Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
14 juin 2018
Ce mercredi matin, juste avant d’éteindre mon ordinateur, j’apprends par le groupe Usagers Le Havre Rouen Paris qu’une grosse panne est en cours à la gare Saint-Lazare et qu’aucun train ne sort ni entre. Mon rendez-vous de treize heures sous Beaumarchais avec celle qui me prête son appartement pour le ouiquennede et doit me passer la clé est soudain compromis. Allons voir quand même, me dis-je.
Une gilet rouge m’apprend que mon train, celui de sept heures vingt-quatre, devrait partir mais il s’arrêtera à Mantes-la-Jolie, ensuite il faudra prendre le Transilien. Une fois dans le train, le chef de bord nous informe que ce sera Houilles-Carrières le point final, ensuite ce sera Erre Heu Erre, le A. Peu avant l’arrivée à Houilles, il nous indique que des employés de la Senecefe nous donneront des billets gratuits et demande à ceux qui se trouvent en queue de train de remonter la rame car le quai est trop court.
La descente se fait sur un quai bondé, plus question de billet, gratuit ou non. Je suis le mouvement, monte à droite après le passage souterrain. La masse d’usagers attendant le prochain Erre Heu Erre est énorme, toute la Normandie est déversée ici, à quoi s’ajoutent les banlieusards habituels. Sur le quai voisin, le Paris Cherbourg, devenu Houilles Cherbourg, va bientôt partir, presque vide.
Des hommes à gilet mauve et petite sono portative canalisent le flot avec efficacité. On nous conseille de descendre à Auber. Ce n’est qu’au troisième Erre Heu Erre A que je peux monter. Il est plein comme un œuf et ne part pas. « J’ai une nouvelle catastrophe à vous annoncer, dit le conducteur, un rail vient de casser entre La Défense et Auber, ce train sera donc terminus La Défense et sa circulation va être perturbée. » Il finit par partir, s’arrête de temps à autre. Une fois, ses lumières baissent soudainement. « Joyeux anniversaire », se met à chanter un voyageur. « Ah non, ce n’est pas ça. »
A La Défense, nous sommes je ne sais combien de dizaines de milliers. Monter les escaliers jusqu’au métro Un se fait par petites étapes successives. Tout le monde reste calme. Heureusement, car le moindre mouvement de foule se traduirait par une catastrophe. Les tourniquets sont neutralisés, le métro rendu gratuit. L’entrée du quai est contrôlée par deux femmes munies d’un simple ruban de plastique vert et blanc qu’elles lèvent au-dessus de leur tête pour faire passer un groupe puis rabaissent pour stopper le mouvement. Au bout de trois au quatre vagues j’atteins le quai et trouve place debout dans une rame ultra bondée. Cette ligne a l’avantage d’aller à Bastille.
J’entre au Café du Faubourg à dix heures et demie. La chaîne d’info continue montre des images sur lesquelles peut-être je suis, mais c’est chercher Charlie.
Après cette épreuve, être chez Book-Off m’est aussi bénéfique qu’une retraite dans un monastère. J’y trouve pour un euro pas que la fam (la faim, seule), un livre de poésie bilingue d’Ives Roqueta (Yves Rouquette) dédicacé par l’auteur à une certaine Pauline rencontrée à Lourdes à qui il conseille d’aller vite retrouver la Pauline du Hussard sur le toit de Giono.
Après un déjeuner à menu immuable au Péhemmu chinois, je vais attendre sous Beaumarchais celle qui lorsqu’elle arrive est contente de me voir là. « Comment as-tu fait ? », me demande-t-elle. Nous allons prendre un café en terrasse. Elle est aussi éprouvée que moi, s’étant levée à cinq heures pour faire sa part de travail dans son supermarché participatif en déchargeant un camion de produits frais. Néanmoins, nous passons un bon moment à discuter et elle me propose de m’héberger si ça ne s’arrange pas à Saint-Lazare.
Ce ne sera pas nécessaire, mon retour à Rouen est sans histoire.
*
Le responsable de la grosse panne de Saint-Lazare : un petit boîtier électrique qui a fait court-circuit. Il datait de mil neuf cent soixante-six. Et pendant ce temps-là, Hervé Morin, Duc de Normandie, Centriste de Droite, faisait voter lundi par la Région huit cent quarante mille euros d’autorisation de dépenses pour construire d’inefficaces portiques antifraude face aux voies vingt-cinq et vingt-six.
Une gilet rouge m’apprend que mon train, celui de sept heures vingt-quatre, devrait partir mais il s’arrêtera à Mantes-la-Jolie, ensuite il faudra prendre le Transilien. Une fois dans le train, le chef de bord nous informe que ce sera Houilles-Carrières le point final, ensuite ce sera Erre Heu Erre, le A. Peu avant l’arrivée à Houilles, il nous indique que des employés de la Senecefe nous donneront des billets gratuits et demande à ceux qui se trouvent en queue de train de remonter la rame car le quai est trop court.
La descente se fait sur un quai bondé, plus question de billet, gratuit ou non. Je suis le mouvement, monte à droite après le passage souterrain. La masse d’usagers attendant le prochain Erre Heu Erre est énorme, toute la Normandie est déversée ici, à quoi s’ajoutent les banlieusards habituels. Sur le quai voisin, le Paris Cherbourg, devenu Houilles Cherbourg, va bientôt partir, presque vide.
Des hommes à gilet mauve et petite sono portative canalisent le flot avec efficacité. On nous conseille de descendre à Auber. Ce n’est qu’au troisième Erre Heu Erre A que je peux monter. Il est plein comme un œuf et ne part pas. « J’ai une nouvelle catastrophe à vous annoncer, dit le conducteur, un rail vient de casser entre La Défense et Auber, ce train sera donc terminus La Défense et sa circulation va être perturbée. » Il finit par partir, s’arrête de temps à autre. Une fois, ses lumières baissent soudainement. « Joyeux anniversaire », se met à chanter un voyageur. « Ah non, ce n’est pas ça. »
A La Défense, nous sommes je ne sais combien de dizaines de milliers. Monter les escaliers jusqu’au métro Un se fait par petites étapes successives. Tout le monde reste calme. Heureusement, car le moindre mouvement de foule se traduirait par une catastrophe. Les tourniquets sont neutralisés, le métro rendu gratuit. L’entrée du quai est contrôlée par deux femmes munies d’un simple ruban de plastique vert et blanc qu’elles lèvent au-dessus de leur tête pour faire passer un groupe puis rabaissent pour stopper le mouvement. Au bout de trois au quatre vagues j’atteins le quai et trouve place debout dans une rame ultra bondée. Cette ligne a l’avantage d’aller à Bastille.
J’entre au Café du Faubourg à dix heures et demie. La chaîne d’info continue montre des images sur lesquelles peut-être je suis, mais c’est chercher Charlie.
Après cette épreuve, être chez Book-Off m’est aussi bénéfique qu’une retraite dans un monastère. J’y trouve pour un euro pas que la fam (la faim, seule), un livre de poésie bilingue d’Ives Roqueta (Yves Rouquette) dédicacé par l’auteur à une certaine Pauline rencontrée à Lourdes à qui il conseille d’aller vite retrouver la Pauline du Hussard sur le toit de Giono.
Après un déjeuner à menu immuable au Péhemmu chinois, je vais attendre sous Beaumarchais celle qui lorsqu’elle arrive est contente de me voir là. « Comment as-tu fait ? », me demande-t-elle. Nous allons prendre un café en terrasse. Elle est aussi éprouvée que moi, s’étant levée à cinq heures pour faire sa part de travail dans son supermarché participatif en déchargeant un camion de produits frais. Néanmoins, nous passons un bon moment à discuter et elle me propose de m’héberger si ça ne s’arrange pas à Saint-Lazare.
Ce ne sera pas nécessaire, mon retour à Rouen est sans histoire.
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Le responsable de la grosse panne de Saint-Lazare : un petit boîtier électrique qui a fait court-circuit. Il datait de mil neuf cent soixante-six. Et pendant ce temps-là, Hervé Morin, Duc de Normandie, Centriste de Droite, faisait voter lundi par la Région huit cent quarante mille euros d’autorisation de dépenses pour construire d’inefficaces portiques antifraude face aux voies vingt-cinq et vingt-six.
13 juin 2018
Un concert où je ne souhaitais pas aller et où je vais ce dimanche après-midi tandis que gronde l’orage, c’est celui d’Henri Texier Sky Dancers Sextet et de PPP Portal/Parisien/Peirani à l’Opéra de Rouen. La décision de Loïc Lachenal, Directeur, de se débarrasser du jazz dans sa saison Dix-huit/Dix-neuf m’a incité à être présent en solidarité avec Michel Jules, Président de Rouen Jazz Action.
Au dernier moment, j’obtiens une très bonne place en bout de corbeille, deux rangées derrière le premier rang, celui réservé au staff, lequel est particulièrement absent. Une adjointe du nouveau maître des lieux fait son apparition, mais elle se garde bien de rester. Le public en revanche est nombreux. Derrière moi, on se plaint de la chaleur régnant dans la salle :
-Non mais là, je suis allé à la Philharmonie, on a eu la clim, mais la clim bien dosée, tu vois.
A dix-huit heures, Michel Jules entre en scène. Il remercie Frédéric Roels qui pendant quatre années a inscrit des concerts de jazz au programme de l’Opéra de Rouen puis explique qu’un mois après sa nomination, Loïc Lachenal l’a averti qu’il cesserait de les accueillir. Le nom du nouveau Directeur est copieusement hué. Plus tard, continue-t-il, ayant sans doute des difficultés à boucler la programmation de la Chapelle Corneille, Loïc Lachenal le recontactait pour lui demander s’il n’avait pas des petites formations de jazz à lui proposer pour cette salle (nouvelles huées). Cette salle, je la connais, dit Michel Jules, elle est parfaite pour des concerts a capella, j’y ai aussi entendu un solo de flûte à tomber par terre, mais pour le reste, elle a une mauvaise acoustique, j’ai donc refusé (applaudissements nourris). L’an prochain, annonce-t-il, nos concerts auront lieu au Cent Six en configuration assise et dans une petite salle de bonne acoustique à Saint-Jacques-de-Darnétal. Il présente ensuite les deux formations au programme de cette dernière fois à l’Opéra, celle d’Henri Texier et celle de Michel Portal. C’est la fête ce dimanche, conclut-il.
Henri Texier Sky Dancers Sextet, c’est du jazz comme on peut s’y attendre avec de très bons musiciens, dont le meneur (soixante-treize ans) à la contrebasse. De temps en temps, celui-ci prend la parole pour donner les titres, tous dédiés à des tribus amérindiennes.
Pendant l’entracte, on s’inquiète. « On en a pris des spectacles à la Chapelle Corneille, dit une femme à son mari, du coup je me pose la question. »
Du trio PPP Portal/Parisien/Peirani apparaissent d’abord les deux jeunots, Emile Parisien, saxophone, et Vincent Peirani, pieds nus, accordéon, deux facétieux dont la musique emporte mon adhésion avant même qu’arrive le troisième, Michel Portal, quatre-vingt-deux ans, clarinette et saxophone. Ces trois-là s’entendent comme larrons, jouent divinement sans se prendre au sérieux, en cassant les codes du genre et en maniant l’autodérision avec subtilité. Ils remportent un très gros succès et reviennent pour un bonus. « Oui, un dernier morceau pour monsieur Lachenal », crie quelqu’un dans la salle. Ce dernier morceau est suivi d’un autre, de Duke Ellington, pour lequel reviennent s’asseoir, comme des piteuses, certaines parties trop vite.
Lorsqu’en rentrant je regarde ma montre, je constate avec surprise qu’il est plus de vingt et une heures.
*
M’est avis que ce n’est pas dans le vivier des amateurs de jazz que Loïc Lachenal trouvera de quoi renouveler le public de l’Opéra de Rouen.
*
Quel plaisir j’ai eu à huer (le nom de) Loïc Lachenal dans la salle de l’Opéra de Rouen. Rien que pour ça j’ai bien fait de venir. Et puis j’ai aussi découvert Michel Portal et ses deux acolytes. Merci Frédéric Roels.
*
« Je ne me vois pas aller au château des vieux pour regarder la télé toute la journée ! » (Michel Portal interrogé par Vinciane Laumonier dans le livret programme)
Au dernier moment, j’obtiens une très bonne place en bout de corbeille, deux rangées derrière le premier rang, celui réservé au staff, lequel est particulièrement absent. Une adjointe du nouveau maître des lieux fait son apparition, mais elle se garde bien de rester. Le public en revanche est nombreux. Derrière moi, on se plaint de la chaleur régnant dans la salle :
-Non mais là, je suis allé à la Philharmonie, on a eu la clim, mais la clim bien dosée, tu vois.
A dix-huit heures, Michel Jules entre en scène. Il remercie Frédéric Roels qui pendant quatre années a inscrit des concerts de jazz au programme de l’Opéra de Rouen puis explique qu’un mois après sa nomination, Loïc Lachenal l’a averti qu’il cesserait de les accueillir. Le nom du nouveau Directeur est copieusement hué. Plus tard, continue-t-il, ayant sans doute des difficultés à boucler la programmation de la Chapelle Corneille, Loïc Lachenal le recontactait pour lui demander s’il n’avait pas des petites formations de jazz à lui proposer pour cette salle (nouvelles huées). Cette salle, je la connais, dit Michel Jules, elle est parfaite pour des concerts a capella, j’y ai aussi entendu un solo de flûte à tomber par terre, mais pour le reste, elle a une mauvaise acoustique, j’ai donc refusé (applaudissements nourris). L’an prochain, annonce-t-il, nos concerts auront lieu au Cent Six en configuration assise et dans une petite salle de bonne acoustique à Saint-Jacques-de-Darnétal. Il présente ensuite les deux formations au programme de cette dernière fois à l’Opéra, celle d’Henri Texier et celle de Michel Portal. C’est la fête ce dimanche, conclut-il.
Henri Texier Sky Dancers Sextet, c’est du jazz comme on peut s’y attendre avec de très bons musiciens, dont le meneur (soixante-treize ans) à la contrebasse. De temps en temps, celui-ci prend la parole pour donner les titres, tous dédiés à des tribus amérindiennes.
Pendant l’entracte, on s’inquiète. « On en a pris des spectacles à la Chapelle Corneille, dit une femme à son mari, du coup je me pose la question. »
Du trio PPP Portal/Parisien/Peirani apparaissent d’abord les deux jeunots, Emile Parisien, saxophone, et Vincent Peirani, pieds nus, accordéon, deux facétieux dont la musique emporte mon adhésion avant même qu’arrive le troisième, Michel Portal, quatre-vingt-deux ans, clarinette et saxophone. Ces trois-là s’entendent comme larrons, jouent divinement sans se prendre au sérieux, en cassant les codes du genre et en maniant l’autodérision avec subtilité. Ils remportent un très gros succès et reviennent pour un bonus. « Oui, un dernier morceau pour monsieur Lachenal », crie quelqu’un dans la salle. Ce dernier morceau est suivi d’un autre, de Duke Ellington, pour lequel reviennent s’asseoir, comme des piteuses, certaines parties trop vite.
Lorsqu’en rentrant je regarde ma montre, je constate avec surprise qu’il est plus de vingt et une heures.
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M’est avis que ce n’est pas dans le vivier des amateurs de jazz que Loïc Lachenal trouvera de quoi renouveler le public de l’Opéra de Rouen.
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Quel plaisir j’ai eu à huer (le nom de) Loïc Lachenal dans la salle de l’Opéra de Rouen. Rien que pour ça j’ai bien fait de venir. Et puis j’ai aussi découvert Michel Portal et ses deux acolytes. Merci Frédéric Roels.
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« Je ne me vois pas aller au château des vieux pour regarder la télé toute la journée ! » (Michel Portal interrogé par Vinciane Laumonier dans le livret programme)
12 juin 2018
Samedi matin, j’ai un billet de train pour le petit qui va d’Yvetot à Saint-Aubin-lès-Elbeuf. Il arrive en gare de Rouen à sept heures quarante-trois. Nous sommes trois à y monter ainsi qu’une contrôleuse et un contrôleur. A sept heures quarante-quatre, celle-ci a déjà contrôlé mon billet. A huit heures moins trois, je suis à Oissel. Le vide grenier annuel est à deux rues. Cette année de nombreux emplacements sont restés libres et il est bien moins couru par les acheteurs. « Ce n’est plus comme avant », dit une vendeuse. Il y eut des années où j’y trouvais des livres, et une où j’y trouvais des cerises. Cette fois, ni livres, ni cerises, mais deux ramettes de papier blanc à trois euros le lot. Elles pèsent lourd dans mon sac quand je retourne à la gare. Nous sommes trois à monter dans le train de neuf heures trois. C’est le même qu’à l’aller et à neuf heures quatre la même blonde contrôleuse m’a une nouvelle fois poinçonné (à l’ancienne).
Dimanche matin, je descends dans la station de métro Palais de Justice qui est encore plus sinistre depuis qu’elle est en travaux. Afin de ne pas attendre vingt minutes, j’ai pris la précaution de consulter les horaires et comme prévu celui que j’attends arrive vite. J’en descends à l’arrêt Quatorze Juillet, commune de Sotteville-lès-Rouen. Le vide grenier s’étale des deux côtés de la longue avenue du même nom bordée d’arbres bien dégagés derrière les oreilles. Nombre d’emplacements restent inoccupés, ce qui oblige à beaucoup marcher pour peu. Les livres que j’achète ne m’intéressent pas. Ils me permettront quand je les revendrai de rembourser le train d’hier et le métro d’aujourd’hui et d’acheter ailleurs des livres pour me plaire. Sur un mur tentant, une affichette prévient : « Ceci n’est pas un urinoir ». Sans doute messieurs Magritte et Duchamp habitent-ils le bout de la ruelle.
Au retour, je descends à Joffre Mutualité, commune de Rouen, rive gauche. Il n’y a que la rue à traverser pour atteindre le déballage. Un homme à cheveux blancs vend des livres. Du moins essaie-t-il de les vendre, car dans ce quartier ça ne marche pas, me dit-il. Ce pourquoi, il ne veut pas baisser son prix en deçà de trois euros cinquante pour les deux livres que je convoite : Théorie de l’art moderne de Paul Klee (Folio Essais) et Œuvres complètes de Joseph Delteil (Grasset). Désormais organisé par un privé, ce vide grenier s’est étendu jusqu’au Cuba Libre et au-delà. Pas d’exposant devant le bar du soir où sont morts treize filles et garçons de vingt ans et le quadragénaire qui s’occupait de la musique lors de la soirée d’anniversaire. L’endroit est resté en l’état, vaguement protégé par des barrières où sont accrochées des fleurs fanées. Sur le contreplaqué qui remplace la vitrine « Une pensée aux victimes » et devant, deux grandes poubelles à roulettes qui sont déjà pleines.
-Avant, il n’y avait pas de poubelles ici, raconte la boulangère d’à côté, maintenant elles sont toujours là.
*
Vu rue de la Jeanne en allant à la gare, un boîtier noir sur un feu tricolore. Une affichette l’assure contre la destruction : « Dispositif de comptage de la circulation, ça ne verbalise pas ».
*
La voix (féminine évidemment) du métro de Rouen s’est enfin corrigée. Elle ne dit plus (comme depuis l’origine) : « Ce métro est à destination de Technopole » mais « Ce métro est à destination de Technopôle ».
Dimanche matin, je descends dans la station de métro Palais de Justice qui est encore plus sinistre depuis qu’elle est en travaux. Afin de ne pas attendre vingt minutes, j’ai pris la précaution de consulter les horaires et comme prévu celui que j’attends arrive vite. J’en descends à l’arrêt Quatorze Juillet, commune de Sotteville-lès-Rouen. Le vide grenier s’étale des deux côtés de la longue avenue du même nom bordée d’arbres bien dégagés derrière les oreilles. Nombre d’emplacements restent inoccupés, ce qui oblige à beaucoup marcher pour peu. Les livres que j’achète ne m’intéressent pas. Ils me permettront quand je les revendrai de rembourser le train d’hier et le métro d’aujourd’hui et d’acheter ailleurs des livres pour me plaire. Sur un mur tentant, une affichette prévient : « Ceci n’est pas un urinoir ». Sans doute messieurs Magritte et Duchamp habitent-ils le bout de la ruelle.
Au retour, je descends à Joffre Mutualité, commune de Rouen, rive gauche. Il n’y a que la rue à traverser pour atteindre le déballage. Un homme à cheveux blancs vend des livres. Du moins essaie-t-il de les vendre, car dans ce quartier ça ne marche pas, me dit-il. Ce pourquoi, il ne veut pas baisser son prix en deçà de trois euros cinquante pour les deux livres que je convoite : Théorie de l’art moderne de Paul Klee (Folio Essais) et Œuvres complètes de Joseph Delteil (Grasset). Désormais organisé par un privé, ce vide grenier s’est étendu jusqu’au Cuba Libre et au-delà. Pas d’exposant devant le bar du soir où sont morts treize filles et garçons de vingt ans et le quadragénaire qui s’occupait de la musique lors de la soirée d’anniversaire. L’endroit est resté en l’état, vaguement protégé par des barrières où sont accrochées des fleurs fanées. Sur le contreplaqué qui remplace la vitrine « Une pensée aux victimes » et devant, deux grandes poubelles à roulettes qui sont déjà pleines.
-Avant, il n’y avait pas de poubelles ici, raconte la boulangère d’à côté, maintenant elles sont toujours là.
*
Vu rue de la Jeanne en allant à la gare, un boîtier noir sur un feu tricolore. Une affichette l’assure contre la destruction : « Dispositif de comptage de la circulation, ça ne verbalise pas ».
*
La voix (féminine évidemment) du métro de Rouen s’est enfin corrigée. Elle ne dit plus (comme depuis l’origine) : « Ce métro est à destination de Technopole » mais « Ce métro est à destination de Technopôle ».
11 juin 2018
Sans doute est-ce l’ultime fois que j’assiste à un concert dirigé par Antony Hermus, me dis-je en chemin pour l’Opéra de Rouen ce vendredi soir. On y est accueilli par de jeunes joueuses et joueurs de cor du Conservatoire. Elles et eux donnent l’aubade avant un concert qui a du cor, et emploient d’abord des cors droits, des Alpes je suppose, avant d’aller chercher leurs cors d’harmonie posés sur des chaises sur lesquelles des mal debout s’empressent d’aller s’asseoir. L’une des pièces jouées est accompagnée d’une sirène de pompier venue des quais de Seine. Avant que ce soit terminé je grimpe l’escalier.
Cette fois, malgré moult visites à la billetterie, je n’ai obtenu qu’une place dans la moitié supérieure du premier balcon, d’où j’entends le son du cor des débutants. Cette place n’a pas que des désavantages, on y a vue plongeante sur le plateau où chaque musicien est visible. A ma droite est assis un ancien enseignant de collège et lycée qui prétend me connaître, à ma gauche un autre que connaît le premier. Ce dernier est atteint d’un tic de gorge. Il racle toutes les dix minutes.
Antony Hermus est semblable à lui-même, ventre en avant et sourire à lunettes. Il conduit d’abord la Symphonie numéro sept en si mineur dite Inachevée de Franz Schubert qui ne comporte que deux mouvements. Ce n’est pas le Schubert que je préfère. Aussi, contrairement à certains qui se désolent de la fin non écrite, je n’en veux pas à Schubert de l’avoir laissée dans un tiroir.
Quand le maestro revient sur scène, il est accompagné par le corniste Félix Dervaux, vingt-huit ans, premier cor solo de l’Orchestre Royal du Concertgebouw d’Amsterdam. Ce jeune homme en costume gris clair au faux air de Tintin donne un coup de vieux aux musiciens de l’Orchestre. Il joue sublimement sa partie du Concerto pour cor numéro un en mi bémol majeur de Richard Strauss. Le son du cor n’est pas forcément métallique, il peut être moelleux. Fort applaudi et rappelé plusieurs fois, il offre en bonus un solo qui lui permet des sons inusuels. « Il a une très bonne maîtrise de son cor », commente un homme derrière moi, c’était fatal.
Après l’entracte, c’est la Symphonie numéro sept en ré mineur d’Anton Dvořák. Les deux premiers mouvements ne m’emballent pas, mais le troisième quel plaisir, ainsi que le quatrième, pour lequel Antony Hermus se démène. A l’issue, il obtient un triomphe triomphal.
*
Que pensent les musiciens de l’Orchestre lorsque joue devant eux un soliste de leur instrument qui les surpasse et qu’ils ne pourront jamais égaler ? Question que je me pose (me posais) à chaque fois. C’est quand même une humiliation publique.
*
« Je me sens toujours le bienvenu à Rouen, avec des musiciens aussi fantastiques, un personnel très attentionné et un public très chaleureux ! J’y ai mes habitudes pour me promener dans la ville, prendre des cafés à mes adresses et piquer une tête dans la piscine quand j’en ai l’opportunité. », confie Antony Hermus à Vinciane Laumonier dans le livret programme.
En rentrant, j’essaie d’imaginer celui que celle qui m’accompagnait autrefois à l’Opéra de Rouen appelait le leprechaun piquant une tête dans la piscine.
Cette fois, malgré moult visites à la billetterie, je n’ai obtenu qu’une place dans la moitié supérieure du premier balcon, d’où j’entends le son du cor des débutants. Cette place n’a pas que des désavantages, on y a vue plongeante sur le plateau où chaque musicien est visible. A ma droite est assis un ancien enseignant de collège et lycée qui prétend me connaître, à ma gauche un autre que connaît le premier. Ce dernier est atteint d’un tic de gorge. Il racle toutes les dix minutes.
Antony Hermus est semblable à lui-même, ventre en avant et sourire à lunettes. Il conduit d’abord la Symphonie numéro sept en si mineur dite Inachevée de Franz Schubert qui ne comporte que deux mouvements. Ce n’est pas le Schubert que je préfère. Aussi, contrairement à certains qui se désolent de la fin non écrite, je n’en veux pas à Schubert de l’avoir laissée dans un tiroir.
Quand le maestro revient sur scène, il est accompagné par le corniste Félix Dervaux, vingt-huit ans, premier cor solo de l’Orchestre Royal du Concertgebouw d’Amsterdam. Ce jeune homme en costume gris clair au faux air de Tintin donne un coup de vieux aux musiciens de l’Orchestre. Il joue sublimement sa partie du Concerto pour cor numéro un en mi bémol majeur de Richard Strauss. Le son du cor n’est pas forcément métallique, il peut être moelleux. Fort applaudi et rappelé plusieurs fois, il offre en bonus un solo qui lui permet des sons inusuels. « Il a une très bonne maîtrise de son cor », commente un homme derrière moi, c’était fatal.
Après l’entracte, c’est la Symphonie numéro sept en ré mineur d’Anton Dvořák. Les deux premiers mouvements ne m’emballent pas, mais le troisième quel plaisir, ainsi que le quatrième, pour lequel Antony Hermus se démène. A l’issue, il obtient un triomphe triomphal.
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Que pensent les musiciens de l’Orchestre lorsque joue devant eux un soliste de leur instrument qui les surpasse et qu’ils ne pourront jamais égaler ? Question que je me pose (me posais) à chaque fois. C’est quand même une humiliation publique.
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« Je me sens toujours le bienvenu à Rouen, avec des musiciens aussi fantastiques, un personnel très attentionné et un public très chaleureux ! J’y ai mes habitudes pour me promener dans la ville, prendre des cafés à mes adresses et piquer une tête dans la piscine quand j’en ai l’opportunité. », confie Antony Hermus à Vinciane Laumonier dans le livret programme.
En rentrant, j’essaie d’imaginer celui que celle qui m’accompagnait autrefois à l’Opéra de Rouen appelait le leprechaun piquant une tête dans la piscine.
9 juin 2018
Alerte orange dans l’Eure ce mercredi. Suite à l’énorme orage de la veille en amont, l’Iton doit sévèrement déborder à Evreux et dans les communes voisines. Des lieux publics sont fermés, des voitures et des animaux sont évacués. Je m’inquiète pour celle qui habite une petite maison au bord de cette rivière. Je tente de la joindre par téléphone mais elle ne répond pas et ne me rappelle pas. Je passe une mauvaise nuit, imaginant la maison complètement inondée, pour apprendre à mon lever que de débordement aucun.
En conséquence, c’est fatigué que je me rends à la gare de Rouen en ce jeudi de grève de cheminots afin d’y prendre le sept heures vingt-quatre pour Paris. La voix de la Senecefe souhaite bonne chance à tous ceux qui passent un examen et le train est à l’heure. Hélas, il est retenu en gare de Mantes-la-Jolie suite à un « signal radio ». De mauvaises langues suspectent des syndicalistes de Sud ou de la Cégété. Quand nous repartons, c’est pour emprunter l’itinéraire de remplacement par Conflans-Sainte-Honorine. Nous arrivons à Paris avec un retard de « trente minutes environ », ce qui évite la distribution d’imprimés de remboursement partiel du voyage.
Plus le temps de musarder avec le bus Vingt, je descends dans le métro Trois. Il est archi bondé. Dans la voiture où j’ai réussi à monter sont serrés comme sardines, mais stoïques, au moins deux classes de Cours Elémentaire. Quand ces bambins descendent à Havre-Caumartin, tout le monde veille à ce qu’il n’en reste aucun. Je change à Opéra et poursuis assis dans le Huit jusqu’à Ledru-Rollin.
J’ai un quart d’heure pour boire un café au Faubourg avant l’ouverture de Book-Off. J’y fais quelques petites affaires puis je traverse la rue du Faubourg Saint-Antoine afin de me réapprovisionner en carnets Muji.
A midi, je déjeune avenue Ledru-Rollin au Café Noisette d’un menu complet à seize euros (harengs pommes à l’huile, parmentier de canard, tiramisu au café) accompagné d’un quart de côtes-du-rhône à six euros. La cuisine est bonne et copieuse, la serveuse sympathique et jolie, le cadre agréable et calme, mais n’y mangent en même temps que moi qu’un duo de femmes et un homme seul.
Au moment de payer la serveuse me demande seize euros. Je lui dis qu’elle a oublié le vin. Elle me remercie. Elle doit penser que je suis honnête alors que ce n’est pas toujours le cas.
Il me faut un Guide du Routard Nord Pas de Calais un peu périmé mais pas trop. Pour cela, je marche vers le Quartier Latin. Épuisé, je fais une pause sur un banc dans le Jardin des Plantes face à la ménagerie, où je manque m’endormir. C’est fou le nombre de moutards scolarisés qui vont voir les singes et autres bestioles.
Pas de Routard Nord Pas de Calais en occasion chez Gibert Bleu, j’essaie sans plus de succès chez Boulinier dont les locaux sont de plus en plus dégradés et l’atmosphère étouffante. Mon dernier espoir est Gibert Jaune, où il faut ouvrir son sac à un vigile. « Ce sont des livres », lui dis-je en montrant les sacs en plastique qui les contiennent. Il me croit sur parole. Les Guides du Routard sont dehors, m’apprend un jeune homme nouvellement employé par la maison. Je ressors. J’ai la chance d’en trouver un du Nord Pas de Calais, neuf, mais datant de deux mille seize/dix-sept et pour cela à quatre euros soixante.
Le bus Vingt-Sept m’emmène à Opéra Quatre Septembre. Je bois un café au comptoir du Bistrot d’Edmond où on a malheureusement déroulé des écrans géants pour Roland Garros. Au second Book-Off, je trouve quelques livres pour alourdir mon sac. Pas de problème de train pour rentrer, le dix-sept heures quarante-huit est à quai, il part à l’heure, suit son chemin, est équipé d’un chef de bord de la rare espèce des anglophones et arrive quasiment sans retard à Rouen.
*
Parmi les livres à un euro rapportés de chez Book-Off : Journaux 1912-1940 de Stefan Zweig (Belfond).
*
Mon honnêteté est à géométrie variable. Si je range celle ou celui qui se trompe en ma faveur dans la catégorie des riches, je ne lui indique pas son erreur et m’empresse de disparaître avant qu’elle ou lui s’en aperçoive.
En conséquence, c’est fatigué que je me rends à la gare de Rouen en ce jeudi de grève de cheminots afin d’y prendre le sept heures vingt-quatre pour Paris. La voix de la Senecefe souhaite bonne chance à tous ceux qui passent un examen et le train est à l’heure. Hélas, il est retenu en gare de Mantes-la-Jolie suite à un « signal radio ». De mauvaises langues suspectent des syndicalistes de Sud ou de la Cégété. Quand nous repartons, c’est pour emprunter l’itinéraire de remplacement par Conflans-Sainte-Honorine. Nous arrivons à Paris avec un retard de « trente minutes environ », ce qui évite la distribution d’imprimés de remboursement partiel du voyage.
Plus le temps de musarder avec le bus Vingt, je descends dans le métro Trois. Il est archi bondé. Dans la voiture où j’ai réussi à monter sont serrés comme sardines, mais stoïques, au moins deux classes de Cours Elémentaire. Quand ces bambins descendent à Havre-Caumartin, tout le monde veille à ce qu’il n’en reste aucun. Je change à Opéra et poursuis assis dans le Huit jusqu’à Ledru-Rollin.
J’ai un quart d’heure pour boire un café au Faubourg avant l’ouverture de Book-Off. J’y fais quelques petites affaires puis je traverse la rue du Faubourg Saint-Antoine afin de me réapprovisionner en carnets Muji.
A midi, je déjeune avenue Ledru-Rollin au Café Noisette d’un menu complet à seize euros (harengs pommes à l’huile, parmentier de canard, tiramisu au café) accompagné d’un quart de côtes-du-rhône à six euros. La cuisine est bonne et copieuse, la serveuse sympathique et jolie, le cadre agréable et calme, mais n’y mangent en même temps que moi qu’un duo de femmes et un homme seul.
Au moment de payer la serveuse me demande seize euros. Je lui dis qu’elle a oublié le vin. Elle me remercie. Elle doit penser que je suis honnête alors que ce n’est pas toujours le cas.
Il me faut un Guide du Routard Nord Pas de Calais un peu périmé mais pas trop. Pour cela, je marche vers le Quartier Latin. Épuisé, je fais une pause sur un banc dans le Jardin des Plantes face à la ménagerie, où je manque m’endormir. C’est fou le nombre de moutards scolarisés qui vont voir les singes et autres bestioles.
Pas de Routard Nord Pas de Calais en occasion chez Gibert Bleu, j’essaie sans plus de succès chez Boulinier dont les locaux sont de plus en plus dégradés et l’atmosphère étouffante. Mon dernier espoir est Gibert Jaune, où il faut ouvrir son sac à un vigile. « Ce sont des livres », lui dis-je en montrant les sacs en plastique qui les contiennent. Il me croit sur parole. Les Guides du Routard sont dehors, m’apprend un jeune homme nouvellement employé par la maison. Je ressors. J’ai la chance d’en trouver un du Nord Pas de Calais, neuf, mais datant de deux mille seize/dix-sept et pour cela à quatre euros soixante.
Le bus Vingt-Sept m’emmène à Opéra Quatre Septembre. Je bois un café au comptoir du Bistrot d’Edmond où on a malheureusement déroulé des écrans géants pour Roland Garros. Au second Book-Off, je trouve quelques livres pour alourdir mon sac. Pas de problème de train pour rentrer, le dix-sept heures quarante-huit est à quai, il part à l’heure, suit son chemin, est équipé d’un chef de bord de la rare espèce des anglophones et arrive quasiment sans retard à Rouen.
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Parmi les livres à un euro rapportés de chez Book-Off : Journaux 1912-1940 de Stefan Zweig (Belfond).
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Mon honnêteté est à géométrie variable. Si je range celle ou celui qui se trompe en ma faveur dans la catégorie des riches, je ne lui indique pas son erreur et m’empresse de disparaître avant qu’elle ou lui s’en aperçoive.
8 juin 2018
Ce mardi soir, le nombre important d’enfants à l’Opéra de Rouen me rappelle que je ne vais pas seulement ouïr un concert du Poème Harmonique, il s’agit aussi d’un spectacle pour les susdits. Tandis que je prends connaissance du livret programme s’active déjà sur scène le comédien Stefano Amori tel un technicien brouillon. Commencer le spectacle avant le début du spectacle, l’idée fut novatrice il y a un certain temps.
Vincent Dumestre et ses musiciens du Poème Harmonique s’installent et s’accordent puis cela commence comme un concert de musique baroque ordinaire et cela m’ennuie comme souvent. Il faut croire que l’ennui est facilement associé à cette musique et que Vincent Dumestre est un brin masochiste car l’individu que joue Stefano Amori arpente la scène en regardant sa montre. Quand il se met à passer l’aspirateur, je crains le pire mais ensuite tout s’accélère et prend de l’épaisseur, l’orchestre abandonne son répertoire pour celui d’airs connus n’ayant rien à voir avec le baroque tandis que Stefano Amori prouve qu’il n’a pas fait l’Ecole Internationale Marcel Marceau et l’Ecole Nationale du Cirque Annie Fratellini pour rien.
Tout cela fait rire les enfants, sourire les adultes et suscite moult applaudissements, dont les miens.
Vincent Dumestre et ses musiciens du Poème Harmonique s’installent et s’accordent puis cela commence comme un concert de musique baroque ordinaire et cela m’ennuie comme souvent. Il faut croire que l’ennui est facilement associé à cette musique et que Vincent Dumestre est un brin masochiste car l’individu que joue Stefano Amori arpente la scène en regardant sa montre. Quand il se met à passer l’aspirateur, je crains le pire mais ensuite tout s’accélère et prend de l’épaisseur, l’orchestre abandonne son répertoire pour celui d’airs connus n’ayant rien à voir avec le baroque tandis que Stefano Amori prouve qu’il n’a pas fait l’Ecole Internationale Marcel Marceau et l’Ecole Nationale du Cirque Annie Fratellini pour rien.
Tout cela fait rire les enfants, sourire les adultes et suscite moult applaudissements, dont les miens.
7 juin 2018
Faut-il qu’il fasse beau pour que j’aille quand même, avec la quasi-certitude de n’y rien trouver, pédestrement, jusqu’au lointain quartier Saint-Julien, rive gauche de Rouen. A cette heure matutinale ne sont dans les rues que les alcoolisés du ouiquennede. Certains bousculent les grillages protégeant les travaux sur le pont Boïeldieu.
La rue Saint-Sever est elle aussi en travaux, près de l’église du même nom. Les arbres ont morflé dans ce quartier où je ne vais plus. Il faut ensuite remonter la longue rue Saint-Julien jusqu’au rond-point. Au-delà de celui-ci les déballeurs sont déjà plus ou moins installés. J’ai confirmation de mon intuition, point de livres à mon goût. A en juger par ceux montrés, les habitants du quartier semblent avoir des soucis familiaux, liés notamment à l’anorexie et à l’autisme.
Je m’acharne à parcourir deux fois l’ensemble du déballage puis renonce. Prêt à rentrer en métro, je découvre sans réelle surprise que le prochain est dans vingt minutes. J’y renonce et fais bien car place Clemenceau je rencontre un chasseur de vinyles avec qui c’est toujours agréable de parler.
Il rentre du même lieu que moi, près duquel il habite, quasiment bredouille. Craignant de ne pouvoir se garer au retour, il n’a pas pris sa voiture pour aller au marché dominical du Clos Saint-Marc. Nous traversons la Seine de concert puis remontons la rue de la République en devisant. Il est question de Jean-Jacques Lebel et du Living Theatre, puis de Cami qu’il vient de découvrir.
*
L’emmerdeur. Il demande à quelle heure ça ouvre le Son du Cor alors que c’est écrit midi sur la porte. Je le snobe. Un autre lui dit midi. Il n’a pas l’heure alors il se penche vers ma montre pour regarder. Pas de chance, elle n’a pas de chiffres mais les vingt-six lettres de l’alphabet. Il n’y comprend rien. Bon bah je vais ailleurs, qu’il dit.
*
Mes élèves de maternelle aimaient bien ma montre alphabet. Je me souviens d’une prénommée Wendy à Igoville qui, à la récréation, surveillait l’avance de la grande aiguille vers l’initiale de son nom.
-Quelle heure il est ?
-Wendy moins le quart.
*
Cette montre Akteo, je l’ai achetée pour mes cinquante ans. Elle a donc dix-sept ans, n’est tombée en panne qu’une fois.
La rue Saint-Sever est elle aussi en travaux, près de l’église du même nom. Les arbres ont morflé dans ce quartier où je ne vais plus. Il faut ensuite remonter la longue rue Saint-Julien jusqu’au rond-point. Au-delà de celui-ci les déballeurs sont déjà plus ou moins installés. J’ai confirmation de mon intuition, point de livres à mon goût. A en juger par ceux montrés, les habitants du quartier semblent avoir des soucis familiaux, liés notamment à l’anorexie et à l’autisme.
Je m’acharne à parcourir deux fois l’ensemble du déballage puis renonce. Prêt à rentrer en métro, je découvre sans réelle surprise que le prochain est dans vingt minutes. J’y renonce et fais bien car place Clemenceau je rencontre un chasseur de vinyles avec qui c’est toujours agréable de parler.
Il rentre du même lieu que moi, près duquel il habite, quasiment bredouille. Craignant de ne pouvoir se garer au retour, il n’a pas pris sa voiture pour aller au marché dominical du Clos Saint-Marc. Nous traversons la Seine de concert puis remontons la rue de la République en devisant. Il est question de Jean-Jacques Lebel et du Living Theatre, puis de Cami qu’il vient de découvrir.
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L’emmerdeur. Il demande à quelle heure ça ouvre le Son du Cor alors que c’est écrit midi sur la porte. Je le snobe. Un autre lui dit midi. Il n’a pas l’heure alors il se penche vers ma montre pour regarder. Pas de chance, elle n’a pas de chiffres mais les vingt-six lettres de l’alphabet. Il n’y comprend rien. Bon bah je vais ailleurs, qu’il dit.
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Mes élèves de maternelle aimaient bien ma montre alphabet. Je me souviens d’une prénommée Wendy à Igoville qui, à la récréation, surveillait l’avance de la grande aiguille vers l’initiale de son nom.
-Quelle heure il est ?
-Wendy moins le quart.
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Cette montre Akteo, je l’ai achetée pour mes cinquante ans. Elle a donc dix-sept ans, n’est tombée en panne qu’une fois.
6 juin 2018
Sorti repu du Ferry-Boat, je longe la mer pour arriver au Musée Malraux, MuMa de son petit nom. Ses portes sont grandes ouvertes et nulle somme n’est à débourser au guichet pour cause de premier samedi du mois. Mon sac déposé dans un casier translucide, je franchis la porte qui mène à l’exposition thématique Né(e)s de l’écume et des rêves. On y est accueilli par trois représentations de Vénus de l’époque des pompiers où elle est néanmoins agréable à regarder. Viennent ensuite des sirènes, divers animaux marins, des plantes aquatiques et quelques naïades. Cela sous forme de tableaux, photographies, dessins, sculptures, installations et vidéos. C’est une exposition intéressante dont j’élis quelques œuvres : Nautinus de Sandra Vasquez de la Horra montrant l’étreinte entre un poulpe et un humain de sexe indéterminé, l’étonnante Reine Victoria en coquillages de Pascal Désir Maisonneuve, Vers nulle part une vidéo de Simon Faithfull dans laquelle un homme vu de dos marche au fond de la mer la chemise gonflée par les eaux, les trois photos noir et blanc de Rogi André Jacqueline Lamba (la nymphe) où l’on voit celle-ci nageant nue, et la Femme poisson de Rodin à la bouche si évocatrice.
-Non on y va, dit une mère à sa fille dans les dix ans allongée sur le sol pour dessiner le Capitaine Nemo de Pierre et Gilles, on ne va pas passer l’après-midi ici.
A travers les rideaux qui permettent de distinguer les immeubles Perret sont visibles deux jeunes femmes sur un balcon. Elles prouvent qu’il n’est pas nécessaire d’être sur la plage pour ne porter qu’un bikini. Je les photographie à leur insu. Une sexagénaire me lance un regard courroucé. S’il y avait un signal d’alarme, elle le tirerait.
Après être repassé par la collection permanente qui s’ouvre sur des petits Boudin, je récupère mon sac à dos et vais musarder sur le quai puis sur la digue. Le port de plaisance est fort animé en mouvements de bateaux.
-Elle est contente hein ? dit un homme
-Bah, ça la change, répond sa femme
Ils parlent de leur chienne qui trotte devant eux.
Le chemin jusqu’à la gare me semble bien long. Près du but, je bois un diabolo menthe à l’une des rares tables à l’ombre de l’Hôtel Restaurant La Baraka. A la table voisine, malgré la présence de sa fille de cinq ans, une jeune divorcée drague un beau mec qui ne veut pas les accompagner à la plage.
-Il faut que je passe l’aspirateur et la serpillière, c’est crado chez moi.
-Si tu veux, moi je le fais ton ménage.
-Ok, je te donne les clés et je vais faire un tour, lui propose-t-il.
Elle veut bien faire son ménage mais en sa présence. Finalement, il les emmène elle et sa fille avec sa voiture. Elle passera l’aspirateur et lui la serpillière. Certaines femmes sont douées pour faire leur malheur.
En ce jour de grève de cheminots, le train de seize heures cinquante-quatre pour Rouen, qui doit aller jusqu’à Paris, est en panne. Un deuxième le remplace. Quand tout le monde y est installé, la Senecefe s’aperçoit qu’il n’y aura pas assez de place pour les voyageurs qui monteront à Vernon et à Mantes-la-Jolie. Tout le monde doit descendre et s’installer dans un troisième. Cela ne fait qu’un quart d’heure de retard au départ et à l’arrivée.
Le collectif « Rouen dans la rue » a bien réussi son coup avec la Grande Braderie. Me frayer un chemin jusqu’à chez moi dans la foule avide de se fringuer à moindre prix est une épreuve dont je sors indemne et énervé.
*
Sur les cartels du MuMa, on nomme les artistes par leur vrai nom : Rudolf Gustav Maria Ernst Ubach dit Raoul Ubac, Emmanuel Radnitsky dit Man Ray.
-Non on y va, dit une mère à sa fille dans les dix ans allongée sur le sol pour dessiner le Capitaine Nemo de Pierre et Gilles, on ne va pas passer l’après-midi ici.
A travers les rideaux qui permettent de distinguer les immeubles Perret sont visibles deux jeunes femmes sur un balcon. Elles prouvent qu’il n’est pas nécessaire d’être sur la plage pour ne porter qu’un bikini. Je les photographie à leur insu. Une sexagénaire me lance un regard courroucé. S’il y avait un signal d’alarme, elle le tirerait.
Après être repassé par la collection permanente qui s’ouvre sur des petits Boudin, je récupère mon sac à dos et vais musarder sur le quai puis sur la digue. Le port de plaisance est fort animé en mouvements de bateaux.
-Elle est contente hein ? dit un homme
-Bah, ça la change, répond sa femme
Ils parlent de leur chienne qui trotte devant eux.
Le chemin jusqu’à la gare me semble bien long. Près du but, je bois un diabolo menthe à l’une des rares tables à l’ombre de l’Hôtel Restaurant La Baraka. A la table voisine, malgré la présence de sa fille de cinq ans, une jeune divorcée drague un beau mec qui ne veut pas les accompagner à la plage.
-Il faut que je passe l’aspirateur et la serpillière, c’est crado chez moi.
-Si tu veux, moi je le fais ton ménage.
-Ok, je te donne les clés et je vais faire un tour, lui propose-t-il.
Elle veut bien faire son ménage mais en sa présence. Finalement, il les emmène elle et sa fille avec sa voiture. Elle passera l’aspirateur et lui la serpillière. Certaines femmes sont douées pour faire leur malheur.
En ce jour de grève de cheminots, le train de seize heures cinquante-quatre pour Rouen, qui doit aller jusqu’à Paris, est en panne. Un deuxième le remplace. Quand tout le monde y est installé, la Senecefe s’aperçoit qu’il n’y aura pas assez de place pour les voyageurs qui monteront à Vernon et à Mantes-la-Jolie. Tout le monde doit descendre et s’installer dans un troisième. Cela ne fait qu’un quart d’heure de retard au départ et à l’arrivée.
Le collectif « Rouen dans la rue » a bien réussi son coup avec la Grande Braderie. Me frayer un chemin jusqu’à chez moi dans la foule avide de se fringuer à moindre prix est une épreuve dont je sors indemne et énervé.
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Sur les cartels du MuMa, on nomme les artistes par leur vrai nom : Rudolf Gustav Maria Ernst Ubach dit Raoul Ubac, Emmanuel Radnitsky dit Man Ray.
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