Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
9 août 2019
Un temps prévu incertain ce jeudi mais je me lance, allant à la gare de Vannes à pied et grimpant vers huit heures dans un bus Vingt-Quatre en forme de car. Pour la modique somme d’un euro dix, il permet d’aller à Arzon, au bout de la presqu’île de Rhuys, en cinquante minutes. Nous sommes cinq au départ et peu montent en cours de route Après Sarzeau (où vécut Lesage à qui l’on doit Gil Blas et Le Diable boiteux), nous filons tout droit, laissant sur le côté Saint-Gildas-de-Rhuys (où Abélard fut prieur). Le trajet se termine à l’entrée d’Arzon, au port du Crouesty. Mille quatre cents bateaux de plaisance y sont amarrés.
Je ne m’y attarde pas. Je prends le chemin côtier qui longe l’Atlantique. Il me fait retrouver la Bretagne que j’aime, bruit des vagues, odeur de goémon, côte rocheuse découpée. Après une belle balade qui met un peu à mal mon pied gauche et mon genou droit, j’arrive à Port Navalo, plus authentique que son concurrent. Je passe aussi vite que je peux devant l’embarcadère où une foule de vacanciers et autres attendent les bateaux pour Locmariaquer (en face) et Belle-Ile (un peu plus loin). Arrivé sur le bord du port, je m’arrête au Vieux Puits, un bar tabac maison de la presse restaurant à terrasse donnant sur la mer. Le café n’y coûte qu’un euro quarante et m’est apporté avec un pichet d’eau par une jolie serveuse à nattes. C’est le lieu idéal pour terminer la lecture du voyage de Kafka à Paris.
Je mangerais bien ici, me dis-je quand j’arrive au bout. « On ne fait pas de réservation mais on vous trouvera une table », me dit la patronne. Je vais m’asseoir un peu plus loin sur un muret, près d’une petite plage où un quidam joue de la trompette. A ce moment-là, la pluie se met à tomber. Un arbre m’en protège un peu.
Vers midi cela s’aggrave, la patronne ne sait pas comment tenir sa promesse, une partie de la terrasse étant maintenant proscrite et l’autre occupée par des buveurs. Une voix me hèle du jardin situé derrière la salle de café :
-Vous êtes tout seul ? Venez par là.
C’est le patron. Il me montre une petite table ronde à l’abri sous une sorte de véranda où il était occupé à classer des papiers.
-On va vous mettre là, vous serez juste à côté de la cuisine, vous pourrez surveiller le chef par la lucarne.
Près de moi se trouve aussi le vieux puits qui donne son nom à l’établissement. On y entend un bruit de cascade. Une grille sur la margelle empêche d’y tomber. Que pouvais-je espérer de mieux que d’être ici. Pour fêter ça, je commande six huîtres avec un verre de muscadet pour huit euros et un tartare de bœuf au couteau à l’italienne avec pommes grenaille à quatorze euros avec un verre de Saint-Nicolas-de-Bourgueil à trois euros cinquante.
-Je vous fais faire des kilomètres, dis-je à la serveuse qui m’apporte les deux verres tandis que le patron est parti ouvrir mes huîtres.
-Elles sont de la rivière de Penerf, me dit-il en revenant. Quand vous aurez terminé, vous pourrez dire au chef de lancer le tartare.
Je préfère que ce soit l’une des serveuses qui s’en charge. De temps en temps, elles viennent fumer en s’excusant, c’est leur endroit pour ça. « Cela ne me dérange absolument pas, leur dis-je, je suis un privilégié d’être ici ». Sur le toit de la véranda la pluie redouble. Le jeune chef n’est pas optimiste pour la suite de l’après-midi, « avec la marée descendante ».
Son tartare qui repose sur une salade composée est excellent. Je l’en félicite et le signale au patron qui me dit en confidence qu’avant il travaillait à côté. « C’est quelqu’un qui aime son métier ». A côté, c’est le restaurant chic de l’endroit.
Ce patron m’est fort sympathique. Je lui trouve un faux air de Miossec. Il trimbale un tas de choses, dont une petite bouteille d’eau minérale, dans son pantalon multipoches et il est trempé d’avoir été dehors.
Je prends un café pour prolonger le plaisir. Il est au prix du bar : un euro quarante. Après avoir remercié le chef, je remercie les serveuses et la patronne. Le patron étant parti on ne sait où, je la charge de lui dire tout mon contentement.
Il ne pleut presque plus quand je retrouve le bord de mer, aussi poursuis-je le chemin côtier jusqu’à la pointe de Bilgroix puis celle de Monteno. Depuis elles deux, selon Le Guide du Routard, « on a sans doute le plus impressionnant point de vue sur le golfe de Morbihan ». Ce jeudi, évidemment, c’est un peu dans la brume.
Fatigué, je souhaite en rester là. Un couple m’aide à trouver le chemin qui ramène au bourg. C’est plus long que je pensais. Après être entré dans l’église, banale, je rejoins enfin le port du Crouesty.
Quel changement depuis le matin, un alignement de commerces bas de gamme et de restaurants vulgaires sont ouverts et emplies de familles. C’est à une table rose de la terrasse du Bar Glacé, abrité bien qu’il ne pleuve plus, que je bois un café à un euro cinquante en attendant l’heure du bus de retour. Celui-ci est davantage rempli qu’à l’aller et perd un peu de temps dans les embrouillages à l’entrée de Vannes.
*
Sur un panneau autorisant le passage sur un chemin privé, une affichette nationaliste : « E Brezhoneg En breton ! ».
*
Sur le chemin côtier, entre les deux ports, la « tombe du petit mousse », celle d’un privilégié qui est enterré seul, sous une dalle surmontée d’une croix et entourée de murets. Il s’agit d’un marin du dix-neuvième siècle âgé d’une trentaine d’années dont le cadavre retrouvé au bout de deux mois n’a pas pu être identifié. Son état a nécessité des obsèques sur place.
*
Une femme belge à son trois ans prénommé Bastien :
-Est-ce que papa, il a regardé les autres femmes ? S’il le fait, tu me le dis. S’il regarde les femmes, c’est comme s’il regardait un autre petit enfant. Y a que Bastien.
*
La rivière de Penerf est un fleuve qui se jette entre Damgan et Sarzeau, dans la rade de Penerf, à la limite nord de Mor braz, baie de l'Océan Atlantique dans le département du Morbihan, m’apprend Ouiquipédia.
Je ne m’y attarde pas. Je prends le chemin côtier qui longe l’Atlantique. Il me fait retrouver la Bretagne que j’aime, bruit des vagues, odeur de goémon, côte rocheuse découpée. Après une belle balade qui met un peu à mal mon pied gauche et mon genou droit, j’arrive à Port Navalo, plus authentique que son concurrent. Je passe aussi vite que je peux devant l’embarcadère où une foule de vacanciers et autres attendent les bateaux pour Locmariaquer (en face) et Belle-Ile (un peu plus loin). Arrivé sur le bord du port, je m’arrête au Vieux Puits, un bar tabac maison de la presse restaurant à terrasse donnant sur la mer. Le café n’y coûte qu’un euro quarante et m’est apporté avec un pichet d’eau par une jolie serveuse à nattes. C’est le lieu idéal pour terminer la lecture du voyage de Kafka à Paris.
Je mangerais bien ici, me dis-je quand j’arrive au bout. « On ne fait pas de réservation mais on vous trouvera une table », me dit la patronne. Je vais m’asseoir un peu plus loin sur un muret, près d’une petite plage où un quidam joue de la trompette. A ce moment-là, la pluie se met à tomber. Un arbre m’en protège un peu.
Vers midi cela s’aggrave, la patronne ne sait pas comment tenir sa promesse, une partie de la terrasse étant maintenant proscrite et l’autre occupée par des buveurs. Une voix me hèle du jardin situé derrière la salle de café :
-Vous êtes tout seul ? Venez par là.
C’est le patron. Il me montre une petite table ronde à l’abri sous une sorte de véranda où il était occupé à classer des papiers.
-On va vous mettre là, vous serez juste à côté de la cuisine, vous pourrez surveiller le chef par la lucarne.
Près de moi se trouve aussi le vieux puits qui donne son nom à l’établissement. On y entend un bruit de cascade. Une grille sur la margelle empêche d’y tomber. Que pouvais-je espérer de mieux que d’être ici. Pour fêter ça, je commande six huîtres avec un verre de muscadet pour huit euros et un tartare de bœuf au couteau à l’italienne avec pommes grenaille à quatorze euros avec un verre de Saint-Nicolas-de-Bourgueil à trois euros cinquante.
-Je vous fais faire des kilomètres, dis-je à la serveuse qui m’apporte les deux verres tandis que le patron est parti ouvrir mes huîtres.
-Elles sont de la rivière de Penerf, me dit-il en revenant. Quand vous aurez terminé, vous pourrez dire au chef de lancer le tartare.
Je préfère que ce soit l’une des serveuses qui s’en charge. De temps en temps, elles viennent fumer en s’excusant, c’est leur endroit pour ça. « Cela ne me dérange absolument pas, leur dis-je, je suis un privilégié d’être ici ». Sur le toit de la véranda la pluie redouble. Le jeune chef n’est pas optimiste pour la suite de l’après-midi, « avec la marée descendante ».
Son tartare qui repose sur une salade composée est excellent. Je l’en félicite et le signale au patron qui me dit en confidence qu’avant il travaillait à côté. « C’est quelqu’un qui aime son métier ». A côté, c’est le restaurant chic de l’endroit.
Ce patron m’est fort sympathique. Je lui trouve un faux air de Miossec. Il trimbale un tas de choses, dont une petite bouteille d’eau minérale, dans son pantalon multipoches et il est trempé d’avoir été dehors.
Je prends un café pour prolonger le plaisir. Il est au prix du bar : un euro quarante. Après avoir remercié le chef, je remercie les serveuses et la patronne. Le patron étant parti on ne sait où, je la charge de lui dire tout mon contentement.
Il ne pleut presque plus quand je retrouve le bord de mer, aussi poursuis-je le chemin côtier jusqu’à la pointe de Bilgroix puis celle de Monteno. Depuis elles deux, selon Le Guide du Routard, « on a sans doute le plus impressionnant point de vue sur le golfe de Morbihan ». Ce jeudi, évidemment, c’est un peu dans la brume.
Fatigué, je souhaite en rester là. Un couple m’aide à trouver le chemin qui ramène au bourg. C’est plus long que je pensais. Après être entré dans l’église, banale, je rejoins enfin le port du Crouesty.
Quel changement depuis le matin, un alignement de commerces bas de gamme et de restaurants vulgaires sont ouverts et emplies de familles. C’est à une table rose de la terrasse du Bar Glacé, abrité bien qu’il ne pleuve plus, que je bois un café à un euro cinquante en attendant l’heure du bus de retour. Celui-ci est davantage rempli qu’à l’aller et perd un peu de temps dans les embrouillages à l’entrée de Vannes.
*
Sur un panneau autorisant le passage sur un chemin privé, une affichette nationaliste : « E Brezhoneg En breton ! ».
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Sur le chemin côtier, entre les deux ports, la « tombe du petit mousse », celle d’un privilégié qui est enterré seul, sous une dalle surmontée d’une croix et entourée de murets. Il s’agit d’un marin du dix-neuvième siècle âgé d’une trentaine d’années dont le cadavre retrouvé au bout de deux mois n’a pas pu être identifié. Son état a nécessité des obsèques sur place.
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Une femme belge à son trois ans prénommé Bastien :
-Est-ce que papa, il a regardé les autres femmes ? S’il le fait, tu me le dis. S’il regarde les femmes, c’est comme s’il regardait un autre petit enfant. Y a que Bastien.
*
La rivière de Penerf est un fleuve qui se jette entre Damgan et Sarzeau, dans la rade de Penerf, à la limite nord de Mor braz, baie de l'Océan Atlantique dans le département du Morbihan, m’apprend Ouiquipédia.
8 août 2019
Le soleil étant de retour, je monte encore une fois dans le bus Trois et en descends à son terminus sur la presqu’île de Conleau. J’y vois arriver le Petit Passeur qui commence son service à neuf heures et demie, faisant ensuite une incessante navette entre cette presqu’île et l’extrémité de Séné (avec néanmoins une pause déjeuner).
Ce Petit Passeur est conduit par une petite passeuse, étudiante à l’accent étranger, dont je suis le premier client.
-Bonjour monsieur, vous voulez venir avec moi ? me demande-t-elle.
La traversée coûte trois euros, aller et retour, et ne dure que quelques minutes. C’est suffisant pour que la capitaine ait le temps de me montrer deux cormorans.
Arrivé sur l’autre rive, je me mets à la recherche du café restaurant qu’elle m’a signalé sur les hauteurs. Je le trouve assez rapidement. Il se nomme La Belle Vue, un établissement ancien qui sent la vieille cuisine. Vu qu’il n’a aucun concurrent, j’y réserve une table pour midi puis y bois un café à un euro trente pendant que Bernard Lavilliers chante On the Road again. Je suis ce conseil en descendant vers le bord de mer. J’arrive au lieu-dit Village de Langle qui est doté d’une petite plage fréquentée par des locaux. « Zone de plate réglementée », avertit un panneau. Près de là travaille un ostréiculteur, mais ça n’a rien à voir. Par le chemin côtier, je me rapproche de Port Anna que j’ai déjà vu plusieurs fois depuis le bateau et dont je me réserve la découverte pédestre pour après le repas.
Aussi, je m’assois sur un banc isolé à Porzh Gwenn, face à l’île privée de Boëdic sur laquelle se trouve la mignonne chapelle qui sert d’amer (c’est-à-dire de repère) aux navigateurs et lis un peu du récit de voyage à Paris qui prolonge le Journal de Franz Kafka. L’ambiance sonore mêle le tintement des mâts de voiliers au mouillage, le ronflement des moteurs de bateaux de tourisme en partance pour les îles et les piaillements des oiseaux de mer. Un agréable petit vent frais m’évite d’avoir trop chaud.
Une demi-heure plus tard, je reprends la marche jusqu’à être en face du château de Roguédas, bâtisse blanche du dix-septième siècle, sise à Arradon, de l’autre côté du chenal, puis je fais demi-tour et entre à La Belle Vue à midi pile.
Un homme, qui est peut-être le fils de celui qui tenait le bar quand j’ai réservé, me conduit dans la véranda à la décoration obsolète et me donne la table près du petit courant d’air avec belle vue sur le golfe. Le menu du jour est à entrée, plat et dessert obligés (salade de jambon cru, rôti de porc gratin de pommes de terre, tarte normande). Il n’est qu’à treize euros cinquante, mais le vin n’est servi qu’au verre et cher : quatre euros pour un vulgaire bordeaux. Ici, ce n’est pas complet. Outre moi-même sont là trois vieux habitués, un solitaire et un couple, ainsi qu’un vieux couple de passage (la femme explique au restaurateur que son mari a des problèmes d’estomac).
Sur la pelouse sont disposées trois tables blanches en plastique dont l’une n’est pas desservie des restes d’un petit-déjeuner. Entre elles, je vois apparaître un oiseau à aigrette comme on n’en voit pas en Normandie (la Bretagne, ce pays exotique).
Ce qui n’est pas davantage de Normandie, c’est la misérable tarte qui clôt mon repas. Après avoir payé sans contact (cette modernité étant arrivée en ce lieu reculé), je reprends le chemin côtier du matin et le poursuis. A un moment, je dois contourner la maison rose uniquement visible de la mer qui elle aussi sert d’amer puis j’arrive à Port Anna, ce qui me fait songer à l’une dont c’est le prénom. On y trouve trois bateaux de pêcheurs et quelques sinagots, petits bateaux à voiles ocre caractéristiques de Séné. Poursuivant, j’arrive au Goulet de Conleau et y trouve cachée dans les bosquets une croix devenue discrète puis je redescends vers l’embarcadère où justement la petite passeuse amarre le Petit Passeur. C’est avec une famille de quatre bicyclistes et un jeune couple à bébé posé sur le ventre nu de l’homme que je fais la traversée vers la presqu’île de Conleau. Un café bu au Corlazo et je prends le bus Trois du retour.
Dans les bus de Vannes, les chauffeurs attendent que les passagers soient assis avant de redémarrer. Dans les bus de Vannes, les passagers attendent que le bus soit arrêté avant de se lever pour descendre et disent « Merci, au revoir » au chauffeur quand il ouvre les portes. Je fais donc ainsi.
*
Couple de marcheurs, l’homme devant, la femme trente mètres derrière. Autre couple de marcheurs, le chien devant, son maître vingt mètres derrière Pluralité de marcheurs, les deux hommes devant suivis des deux chiens suivis des deux femmes. Couple motorisé, l’homme au volant, la femme derrière s’occupant de Génération Cinquante qui braille dans son landau.
*
A Conleau, le beauf de service porte un ticheurte « Oui j’ai une fille magnifique. Oui j’ai aussi un flingue. Oui j’ai un alibi ».
Ce Petit Passeur est conduit par une petite passeuse, étudiante à l’accent étranger, dont je suis le premier client.
-Bonjour monsieur, vous voulez venir avec moi ? me demande-t-elle.
La traversée coûte trois euros, aller et retour, et ne dure que quelques minutes. C’est suffisant pour que la capitaine ait le temps de me montrer deux cormorans.
Arrivé sur l’autre rive, je me mets à la recherche du café restaurant qu’elle m’a signalé sur les hauteurs. Je le trouve assez rapidement. Il se nomme La Belle Vue, un établissement ancien qui sent la vieille cuisine. Vu qu’il n’a aucun concurrent, j’y réserve une table pour midi puis y bois un café à un euro trente pendant que Bernard Lavilliers chante On the Road again. Je suis ce conseil en descendant vers le bord de mer. J’arrive au lieu-dit Village de Langle qui est doté d’une petite plage fréquentée par des locaux. « Zone de plate réglementée », avertit un panneau. Près de là travaille un ostréiculteur, mais ça n’a rien à voir. Par le chemin côtier, je me rapproche de Port Anna que j’ai déjà vu plusieurs fois depuis le bateau et dont je me réserve la découverte pédestre pour après le repas.
Aussi, je m’assois sur un banc isolé à Porzh Gwenn, face à l’île privée de Boëdic sur laquelle se trouve la mignonne chapelle qui sert d’amer (c’est-à-dire de repère) aux navigateurs et lis un peu du récit de voyage à Paris qui prolonge le Journal de Franz Kafka. L’ambiance sonore mêle le tintement des mâts de voiliers au mouillage, le ronflement des moteurs de bateaux de tourisme en partance pour les îles et les piaillements des oiseaux de mer. Un agréable petit vent frais m’évite d’avoir trop chaud.
Une demi-heure plus tard, je reprends la marche jusqu’à être en face du château de Roguédas, bâtisse blanche du dix-septième siècle, sise à Arradon, de l’autre côté du chenal, puis je fais demi-tour et entre à La Belle Vue à midi pile.
Un homme, qui est peut-être le fils de celui qui tenait le bar quand j’ai réservé, me conduit dans la véranda à la décoration obsolète et me donne la table près du petit courant d’air avec belle vue sur le golfe. Le menu du jour est à entrée, plat et dessert obligés (salade de jambon cru, rôti de porc gratin de pommes de terre, tarte normande). Il n’est qu’à treize euros cinquante, mais le vin n’est servi qu’au verre et cher : quatre euros pour un vulgaire bordeaux. Ici, ce n’est pas complet. Outre moi-même sont là trois vieux habitués, un solitaire et un couple, ainsi qu’un vieux couple de passage (la femme explique au restaurateur que son mari a des problèmes d’estomac).
Sur la pelouse sont disposées trois tables blanches en plastique dont l’une n’est pas desservie des restes d’un petit-déjeuner. Entre elles, je vois apparaître un oiseau à aigrette comme on n’en voit pas en Normandie (la Bretagne, ce pays exotique).
Ce qui n’est pas davantage de Normandie, c’est la misérable tarte qui clôt mon repas. Après avoir payé sans contact (cette modernité étant arrivée en ce lieu reculé), je reprends le chemin côtier du matin et le poursuis. A un moment, je dois contourner la maison rose uniquement visible de la mer qui elle aussi sert d’amer puis j’arrive à Port Anna, ce qui me fait songer à l’une dont c’est le prénom. On y trouve trois bateaux de pêcheurs et quelques sinagots, petits bateaux à voiles ocre caractéristiques de Séné. Poursuivant, j’arrive au Goulet de Conleau et y trouve cachée dans les bosquets une croix devenue discrète puis je redescends vers l’embarcadère où justement la petite passeuse amarre le Petit Passeur. C’est avec une famille de quatre bicyclistes et un jeune couple à bébé posé sur le ventre nu de l’homme que je fais la traversée vers la presqu’île de Conleau. Un café bu au Corlazo et je prends le bus Trois du retour.
Dans les bus de Vannes, les chauffeurs attendent que les passagers soient assis avant de redémarrer. Dans les bus de Vannes, les passagers attendent que le bus soit arrêté avant de se lever pour descendre et disent « Merci, au revoir » au chauffeur quand il ouvre les portes. Je fais donc ainsi.
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Couple de marcheurs, l’homme devant, la femme trente mètres derrière. Autre couple de marcheurs, le chien devant, son maître vingt mètres derrière Pluralité de marcheurs, les deux hommes devant suivis des deux chiens suivis des deux femmes. Couple motorisé, l’homme au volant, la femme derrière s’occupant de Génération Cinquante qui braille dans son landau.
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A Conleau, le beauf de service porte un ticheurte « Oui j’ai une fille magnifique. Oui j’ai aussi un flingue. Oui j’ai un alibi ».
7 août 2019
Oserai-je dire que ce mardi matin, là-haut, on a ouvert les vannes ? C’est un déluge qui s’abat sur mon parapluie tandis que j’attends le bus qui mène à la gare de Vannes (Morbihan) où je dois prendre le train de neuf heures cinquante-quatre pour Redon (Ille-et-Vilaine), cinq euros cinquante pour environ une demi-heure de trajet en BreizhGo. Cette pluie qui était annoncée est la raison de mon choix. Une journée sous l’eau se passe mieux en ville, même si celle-ci est modeste en taille, comme l’est Redon qui d’ailleurs s’en vante, son slogan : « petite ville, grand renom ».
Il pleut toujours très fort lorsque je rejoins le centre de ce bourg qui semble avoir été fabriqué pour les touristes, ici l’abbaye Saint-Sauveur, là la Grande Rue piétonnière et pavée aux maisons à pans de bois, puis le port, ses demeures d’armateurs et le canal de Nantes à Brest. La jeune étrangère employée par l’Office de Tourisme, que je laisse m’indiquer ces endroits à visiter bien que je les connaisse déjà, me conseille deux ou trois restaurants. Ne voulant pas ressembler aux cyclistes que je trouve réfugiés sous les voies ferrées, à peine partis et déjà rincés, je vais boire un café à un euro trente au Triskel dans la Grande Rue où la population locale se sèche également. Il y a forcément quelqu’un pour dire que ça va faire du bien aux jardins.
Quand ça s’améliore un peu, je vais jusqu'au port et assiste au passage des écluses d’un bateau de location. Il y a fort longtemps, quand j’étais chargé d’enfant, j’ai parcouru une petite partie de ce canal en bateau loué, avec pour coéquipier un ancien journaliste de L’Humanité devenu présentateur des infos de Radio Monte Carlo. Il ne m’avait pas dit que sa fille était totalement caractérielle. La mienne a fini par la pousser dans l’eau. L’aventure s’arrêta là.
A midi, faute de mieux, je choisis de déjeuner dans l’un des restaurants suggérés : Patates et Compagnie. On y écoute Radio Nostalgie. Sur la carte tous les plats avec pommes de terre ont le nom d’une chanson qui pourrait passer sur cette antenne. J’en choisis un dont je peux ne pas avoir honte Les brunes comptent pas pour des prunes. C’est une poêlée de rognons de veau à la bière brune bretonne de blé noir, patates vendéenne et parmentine, qui vaut dix-huit euros cinquante. Je commande en sus un quart de merlot à cinq euros quatre-vingts. Une petite terrine de poulet au paprika est offerte « pour faire patienter ».
Ici encore c’est vite complet. Dès midi trente, les serveuses déçoivent les mouillés qui pensaient avoir trouvé un abri confortable. Mon plat est acceptable mais il ne vaut pas son prix. Je n’en dis rien à la patronne à qui je paie mon dû vers treize heures alors qu’il ne pleut plus.
J’en profite pour aller jusqu’à la Croix des Marins puis reviens par le quai Duguay-Trouin où sont les maisons d’armateurs, certaines fort imposantes. Sur la barrière de l’une, moins flamboyante, une affichette demande « Qui a tué Steve ? ».
Pour lire un peu du Journal de Kafka, je m’installe à la terrasse du Nantais, en bas de la Grande Rue dont les nombreux magasins fermés témoignent des difficultés du commerce de centre-ville dans les petites communes. On y écoute Thiéfaine et Ferré. Mon café m’arrive accompagné d’un petit pain aux raisins et ne me coûte qu’un euro quarante.
Le train de seize heures quarante et une a dix-huit minutes de retard en raison du mauvais fonctionnement d’un passage à niveau mais c’est sous un soleil revenu que je l’attends.
*
Curieux spectacle que le passage du Tégévé et du BreizhGo juste à côté de l’abbaye Saint-Sauveur, dont le cloître est de toute beauté.
Cette abbaye est partiellement occupée par le Lycée Saint-Sauveur où Hervé Bazin fut élève.
*
Etrange d’entendre appeler pendant des jours et des jours le disparu de Nantes uniquement par son prénom. On n’a su son nom que lorsque son corps a été retrouvé. Et encore, depuis, des journalistes et des officiels, même policiers, persistent à dire Steve, alors qu’ils n’ont jamais appelé Rémi Fraisse par son prénom. C’est comme si les fêtards étaient des enfants.
Il pleut toujours très fort lorsque je rejoins le centre de ce bourg qui semble avoir été fabriqué pour les touristes, ici l’abbaye Saint-Sauveur, là la Grande Rue piétonnière et pavée aux maisons à pans de bois, puis le port, ses demeures d’armateurs et le canal de Nantes à Brest. La jeune étrangère employée par l’Office de Tourisme, que je laisse m’indiquer ces endroits à visiter bien que je les connaisse déjà, me conseille deux ou trois restaurants. Ne voulant pas ressembler aux cyclistes que je trouve réfugiés sous les voies ferrées, à peine partis et déjà rincés, je vais boire un café à un euro trente au Triskel dans la Grande Rue où la population locale se sèche également. Il y a forcément quelqu’un pour dire que ça va faire du bien aux jardins.
Quand ça s’améliore un peu, je vais jusqu'au port et assiste au passage des écluses d’un bateau de location. Il y a fort longtemps, quand j’étais chargé d’enfant, j’ai parcouru une petite partie de ce canal en bateau loué, avec pour coéquipier un ancien journaliste de L’Humanité devenu présentateur des infos de Radio Monte Carlo. Il ne m’avait pas dit que sa fille était totalement caractérielle. La mienne a fini par la pousser dans l’eau. L’aventure s’arrêta là.
A midi, faute de mieux, je choisis de déjeuner dans l’un des restaurants suggérés : Patates et Compagnie. On y écoute Radio Nostalgie. Sur la carte tous les plats avec pommes de terre ont le nom d’une chanson qui pourrait passer sur cette antenne. J’en choisis un dont je peux ne pas avoir honte Les brunes comptent pas pour des prunes. C’est une poêlée de rognons de veau à la bière brune bretonne de blé noir, patates vendéenne et parmentine, qui vaut dix-huit euros cinquante. Je commande en sus un quart de merlot à cinq euros quatre-vingts. Une petite terrine de poulet au paprika est offerte « pour faire patienter ».
Ici encore c’est vite complet. Dès midi trente, les serveuses déçoivent les mouillés qui pensaient avoir trouvé un abri confortable. Mon plat est acceptable mais il ne vaut pas son prix. Je n’en dis rien à la patronne à qui je paie mon dû vers treize heures alors qu’il ne pleut plus.
J’en profite pour aller jusqu’à la Croix des Marins puis reviens par le quai Duguay-Trouin où sont les maisons d’armateurs, certaines fort imposantes. Sur la barrière de l’une, moins flamboyante, une affichette demande « Qui a tué Steve ? ».
Pour lire un peu du Journal de Kafka, je m’installe à la terrasse du Nantais, en bas de la Grande Rue dont les nombreux magasins fermés témoignent des difficultés du commerce de centre-ville dans les petites communes. On y écoute Thiéfaine et Ferré. Mon café m’arrive accompagné d’un petit pain aux raisins et ne me coûte qu’un euro quarante.
Le train de seize heures quarante et une a dix-huit minutes de retard en raison du mauvais fonctionnement d’un passage à niveau mais c’est sous un soleil revenu que je l’attends.
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Curieux spectacle que le passage du Tégévé et du BreizhGo juste à côté de l’abbaye Saint-Sauveur, dont le cloître est de toute beauté.
Cette abbaye est partiellement occupée par le Lycée Saint-Sauveur où Hervé Bazin fut élève.
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Etrange d’entendre appeler pendant des jours et des jours le disparu de Nantes uniquement par son prénom. On n’a su son nom que lorsque son corps a été retrouvé. Et encore, depuis, des journalistes et des officiels, même policiers, persistent à dire Steve, alors qu’ils n’ont jamais appelé Rémi Fraisse par son prénom. C’est comme si les fêtards étaient des enfants.
6 août 2019
Un temps prévu ensoleillé il y a trois jours quand j’ai pris mon billet pour l’île aux Moines et un temps réel nuageux au moment où je monte dans le bus Trois et pluvieux quand j’en descends à la Gare Maritime. J’évite cette brouillasse sous l’abri, attendant qu’à neuf heures trente se présente Lady de Nantes. Ce bateau de la compagnie Vedettes du Golfe ne fait qu’un aller-retour par jour.
En ce lundi de mauvais temps, nous sommes peu à y monter, ce qui me réjouit. Quarante minutes plus tard, nous touchons au but quand s’arrête le crachin. « Retour à seize heures, même bateau, même équipage », nous dit par le truchement du haut-parleur la jeune matelote blonde avant de nous souhaiter une bonne journée. J’entre au petit Office de Tourisme où l’on me procure un plan de l’île en échange de mon code postal puis je me dirige vers le bourg. Beaucoup des maisons y sont typiquement iliennes et bretonnes, entourées de fleurs, pour certaines un peu décaties.
Soucieux d’éviter au déjeuner les endroits où se retrouvent les familles en séjour et celles de passage, je repère un minuscule restaurant nommé Le Maëmi et y réserve une table auprès du patron occupé à la cuisine puis je prends un café à un euro cinquante à la terrasse du bar tabac de la place du marché. J’entre ensuite dans la chapelle Notre-Dame de l’Espérance aux murs de laquelle sont accrochés des tableaux représentant des naufrages. Au détour d’un chemin, je croise un Gendarme et une Gendarme faisant leur ronde à pied. Elle n’a pas l’air d’avoir plus de seize ans.
Comme convenu, j’entre au Maëmi à midi et quart où m’accueille une jeune femme prénommée Maëva qui s’avère être la fille du cuisinier et de la cuisinière, lesquels sont aidés aux fourneaux par un jeune homme à casquette à l’envers. D’où je suis, j’ai vue sur la cuisine dont la porte reste ouverte et sur la salle bientôt entièrement occupée. La seule jeune enfant présente ne se fait pas remarquer. C’est donc détendu que je savoure, dans la formule à quatorze euros cinquante que j’ai choisie pour ne pas rester trop longtemps enfermé, d’abord la douzaine de bulots et leur aïoli puis le fish and chips, cela avec un quart de sauvignon à cinq euros. « C’était très bien », dis-je, au moment de payer, à l’efficace et sympathique Maëva qui, pendant les trois quarts d’heure qu’a duré mon repas, a bien dû répéter vingt fois « Désolée, nous sommes complets ».
Dehors, il pleut. Pour la première fois depuis mon arrivée en Bretagne, je dois ouvrir mon parapluie. Cela ne m’empêche pas de rejoindre la pointe du Trec’h par le sentier côtier puis de revenir vers le port par une route où l’on ne croise aucune voiture.
La pluie ayant enfin cessé, c’est au bout du quai, près de l’embarcadère, Chez Jeannette, que je prends un café verre d’eau à un euro soixante-dix en lisant Kafka. Une femme qui est en compagnie d’un jeune homme à l’une des tables voisines se tourne vers moi :
-Excusez-moi, je crois qu’on se connaît. Vous habitez Rouen. Votre prénom, c’est Michel.
-Ah oui, on se connaît d’où ?
-J’ai travaillé au Musée des Beaux-Arts, me répond-elle.
Elle me connaît mais je ne la connais pas. Le seul que j’aie connu dans cette institution, c’est-à-dire avec qui j’ai parlé, plusieurs fois, est son ancien Directeur, Laurent Salomé, actuellement Directeur du Musée National des Châteaux de Versailles et de Trianon.
Quand cette femme et celui qui l’accompagne se lèvent, elle me souhaite un bon séjour et je lui souhaite de bonnes vacances, puis je me dis que peut-être elle n’est pas ici en congé.
Peu après, je vais attendre Lady de Nantes. Le ballet des bateaux de voyageurs qui partent dans toutes les directions est impressionnant. La crainte de chacun sur le quai est de se tromper de bateau et une fois devant le bon, de ne pas y avoir de place. Ce n’est pas mon cas ce jour, la jeune matelote blonde est facilement repérable et nous ne sommes pas plus nombreux qu’à l’aller pour le retour à Vannes. Je profite du soleil revenu pour voyager à la proue du navire. J’ai le privilège d’y être seul.
*
A l’entrée de toutes les rues menant au centre du bourg, cette injonction : « Cyclistes, pied à terre ». Je ne suis pas mécontent de voir un peu admonestés ces pédaleurs.
*
Au mur du Maëmi, cette sentence d’un certain Buddha : « Ce que nous sommes est le résultat de ce que nous pensons. »
*
Parmi les voiliers croisés pendant le retour à Vannes, un nommé Houat Else.
En ce lundi de mauvais temps, nous sommes peu à y monter, ce qui me réjouit. Quarante minutes plus tard, nous touchons au but quand s’arrête le crachin. « Retour à seize heures, même bateau, même équipage », nous dit par le truchement du haut-parleur la jeune matelote blonde avant de nous souhaiter une bonne journée. J’entre au petit Office de Tourisme où l’on me procure un plan de l’île en échange de mon code postal puis je me dirige vers le bourg. Beaucoup des maisons y sont typiquement iliennes et bretonnes, entourées de fleurs, pour certaines un peu décaties.
Soucieux d’éviter au déjeuner les endroits où se retrouvent les familles en séjour et celles de passage, je repère un minuscule restaurant nommé Le Maëmi et y réserve une table auprès du patron occupé à la cuisine puis je prends un café à un euro cinquante à la terrasse du bar tabac de la place du marché. J’entre ensuite dans la chapelle Notre-Dame de l’Espérance aux murs de laquelle sont accrochés des tableaux représentant des naufrages. Au détour d’un chemin, je croise un Gendarme et une Gendarme faisant leur ronde à pied. Elle n’a pas l’air d’avoir plus de seize ans.
Comme convenu, j’entre au Maëmi à midi et quart où m’accueille une jeune femme prénommée Maëva qui s’avère être la fille du cuisinier et de la cuisinière, lesquels sont aidés aux fourneaux par un jeune homme à casquette à l’envers. D’où je suis, j’ai vue sur la cuisine dont la porte reste ouverte et sur la salle bientôt entièrement occupée. La seule jeune enfant présente ne se fait pas remarquer. C’est donc détendu que je savoure, dans la formule à quatorze euros cinquante que j’ai choisie pour ne pas rester trop longtemps enfermé, d’abord la douzaine de bulots et leur aïoli puis le fish and chips, cela avec un quart de sauvignon à cinq euros. « C’était très bien », dis-je, au moment de payer, à l’efficace et sympathique Maëva qui, pendant les trois quarts d’heure qu’a duré mon repas, a bien dû répéter vingt fois « Désolée, nous sommes complets ».
Dehors, il pleut. Pour la première fois depuis mon arrivée en Bretagne, je dois ouvrir mon parapluie. Cela ne m’empêche pas de rejoindre la pointe du Trec’h par le sentier côtier puis de revenir vers le port par une route où l’on ne croise aucune voiture.
La pluie ayant enfin cessé, c’est au bout du quai, près de l’embarcadère, Chez Jeannette, que je prends un café verre d’eau à un euro soixante-dix en lisant Kafka. Une femme qui est en compagnie d’un jeune homme à l’une des tables voisines se tourne vers moi :
-Excusez-moi, je crois qu’on se connaît. Vous habitez Rouen. Votre prénom, c’est Michel.
-Ah oui, on se connaît d’où ?
-J’ai travaillé au Musée des Beaux-Arts, me répond-elle.
Elle me connaît mais je ne la connais pas. Le seul que j’aie connu dans cette institution, c’est-à-dire avec qui j’ai parlé, plusieurs fois, est son ancien Directeur, Laurent Salomé, actuellement Directeur du Musée National des Châteaux de Versailles et de Trianon.
Quand cette femme et celui qui l’accompagne se lèvent, elle me souhaite un bon séjour et je lui souhaite de bonnes vacances, puis je me dis que peut-être elle n’est pas ici en congé.
Peu après, je vais attendre Lady de Nantes. Le ballet des bateaux de voyageurs qui partent dans toutes les directions est impressionnant. La crainte de chacun sur le quai est de se tromper de bateau et une fois devant le bon, de ne pas y avoir de place. Ce n’est pas mon cas ce jour, la jeune matelote blonde est facilement repérable et nous ne sommes pas plus nombreux qu’à l’aller pour le retour à Vannes. Je profite du soleil revenu pour voyager à la proue du navire. J’ai le privilège d’y être seul.
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A l’entrée de toutes les rues menant au centre du bourg, cette injonction : « Cyclistes, pied à terre ». Je ne suis pas mécontent de voir un peu admonestés ces pédaleurs.
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Au mur du Maëmi, cette sentence d’un certain Buddha : « Ce que nous sommes est le résultat de ce que nous pensons. »
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Parmi les voiliers croisés pendant le retour à Vannes, un nommé Houat Else.
5 août 2019
Le dimanche matin permettant la visite d’un centre historique de Vannes non encore envahi par la foule, j’y descends à pied après avoir regardé en direct à la télévision ce grand fou de Franky Zapata traverser la Manche avec sa planche volante.
Je peux à mon aise photographier les maisons anciennes qui font la réputation de la ville puis grimper sur le seul petit bout de rempart accessible avant de longer tout le reste jusqu’au port.
J’évite cet endroit pour prendre un café, trouvant mon bonheur plus haut à la terrasse de Chez Fred, un petit bistrot tenu par un jeune couple, où le noir breuvage ne coûte qu’un euro cinquante. A ma gauche est un couple de garçons buvant également du café. « Il est raide », déclare l’un et je me demande de quoi il parle. A ma droite est un jeune couple à pénible fillette de trois ans. « La prochaine fois, on t’emmènera pas en vacances, lui dit sa mère, on te laissera chez Mamie ». « Non non, pas chez Mamie, je l’aime pas Mamie ». « On lui dira ». Eux partis, je reste ici à lire Kafka jusqu’à midi moins cinq puis me mets en quête d’un restaurant possible.
Je choisis Le Saint-Ex pour son emplacement. Sa terrasse donne sur la rue des Orfèvres où ne passent que des piétons et le petit train promène-touristes semblable à l’ancien de Rouen (le nouveau étant électrique comme il se doit). Le menu du jour est à prix dominical, dix-neuf euros cinquante. Il ne permet pas le choix, c’est aumônière, maquereau, crème brûlée. Je commande également un demi-pichet de chardonnay à sept euros cinquante.
Je crois bien n’avoir jamais mangé une aussi mauvaise aumônière. Elle est sèche, vide et froide. « Ça vous a plu ? » me demande l’une des serveuses. « Pas du tout ». Je lui explique pourquoi et constate qu’elle s’en fiche. Heureusement, le maquereau servi avec une épaisse purée est fort bon. A ma droite est une famille espagnole dont l’un des membres photographie une salade qui n’en vaut pas la peine et à ma gauche un couple de garçons avec la mère de l’un qu’elle appelle «Mon chéri ». Ma crème brûlée est minuscule et moitié froide moitié tiède. J’ajoute un café à un euro soixante-dix et paie sans un mot. « Ce n’est pas terrible, dis-je en partant à deux jeunes femmes qui consultent l’affichage, vous avez encore le temps d’aller ailleurs ». Elles suivent mon conseil et cette petite vengeance me console un peu.
Le temps est couvert lorsque je remonte vers l’étang au Duc dont je décide de faire le tour avant de rentrer au quatrième étage. Il y a quelques jours, des riverains l’ont trouvé vert et ont appelé les pompiers qui ont constaté que les poissons étaient toujours vivants. On attend le résultat des analyses.
*
Un coup d’œil dans la Cathédrale Saint-Pierre durant la messe me permet de savoir que celle-ci n’est occupée qu’à moitié et que le prêtre dispose des moyens de l’amplification sonore pour s’adresser à ses ouailles.
*
Au détour des remparts, une statue de Saint Emilion, né à Vannes.
*
Sur un panneau de l’étang du Duc, cette curieuse formulation : « Zone de pêche à la carpe de nuit autorisée ».
*
Hors saison, l’entrée au Musée des Beaux-Arts de Vannes coûte quatre euros soixante et c’est gratuit le dimanche. En période estivale, l’entrée est obligatoirement jumelée avec celle du Musée d’Histoire et d’Archéologie pour six euros cinquante et pas de gratuité le dimanche. Monsieur le Maire ne recule devant rien pour capter l’argent des touristes, ce qui a pour effet de me transformer en abstentionniste.
Je peux à mon aise photographier les maisons anciennes qui font la réputation de la ville puis grimper sur le seul petit bout de rempart accessible avant de longer tout le reste jusqu’au port.
J’évite cet endroit pour prendre un café, trouvant mon bonheur plus haut à la terrasse de Chez Fred, un petit bistrot tenu par un jeune couple, où le noir breuvage ne coûte qu’un euro cinquante. A ma gauche est un couple de garçons buvant également du café. « Il est raide », déclare l’un et je me demande de quoi il parle. A ma droite est un jeune couple à pénible fillette de trois ans. « La prochaine fois, on t’emmènera pas en vacances, lui dit sa mère, on te laissera chez Mamie ». « Non non, pas chez Mamie, je l’aime pas Mamie ». « On lui dira ». Eux partis, je reste ici à lire Kafka jusqu’à midi moins cinq puis me mets en quête d’un restaurant possible.
Je choisis Le Saint-Ex pour son emplacement. Sa terrasse donne sur la rue des Orfèvres où ne passent que des piétons et le petit train promène-touristes semblable à l’ancien de Rouen (le nouveau étant électrique comme il se doit). Le menu du jour est à prix dominical, dix-neuf euros cinquante. Il ne permet pas le choix, c’est aumônière, maquereau, crème brûlée. Je commande également un demi-pichet de chardonnay à sept euros cinquante.
Je crois bien n’avoir jamais mangé une aussi mauvaise aumônière. Elle est sèche, vide et froide. « Ça vous a plu ? » me demande l’une des serveuses. « Pas du tout ». Je lui explique pourquoi et constate qu’elle s’en fiche. Heureusement, le maquereau servi avec une épaisse purée est fort bon. A ma droite est une famille espagnole dont l’un des membres photographie une salade qui n’en vaut pas la peine et à ma gauche un couple de garçons avec la mère de l’un qu’elle appelle «Mon chéri ». Ma crème brûlée est minuscule et moitié froide moitié tiède. J’ajoute un café à un euro soixante-dix et paie sans un mot. « Ce n’est pas terrible, dis-je en partant à deux jeunes femmes qui consultent l’affichage, vous avez encore le temps d’aller ailleurs ». Elles suivent mon conseil et cette petite vengeance me console un peu.
Le temps est couvert lorsque je remonte vers l’étang au Duc dont je décide de faire le tour avant de rentrer au quatrième étage. Il y a quelques jours, des riverains l’ont trouvé vert et ont appelé les pompiers qui ont constaté que les poissons étaient toujours vivants. On attend le résultat des analyses.
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Un coup d’œil dans la Cathédrale Saint-Pierre durant la messe me permet de savoir que celle-ci n’est occupée qu’à moitié et que le prêtre dispose des moyens de l’amplification sonore pour s’adresser à ses ouailles.
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Au détour des remparts, une statue de Saint Emilion, né à Vannes.
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Sur un panneau de l’étang du Duc, cette curieuse formulation : « Zone de pêche à la carpe de nuit autorisée ».
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Hors saison, l’entrée au Musée des Beaux-Arts de Vannes coûte quatre euros soixante et c’est gratuit le dimanche. En période estivale, l’entrée est obligatoirement jumelée avec celle du Musée d’Histoire et d’Archéologie pour six euros cinquante et pas de gratuité le dimanche. Monsieur le Maire ne recule devant rien pour capter l’argent des touristes, ce qui a pour effet de me transformer en abstentionniste.
4 août 2019
Retour à la gare de Vannes ce samedi matin où je grimpe dans le BreizhGo de huit heures quarante-deux pour Auray. J’y côtoie une famille pittoresque parlant un mélange de langue régionale et de français. Il ne s’agit pas du breton qu’il n’y a aucune chance d’entendre dans ce coin mais de l’alsacien. Peu avant d’arriver, je montre mon billet à trois euros trente (période blanche) à une contrôleuse blonde tatouée sur le mollet. Le voyage ne dure que dix minutes.
Mon intention est de rejoindre le centre historique puis le port de Saint-Goustan pédestrement, mais quand le sympathique autochtone à qui je demande mon chemin m’apprend que c’est à plus de quatre kilomètres, je change de plan et attends le Bus d’Auray, un minibus qui fait la navette pour la modique somme d’un euro.
L’aimable chauffeur me laisse à Hôtel de Ville. Je fais le tour d’Auray et de ses maisons à pans de bois et encorbellements qui m’en rappellent d’autres puis entre dans l’église Saint-Gildas de style Renaissance. On y trouve notamment une superbe sculpture de la mise au tombeau de Jésus.
La meilleure terrasse de la ville est celle du Café des Halles face à celles-ci. C’est là que je lis un peu du Journal de Kafka en buvant un café à un euro quarante.
Au bout de la jolie rue du Belzic, décorée de poissons volants, se trouve la place aux Roues. J’y déjeune en terrasse à La Petite Casserole dont la décoration est banale contrairement à celle de deux autres restaurants qui lui font face et que je préfère regarder plutôt que d’y être, pour cause de présence de marmaille. L’attentif serveur n’est pas débordé. Outre moi-même ne sont là qu’un père et sa fille. Elle lui parle d’un sculpteur suisse qui a fait la Route du Rhum. Le menu est à dix-huit euros et le demi de vin d’Anjou à huit euros cinquante. J’ai choisi l’escabèche de maquereau maison, le gigot d’agneau rôti avec pommes de terre sarladaises (très bon) et la tarte tatin à l’ananas.
A l’issue, je me rends au belvédère qui permet d’avoir une vue d’ensemble du port de Saint-Goustan sur l’autre rive puis je passe le pont. Je connais bien ce bel endroit, où sont amarrés quelques vieux gréements, pour y être venu plusieurs fois. A cette heure, l’affluence se concentre dans les restaurants qui se succèdent sur le quai : L’Armoric, Le Bistrot du Port, Le P’tit Goustan, La Table de Saint-Goustan, La Licorne, Le Franklin, Le Petit Cérès, Le Yac’h et les Voiles. Autrefois, il y avait des hôtels au-dessus de certains. J’ai passé une nuit dans l’un avec une qui aurait voulu que l’on soit dans l’autre bien plus cher. Notre histoire s’est terminée avant la fin de l’été. Plus tard, je suis repassé par là avec les deux seules qui ont compté dans ma vie. Aujourd’hui, m’y voici seul et les hôtels ont disparu.
Remonté dans la ville, je m’installe une nouvelle fois en terrasse au Café des Halles puis vais attendre le minibus à l’arrêt Les Augustines. Mon train de retour à dix-sept heures sept est en période bleue (deux euros vingt). Il est archi complet car s’y sont déversés, avec gros bagages et vélos, les passagers du Tire-Bouchon de Quiberon. Pour beaucoup, ce samedi marque la fin des vacances.
*
Au bout du quai à Saint-Goustan, un hideux manège qui fait pleurer tous les moutards, ceux dont les parents ne veulent pas et ceux dont les parents ont voulu mais qui n’en n’ont pas eu assez.
*
Sur le mur d’un des restaurants de ce port, une plaque en hommage à Benjamin Franklin qui débarqua ici le quatre décembre mil sept cent soixante-seize « envoyé en France par les Etats-Unis pour négocier la première alliance entre les deux pays ».
*
Une chemiserie à Auray : Homm’ & Gars.
Mon intention est de rejoindre le centre historique puis le port de Saint-Goustan pédestrement, mais quand le sympathique autochtone à qui je demande mon chemin m’apprend que c’est à plus de quatre kilomètres, je change de plan et attends le Bus d’Auray, un minibus qui fait la navette pour la modique somme d’un euro.
L’aimable chauffeur me laisse à Hôtel de Ville. Je fais le tour d’Auray et de ses maisons à pans de bois et encorbellements qui m’en rappellent d’autres puis entre dans l’église Saint-Gildas de style Renaissance. On y trouve notamment une superbe sculpture de la mise au tombeau de Jésus.
La meilleure terrasse de la ville est celle du Café des Halles face à celles-ci. C’est là que je lis un peu du Journal de Kafka en buvant un café à un euro quarante.
Au bout de la jolie rue du Belzic, décorée de poissons volants, se trouve la place aux Roues. J’y déjeune en terrasse à La Petite Casserole dont la décoration est banale contrairement à celle de deux autres restaurants qui lui font face et que je préfère regarder plutôt que d’y être, pour cause de présence de marmaille. L’attentif serveur n’est pas débordé. Outre moi-même ne sont là qu’un père et sa fille. Elle lui parle d’un sculpteur suisse qui a fait la Route du Rhum. Le menu est à dix-huit euros et le demi de vin d’Anjou à huit euros cinquante. J’ai choisi l’escabèche de maquereau maison, le gigot d’agneau rôti avec pommes de terre sarladaises (très bon) et la tarte tatin à l’ananas.
A l’issue, je me rends au belvédère qui permet d’avoir une vue d’ensemble du port de Saint-Goustan sur l’autre rive puis je passe le pont. Je connais bien ce bel endroit, où sont amarrés quelques vieux gréements, pour y être venu plusieurs fois. A cette heure, l’affluence se concentre dans les restaurants qui se succèdent sur le quai : L’Armoric, Le Bistrot du Port, Le P’tit Goustan, La Table de Saint-Goustan, La Licorne, Le Franklin, Le Petit Cérès, Le Yac’h et les Voiles. Autrefois, il y avait des hôtels au-dessus de certains. J’ai passé une nuit dans l’un avec une qui aurait voulu que l’on soit dans l’autre bien plus cher. Notre histoire s’est terminée avant la fin de l’été. Plus tard, je suis repassé par là avec les deux seules qui ont compté dans ma vie. Aujourd’hui, m’y voici seul et les hôtels ont disparu.
Remonté dans la ville, je m’installe une nouvelle fois en terrasse au Café des Halles puis vais attendre le minibus à l’arrêt Les Augustines. Mon train de retour à dix-sept heures sept est en période bleue (deux euros vingt). Il est archi complet car s’y sont déversés, avec gros bagages et vélos, les passagers du Tire-Bouchon de Quiberon. Pour beaucoup, ce samedi marque la fin des vacances.
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Au bout du quai à Saint-Goustan, un hideux manège qui fait pleurer tous les moutards, ceux dont les parents ne veulent pas et ceux dont les parents ont voulu mais qui n’en n’ont pas eu assez.
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Sur le mur d’un des restaurants de ce port, une plaque en hommage à Benjamin Franklin qui débarqua ici le quatre décembre mil sept cent soixante-seize « envoyé en France par les Etats-Unis pour négocier la première alliance entre les deux pays ».
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Une chemiserie à Auray : Homm’ & Gars.
3 août 2019
Encore dans le bus Trois ce vendredi matin, il a la bonne idée de desservir la Gare Maritime. Une jolie fille à jupe rouge m’y vend un billet aller-retour à dix euros quarante pour le bateau bus qui relie le continent à l’île d’Arz située au centre du golfe. Nous sommes peu à son bord au départ de huit heures quarante et croisons en chemin des jeunes gens qui pagaient en cadence dans de petits bateaux munis d’une voile, des galériens du vingt-et-unième siècle.
Arrivé sur cette petite île plate aux côtes très découpées, je rejoins le bourg situé en son milieu. La petite route longe d’abord la mer et monte un peu dans la dernière centaine de mètres. Pour reposer mon pied et le reste, je m’offre un café verre d’eau à un euro soixante au Café de la Mairie où l’on écoute Fip et où le service se fait au bar. La clientèle est locale. On ne cesse de s’y saluer. Le problème des petites îles, c’est que tout le monde connaît tout le monde. Côté conversation, c’est aussi vide qu’ailleurs :
-Tu as vu le ciel comme il est bleu.
-La petite-fille de Kennedy vient de mourir à vingt-deux ans
-Oh c’est horrible.
Je repose tasse et verre sur le comptoir et entre dans l’église voisine puis je fais des photos de maisons typiques à hortensias roses et bleus un peu fanés ainsi que d’une maison noire atypique.
Après avoir retenu une table à l’ombre en terrasse à la crêperie-restaurant Les Iles, je vais me poser sur un banc au-dessus d’une petite plage d’habitué(e)s et y lis un peu Kafka. Ici, il ne viendrait à l’idée de personne d’attacher son vélo.
A midi je prends place à l’une des tables qui donnent sur la rue par où passe toute la population car elle mène à la supérette Spar, seul magasin d’alimentation. M’y rejoignent des familles dont plusieurs à bébé et une à nymphette fascinée par ces vagissants (ce truc inscrit dans les gènes des filles, c’est terrible).
La patronne a pour aides une femme de son âge et deux jeunes filles dont l’une en microjupe. Toutes quatre s’affairent mais ça ne suit pas en cuisine. Bientôt on refuse des clients faute de place, mais surtout faute de rendement du crêpier cuisinier. Je ne suis servi qu’au bout d’une demi-heure, ayant comblé l’attente en buvant un peu de mon demi-pichet de rosé corse à sept euros. Ma joue de porc au cidre et son écrasée de pommes de terre et petits légumes à treize euros est toutefois fort bonne. En revanche, la crêpe caramel beurre salé, que vantait Le Guide du Routard en deux mille six, est non seulement chère (six euros) mais également décevante. Du caramel oui mais où donc est le beurre salé ? La patronne, à qui je paie, ne me demande pas si tout s’est bien passé.
Un aimable ilien m’indique comment aller au lieu-dit Berno d’où je longe la mer, en passant par une digue où est installé un pittoresque moulin à marée, jusqu’à l’embarcadère, près duquel m’appelle la terrasse dominant le golfe de L’Escale en Arz. J’y prends le café longuement subissant encore un nourrisson vagissant.
C’est un bateau bus dans lequel sont montés en priorité deux Gendarmes à gilets pare-balles et lunettes noires puis un groupe de branlotin(e)s rentrant d’un camp de voile qui me ramène à Vannes. Avant de prendre le bus Trois, j’achète un billet aller-retour à seize euros pour l’île aux Moines lundi.
*
Avertissement de la Mairie de l’île d’Arz: « Interdiction d’entrer dans le cimetière avec les bicyclettes ».
*
Sur la porte d’une maison donnant sur ce cimetière: « Ici mieux qu’en face ».
Arrivé sur cette petite île plate aux côtes très découpées, je rejoins le bourg situé en son milieu. La petite route longe d’abord la mer et monte un peu dans la dernière centaine de mètres. Pour reposer mon pied et le reste, je m’offre un café verre d’eau à un euro soixante au Café de la Mairie où l’on écoute Fip et où le service se fait au bar. La clientèle est locale. On ne cesse de s’y saluer. Le problème des petites îles, c’est que tout le monde connaît tout le monde. Côté conversation, c’est aussi vide qu’ailleurs :
-Tu as vu le ciel comme il est bleu.
-La petite-fille de Kennedy vient de mourir à vingt-deux ans
-Oh c’est horrible.
Je repose tasse et verre sur le comptoir et entre dans l’église voisine puis je fais des photos de maisons typiques à hortensias roses et bleus un peu fanés ainsi que d’une maison noire atypique.
Après avoir retenu une table à l’ombre en terrasse à la crêperie-restaurant Les Iles, je vais me poser sur un banc au-dessus d’une petite plage d’habitué(e)s et y lis un peu Kafka. Ici, il ne viendrait à l’idée de personne d’attacher son vélo.
A midi je prends place à l’une des tables qui donnent sur la rue par où passe toute la population car elle mène à la supérette Spar, seul magasin d’alimentation. M’y rejoignent des familles dont plusieurs à bébé et une à nymphette fascinée par ces vagissants (ce truc inscrit dans les gènes des filles, c’est terrible).
La patronne a pour aides une femme de son âge et deux jeunes filles dont l’une en microjupe. Toutes quatre s’affairent mais ça ne suit pas en cuisine. Bientôt on refuse des clients faute de place, mais surtout faute de rendement du crêpier cuisinier. Je ne suis servi qu’au bout d’une demi-heure, ayant comblé l’attente en buvant un peu de mon demi-pichet de rosé corse à sept euros. Ma joue de porc au cidre et son écrasée de pommes de terre et petits légumes à treize euros est toutefois fort bonne. En revanche, la crêpe caramel beurre salé, que vantait Le Guide du Routard en deux mille six, est non seulement chère (six euros) mais également décevante. Du caramel oui mais où donc est le beurre salé ? La patronne, à qui je paie, ne me demande pas si tout s’est bien passé.
Un aimable ilien m’indique comment aller au lieu-dit Berno d’où je longe la mer, en passant par une digue où est installé un pittoresque moulin à marée, jusqu’à l’embarcadère, près duquel m’appelle la terrasse dominant le golfe de L’Escale en Arz. J’y prends le café longuement subissant encore un nourrisson vagissant.
C’est un bateau bus dans lequel sont montés en priorité deux Gendarmes à gilets pare-balles et lunettes noires puis un groupe de branlotin(e)s rentrant d’un camp de voile qui me ramène à Vannes. Avant de prendre le bus Trois, j’achète un billet aller-retour à seize euros pour l’île aux Moines lundi.
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Avertissement de la Mairie de l’île d’Arz: « Interdiction d’entrer dans le cimetière avec les bicyclettes ».
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Sur la porte d’une maison donnant sur ce cimetière: « Ici mieux qu’en face ».
2 août 2019
Ce jeudi matin, je prends le bus Trois à l’arrêt Saint-Gildas, et plus qu’à me laisser mener, après un détour par des quartiers populaires, jusqu’à son terminus à la presqu’île de Conleau qui fut autrefois une île.
Quel endroit charmant, me dis-je en arrivant. J’en fais le tour par le bord, ce qui ne prend guère de temps, photographiant ici et là le golfe et ses bateaux sous les nuages. Sur un mur d’Arradon, la commune en vis-à-vis, une inscription, assez ancienne pour qu’un arbre ayant poussé en cache la fin, rappelle que pour certains c’est « Breton toujours, Français jamais ».
Face à cette affirmation bien sentie, je lis Kafka un bon moment, observant le peu de monde. Quelques locaux âgés sortent de chez eux en maillot et se jettent à l’eau. Une colonie de vacances prépare ses embarcations. Des coureuses isolées ont toutes choisi le maillot rose fluo. On se plaint un peu de la température : « Avant y avait trop, maintenant y a pas assez ».
Quand enfin le café bistrot Le Corlazo daigne ouvrir, j’y vais boire un café à un euro soixante-dix, tout au bord de l’eau, et poursuis ma lecture de Kafka jusqu’à midi moins le quart.
La presqu’île dispose d’un hôtel restaurant plutôt cher, Le Roof, auquel est attenant, à prix plus modéré, une annexe nommée Le Café de Conleau. Bien que n’ayant pas réservé, j’y obtiens une table avec vue, à l’intérieur, car la terrasse est officiellement fermée pour cause de fraîcheur.
Le personnel de cet établissement est masculin et semble sortir de l’Ecole Hôtelière. La formule plat dessert est à dix-neuf euros. En deux mille six, m’apprend mon vieux Guide du Routard, elle était à treize euros cinquante. Je choisis le coquelet rôti sauce diable avec gâteau de pommes de terre et la tarte noisettine aux poires, accompagnés d’un quart de merlot à six euros. « Le duo de poissons, c’est quoi ? », demande une femme à son mari. « C’est deux poissons », lui répond celui-ci. Il mange ses moules marinières en les gobant puis jette toutes ses frites dans la sauce.
Après ce bon repas, je m’installe sur un banc au-dessus de ce qui tient lieu de plage et reprend mon livre. « Y a quand même moins de monde, hein ? », observe une autochtone. « Ah bah, les gens sont peut-être partis ailleurs », lui répond sa vieille copine.
Vers quinze heures trente, le soleil apparaît. Je repasse au Corlazo pour un café verre d’eau puis, quand de gros nuages noirs apparaissent soudainement, décide qu’il est temps de rentrer.
*
Cette fille, si elle était assise sur le banc voisin du mien, veillerait à ce que sa jupe ne remonte pas d’un centimètre, mais à peine assise sur la plage devant moi, elle la remonte jusqu’en haut.
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Passe un kayak gonflable que l’on fait avancer avec ses pieds. Cela ressemble à un jouet d’enfant, mais c’est un quinquagénaire qui s’y balade, tranquillement allongé.
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Encore un type au téléphone en marchant, me dis-je. Erreur, celui-là parle vraiment tout seul.
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« Mais qu’est-ce que je fais, moi, je me suis trompé de route », s’exclame le chauffeur du bus Trois qui me ramène en ville. Il a oublié les quartiers populaires. Il fait demi-tour au rond-point du bout du port et nous voici repartis dans l’autre sens.
Quel endroit charmant, me dis-je en arrivant. J’en fais le tour par le bord, ce qui ne prend guère de temps, photographiant ici et là le golfe et ses bateaux sous les nuages. Sur un mur d’Arradon, la commune en vis-à-vis, une inscription, assez ancienne pour qu’un arbre ayant poussé en cache la fin, rappelle que pour certains c’est « Breton toujours, Français jamais ».
Face à cette affirmation bien sentie, je lis Kafka un bon moment, observant le peu de monde. Quelques locaux âgés sortent de chez eux en maillot et se jettent à l’eau. Une colonie de vacances prépare ses embarcations. Des coureuses isolées ont toutes choisi le maillot rose fluo. On se plaint un peu de la température : « Avant y avait trop, maintenant y a pas assez ».
Quand enfin le café bistrot Le Corlazo daigne ouvrir, j’y vais boire un café à un euro soixante-dix, tout au bord de l’eau, et poursuis ma lecture de Kafka jusqu’à midi moins le quart.
La presqu’île dispose d’un hôtel restaurant plutôt cher, Le Roof, auquel est attenant, à prix plus modéré, une annexe nommée Le Café de Conleau. Bien que n’ayant pas réservé, j’y obtiens une table avec vue, à l’intérieur, car la terrasse est officiellement fermée pour cause de fraîcheur.
Le personnel de cet établissement est masculin et semble sortir de l’Ecole Hôtelière. La formule plat dessert est à dix-neuf euros. En deux mille six, m’apprend mon vieux Guide du Routard, elle était à treize euros cinquante. Je choisis le coquelet rôti sauce diable avec gâteau de pommes de terre et la tarte noisettine aux poires, accompagnés d’un quart de merlot à six euros. « Le duo de poissons, c’est quoi ? », demande une femme à son mari. « C’est deux poissons », lui répond celui-ci. Il mange ses moules marinières en les gobant puis jette toutes ses frites dans la sauce.
Après ce bon repas, je m’installe sur un banc au-dessus de ce qui tient lieu de plage et reprend mon livre. « Y a quand même moins de monde, hein ? », observe une autochtone. « Ah bah, les gens sont peut-être partis ailleurs », lui répond sa vieille copine.
Vers quinze heures trente, le soleil apparaît. Je repasse au Corlazo pour un café verre d’eau puis, quand de gros nuages noirs apparaissent soudainement, décide qu’il est temps de rentrer.
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Cette fille, si elle était assise sur le banc voisin du mien, veillerait à ce que sa jupe ne remonte pas d’un centimètre, mais à peine assise sur la plage devant moi, elle la remonte jusqu’en haut.
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Passe un kayak gonflable que l’on fait avancer avec ses pieds. Cela ressemble à un jouet d’enfant, mais c’est un quinquagénaire qui s’y balade, tranquillement allongé.
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Encore un type au téléphone en marchant, me dis-je. Erreur, celui-là parle vraiment tout seul.
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« Mais qu’est-ce que je fais, moi, je me suis trompé de route », s’exclame le chauffeur du bus Trois qui me ramène en ville. Il a oublié les quartiers populaires. Il fait demi-tour au rond-point du bout du port et nous voici repartis dans l’autre sens.
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