Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
3 juillet 2025
Lundi est le jour où la chaleur finit par atteindre Rouen. Je la sens déjà bien quand en début d’après-midi, je lis au Son du Cor où je dois changer deux fois de place pour fuir une fille soûlante. Je la sens encore plus en début de soirée au jardin où je termine Correspondances croisées, les lettres reçues et envoyées par Pierre Belfond, un pavé de neuf cent dix pages édité « à ses dépens » uniquement pour ses correspondants.
Cette chaleur pesante me conduit à annuler mes billets de train du mercredi deux juillet. Dans la capitale, côté température, c’est pire depuis plusieurs jours. Le sous-sol du Book-Off de Saint-Martin doit être une étuve.
Je suis tenté de remplacer cette journée à Paris par une journée à Dieppe. J’y renonce quand j’apprends que le temps va changer ce mercredi avec possibilité d’orages en Seine-Maritime.
Mon ordinateur ressuscité me permet d’organiser mon automne ailleurs. Ce qui n’est pas simple, un hébergement, puis un autre, annoncés libres ne l’étant pas.
*
Chacun se plaint du dérèglement climatique. Chacun contribue à l’aggraver. Comme si la plupart des humains avaient fait le choix du suicide collectif. Un exemple local : By Me, le coiffeur de la rue de la Champmeslé utilise deux climatiseurs mobiles dont par la porte entrouverte les tuyaux crachent la chaleur (déjà l’an dernier, il faisait ainsi). Autre exemple local : L'Échappoterie, le café atelier de peinture sur céramique de la rue d’Amiens fait de même avec un seul climatiseur, bien que fréquenté par une jeunesse (surtout féminine) tenant sans doute de beaux discours écolos. Une pratique que la loi interdit mais qui n’est sanctionnée par personne.
Cette chaleur pesante me conduit à annuler mes billets de train du mercredi deux juillet. Dans la capitale, côté température, c’est pire depuis plusieurs jours. Le sous-sol du Book-Off de Saint-Martin doit être une étuve.
Je suis tenté de remplacer cette journée à Paris par une journée à Dieppe. J’y renonce quand j’apprends que le temps va changer ce mercredi avec possibilité d’orages en Seine-Maritime.
Mon ordinateur ressuscité me permet d’organiser mon automne ailleurs. Ce qui n’est pas simple, un hébergement, puis un autre, annoncés libres ne l’étant pas.
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Chacun se plaint du dérèglement climatique. Chacun contribue à l’aggraver. Comme si la plupart des humains avaient fait le choix du suicide collectif. Un exemple local : By Me, le coiffeur de la rue de la Champmeslé utilise deux climatiseurs mobiles dont par la porte entrouverte les tuyaux crachent la chaleur (déjà l’an dernier, il faisait ainsi). Autre exemple local : L'Échappoterie, le café atelier de peinture sur céramique de la rue d’Amiens fait de même avec un seul climatiseur, bien que fréquenté par une jeunesse (surtout féminine) tenant sans doute de beaux discours écolos. Une pratique que la loi interdit mais qui n’est sanctionnée par personne.
1er juillet 2025
Un écran noir et rien qui se passe, tel est l’état de mon ordinateur depuis son retour de Colmar. Il n’a pourtant subi aucun choc durant le voyage. Comment en trouver un autre quand on a besoin d’un pour cela. Je lance deux ou trois appels à l’aide dans le voisinage. Nul n’en a un de disponible.
Bien sûr, je dois dans le même temps faire face aux contingences du retour à la vie normale. Vendredi à neuf heures je passe à la Pharmacie du Centre où j’apprends que mon indispensable collyre destiné à retarder mon glaucome est indisponible. Rupture chez le fournisseur, on ne peut pas le commander. Quand même, le pharmacien, grâce à son ordinateur, m’apprend qu’il en reste un flacon à la Pharmacie de la Gare et trois à celle de Jouvenet. Il appelle la première pour qu’on le mette de côté pour moi. J’y monte et me voilà tranquille pour un mois mais après ?
L’avantage d’habiter à Rouen, c’est que je me trouve sur l’étroite bande de territoire qui reste verte sur la carte de la météo. Il n’y fait pas trop chaud, surtout en comparaison de ce que j’ai subi en Alsace. Le soir venu, je tente une dernière fois de mettre en route mon vieil ordinateur. Il redémarre, comme une fleur, rien à y comprendre.
Samedi matin, au lieu d’aller au Marché des Emmurées me ravitailler en fruits et légumes, je trouve plus nécessaire d’aller à la vente de livres d’occasion du Secours Populaire au Centre Commercial des Docks. J’y trouve quelques livres dont je ferai commerce et deux que je lirai un jour j’espère : La dédicace de Botho Strauss (Gallimard) et Souvenirs sur Igor Strawinsky de Ramuz (Séquences). Au retour, je dois faire avec trois clochards malodorants qui profitent du bus gratuit. Se cramponnant à la barre, déjà saouls, ils vont boire.
Dimanche matin, rue de la République, tandis que des filles saoules se courent après, j’attends le bus Effe Un de sept heures treize (le premier de la journée). Il se remplit en cours de route de celles et ceux qui vont au même endroit que moi. Tout le monde descend à Mairie de Bois-Guillaume. De là, il faut marcher un moment avant d’arriver au vide-greniers organisé par le cleube de foute de la ville. Autrefois, c’était un bon pour ce qui est de trouver des livres.
Encore trop peu d’exposants sont installés à huit heures trente quand j’en ai fait le tour, une partie sur un terrain défoncé à se faire une entorse, l’autre sur un terrain de foute. L’organisation est tellement tatillonne qu’ils doivent attendre une heure, moteur tournant, avant de pouvoir déballer. Vraiment rien pour moi. Je m’apprête à rentrer quand je repère l’album Les Chats de Dubout chez Hoebeke. Je n’ai pas envie de l’acheter mais quand je demande le prix à sa vendeuse et qu’elle me dit deux euros, j’ouvre mon porte-monnaie. Et voilà un livre de plus. J’aime le dessin de couverture qui montre un chat de dos et son orifice anal. Il me rappelle un chat que j’ai eu au temps où j’étais marié : Trouduc.
Revenu à Rouen, je me rends au Marché du Clos Saint-Marc pour y acheter un neufchâtel. Un homme pose sa mini-bicyclette contre le trottoir au carrefour de la rue Martainville et de la rue Victor-Hugo. Il sort un marqueur rose et se met à écrire sur une des bandes blanches du passage piétonnier en chantonnant « Je suis Tonton. Je suis Tonton. Je suis pas net. Je suis pas net. » Je sais maintenant qui est celui qui écrit « Tonton, pas nèt » partout en ville depuis des mois, sur les murs, sur les sols, sur le mobilier urbain. Pour passer inaperçu, il porte une casquette à carreaux, un pantalon orange et des lunettes rouges.
*
A la boulangerie, une femme en surpoids (comme on dit) demande un pain bio, puis au moment de payer : « Et mettez-moi aussi la viennoise au chocolat. » A peine sortie, elle la mange goulûment.
*
Tandis que je lis Le Couteau de Salman Rushdie au Son du Cor passe une fille avec un mini-ventilateur coincé entre les seins. Un peu plus tard, à la table voisine de la mienne, une lycéenne interrompt sa conversation pour dire « Bonjour Madame » à une qui passe. La Madame en question est une de ses profs qui lui demande à quelle heure les résultats demain. Elles ont une courte conversation. Quand la prof s’éloigne, la lycéenne à celui avec qui elle boit un verre : « Je la déteste. »
Bien sûr, je dois dans le même temps faire face aux contingences du retour à la vie normale. Vendredi à neuf heures je passe à la Pharmacie du Centre où j’apprends que mon indispensable collyre destiné à retarder mon glaucome est indisponible. Rupture chez le fournisseur, on ne peut pas le commander. Quand même, le pharmacien, grâce à son ordinateur, m’apprend qu’il en reste un flacon à la Pharmacie de la Gare et trois à celle de Jouvenet. Il appelle la première pour qu’on le mette de côté pour moi. J’y monte et me voilà tranquille pour un mois mais après ?
L’avantage d’habiter à Rouen, c’est que je me trouve sur l’étroite bande de territoire qui reste verte sur la carte de la météo. Il n’y fait pas trop chaud, surtout en comparaison de ce que j’ai subi en Alsace. Le soir venu, je tente une dernière fois de mettre en route mon vieil ordinateur. Il redémarre, comme une fleur, rien à y comprendre.
Samedi matin, au lieu d’aller au Marché des Emmurées me ravitailler en fruits et légumes, je trouve plus nécessaire d’aller à la vente de livres d’occasion du Secours Populaire au Centre Commercial des Docks. J’y trouve quelques livres dont je ferai commerce et deux que je lirai un jour j’espère : La dédicace de Botho Strauss (Gallimard) et Souvenirs sur Igor Strawinsky de Ramuz (Séquences). Au retour, je dois faire avec trois clochards malodorants qui profitent du bus gratuit. Se cramponnant à la barre, déjà saouls, ils vont boire.
Dimanche matin, rue de la République, tandis que des filles saoules se courent après, j’attends le bus Effe Un de sept heures treize (le premier de la journée). Il se remplit en cours de route de celles et ceux qui vont au même endroit que moi. Tout le monde descend à Mairie de Bois-Guillaume. De là, il faut marcher un moment avant d’arriver au vide-greniers organisé par le cleube de foute de la ville. Autrefois, c’était un bon pour ce qui est de trouver des livres.
Encore trop peu d’exposants sont installés à huit heures trente quand j’en ai fait le tour, une partie sur un terrain défoncé à se faire une entorse, l’autre sur un terrain de foute. L’organisation est tellement tatillonne qu’ils doivent attendre une heure, moteur tournant, avant de pouvoir déballer. Vraiment rien pour moi. Je m’apprête à rentrer quand je repère l’album Les Chats de Dubout chez Hoebeke. Je n’ai pas envie de l’acheter mais quand je demande le prix à sa vendeuse et qu’elle me dit deux euros, j’ouvre mon porte-monnaie. Et voilà un livre de plus. J’aime le dessin de couverture qui montre un chat de dos et son orifice anal. Il me rappelle un chat que j’ai eu au temps où j’étais marié : Trouduc.
Revenu à Rouen, je me rends au Marché du Clos Saint-Marc pour y acheter un neufchâtel. Un homme pose sa mini-bicyclette contre le trottoir au carrefour de la rue Martainville et de la rue Victor-Hugo. Il sort un marqueur rose et se met à écrire sur une des bandes blanches du passage piétonnier en chantonnant « Je suis Tonton. Je suis Tonton. Je suis pas net. Je suis pas net. » Je sais maintenant qui est celui qui écrit « Tonton, pas nèt » partout en ville depuis des mois, sur les murs, sur les sols, sur le mobilier urbain. Pour passer inaperçu, il porte une casquette à carreaux, un pantalon orange et des lunettes rouges.
*
A la boulangerie, une femme en surpoids (comme on dit) demande un pain bio, puis au moment de payer : « Et mettez-moi aussi la viennoise au chocolat. » A peine sortie, elle la mange goulûment.
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Tandis que je lis Le Couteau de Salman Rushdie au Son du Cor passe une fille avec un mini-ventilateur coincé entre les seins. Un peu plus tard, à la table voisine de la mienne, une lycéenne interrompt sa conversation pour dire « Bonjour Madame » à une qui passe. La Madame en question est une de ses profs qui lui demande à quelle heure les résultats demain. Elles ont une courte conversation. Quand la prof s’éloigne, la lycéenne à celui avec qui elle boit un verre : « Je la déteste. »
30 juin 2025
Le soir de mon retour de Colmar, dépité par ce qui arrive à mon ordinateur, je me couche tôt et m’endors. Vers dix heures, je suis réveillé par des bruits bizarres en provenance du jardin. Je regarde par la fenêtre. La vieille voisine d’origine anglaise du duplex de deuxième et troisième étages en face du mien jette tout par la fenêtre du troisième.
Cette femme a toujours été étrange. Une quinzaine d’années qu’elle est là, derrière ses fenêtres aux rideaux toujours fermés au deuxième et obturées par des cartons au troisième. Elle ne sort que le soir, et surtout la nuit, comme ses chats.
Je ne la vois pas. Elle jette. Je me dis qu’un(e) voisin(e) a déjà appelé les Pompiers ou la Police. La fille de cette dame arrive en compagnie d’une amie à elle. Elle crie : « Cette fois, c’est l’HP, c’est l’HP ! »
Elle ne monte pas. Elle fait des photos et filme. Plusieurs fois, j’ai vu cette fille brusquer sa mère. On ne peut pas dire que ce soit un modèle d’amour filial. Elle est au téléphone avec je ne sais qui. « T’as entendu ? T’as entendu ? » Un objet en verre vient de se casser en arrivant au sol.
Elle finit par monter. Une voisine et son fils sortent. La vieille femme descend. Le fils de la voisine lui crie qu’elle pouvait blesser quelqu’un ou tuer un de ses chats. Si elle avait jeté des oreillers ou ses vêtements, cela aurait été aussi grave, me dis-je. Personne ne semble prendre conscience qu’on a affaire à une malade en pleine crise. Je fais le Dix-Huit.
Je tombe sur un centre d’appel où celui qui me répond met un certain temps à situer l’endroit. Il me demande ce que fait la fille de cette dame. « Elle lui crie dessus. » Ma vieille voisine ramasse ce qu’elle a jeté par la fenêtre et le met dans la poubelle. « T’es en train de ruiner le tri des déchets. » « Si tu veux jeter du papier, il faut aller rue de la République. » « Je vais transférer votre appel à la Police, ne quittez pas », me dit le Pompier.
Suit une musique classique qui s’éternise. C’est le même Pompier qui reprend la conversation. Il me dit que quelqu’un d’autre a appelé et que comme la famille est sur place le Samu arrive.
Deux grands costauds. « C’est vous ? » dit l’un à l’amie de la fille. Elle fait un bond en arrière. La vieille voisine a regagné son appartement. Ils montent avec la fille. Au bout d’un moment, la fille redescend. « Je vais partir avec eux, dit-elle, sinon elle va leur raconter n’importe quoi et ils vont la relâcher. »
La vieille voisine se laisse emmener. L’amie de la fille et le fils de la voisine mettent dans les poubelles tout ce qui a été jeté, dont un ordinateur qui m’aurait été utile.
*
Au matin du vendredi, les chats sont toujours dehors, des plastiques sont accrochés aux fenêtres du voisin du premier absent, la fenêtre par laquelle tout a été jeté est restée ouverte malgré la pluie, des objets bouchent la gouttière.
Cette femme a toujours été étrange. Une quinzaine d’années qu’elle est là, derrière ses fenêtres aux rideaux toujours fermés au deuxième et obturées par des cartons au troisième. Elle ne sort que le soir, et surtout la nuit, comme ses chats.
Je ne la vois pas. Elle jette. Je me dis qu’un(e) voisin(e) a déjà appelé les Pompiers ou la Police. La fille de cette dame arrive en compagnie d’une amie à elle. Elle crie : « Cette fois, c’est l’HP, c’est l’HP ! »
Elle ne monte pas. Elle fait des photos et filme. Plusieurs fois, j’ai vu cette fille brusquer sa mère. On ne peut pas dire que ce soit un modèle d’amour filial. Elle est au téléphone avec je ne sais qui. « T’as entendu ? T’as entendu ? » Un objet en verre vient de se casser en arrivant au sol.
Elle finit par monter. Une voisine et son fils sortent. La vieille femme descend. Le fils de la voisine lui crie qu’elle pouvait blesser quelqu’un ou tuer un de ses chats. Si elle avait jeté des oreillers ou ses vêtements, cela aurait été aussi grave, me dis-je. Personne ne semble prendre conscience qu’on a affaire à une malade en pleine crise. Je fais le Dix-Huit.
Je tombe sur un centre d’appel où celui qui me répond met un certain temps à situer l’endroit. Il me demande ce que fait la fille de cette dame. « Elle lui crie dessus. » Ma vieille voisine ramasse ce qu’elle a jeté par la fenêtre et le met dans la poubelle. « T’es en train de ruiner le tri des déchets. » « Si tu veux jeter du papier, il faut aller rue de la République. » « Je vais transférer votre appel à la Police, ne quittez pas », me dit le Pompier.
Suit une musique classique qui s’éternise. C’est le même Pompier qui reprend la conversation. Il me dit que quelqu’un d’autre a appelé et que comme la famille est sur place le Samu arrive.
Deux grands costauds. « C’est vous ? » dit l’un à l’amie de la fille. Elle fait un bond en arrière. La vieille voisine a regagné son appartement. Ils montent avec la fille. Au bout d’un moment, la fille redescend. « Je vais partir avec eux, dit-elle, sinon elle va leur raconter n’importe quoi et ils vont la relâcher. »
La vieille voisine se laisse emmener. L’amie de la fille et le fils de la voisine mettent dans les poubelles tout ce qui a été jeté, dont un ordinateur qui m’aurait été utile.
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Au matin du vendredi, les chats sont toujours dehors, des plastiques sont accrochés aux fenêtres du voisin du premier absent, la fenêtre par laquelle tout a été jeté est restée ouverte malgré la pluie, des objets bouchent la gouttière.
28 juin 2025
De mes deux craintes principales en cette journée de retour à Rouen, la première est celle d’un orage au moment du départ. Un fort coup de vent vers deux heures du matin, des nuages noirs au lever du jour, mais rien encore quand avec le bus F je rejoins la Gare de Colmar. Ouf !
La seconde est aussi liée à des orages, à celui d’hier et à celui de la semaine dernière à Rouen, tous deux violents qui pourraient avoir endommagé mon appartement. Je redoute la grêle car la petite chambre est dotée d’un vasistas à la vitre fragile. Qu’en sera-t-il ?
J’ai d’autres craintes que je n’énumère pas. Jamais je ne voyage décontracté.
Je rentre ce jeudi avec le Tégévé pour Paris de dix heures une. Pour quelques euros de plus, j’ai une place en première, voiture Deux, place Douze, siège isolé. Avant de quitter mon logis Air Bibi de la rue Charles Grad, j’ai fait un semblant de ménage. La tactique est de ne rien salir pour n’avoir rien à nettoyer. Et, ce qui me semble curieux, mais j’ai obéi au désir de ma logeuse, j’ai mis les draps et serviettes dans la baignoire. Bien logé j’étais. Certes un peu excentré, mais c’était gérable et pour un prix me convenant, trente et un euros la nuit, grâce à la réduction de moitié pour occupation d’un mois.
Je suis en avance. Jamais je ne peux m’attarder dans un appartement que je dois quitter. Je trouve refuge à l’Espace Côté Ouest. Comme à mon arrivée, il y a plus d’un mois. Ce matin, par bonheur, pas de musique pendant mon allongé verre d’eau croissant à trois euros soixante.
Sur la voie d’à côté, le petit train Fluo pour Metzeral laisse tourner son moteur diesel. Le Tégévé arrive de Paris. Il repart dans l’autre sens. Je suis du bon côté pour voir une dernière fois l’église Saint-Joseph, les villages de la Route du Vin, les châteaux de Ribeauvillé et le Haut-Koenigsbourg. Le chef de bord annonce que le train allemand avec lequel le nôtre doit s’accoupler à Strasbourg aura un retard de quinze minutes, lequel sera sexuellement transmissible au nôtre (j'image son propos fort décent). Nous stagnons donc à Strasbourg, moins qu’annoncé.
Une femme montée au dernier moment croque dans une baguette tradition et ça y est on va bientôt à fond vers Paris et vers le gris. « Combattez l’ennui en vous connectant au réseau ouifi » La femme à la baguette se plaint au chef de bord. On lui a envoyé un message avec un quart d’heure de retard, alors qu’il n’y en avait que dix, et donc elle a failli manquer son train. « Même quand tu réussis à diminuer le retard, tu te fais engueuler », commente le chef de bord. Elle porte un ticheurte Life Is Beautiful.
Elle en est déjà à la moitié de sa baguette quand je commence mon pan bagnat au thon de chez Éric Colle (quatre euros vingt). Cinq minutes seulement de retard à Paris et plus qu’un petit bout de baguette. Notre chef de bord fait son numéro de petit rigolo : il espère que tout s’est passé trainquillement et que notre voyage sera inouibliable.
J’ai deux heures pour aller de la Gare de l’Est à la Gare Saint-Lazare. C’est bien trop, et aucun endroit où boire un café à Saint-Laz depuis la fermeture d’A la Ville d’Argentan, mais c’était risqué de réserver dans le treize heures quarante. Pendant que j’attends le quatorze heures quarante passe la Députée pour qui j’ai voté, avec son sac à tout de l’Assemblée Nationale, qu’on sache bien que … Le téléphone greffé à l’oreille, elle se dirige vers les taxis.
Mon train Nomad est affiché à l’heure. Je trouve place dans la voiture Cinq. Il fait frais à Rouen. Arrivé à la maison, je monte à l’étage avec appréhension. Ouf !
Malheureusement, un souci imprévu marque mon retour : écran noir pour mon ordinateur portable (celui du bureau est hors d’usage depuis longtemps). Me voilà mal.
*
Colmar, Rouffach, Munster, Metzeral, Sélestat, Ribeauvillé, Muhlbach-sur-Munster, Wintzenheim, Turckheim, Ingersheim, Riquewihr, Hunawihr, Zellenberg, Kaysersberg, Katzenthal, Orbey, Le Bonhomme, Lapoutroie, Col de la Schlucht, Kientzheim, Eguisheim, Saint-Hippolyte, Bergheim, Grand Ballon, Gérardmer, Gueberschwihr, Colmar.
La seconde est aussi liée à des orages, à celui d’hier et à celui de la semaine dernière à Rouen, tous deux violents qui pourraient avoir endommagé mon appartement. Je redoute la grêle car la petite chambre est dotée d’un vasistas à la vitre fragile. Qu’en sera-t-il ?
J’ai d’autres craintes que je n’énumère pas. Jamais je ne voyage décontracté.
Je rentre ce jeudi avec le Tégévé pour Paris de dix heures une. Pour quelques euros de plus, j’ai une place en première, voiture Deux, place Douze, siège isolé. Avant de quitter mon logis Air Bibi de la rue Charles Grad, j’ai fait un semblant de ménage. La tactique est de ne rien salir pour n’avoir rien à nettoyer. Et, ce qui me semble curieux, mais j’ai obéi au désir de ma logeuse, j’ai mis les draps et serviettes dans la baignoire. Bien logé j’étais. Certes un peu excentré, mais c’était gérable et pour un prix me convenant, trente et un euros la nuit, grâce à la réduction de moitié pour occupation d’un mois.
Je suis en avance. Jamais je ne peux m’attarder dans un appartement que je dois quitter. Je trouve refuge à l’Espace Côté Ouest. Comme à mon arrivée, il y a plus d’un mois. Ce matin, par bonheur, pas de musique pendant mon allongé verre d’eau croissant à trois euros soixante.
Sur la voie d’à côté, le petit train Fluo pour Metzeral laisse tourner son moteur diesel. Le Tégévé arrive de Paris. Il repart dans l’autre sens. Je suis du bon côté pour voir une dernière fois l’église Saint-Joseph, les villages de la Route du Vin, les châteaux de Ribeauvillé et le Haut-Koenigsbourg. Le chef de bord annonce que le train allemand avec lequel le nôtre doit s’accoupler à Strasbourg aura un retard de quinze minutes, lequel sera sexuellement transmissible au nôtre (j'image son propos fort décent). Nous stagnons donc à Strasbourg, moins qu’annoncé.
Une femme montée au dernier moment croque dans une baguette tradition et ça y est on va bientôt à fond vers Paris et vers le gris. « Combattez l’ennui en vous connectant au réseau ouifi » La femme à la baguette se plaint au chef de bord. On lui a envoyé un message avec un quart d’heure de retard, alors qu’il n’y en avait que dix, et donc elle a failli manquer son train. « Même quand tu réussis à diminuer le retard, tu te fais engueuler », commente le chef de bord. Elle porte un ticheurte Life Is Beautiful.
Elle en est déjà à la moitié de sa baguette quand je commence mon pan bagnat au thon de chez Éric Colle (quatre euros vingt). Cinq minutes seulement de retard à Paris et plus qu’un petit bout de baguette. Notre chef de bord fait son numéro de petit rigolo : il espère que tout s’est passé trainquillement et que notre voyage sera inouibliable.
J’ai deux heures pour aller de la Gare de l’Est à la Gare Saint-Lazare. C’est bien trop, et aucun endroit où boire un café à Saint-Laz depuis la fermeture d’A la Ville d’Argentan, mais c’était risqué de réserver dans le treize heures quarante. Pendant que j’attends le quatorze heures quarante passe la Députée pour qui j’ai voté, avec son sac à tout de l’Assemblée Nationale, qu’on sache bien que … Le téléphone greffé à l’oreille, elle se dirige vers les taxis.
Mon train Nomad est affiché à l’heure. Je trouve place dans la voiture Cinq. Il fait frais à Rouen. Arrivé à la maison, je monte à l’étage avec appréhension. Ouf !
Malheureusement, un souci imprévu marque mon retour : écran noir pour mon ordinateur portable (celui du bureau est hors d’usage depuis longtemps). Me voilà mal.
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Colmar, Rouffach, Munster, Metzeral, Sélestat, Ribeauvillé, Muhlbach-sur-Munster, Wintzenheim, Turckheim, Ingersheim, Riquewihr, Hunawihr, Zellenberg, Kaysersberg, Katzenthal, Orbey, Le Bonhomme, Lapoutroie, Col de la Schlucht, Kientzheim, Eguisheim, Saint-Hippolyte, Bergheim, Grand Ballon, Gérardmer, Gueberschwihr, Colmar.
26 juin 2025
Assis sur le muret de la boutique bio à côté de la Boulangerie Eric Colle, tandis que je mange mon pain au chocolat et bois mon café long, j’observe les habituels clients du petit matin : des hommes seuls, venus en voiture, habillés de façon négligée, peut-être pas lavés. Ils repartent avec leur baguette et leur tristesse. Dans le ciel, les deux montgolfières volent plus haut que d’habitude. La journée va être très chaude.
Je vais attendre le bus F de sept heures trois. Passe un adepte de la marche sportive. De sa boîte à musique sort Mon enfance de Jacques Brel Et la guerre arriva. Bizarre de se donner ça comme source d’énergie. Les cigognes du Bar du Marché en claquent du bec.
C’est mon dernier tour de ville à Colmar. Pas de matinaux pour me gêner ce mercredi, mais les poubelles sont de sortie et le soleil aussi évidemment. Photographier un bâtiment moitié à l’ombre moitié au soleil donne un résultat décevant.
Je ne rate pas la Maison des Têtes au sommet de laquelle est la statue d’un tonnelier due à Bartholdi (c’est aujourd’hui un Hôtel Relais & Châteaux cinq étoiles avec Restaurant Eric Girardin, un menu du jour entrée plat dessert au prix raisonnable de vingt-neuf euros), ni l’Ancienne Douane ou Koïfhus et sa toiture bourguignonne avec derrière la Fontaine Schwendi et sa statue due à Bartholdi, ni les « ici est né » « ici a vécu » Martin Schongauer et Jean Rapp.
Quand sonne huit heures à la Collégiale, je m’installe à la terrasse du Jupiter Café où je fais le point à l’aide de mon vieux Guide du Routard. Je n’ai pas tout vu de Colmar mais il fait déjà trop chaud pour que je poursuive ma visite. Je me contente d’entrer dans la Collégiale en grès jaune de Rouffach, « intérieur assez sobre et plutôt sombre », comme dit le Routard pour qui les rues qui l’entourent sont « agréables, fraîches et vivantes ». Fraîches ?
Ensuite, seconde terrasse de la matinée, une dernière fois au Café Rapp sur la place Rapp partiellement entourée de barrières. « Je crois qu’ils préparent le 14 juillet », dit la serveuse à une cliente. « Si tôt ? » « Oui, si tôt. » Encore un témoignage de la lenteur des gens de l’Est. Un quatuor composé de deux vieux couples me voisine. Les deux hommes prennent un café, les femmes rien ça ira comme ça. L’une est en communication avec sa petite-fille qui doit avoir dans les douze treize ans, si j’en juge par l’image. « C’est sur Ouate Sape que tu es là ? » « Nous on est à Colmar, tu regardes sur ton portable, c’est très joli » et elle épelle Colmar. Je reprends Balzac, Lettres à Madame Hanska Les billets de mille francs s’envolent comme des hirondelles. J’arrive au cahier photo du milieu du livre quand je cesse de lire. J’espère le reprendre en septembre, je ne sais où.
A midi, je retrouve la même table que l’autre jour, réservée cette fois via le réseau social Effe Bé, à la winstub Au Cygne, dans le jardin, à l’ombre. C’est la fille de la maison qui doit avoir dans les treize quatorze ans qui prend ma commande (nous sommes mercredi) : tomates farcies à la niçoise, assiette de viande froide (poulet, porc, veau) pommes grenailles et crudités, mousse glacée passion et un quart d’edelzwicker.
Derrière moi, une fille fête la fin de l’année scolaire avec quelqu’un de sa famille. Sa grand-mère a Alzheimer, sa mère qui a quarante et un an est prise en charge par les services sociaux, son frère est dans un foyer et son oncle, pas très net non plus. « Je suis passé entre les mailles du filet, si j’avais grandi dans cette famille, je ne sais pas ce que je serais devenue. » Elle vient de terminer ses études d’éducatrice.
A ma gauche, deux anciens chefs de chantier qui ont bossé là-haut, aux Trois Epis (où je n’ai pu aller faute d’horaire adapté du car Fluo), à la Mutuelle Générale de l’Education Nationale. « Oh la la, ça y allait ! » Ils draguaient toutes les profs déprimées. D’ailleurs, elles n’étaient pas déprimées. Elles venaient passer des vacances. « Ah la la, ce qu’on a pu faire ! »
Je rentre sous un soleil implacable (comme on dit). De toutes les journées les plus chaudes de la semaine, celle-là est la plus chaude.
*
Couples de Japonais : c’est toujours la dame qui porte une ombrelle, l’homme se contente d’un chapeau de paille, ou de rien.
*
Dans le passage souterrain de la voie ferrée, un tout nouveau graffiti : « Tout travail m’irrite sa mère ».
*
Balzac à Madame Hanska : Vous ne savez pas, car je ne crois pas vous l’avoir dit, que j’ai dit à ma famille, que je ne voulais recevoir personne, pas même eux, rue Fortunée, c’est accepté, je suis très heureux de ce résultat.
Je vais attendre le bus F de sept heures trois. Passe un adepte de la marche sportive. De sa boîte à musique sort Mon enfance de Jacques Brel Et la guerre arriva. Bizarre de se donner ça comme source d’énergie. Les cigognes du Bar du Marché en claquent du bec.
C’est mon dernier tour de ville à Colmar. Pas de matinaux pour me gêner ce mercredi, mais les poubelles sont de sortie et le soleil aussi évidemment. Photographier un bâtiment moitié à l’ombre moitié au soleil donne un résultat décevant.
Je ne rate pas la Maison des Têtes au sommet de laquelle est la statue d’un tonnelier due à Bartholdi (c’est aujourd’hui un Hôtel Relais & Châteaux cinq étoiles avec Restaurant Eric Girardin, un menu du jour entrée plat dessert au prix raisonnable de vingt-neuf euros), ni l’Ancienne Douane ou Koïfhus et sa toiture bourguignonne avec derrière la Fontaine Schwendi et sa statue due à Bartholdi, ni les « ici est né » « ici a vécu » Martin Schongauer et Jean Rapp.
Quand sonne huit heures à la Collégiale, je m’installe à la terrasse du Jupiter Café où je fais le point à l’aide de mon vieux Guide du Routard. Je n’ai pas tout vu de Colmar mais il fait déjà trop chaud pour que je poursuive ma visite. Je me contente d’entrer dans la Collégiale en grès jaune de Rouffach, « intérieur assez sobre et plutôt sombre », comme dit le Routard pour qui les rues qui l’entourent sont « agréables, fraîches et vivantes ». Fraîches ?
Ensuite, seconde terrasse de la matinée, une dernière fois au Café Rapp sur la place Rapp partiellement entourée de barrières. « Je crois qu’ils préparent le 14 juillet », dit la serveuse à une cliente. « Si tôt ? » « Oui, si tôt. » Encore un témoignage de la lenteur des gens de l’Est. Un quatuor composé de deux vieux couples me voisine. Les deux hommes prennent un café, les femmes rien ça ira comme ça. L’une est en communication avec sa petite-fille qui doit avoir dans les douze treize ans, si j’en juge par l’image. « C’est sur Ouate Sape que tu es là ? » « Nous on est à Colmar, tu regardes sur ton portable, c’est très joli » et elle épelle Colmar. Je reprends Balzac, Lettres à Madame Hanska Les billets de mille francs s’envolent comme des hirondelles. J’arrive au cahier photo du milieu du livre quand je cesse de lire. J’espère le reprendre en septembre, je ne sais où.
A midi, je retrouve la même table que l’autre jour, réservée cette fois via le réseau social Effe Bé, à la winstub Au Cygne, dans le jardin, à l’ombre. C’est la fille de la maison qui doit avoir dans les treize quatorze ans qui prend ma commande (nous sommes mercredi) : tomates farcies à la niçoise, assiette de viande froide (poulet, porc, veau) pommes grenailles et crudités, mousse glacée passion et un quart d’edelzwicker.
Derrière moi, une fille fête la fin de l’année scolaire avec quelqu’un de sa famille. Sa grand-mère a Alzheimer, sa mère qui a quarante et un an est prise en charge par les services sociaux, son frère est dans un foyer et son oncle, pas très net non plus. « Je suis passé entre les mailles du filet, si j’avais grandi dans cette famille, je ne sais pas ce que je serais devenue. » Elle vient de terminer ses études d’éducatrice.
A ma gauche, deux anciens chefs de chantier qui ont bossé là-haut, aux Trois Epis (où je n’ai pu aller faute d’horaire adapté du car Fluo), à la Mutuelle Générale de l’Education Nationale. « Oh la la, ça y allait ! » Ils draguaient toutes les profs déprimées. D’ailleurs, elles n’étaient pas déprimées. Elles venaient passer des vacances. « Ah la la, ce qu’on a pu faire ! »
Je rentre sous un soleil implacable (comme on dit). De toutes les journées les plus chaudes de la semaine, celle-là est la plus chaude.
*
Couples de Japonais : c’est toujours la dame qui porte une ombrelle, l’homme se contente d’un chapeau de paille, ou de rien.
*
Dans le passage souterrain de la voie ferrée, un tout nouveau graffiti : « Tout travail m’irrite sa mère ».
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Balzac à Madame Hanska : Vous ne savez pas, car je ne crois pas vous l’avoir dit, que j’ai dit à ma famille, que je ne voulais recevoir personne, pas même eux, rue Fortunée, c’est accepté, je suis très heureux de ce résultat.
25 juin 2025
C’est bientôt la fin de ma tournée d’adieu à l’Alsace, pendant laquelle je serai passé une dernière fois dans la plupart des lieux que je voulais revoir. Ceux laissés de côté, pas de premier ordre, l’ont été pour cause de transport public inadapté.
Le moment est venu de redécouvrir Colmar. Aussi attends-je ce mardi matin le premier bus F, celui de sept heures trois (le suivant dans quarante-quatre minutes). J’en descends à Champ-de-Mars et traverse celui-ci pour rejoindre le Marché Couvert et la Petite Venise (assurément petite).
Impossible d’être totalement seul à cette heure matutinale. Quelques touristes asiatiques sont déjà là. Les hommes mettent un temps fou pour faire une photo de leur femme ou de leur fille. Eux ne se font pas photographier.
Assez vite, je m’assois sur un banc à l’ombre. « Vous écrivez vos pensées du matin ? » me demande un homme bien français qui marche les mains croisées derrière le dos. « Ça doit être ça », lui réponds-je peu désireux d’engager la conversation.
Je rejoins ensuite la place Unterlinden où est une des rares pharmacies de la ville, toujours des médicaments à renouveler, puis je m’assois à nouveau sur un banc à l’ombre, face à la Pâtisserie du Musée, qui elle-même ressemble à un gâteau crémeux. Il est neuf heures, le moment où apparaissent les premiers groupes cornaqués (scolaires et retraités), les quatuors composés de deux vieux couples, les jeunes couples sans enfant et quelques-un(e)s qui vont travailler. Petit Train Blanc et Petit Train Vert s’apprêtent à se disputer la même clientèle. Ils ne s’aiment pas, ne se disent pas bonjour. Petit Train Vert gagne la première manche, démarrant à moitié plein, alors que Petit Train Blanc reste vide.
A dix heures moins le quart, par la rue des Têtes, je rejoins le Café Rapp que j’espère ouvert. Il l’est à peine. Je choisis une place à l’ombre un peu ventée pour un expresso verre d’eau Balzac. Ce sera en 1849, à l’âge de 50 ans, au beau milieu de ma vie. écrit-il le lundi trente et un mai mil huit cent quarante-sept. Il mourra en mil huit cent cinquante, trois ans plus tard.
Dix heures sonnent à la Collégiale que je suis encore le seul client de l’immense terrasse, avantage de l’excentricité de ce lieu. Passe un vieux avec un ticheurte « Je vois la vie en Vosges ».
A onze heures démarrent les jets d’eau et la journée du Café Rapp. A la table d’à côté des Belges, dont l’un dit aux autres : « Sinon, si tu veux voir un beau truc, c’est à une heure de route d’ici, c’est le lac de Gérardmer. »
A midi, une table m’attend chez Meistermann, que j’ai réservée à l’intérieur climatisé. Au menu du jour : croque-monsieur, cuisse de poulet basquaise, verrine orange chocolat. Félix n’est pas là. Un couple occupe sa table. Je m’inquiète. Trois groupes d’Asiatiques, dont un qui mange à l’étage, et un trio d’Asiatiques avec un bébé, composent plus de la moitié de la clientèle du restaurant ce mardi midi. Ce dernier repas est excellent, comme les précédents.
A l’issue, je rejoins l’arrêt du Champ-de-Mars et n’ai que dix minutes à attendre pour voir arriver un bus F qui me ramène à Saint-Joseph dans un appartement aussi chaud que les jours précédents.
*
Revoir ou non Strasbourg ? J’ai hésité, mais la chaleur m’a fait renoncer. Je resterai sur les souvenirs de mes passages là-bas avec celles qui m’ont tenu la main et sur mon séjour d’une semaine seul dans un petit hôtel près de la Cathédrale au temps du Tégévé Rouen Strasbourg, un hiver, quand son Marché de Noël n’était pas aussi couru (l’invitée d’honneur était la Russie).
Celui de Colmar est également victime de surfréquentation, m’a raconté l’homme qui m’a offert un café à Rouffach. Impossible de se croiser à pied dans les rues qui y mènent. La municipalité envisage de le rendre payant pour diminuer l’affluence, m’a-t-il dit.
*
Entre le Café Rapp et le Restaurant Meistermann, une cabine bleue sert de boîtes à livres. Dedans ce mardi matin : Femmes de Nizar Kabbani, en édition bilingue arabe français chez Arfuyen avec une préface de Vénus Khoury-Ghata. Je le mets dans ma poche.
*
Balzac à Madame Hanska : Il faut absolument me médiquer. (Sauvons les mots en voie de disparition)
« Le verbe « médiquer » est à éviter parce qu'il constitue un calque morphosémantique de l'anglais « to medicate » qui entre inutilement en concurrence avec le verbe français « médicamenter ». », s’insurge l’Office Québécois de la Langue Française.
Le moment est venu de redécouvrir Colmar. Aussi attends-je ce mardi matin le premier bus F, celui de sept heures trois (le suivant dans quarante-quatre minutes). J’en descends à Champ-de-Mars et traverse celui-ci pour rejoindre le Marché Couvert et la Petite Venise (assurément petite).
Impossible d’être totalement seul à cette heure matutinale. Quelques touristes asiatiques sont déjà là. Les hommes mettent un temps fou pour faire une photo de leur femme ou de leur fille. Eux ne se font pas photographier.
Assez vite, je m’assois sur un banc à l’ombre. « Vous écrivez vos pensées du matin ? » me demande un homme bien français qui marche les mains croisées derrière le dos. « Ça doit être ça », lui réponds-je peu désireux d’engager la conversation.
Je rejoins ensuite la place Unterlinden où est une des rares pharmacies de la ville, toujours des médicaments à renouveler, puis je m’assois à nouveau sur un banc à l’ombre, face à la Pâtisserie du Musée, qui elle-même ressemble à un gâteau crémeux. Il est neuf heures, le moment où apparaissent les premiers groupes cornaqués (scolaires et retraités), les quatuors composés de deux vieux couples, les jeunes couples sans enfant et quelques-un(e)s qui vont travailler. Petit Train Blanc et Petit Train Vert s’apprêtent à se disputer la même clientèle. Ils ne s’aiment pas, ne se disent pas bonjour. Petit Train Vert gagne la première manche, démarrant à moitié plein, alors que Petit Train Blanc reste vide.
A dix heures moins le quart, par la rue des Têtes, je rejoins le Café Rapp que j’espère ouvert. Il l’est à peine. Je choisis une place à l’ombre un peu ventée pour un expresso verre d’eau Balzac. Ce sera en 1849, à l’âge de 50 ans, au beau milieu de ma vie. écrit-il le lundi trente et un mai mil huit cent quarante-sept. Il mourra en mil huit cent cinquante, trois ans plus tard.
Dix heures sonnent à la Collégiale que je suis encore le seul client de l’immense terrasse, avantage de l’excentricité de ce lieu. Passe un vieux avec un ticheurte « Je vois la vie en Vosges ».
A onze heures démarrent les jets d’eau et la journée du Café Rapp. A la table d’à côté des Belges, dont l’un dit aux autres : « Sinon, si tu veux voir un beau truc, c’est à une heure de route d’ici, c’est le lac de Gérardmer. »
A midi, une table m’attend chez Meistermann, que j’ai réservée à l’intérieur climatisé. Au menu du jour : croque-monsieur, cuisse de poulet basquaise, verrine orange chocolat. Félix n’est pas là. Un couple occupe sa table. Je m’inquiète. Trois groupes d’Asiatiques, dont un qui mange à l’étage, et un trio d’Asiatiques avec un bébé, composent plus de la moitié de la clientèle du restaurant ce mardi midi. Ce dernier repas est excellent, comme les précédents.
A l’issue, je rejoins l’arrêt du Champ-de-Mars et n’ai que dix minutes à attendre pour voir arriver un bus F qui me ramène à Saint-Joseph dans un appartement aussi chaud que les jours précédents.
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Revoir ou non Strasbourg ? J’ai hésité, mais la chaleur m’a fait renoncer. Je resterai sur les souvenirs de mes passages là-bas avec celles qui m’ont tenu la main et sur mon séjour d’une semaine seul dans un petit hôtel près de la Cathédrale au temps du Tégévé Rouen Strasbourg, un hiver, quand son Marché de Noël n’était pas aussi couru (l’invitée d’honneur était la Russie).
Celui de Colmar est également victime de surfréquentation, m’a raconté l’homme qui m’a offert un café à Rouffach. Impossible de se croiser à pied dans les rues qui y mènent. La municipalité envisage de le rendre payant pour diminuer l’affluence, m’a-t-il dit.
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Entre le Café Rapp et le Restaurant Meistermann, une cabine bleue sert de boîtes à livres. Dedans ce mardi matin : Femmes de Nizar Kabbani, en édition bilingue arabe français chez Arfuyen avec une préface de Vénus Khoury-Ghata. Je le mets dans ma poche.
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Balzac à Madame Hanska : Il faut absolument me médiquer. (Sauvons les mots en voie de disparition)
« Le verbe « médiquer » est à éviter parce qu'il constitue un calque morphosémantique de l'anglais « to medicate » qui entre inutilement en concurrence avec le verbe français « médicamenter ». », s’insurge l’Office Québécois de la Langue Française.
24 juin 2025
Un court orage à trois heures du matin ne change rien à la forte chaleur. Je la ressens sur le banc de la Halte Ferroviaire de Saint-Joseph où j’attends le petit train Fluo de sept heures cinquante-sept pour Colmar ce lundi. J’attends ensuite le car Fluo terminus Rouffach de sept heures trente tandis que passe une manifestation de six taxis, feux de détresse, drapeau tricolore. Ils vont sans doute en rejoindre d’autres.
Je suis seul avec le chauffeur après Eguisheim. La route est à flanc de vignoble et si étroite qu’à un point donné le car s’arrête pendant plusieurs minutes. Il attend que celui qui fait le trajet dans l’autre sens arrive. Plus loin, impossible de le croiser. Je (re)vois les trois châteaux en ruine d’Husseren-les-Châteaux et bientôt c’est Gueberschwihr. L’arrêt est en bas du village à la Chapelle (en fait un calvaire). Il y a là le restaurant Belle-Vue qui pourrait faire mon affaire s’il était ouvert à midi.
Sans avoir la réponse, je monte visiter le village qui se trouve sur la partie haute du vignoble. Au-dessus, c’est la falaise et la forêt. J’ai très chaud quand j’arrive sur la place de la Mairie où l’on trouve deux fontaines et trop de voitures. Un peu plus haut, c’’est la remarquable église de Saint-Pantaléon qui a le plus beau clocher roman de la région (il date du douzième siècle) « coiffé par un toit en bâtière, il mesure 36 m de haut avec 3 étages des fenêtres géminées », dit Le Routard. Et partout de belles maisons et des caveaux de dégustation de vins où je n’entre pas.
J’entre dans la minuscule Epicerie du Vignoble. Je me procure un croissant et un café pour seulement deux euros cinquante. Je les consomme sur des marches à l’ombre. Il est neuf heures. Que faire maintenant alors qu’il fait si chaud et que mes pieds me font déjà souffrir ?
Je choisis de redescendre jusqu’au calvaire, l’ennui étant qu’il n’y a pas de car de retour avant douze heures quarante-neuf. Je trouve heureusement un banc à l’ombre sous un pin au boulodrome. Inattendu boulodrome où souffle un vent qui pourrait annoncer un nouvel orage. Balzac est dans mon sac. C’est le moment de l’en sortir et d’en lire un bon morceau. A ma gauche au loin, j’ai le cadran bleu de Saint-Pantaléon qui me donne l’heure. Pour compagnie, des corneilles qui tournent sur ma tête.
Je lis là longtemps tandis que derrière mon dos un vigneron taille ses vignes à la main. A midi, force est de constater (comme disent les journalistes) que le Belle-Vue n’ouvre pas ses paupières. Je vois ses volets clos d’où je suis assis. Il me reste donc quarante-neuf minutes à attendre, alors que de plus en plus le vent tourbillonne. Devant le calvaire, avec au fond les montagnes allemandes, je vois arriver le car Fluo qui va me ramener à Colmar.
Il me laisse à la Gare où il n’y a rien pour déjeuner. Comme tous les lundis, le Café Rapp et le Restaurant Meistermann sont fermés. D’un coup de navette gratuite, je me propulse chez Dussourd où il est encore possible de manger un plat du jour à treize heures quarante-cinq : une côte de porc grillée, jus brun tomaté, pommes grenailles rôties aux herbes, salade de chou-fleur (treize euros quatre-vingt-dix), à une table bien à l’ombre dans le courant d’air et avec une carafe d’eau bien fraîche. C’est meilleur que ce à quoi je m’attendais mais avec la foule du centre de Colmar, il faut attendre pour avoir du pain, il faut attendre pour avoir une carafe d’eau, il faut attendre pour régler l’addition.
Toutes ces attentes font que quand j’arrive à l’arrêt du bus F je n’ai que deux minutes à l’attendre. Je rentre dans mon logis provisoire tout aussi fatigué qu’hier. A quoi servent les orages si après leur passage rien ne change côté température ?
*
Dans le genre village accroché au coteau, j’envisageais d’aller mardi à Husseren-les-Châteaux, mais même car Fluo aux horaires tordus, pas de restaurant sans doute. J’y renonce, me contentant de l’avoir revu au passage.
*
Le boulodrome de Gueberschwihr m’aura été bien utile. Je ne pense pas qu’on y joue souvent à la pétanque. Il est doté d’un tableau à trous dans lesquels se fichent deux bâtonnets attachés à une ficelle pour compter les points.
*
Dans le centre de Gueberschwihr, un restaurant nommé Utopie. Menu unique à sept plats pour quatre-vingts euros, deux verres de vin pour vingt euros. Une certaine idée de l’utopie.
Je suis seul avec le chauffeur après Eguisheim. La route est à flanc de vignoble et si étroite qu’à un point donné le car s’arrête pendant plusieurs minutes. Il attend que celui qui fait le trajet dans l’autre sens arrive. Plus loin, impossible de le croiser. Je (re)vois les trois châteaux en ruine d’Husseren-les-Châteaux et bientôt c’est Gueberschwihr. L’arrêt est en bas du village à la Chapelle (en fait un calvaire). Il y a là le restaurant Belle-Vue qui pourrait faire mon affaire s’il était ouvert à midi.
Sans avoir la réponse, je monte visiter le village qui se trouve sur la partie haute du vignoble. Au-dessus, c’est la falaise et la forêt. J’ai très chaud quand j’arrive sur la place de la Mairie où l’on trouve deux fontaines et trop de voitures. Un peu plus haut, c’’est la remarquable église de Saint-Pantaléon qui a le plus beau clocher roman de la région (il date du douzième siècle) « coiffé par un toit en bâtière, il mesure 36 m de haut avec 3 étages des fenêtres géminées », dit Le Routard. Et partout de belles maisons et des caveaux de dégustation de vins où je n’entre pas.
J’entre dans la minuscule Epicerie du Vignoble. Je me procure un croissant et un café pour seulement deux euros cinquante. Je les consomme sur des marches à l’ombre. Il est neuf heures. Que faire maintenant alors qu’il fait si chaud et que mes pieds me font déjà souffrir ?
Je choisis de redescendre jusqu’au calvaire, l’ennui étant qu’il n’y a pas de car de retour avant douze heures quarante-neuf. Je trouve heureusement un banc à l’ombre sous un pin au boulodrome. Inattendu boulodrome où souffle un vent qui pourrait annoncer un nouvel orage. Balzac est dans mon sac. C’est le moment de l’en sortir et d’en lire un bon morceau. A ma gauche au loin, j’ai le cadran bleu de Saint-Pantaléon qui me donne l’heure. Pour compagnie, des corneilles qui tournent sur ma tête.
Je lis là longtemps tandis que derrière mon dos un vigneron taille ses vignes à la main. A midi, force est de constater (comme disent les journalistes) que le Belle-Vue n’ouvre pas ses paupières. Je vois ses volets clos d’où je suis assis. Il me reste donc quarante-neuf minutes à attendre, alors que de plus en plus le vent tourbillonne. Devant le calvaire, avec au fond les montagnes allemandes, je vois arriver le car Fluo qui va me ramener à Colmar.
Il me laisse à la Gare où il n’y a rien pour déjeuner. Comme tous les lundis, le Café Rapp et le Restaurant Meistermann sont fermés. D’un coup de navette gratuite, je me propulse chez Dussourd où il est encore possible de manger un plat du jour à treize heures quarante-cinq : une côte de porc grillée, jus brun tomaté, pommes grenailles rôties aux herbes, salade de chou-fleur (treize euros quatre-vingt-dix), à une table bien à l’ombre dans le courant d’air et avec une carafe d’eau bien fraîche. C’est meilleur que ce à quoi je m’attendais mais avec la foule du centre de Colmar, il faut attendre pour avoir du pain, il faut attendre pour avoir une carafe d’eau, il faut attendre pour régler l’addition.
Toutes ces attentes font que quand j’arrive à l’arrêt du bus F je n’ai que deux minutes à l’attendre. Je rentre dans mon logis provisoire tout aussi fatigué qu’hier. A quoi servent les orages si après leur passage rien ne change côté température ?
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Dans le genre village accroché au coteau, j’envisageais d’aller mardi à Husseren-les-Châteaux, mais même car Fluo aux horaires tordus, pas de restaurant sans doute. J’y renonce, me contentant de l’avoir revu au passage.
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Le boulodrome de Gueberschwihr m’aura été bien utile. Je ne pense pas qu’on y joue souvent à la pétanque. Il est doté d’un tableau à trous dans lesquels se fichent deux bâtonnets attachés à une ficelle pour compter les points.
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Dans le centre de Gueberschwihr, un restaurant nommé Utopie. Menu unique à sept plats pour quatre-vingts euros, deux verres de vin pour vingt euros. Une certaine idée de l’utopie.
23 juin 2025
Rien entendu de la Fête de la Musique, un jeune couple qui peut-être en revient, assis sur le banc de la Halte Ferroviaire Saint-Joseph, attendant comme moi le train de sept heures trente-deux terminus Metzeral, se fait apporter deux pizzas par un livreur à bicyclette juste avant l’arrivée du train.
Avec ce petit train Fluo qui trace son chemin en écartant les branches, je rejoins Munster ce dimanche matin. Je lis Balzac dans le Parc Hartmann en attendant neuf heures vingt-cinq, le départ du car Fluo qui rejoint la Navette des Crêtes au Col de la Schlucht. Ce car ne s’arrête pas là, il redescend de l’autre côté des Vosges, terminus Gérardmer. C’est mon objectif en ce jour annoncé très chaud. Un pic tape dans un tronc voisin tandis que je lis mais je ne le vois pas.
Une vieille avec une canne, un groupe de retraités réjouis, de la jeunesse allemande et française (pas ensemble) attendent aussi ce car. J’apprends à deux jolies filles françaises à gros sacs à dos la gratuité du car avec leur billet de train.
« Merci monsieur, vous êtes d’ici ? », me dit l’une lorsque, comme moi, elles ont pu monter sans payer. « Non, je l’ai appris, mais pas tout de suite. » Tout le monde s’arrête au Col de la Schlucht sauf la vieille à canne et moi-même. Après, c’est la descente de l’autre côté avec au passage une belle vue sur le Lac de Longemer puis vient le terminus Boulevard d’Alsace.
Il fait fort chaud. Je me procure un plan à l’Office du Tourisme. Les deux rues du centre ville à gauche. Le Lac tout droit. Je vais tout droit et retrouve tout de suite l’impression que j’avais gardée de Gérardmer, un endroit pas terrible. Le Lac petit, six kilomètres de tour, la promenade poussiéreuse et le bord de l’eau envahi par des animations nautiques pour les familles.
Le seul endroit où prendre un café s’appelle Rives du Lac. Il ne propose que des tables au soleil. Celles à l’ombre sont en voie d’être dressées par une matrone qui le prend mal quand je lui demande si on peut déjeuner maintenant. « On fait ça pour pas être en retard. » Il est vrai qu’on est lent dans l’Est. En témoigne la durée des feux rouges à Colmar.
J’achète un café allongé à un euro cinquante à un kiosque et trouve un des rares bancs avec un peu d’ombre pour le boire. A peine y suis-je assis qu’une famille me demande de laisser ma place pour l’ancêtre qui risque de faire un malaise. Je les envoie bouler. Le seul endroit pimpant au bord de ce lac est derrière moi, c’est le Casino. Devant moi, c’est le défilé des familles : « Ah non, tu viens de faire du pédalo et maintenant tu veux une glace ! » Je ne comprends pas d’où vient la notoriété touristique du Lac de Gérardmer. Peut-être parce qu’ici on est loin de la mer et loin d’un lac aménagé digne de ce nom. Les locations de pédalos font des affaires et les adultes mangent des glaces dès onze heures du matin.
Je laisse le lac et rejoins le petit centre ville. A l’entrée de la première rue commerçante est un bar tabac, Le Palais de la Bière, avec des tables à l’ombre et un léger vent rafraîchissant. J’y bois un expresso verre d’eau à un euro quatre-vingt-dix. Où vais-je pouvoir déjeuner ? Je demande à la serveuse. Elle m’indique le San Remo, un restaurant italien, un peu plus haut.
Je vais voir. Il y a déjà une file d’attente devant à midi moins dix, alors je m’y mets. Devant moi, une vieille à cheveux roses et son mari enceint de huit mois. Derrière, une éprouvante famille avec un moutard à flûte. Quand ça ouvre et que c’est mon tour, je demande à l’accueillante une table loin des familles. Elle m’en trouve une au coin sous la véranda, près de celle d’un autre solitaire. Je choisis les lasagnes bolognaises et une carafe d’eau. D’où je suis, j’ai vue sur toute la clientèle. Les cheveux collés par la sueur de ceux qui enlèvent leur casquette. Le gros mari de la femme aux cheveux roses qui s’est endormi après avoir bu une bière et la moitié au moins de la bouteille de rosé qu’ils ont commandée (ça n’empêche pas sa femme de continuer à manger sa pizza). Mes lasagnes sont excellentes. Je les fais suivre d’un tiramisu classique. J’en ai pour vingt-trois euros vingt.
Retour au Palais de la Bière pour le café, puis direction ce qui est pompeusement appelé la Gare Routière, un alignement d’abribus. Ne montent dans le car Fluo de quatorze heures quinze pour Munster que la vieille à canne du matin et moi-même. Au Col de la Schlucht s’ajoutent quelques randonneurs encombrés de sacs et de bâtons.
Nous arrivons à la Gare de Munster à quinze heures. Le petit train Fluo pour Colmar avec arrêt à Saint-Joseph est dans vingt-sept minutes. Chacun cherche de l’ombre où il peut en l’attendant. Il n’a jamais fait aussi chaud qu’aujourd’hui depuis que je suis en Alsace. J’arrive à mon logis Air Bibi épuisé.
*
L’hiver prochain, trente-troisième Festival International du Film Fantastique de Gérardmer. Que ce festival ait lieu ici me semble fantastique. Je dirais même que ça fait peur.
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Gérardmer, c’est aussi le pays du linge de maison, fabrication et vente directe. Qui pour s’intéresser au linge de maison ? Il fallait être Balzac pour se préoccuper de ce genre de chose.
*
Ne jamais commettre l’erreur de villégiaturer à Gérardmer.
Avec ce petit train Fluo qui trace son chemin en écartant les branches, je rejoins Munster ce dimanche matin. Je lis Balzac dans le Parc Hartmann en attendant neuf heures vingt-cinq, le départ du car Fluo qui rejoint la Navette des Crêtes au Col de la Schlucht. Ce car ne s’arrête pas là, il redescend de l’autre côté des Vosges, terminus Gérardmer. C’est mon objectif en ce jour annoncé très chaud. Un pic tape dans un tronc voisin tandis que je lis mais je ne le vois pas.
Une vieille avec une canne, un groupe de retraités réjouis, de la jeunesse allemande et française (pas ensemble) attendent aussi ce car. J’apprends à deux jolies filles françaises à gros sacs à dos la gratuité du car avec leur billet de train.
« Merci monsieur, vous êtes d’ici ? », me dit l’une lorsque, comme moi, elles ont pu monter sans payer. « Non, je l’ai appris, mais pas tout de suite. » Tout le monde s’arrête au Col de la Schlucht sauf la vieille à canne et moi-même. Après, c’est la descente de l’autre côté avec au passage une belle vue sur le Lac de Longemer puis vient le terminus Boulevard d’Alsace.
Il fait fort chaud. Je me procure un plan à l’Office du Tourisme. Les deux rues du centre ville à gauche. Le Lac tout droit. Je vais tout droit et retrouve tout de suite l’impression que j’avais gardée de Gérardmer, un endroit pas terrible. Le Lac petit, six kilomètres de tour, la promenade poussiéreuse et le bord de l’eau envahi par des animations nautiques pour les familles.
Le seul endroit où prendre un café s’appelle Rives du Lac. Il ne propose que des tables au soleil. Celles à l’ombre sont en voie d’être dressées par une matrone qui le prend mal quand je lui demande si on peut déjeuner maintenant. « On fait ça pour pas être en retard. » Il est vrai qu’on est lent dans l’Est. En témoigne la durée des feux rouges à Colmar.
J’achète un café allongé à un euro cinquante à un kiosque et trouve un des rares bancs avec un peu d’ombre pour le boire. A peine y suis-je assis qu’une famille me demande de laisser ma place pour l’ancêtre qui risque de faire un malaise. Je les envoie bouler. Le seul endroit pimpant au bord de ce lac est derrière moi, c’est le Casino. Devant moi, c’est le défilé des familles : « Ah non, tu viens de faire du pédalo et maintenant tu veux une glace ! » Je ne comprends pas d’où vient la notoriété touristique du Lac de Gérardmer. Peut-être parce qu’ici on est loin de la mer et loin d’un lac aménagé digne de ce nom. Les locations de pédalos font des affaires et les adultes mangent des glaces dès onze heures du matin.
Je laisse le lac et rejoins le petit centre ville. A l’entrée de la première rue commerçante est un bar tabac, Le Palais de la Bière, avec des tables à l’ombre et un léger vent rafraîchissant. J’y bois un expresso verre d’eau à un euro quatre-vingt-dix. Où vais-je pouvoir déjeuner ? Je demande à la serveuse. Elle m’indique le San Remo, un restaurant italien, un peu plus haut.
Je vais voir. Il y a déjà une file d’attente devant à midi moins dix, alors je m’y mets. Devant moi, une vieille à cheveux roses et son mari enceint de huit mois. Derrière, une éprouvante famille avec un moutard à flûte. Quand ça ouvre et que c’est mon tour, je demande à l’accueillante une table loin des familles. Elle m’en trouve une au coin sous la véranda, près de celle d’un autre solitaire. Je choisis les lasagnes bolognaises et une carafe d’eau. D’où je suis, j’ai vue sur toute la clientèle. Les cheveux collés par la sueur de ceux qui enlèvent leur casquette. Le gros mari de la femme aux cheveux roses qui s’est endormi après avoir bu une bière et la moitié au moins de la bouteille de rosé qu’ils ont commandée (ça n’empêche pas sa femme de continuer à manger sa pizza). Mes lasagnes sont excellentes. Je les fais suivre d’un tiramisu classique. J’en ai pour vingt-trois euros vingt.
Retour au Palais de la Bière pour le café, puis direction ce qui est pompeusement appelé la Gare Routière, un alignement d’abribus. Ne montent dans le car Fluo de quatorze heures quinze pour Munster que la vieille à canne du matin et moi-même. Au Col de la Schlucht s’ajoutent quelques randonneurs encombrés de sacs et de bâtons.
Nous arrivons à la Gare de Munster à quinze heures. Le petit train Fluo pour Colmar avec arrêt à Saint-Joseph est dans vingt-sept minutes. Chacun cherche de l’ombre où il peut en l’attendant. Il n’a jamais fait aussi chaud qu’aujourd’hui depuis que je suis en Alsace. J’arrive à mon logis Air Bibi épuisé.
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L’hiver prochain, trente-troisième Festival International du Film Fantastique de Gérardmer. Que ce festival ait lieu ici me semble fantastique. Je dirais même que ça fait peur.
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Gérardmer, c’est aussi le pays du linge de maison, fabrication et vente directe. Qui pour s’intéresser au linge de maison ? Il fallait être Balzac pour se préoccuper de ce genre de chose.
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Ne jamais commettre l’erreur de villégiaturer à Gérardmer.
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