Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

Rouen malade du troubadourisme

12 mai 2024


Autre histoire de flammes, c’est le retour des Fêtes Jeanne d’Arc à Rouen, encore plus étalées que les années passées. La rue portant son nom est coupée à la circulation et bordée de barnums en plastique sous lesquels on vend un Moyen Âge de pacotille. Ailleurs, on danse, on combat, on défile. Des festivités rendues possibles par le supplice d’une femme. On peut dire merci à la Pucelle qui en ayant été brûlée vive permet aux autochtones et aux touristes de s’amuser.
A la terrasse du Sacre, j’ai pour voisins quatre quadragénaires qui picolent un peu avant d’y aller. « C’est quoi le programme ? » « Ben, on va aller se balader, on va voir ce qu’il y a. » L’un en a déjà une petite idée : « Des bracelets en cuir, des savons, des épées en bois. » Leur argot de paysans normands : « T’as pris ta gapette ? » « Toi, t’as graillé ? »
Ma lecture du jour est Pages de Journal d’Edith Thomas. A la date du dix-huit mars mil neuf cent quarante-trois, j’y trouve cette réflexion lumineuse appropriée au moment présent : 
Les Visiteurs du soir le symptôme d’une maladie plus grande, plus généralisée et par conséquent beaucoup plus alarmante. C’est une manifestation incontestable du troubadourisme. Comme le mot ne se trouve dans aucun dictionnaire médical, peut-être est-il bon de tenter d’en donner une définition. Le troubadourisme est une maladie de l’art et de la littérature qui apparaît en période régressive et consiste en un attendrissement ingénu sur un passé imaginaire. Pour que ce passé soit le plus imaginaire possible, on le repousse aussi loin qu’on le peut, dans une mémoire qui se confond pour le public avec la légende : le Moyen Age fait fort bien l’affaire ! Le troubadourisme est donc une des multiples formes de l’évasion – par opposition au réalisme – et l’une des plus inquiétantes parce qu’elle est des plus insidieuses.
Le troubadourisme fait son apparition dans l’histoire des lettres vers la fin de l’Empire et le début de la Restauration dans une période d’oppression intellectuelle, de défaite et de pudibonde niaiserie. (…) … il est clair que les mêmes causes produisent les mêmes effets et que, lorsqu’on ne peut parler de son temps parce qu’il faudrait en dire des choses interdites et qu’on a pas le courage moral de se taire (parce qu’un écrivain, doit écrire, cela va de soi, même quand écrire est une imposture à cause de tout ce qu’il faut taire : l’essentiel) on n’a qu’à faire monter un troubadour à une échelle de soie - sur l’heure de minuit – quand chante le rossignol.
« Une période d’oppression intellectuelle, de défaite et de pudibonde niaiserie », voilà qui définit parfaitement les temps actuels.