Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

10 octobre 2023


Ça commence très bien ce lundi. Après être descendu du bus Cinquante à son terminus, Eglise de Duingt, et avoir dépassé la presqu’île du château, je trouve entre le lac d’Annecy et la route qui mène à Albertville, un cheminement piétonnier en béton surélevé où je me sens en sécurité. Dans le ciel, cinq montgolfières assurent le spectacle. De temps à autre, j’entends le bruit caractéristique des flammes que l’on relance pour donner de l’altitude à ces gros ballons.
Quand les montgolfières disparaissent, mon chenin en béton fait de même. Il me faut traverser la route où filent les voitures et marcher de ce côté sur un trottoir étroit qui souvent n’est qu’un bas-côté périlleux. Dans quelle dinguerie me suis-je lancé en voulant aller à pied à Bout du Lac, hameau de Doussard. Voitures et camions me frôlent à cinquante centimètres. Aucun bicycliste ne circule sur cette route, il n’en sortirait pas vivant.
De plus, j’ai sous-estimé la distance à parcourir. Je suis loin de voir la queue du lac mais obligé de continuer maintenant que j’ai déjà marché si loin.
Enfin j’arrive au panneau Doussard Bout du Lac. Un peu plus loin est un petit port. Je traverse une nouvelle fois la dangereuse route pour m’en approcher. Il y a là aussi un arrêt du car Albertville Annecy. Il en est un de prévu dans cinq minutes que je décide de prendre. Je n’aurai donc pas vu la réserve naturelle que je devine au bout du bout du lac.
Pour un euro cinquante, je rejoins Duingt. Aujourd’hui son bar tabac brasserie Le Millésime est ouvert. On pourrait croire que sa jeune patronne fait la tronche mais elle n’est qu’une Savoyarde comme beaucoup d’autres. Sous la surveillance d’une caméra murale, je bois un café verre d’eau à la terrasse intérieure pleine de laisser-aller et de jouets d’enfant. Quand je paie un euro soixante-dix à cette personne maussade, je lui demande si elle sert à manger à midi. Evidemment non.
Je rentre donc à Annecy avec le bus Cinquante et à midi, comme Le Napoli et La Cuisine des Amis sont fermés, j’essaie le Bistrot du Pâquier et ne suis pas déçu. La cuisine y est réellement maison. Il y a longtemps que je n’ai mangé des frites aussi bonnes que celles qui accompagnent mon pavé de rumsteck. Avec mon entremet aux poires, j’en ai pour seize euros.
Je vais lire prés du Pont des Amours, sur l’un des bancs d’un loueur de pédalos absent. A peine y suis-je qu’une jeune fille à veste mauve s’assoit devant moi au bout du ponton. Comment résister à l’envie de sortir mon appareil. Je fais trois photos d’elle.
Vers quatorze heures, je rejoins le Café des Arts où des tables sont libres et la musique appropriée à la météo, Sunny Afternoon des Kinks. Mon café m’est apporté par ma serveuse préférée. Il me faut peu de temps pour que j’aie une serveuse préférée et c’est souvent une fille qui semble sortie des années Soixante-Dix, écris-je dans mon carnet. Dix minutes plus tard, elle revient me voir. « Je peux t’encaisser, s’il te plaît ? ». « Et voilà pour toi », me dit-elle en me rendant la monnaie. Il y a au moins une personne chaleureuse parmi les Savoyard(e)s, si elle en est une.
                                                                *
C'est en forêt, dans la commune de Doussard, et non pas dans celle de Chevaline, comme il a été relaté par les journalistes, que le cinq septembre deux mille douze, quatre personnes ont été tuées : trois touristes britanniques et un bicycliste habitant la région (affaire dite de la tuerie de Chevaline).
 

9 octobre 2023


Ce dimanche avant la messe, je mets le pied dans deux imposants édifices religieux si proches l’un de l’autre qu’en arrivant j’ai pris le premier vu, Notre Dame de la Liesse, pour le second, la Cathédrale Saint Pierre. La façade remarquable de cette dernière ne me plaît guère, je la préfère par derrière. Et entre les deux, j’aime mieux et de loin Notre Dame de la Liesse. J’ose écrire qu’elle me met en liesse. Je parle de sa façade qui est contiguë à celle d'une belle demeure.
Pour ce qui est de l’intérieur les deux se valent, c’est sombre et il y fait doux. Après cette double visite, je vais lire Saint-Simon au bord du Thiou dans les Jardins de l’Europe me demandant d’où viennent toutes ces familles qui envahissent la ville.
Heureusement que j’arrive à midi pile à La Cuisine des Amis car un quart d’heure plus tard, plus une table n’est libre à l’intérieur comme à l’extérieur. Pour vingt euros soixante, j’ai droit à un suprême de pintade sauce forestière purée maison légumes, une part de tarte aux myrtilles et un café, ce dont je ne me plains pas.
C’est sur la promenade du Docteur-Servettaz entre le Pâquier et le Parc Charles-Bosson que je cherche un banc à l’ombre. Quand je le trouve, un couple de vieux me fonce dessus, elle me disant « On s’assoit aussi ». « Alors je m’en vais », lui dis-je en reprenant mes affaires. « On peut se mettre à plusieurs », me rétorque-t-elle. « Je ne suis pas communiste ».
Un peu plus loin, j’en trouve un où je peux être assis seul pour lire avec sous les yeux les montagnes dans leur superbe lumière, les voiliers et autres objets flottants et la foule qui passe dans un sens et dans l’autre, les piétons devant moi, les bicyclistes derrière moi, deux flux ininterrompus.
                                                              *
Le dimanche, certains font de la bicyclette en évoquant leurs occupations professionnelles (et il faut parler fort pour se comprendre quand on pédale).
                                                              *
Un père à sa fille de trois ans : « C’est ça que tu ne comprends pas dans ta petite tête d’idiote ». La mère ne dit rien.
                                                              *
Saint-Simon : Il y avait longtemps que je pensais à l’avenir, et que j’avais fait bien des réflexions sur un temps aussi important et aussi critique.
Ce que je fais moi-même depuis un moment, chaque jour et chaque nuit, songeant à la fois à l’état du monde et à cette période de ma vie qui me voit musarder deci delà et est l’avant-dernière.
 

8 octobre 2023


C’est par elle que l’on reconnaît Annecy de loin, tellement elle dépasse, dressée sur le Crêt du Maure, premier contrefort du Massif du Semnoz, la Basilique de la Visitation, construite entre mil neuf cent vingt-deux et mil neuf cent trente. Ce samedi matin, après avoir profité du soleil au Café des Ducs lors de mon petit-déjeuner, je décide d’aller la voir de près.
Pour ce faire, je grimpe la côte Perrière qui part du pont du même nom, celui qui sert à se photographier devant la proue du Palais de l’Ile. Ça monte bien, puis dans les rues suivantes un peu moins, enfin il me faut grimper un escalier qui tue. Je suis fort essoufflé quand j’en atteins le haut où sont assises deux femmes. « Attends, je vais descendre faire une photo », dit l’une à l’autre. « Il faudra remonter », lui dis-je. « Oh, on l’a déjà fait plusieurs fois. », me dit l’autre « Ah oui, je vois, vous êtes des masochistes. » « C’est exactement ça. »
Tout le monde n’arrive pas ici à pied. La place près de l’imposant édifice sert de parquigne à des campigne-cars. J’entre et vais voir de chaque côté du chœur les reliques de Saint François de Sales et de Sainte Jeanne de Chantal.
Mon exploit de la journée étant accompli, je redescends par le même escalier que s’apprêtent à monter cinq jeunes dont une fille à béquilles, puis je trouve un raccourci sous la forme d’un chemin de terre qui traverse une sorte de parc pas entretenu où dorment sous des tentes des sans logis. Ce sentier me conduit à proximité du Thiou côté Marquisats. On y prépare les bateaux promène-touristes. Ce sera une grosse journée, il fait beau, la foule est de retour.
Avant de ne plus pouvoir le faire, je vais boire un café au Café des Arts et y lis Saint-Simon. A midi, je déjeune au Napoli du même faux-filet que samedi dernier et d’une tarte aux myrtilles qui ne vaut celles que l’on sert en Alsace dans les fermes-auberges. La patronne me demande si je suis en vacances et d’où je viens. Des questions auxquelles je n’aime pas répondre. A ma droite est un jeune couple. Elle trouve que les façades colorées de la rue du Pâquier font penser à Cuba où elle n’est jamais allée.
Mon addition réglée, je vais lire dans les Jardins de l’Europe, sur un banc à l’ombre, près d’un autre où pique-niquent des grands-parents et leurs deux grandes petites-filles. Un animal les embête. « C’est un frelon, dit le grand-père, il est même asiatique ». Les voici bientôt tous les quatre debout autour du banc. Jusqu’à ce que la bestiole aille voir ailleurs.
Ce que je fais moi aussi. Malgré le monde je peux m’asseoir à une table haute au Café des Ducs où le principal serveur prénommé Enguerrand sait quoi m’apporter. « Santé ! », dit-il quand il dépose ma tasse de café et mon verre d’eau.
                                                                *
Deux ambiances musicales, Otis Redding au Café des Arts, Alpha Blondy au Café des Ducs, chacune à mon goût.
 

7 octobre 2023


Huit euros, c’est le prix à payer pour aller d’Annecy à La Clusaz ou au Grand-Bornand avec le car de la Région (merci Laurent Wauquiez) et pareil pour le retour. J’ai une carte achetée seize euros à la boutique de la Gare Routière. Je valide mon aller dans le car de huit heures vingt-cinq ce vendredi. Nous ne sommes que quatre passagers au départ, un cinquième ayant été débarqué par le contrôleur. Certains n’iront pas au bout et paient donc moins cher que moi.
Le car contourne le lac par Chavoires, ce qui me vaut de voir les deux pêcheurs d’hier au bout du même ponton. Arrivé à Veyrier-du-Lac, il tourne à gauche à l’assaut de la montagne et je boucle ma ceinture de sécurité. Col de Bluffy, une belle église à Alex, Pays du Reblochon, Nécropole des Glières, Thônes, Les Villards-de-Thônes et son clocher à bulbes, Saint-Jean-de-Sixt, la Chaîne des Aravis et nous voici à la Gare Routière de La Clusaz au pied des remontées mécaniques. Je descends ainsi qu’une jeune femme, direction le village dont on devine l’église en contrebas malgré le soleil dans les yeux.
Je visite assez vite cet endroit que je connais déjà et reviens à la Gare Routière pour attraper le car suivant qui passe à dix heures vingt-cinq. Je paie un euro cinquante au chauffeur qui voyageait tout seul pour aller à l’étape suivante, le terminus à la Gare Routière du Grand-Bornand (Grand-Bo pour les intimes), laquelle se trouve en contrebas de l’église à bulbes.
Après être entré dans cette église que balaie une paroissienne, je fais le tour du village où des ouvriers se livrent à de bruyants travaux de voirie. Je photographie les plus beaux chalets puis m’assois à la terrasse ensoleillée de L’Optraken pour un café à un euro quatre-vingts suivi d’un peu de lecture. J’ai prés de moi quatre femmes futiles qui parlent fringues « Ouais, cet après-midi, je fais mon armoire ».
Des restaurants étant fermés, le choix est limité pour déjeuner. J’opte pour l’Hôtel Restaurant La Pointe Percée qui annonce un menu du jour à dix-sept euros, en réalité une formule plat dessert. Cela se résume à un burgueur et deux boules de glace, mais c’est bon. Ne mangent ici avec moi à l’ombre de la terrasse que des duos d’ouvriers. Eux aussi subissent le bruit de leurs collègues de la voirie qui n’ont pas de pause-déjeuner. Cette nuisance sonore me fait renoncer à un café. Je vais attendre le car de treize heures quarante au bord du ruisseau qui coule en contrebas, nommé le Borne.
Le valideur étant hors service, le chauffeur me dit que c’est bon. Me voici avec un retour à huit euros non consommé. Pas grand-monde encore dans ce car, un peu de jeunesse y monte en cours de route pour aller à la ville.
                                                                  *
La Clusaz, j’y ai loué un gîte rural autrefois avec celle qui habite à Asnières quand elle me tenait la main. Je me souviens d’un dîner dans une ferme-auberge, une poule cuite dans la paille. J’y suis passé également avec celle qui habite à Montreuil du temps où elle me tenait la main. En hiver aussi, il y a fort longtemps, quand je vivais avec d’autres élèves-maitres de l’Ecole Normale d’Evreux dans la pseudo communauté des Grands Baux, Je me souviens qu’un soir dans un restaurant, l’un de nous s’adressant à quelqu’un qui avait perdu quelque chose lui avait dit « Si c’est les lunettes que vous cherchez, elles sont sur le nez » et que ça avait failli mal tourner.
                                                                   *
La Clusaz, Le Grand-Bornand, ces villages de chalets de montagne ne font pas partie des lieux où je me sens bien.
De plus, il y a partout des escaliers plus ou moins éclairés et ça devient dangereux pour le vieux que je suis. Je dois sans cesse être sur mes gardes.
 

6 octobre 2023


De retour dans le bus Soixante terminus Talloires ce jeudi, j’en descends à l’arrêt Chavoires, commune de Veyrier-du-Lac. Au-dessus de la tête, j’ai la falaise montagneuse. A ma gauche, le lac. D’abord caché par des maisons, il est bientôt dégagé de toute construction. Un sentier le longe, doublé par une structure en bois posée au-dessus de l’eau. Elle est assez large pour que je m’y engage, bien que le vertige me guette. De l’autre côté du lac, Annecy apparaît dans le soleil et au bout du lac ce grand bâtiment blanc, c’est l’Impérial Palace, à portée de marche.
Tout en haut du lac, j’arrive au Petit Port de Chavoires, pas si petit que ça, un peu embêté par les roseaux. De l’autre côté de la route, c’est Annecy-le-Vieux qui ne possède plus aucun attrait touristique. C’est devenu une zone résidentielle. Autrefois, Eugène Sue y fut envoyé en exil par Napoléon le Troisième et y mourut. J’arrive à la Plage d’Albigny, la plus grande du lac, mais de taille réduite. Personne ne s’y baigne ni n’y bronze.
A deux pas est l’Impérial Palace. Je suis en terrain connu et retrouve mon banc à lecture. Ce matin encore, une photographe professionnelle fait des images de bébés. La paix est un peu troublée par des scolaires qui à tribord disputent un match de ballon kayak, les buts flottant sur l’eau.
Vers onze heures, je me rapproche de la ville et comme La Cuisine des Amis propose à son tour du gigot d’agneau, c’est là que je mange à midi. Il est moins copieux et moins bon que celui d’hier, en face au Napoli, lequel aujourd’hui n’a pour clientèle que deux ouvriers.
Il y a moins de monde ce jeudi à Annecy, bien qu’il fasse toujours beau. Cela me permet d’avoir une table au Café des Arts. J’y bois un café, termine le deuxième volume de chez Folio des Mémoires de Saint-Simon et commence le troisième qui est consacré à la mort de Louis le Quatorzième.
Ces volumes ayant des responsables d’édition différents, dans ce dernier la conjugaison de l’époque est maintenue. Tous ces verbes en oit m’énervent, ces étoit, sentoit, affectoit. J’ai envie d’actualiser tout ça. Je ne peux le faire que mentalement.
 

5 octobre 2023


Ce mercredi, c’est sur la rive ouest du lac d’Annecy que m’emmène le bus Cinquante, lui aussi étant un car qui part de la Gare Routière. Son terminus est Duingt, à l’église, dont il fait le tour pour être prêt à repartir dans l’autre sens. Me voici en face de Talloires, côté ombre.
Une jolie Mairie retient d’abord mon attention puis j’obéis à la pancarte qui indique le vieux village. Quelques rues où on trouve de solides maisons médiévales. Je rejoins ensuite le bord du lac dont une grande partie est inaccessible à cause de constructions privées. C’est le cas du château du bout de la presqu’île.
En longeant la route qui va à Albertville, je rejoins le port et la plage, tous deux un peu envahis par les roseaux. Plusieurs hôtels chics sont visibles où l’on vante un séjour détox, une plage privée ou une cuisine intuitive. Presque tous sont fermés. Comme sont fermés les commerces et les toilettes publiques. La supérette Spar est ouverte.
Ce constat fait, je choisis de rentrer sans tarder et ai la chance d’être au bus de neuf heures neuf trois minutes avant son départ (le prochain dans une heure). Arrivé à Annecy, je vais lire Saint-Simon à la terrasse du Café des Arts où nous sommes peu de clients, l’ombre et la fraîcheur décourageant.
A midi, je déjeune au Napoli qui a pour plat du jour du gigot d’agneau gratin dauphinois. Cela lui amène plus de clientèle qu’à ses voisins. Le serveur de la Cuisine des Amis a le temps de traverser la rue pour raconter des histoires salaces à la serveuse sexy (ce n’est pas la patronne). Avec en entrée une terrine campagnarde et en dessert une tarte au citron meringuée, j’en ai pour seize euros.
Je rejoins le lac en passant par le canal au bord duquel chaque midi pique-nique la jeunesse lycéenne. Le vieux manège à chevaux de bois tourne, on est mercredi. Le Pont des Amours a été débarrassé des cadenas qui l’enlaidissaient.
Je lis quelque temps au soleil des Jardins de l’Europe et souhaite poursuivre au Café des Arts mais cette fois plus une place de libre. Le Café des Ducs, lui, est fermé comme chaque mercredi. Je ne connais pas d’autre endroit pour prendre un café dans cette ville.
                                                                  *
Pas une journée sans un nouvel article sur les punaises de lit qui prolifèrent. Le Gouvernement commence à s’en soucier. Ce qui n’est pas rassurant. Lorsque les politiciens au pouvoir se saisissent d’un problème, c’est souvent qu’il n’est plus temps d’y faire face.
De quoi raviver la hantise qui est la mienne depuis ma rencontre avec ces bestioles à l’Hôtel Ibis Budget de Ciboure Saint-Jean-de-Luz au printemps deux mille seize.
 

4 octobre 2023


Officiellement c’est un bus, le Soixante, mais concrètement c’est un car, où tout le monde est assis et doit en principe boucler sa ceinture, qui permet d’aller à Talloires sur la rive est du lac d’Annecy. Ce mardi, je monte dans celui qui part à huit heures de la Gare Routière. Le valideur est en panne, ce sera un voyage gratuit.
Nous y sommes peu nombreux à longer le lac, de prés d’abord puis d’un peu haut avant de redescendre par deux virages en épingle à cheveux vers Talloires. Je descends à l’arrêt Ecoles. Le Policier Municipal qui veillait sur l’entrée des élèves terminant son service, je lui demande comment rejoindre le bord du lac. Il me conseille le chemin de la Roche. Ce qui me permet de faire un léger détour par un petit port discret.
Je rejoins ensuite le centre du bourg. Il possède un mignonnet Office du Tourisme que j’ai la surprise de trouver ouvert. Un homme de type employé aux écritures raccroche son téléphone « attends, j’ai quelqu’un » et me donne un plan du pays. Il me confirme qu’il n’est plus possible de monter avec un autre car au Col de la Forclaz.
Je vais voir l’église Saint Maurice puis m’offre un croissant à un euro vingt au Fournil de Mon Père que je vais manger avec un café à deux euros à la terrasse du Café de la Place près duquel est malheureusement un chantier de construction un peu bruyant.
Ce bruit s’estompe lorsque je descends vers le port de loisir et la plage. Celle-ci ne dispose pas d’endroit pour s’allonger, hormis l’herbe et les pontons. C’est surtout un endroit où on peut nager et certain(e)s le font. On trouve là des plongeoirs, une piscine d’eau de lac et un croquignolet toboggan posé sur une plateforme. La vue sur l’autre rive est magnifique et le calme appréciable. Il n’y a ici ce matin que quelques autochtones, dont des résidents anglais. Je lis là un bon moment Saint-Simon. Au soleil, ce qui me permet peut-être de soigner ma toux.
A midi, je retourne au Café de la Place qui propose une formule à dix-huit euros, crevettes roses, araignée de porc frites salade. Encore une fois ce n’est pas de la grande cuisine et les plats à la carte que je vois passer non plus. Sept Anglais à ma droite, des hommes de vingt-cinq à quarante ans, profitent de leur présence en France pour s’encanailler, certains mangent du foie gras, d’autres des escargots.
Je vais boire le café à La Closerie, un bar à restauration rapide tenu par un jeune couple, elle en cuisine, lui au service. Ce café à deux euros m’est servi avec une petite carafe d’eau. Au moment où je pars arrivent au moins vingt marcheuses et marcheurs à bâtons qui s’engouffrent à l’intérieur. « Ça va être compliqué », leur dit le jeune homme.
Talloires est un bel endroit qui échappe aux dérives touristiques. Un air d’authenticité y survit, qui doit être mis à mal en été. Là, les parcmètres ont été neutralisés, le stationnement redevenu gratuit.
Je remonte vers les écoles pour le bus du retour, les yeux sur la falaise dentelée qui surplombe la montagne de ce côté-là. L’Ermitage Saint-Germain y est accroché que l’on peut atteindre par un sentier sûrement très pentu. Ce que je me garderai de faire, épuisé rien qu’à l’idée.
                                                               *
Une affiche sur l’un des murs du Café de la Place : « On vous laisse croire. Laissez-nous penser. »
                                                               *
C’est à Talloires que se déroule Le Genou de Claire d’Eric Rohmer.
 

3 octobre 2023


Le soleil arrive en même temps que moi au Café des Ducs ce lundi matin alors qu’une montgolfière flotte au-dessus du lac. Ce tableau idyllique est hélas troublé par un bruit de machine. On cure le Thiou. Un engin mécanique a été descendu dans le lit de la rivière. Plusieurs tuyaux en sortent. Certains aspirent la vase. D’autres propulsent de l’eau façon carcheur. Une dizaine d’ouvriers en cuissardes s’activent. De temps à autre l’un trébuche mais aucun ne choie. Ce bruit me conduit à ne pas prolonger mon petit-déjeuner.
C’est un jour où je suis décidé à ne pas me bousculer. Je choisis de retourner par le bord du lac au Parc Charles-Bosson dans lequel se trouve l’Impérial Palace. Pour ce faire, je longe l’endroit où s’est tenu le High Five Festival. L’heure est au démontage. Je ne sais s’il y a eu du monde pour s’intéresser au ski par ces températures estivales.
La vue sur les montagnes dans la lumière du matin est un spectacle de choix. Je m’installe sur un banc à l’ombre des grands platanes pour en jouir tout en lisant Saint-Simon. Sur le ponton où opéraient l’autre fois des professionnel(le)s de la photo, un jeune homme fait sa gymnastique. Précisément, il se fait voir faisant sa gymnastique. Sur le banc voisin du mien est une fille venue là avec sa bicyclette. Elle ne semble pas plus que moi intéressée par cette exhibition. Quand le paysage s’anime d’un passage de voiliers ou de la pause d’une jeune femme sur le muret, je sors de ma poche mon appareil photo.
Vers onze heures et demie, je quitte mon banc pour revenir tout droit jusqu’à la rue du Pâquier. La moitié des restaurants sont fermés le lundi. Je trouve place à la terrasse des Retrouvailles où je ne suis jamais venu. Le plat et le dessert du jour sont pour quinze euros cinquante, diots au vin de Savoie et poudigne. Le personnel est d’une amabilité commerciale.
Vers quatorze heures, après avoir lu à l’ombre au bord du lac dans les Jardins de l’Europe. je trouve une table au Café des Arts. A celle d’à côté sont six ou sept lycéennes, toutes mignonnes. Leur conversation n’est pas plus fine que celle des groupes de garçons de leur âge. De quoi faut-il parler pour montrer qu’on est affranchies ? De la chiasse par exemple. Elles sont remplacées par deux garçons plus âgés. L’un essaie de conseiller l’autre à qui son médecin vient de prescrire six mois d’antidépresseurs. En cause : ses vingt-cinq ans et les musiciens de son groupe pas assez motivés.
                                                                     *
Parmi tous les touristes anglais, parfois un groupe avec ballon de rugby. Ils se font des passes en marchant.
 

1 ... « 46 47 48 49 50 51 52 » ... 375