoi je veuille ronger mes ongles, et que je veuille acheter aux prix du tourment d’esprit et de la contrainte, extrêmement oisif, extrêmement libre, et par nature et par art.
Le Capellain est le restaurant de l’Hôtel du Lac, endroit un peu chic où l’on diffuse de la musique classique. Il est tenu par un jeune couple, lui Brésilien, elle Australienne, lui en cuisine, elle au service, très agréables tous les deux. Je choisis la formule plat dessert à vingt-quatre euros : mignon de porc en croûte d’herbes, terrine de pommes de terre à la tome fondue du Cantal et moelleux au chocolat, glace amande, avec une demi-bouteille de Marcillac à douze euros.
-Pour commencer un petit gaspacho de tomate glace à l’huile d’olive, m’annonce la maitresse des lieux, bonne dégustation.
De la terrasse panoramique, j’ai vu sur la forêt proche et un petit bout du lac au loin. On ne peut donc pas dire que l’Hôtel du Lac usurpe son nom, mais certains à l’arrivée doivent être déçus de ne pas pouvoir mettre les pieds dans l’eau (reste la piscine). Je suis le seul client de ce bon restaurant et m’en désole pour le jeune couple quand, vers un heure moins le quart, arrivent coup sur coup un couple avec leur grande fille, un couple avec le vieux père d’elle (un ancêtre dont je me demande si ce n’est pas le dernier repas, sourd comme un pot avec des problèmes de dentier) et un type mal aimable qui doit avoir une chambre ici (un plombier ou un garagiste, c’est la plaie de ce genre d’hôtel).
-Tout se passe bien avec le mignon, me demande la jeune Australienne, une question qui me fait penser aux mœurs de la Rome antique.
Après avoir bu le café à un euro soixante-dix, je règle l’addition puis tente de me rapprocher du lac en allant vers Le Roucan. Cet espoir ne va pas loin. Je me heurte à un quartier résidentiel dont plusieurs maisons ont accès privé au plan d’eau. C’est donc d’un peu loin que je le contemple, assis sur une pierre, reprenant ma lecture de Montaigne jusqu’à ce qu’il soit l’heure du train de retour à Aurillac.
 


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