Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
1er juin 2025
Sur le banc de la halte ferroviaire Saint-Joseph, je petit-déjeune ce samedi d’un pain au chocolat et d’un café long de chez Eric Colle (trois euros quatre-vingts le tout) en attendant le petit train Fluo de sept heures trente et une, terminus Metzeral. La journée est annoncé chaude, trente-trois degrés en Alsace. Pour l’instant, c’est la fraîcheur matinale. Une fille en tenue de coureuse et une fille à trottinette électrique montent également dans le train. Tout au long du trajet, dans les prés, par-ci par-là, des cigognes.
Je descends à Muhlbach-sur-Munster devant le Musée de la Schlitte qui fête ses cinquante ans et n’ouvre qu’en été au moment où une montgolfière se pose dans un champ près de la Gare. Je monte voir les deux églises reconstruites après les destructions de la Première Guerre Mondiale, la catholique à clocher à bulbe et la protestante de style néo roman.
Après cette dernière se trouve Au Petit Schlitteur, une boulangerie pâtisserie salon de thé qui ouvre chaque jour à quatre heures trente (six heures le dimanche), un horaire fait pour moi. J’y prends un second petit-déjeuner à trois euros quatre-vingts en terrasse face à la montagne dans laquelle sont des ferme-auberges. Je demande à deux naturels du pays qui fument à côté si elles sont vraiment loin. « Deux heures et demie, trois heures à pied, et ça grimpe ! » Un panneau prévient les bicyclistes que la pente est de cinq virgule vingt pour cent. C’est le meilleur pain au chocolat que j’ai mangé depuis le début de mon séjour.
Je ne sais pas si j’en ai le droit, mais je décide de fractionner mon retour. Il fait déjà chaud quand je redescends jusqu’à la Gare de Muhlbach. J’attends le petit train Fluo de neuf heures vingt et une à une table de pique-nique près d’une basse-cour où un dindon fait la roue. Sur cette table traîne un livre de Musso Que serais-je sans toi ?, titre volé à Aragon, des mots entendus au moins deux fois en ce qui me concerne, et puis …
Le petit train Fluo passe d’abord dans l’autre sens, puis revient. Y monte aussi une femme à panier d’osier. Je suppose qu’elle va au marché à Saint-Joseph. En quoi je me trompe car elle descend comme moi à Munster où c’est aussi jour de marché sur la place devant l’église. J’achète des bananes à deux euros quatre-vingt-dix le kilo puis suis découragé par la file devant le fromager. Ce n’est pas à regretter car un fromage se serait transformé dans mon sac en cervelle de Sancho Pança.
A la terrasse de l’Hôtel Restaurant de la Cigogne, heureusement à l’ombre, je demande un expresso (deux euros dix). Il m’est servi par une dame aimable. Je lis là Balzac Aussitôt La Cousine Bette finie, je vous irai voir, et je reviendrai faire Les Paysans. Beaucoup trop de voitures traversent la ville vers « Toutes directions », parmi lesquelles des Mercedes de collection sérigraphiées « Tour d’Elsass », une giclée de décapotées garnies de passagères à chapeaux.
A onze heures, je me transfère au Parc Hartmann, où je pelais l’autre jour, où j’ai trop chaud aujourd’hui. Je poursuis ma lecture sur un banc à l’ombre. Le surnom que donnent à Balzac Madame Hanska, sa fille Anna et son futur gendre : Bilboquet. Lui-même, quand il parle de lui à la troisième personne se nomme le Noré.
« L’artiste ! », c’est par ce nom que m’accueille l’une des serveuses à l’entrée de Côté Gare. « C’est ce que je vous ai déjà dit l’autre jour. » « Je n’avais pas entendu. » Je déjeune d’une pizza montagnarde à seulement onze euros, vraiment bonne, la meilleure que j’ai mangée depuis longtemps. La serveuse qui me prend pour un artiste me gratifie de son plus beau sourire lorsque je m’en vais. Elle ne manque pas de charme malgré son visage un peu ridé. Elle a du être jolie quand elle était plus jeune.
J’ai une heure pour lire au Parc avant mon petit Fluo de retour. Tous ne s’arrêtent pas à Saint-Joseph. Il ne faut pas se louper, sous peine d’avoir à rentrer à pied de la Gare de Colmar sous le soleil ardent. Je me suis fait raser la tête (…) La chaleur me rendait mes cheveux longs insupportables. raconte le Noré. Je ne suivrai quand même pas cet exemple.
*
Comme partout, la nuisance sonore des groupes de motards du ouiquennede. Leurs regards méprisants lorsque vrombissent les moteurs d’une autre tribu. Même dans leur groupe, ils ne s’aiment pas : « Faut toujours que t’attendes le dernier moment pour aller pisser ! ».
*
Aucun personnel de bord dans le train Colmar Metzeral. Je ne sais, parmi celles et ceux qui l’empruntent, qui a un billet, qui n’en a pas. Ça n’incite pas à payer.
Je descends à Muhlbach-sur-Munster devant le Musée de la Schlitte qui fête ses cinquante ans et n’ouvre qu’en été au moment où une montgolfière se pose dans un champ près de la Gare. Je monte voir les deux églises reconstruites après les destructions de la Première Guerre Mondiale, la catholique à clocher à bulbe et la protestante de style néo roman.
Après cette dernière se trouve Au Petit Schlitteur, une boulangerie pâtisserie salon de thé qui ouvre chaque jour à quatre heures trente (six heures le dimanche), un horaire fait pour moi. J’y prends un second petit-déjeuner à trois euros quatre-vingts en terrasse face à la montagne dans laquelle sont des ferme-auberges. Je demande à deux naturels du pays qui fument à côté si elles sont vraiment loin. « Deux heures et demie, trois heures à pied, et ça grimpe ! » Un panneau prévient les bicyclistes que la pente est de cinq virgule vingt pour cent. C’est le meilleur pain au chocolat que j’ai mangé depuis le début de mon séjour.
Je ne sais pas si j’en ai le droit, mais je décide de fractionner mon retour. Il fait déjà chaud quand je redescends jusqu’à la Gare de Muhlbach. J’attends le petit train Fluo de neuf heures vingt et une à une table de pique-nique près d’une basse-cour où un dindon fait la roue. Sur cette table traîne un livre de Musso Que serais-je sans toi ?, titre volé à Aragon, des mots entendus au moins deux fois en ce qui me concerne, et puis …
Le petit train Fluo passe d’abord dans l’autre sens, puis revient. Y monte aussi une femme à panier d’osier. Je suppose qu’elle va au marché à Saint-Joseph. En quoi je me trompe car elle descend comme moi à Munster où c’est aussi jour de marché sur la place devant l’église. J’achète des bananes à deux euros quatre-vingt-dix le kilo puis suis découragé par la file devant le fromager. Ce n’est pas à regretter car un fromage se serait transformé dans mon sac en cervelle de Sancho Pança.
A la terrasse de l’Hôtel Restaurant de la Cigogne, heureusement à l’ombre, je demande un expresso (deux euros dix). Il m’est servi par une dame aimable. Je lis là Balzac Aussitôt La Cousine Bette finie, je vous irai voir, et je reviendrai faire Les Paysans. Beaucoup trop de voitures traversent la ville vers « Toutes directions », parmi lesquelles des Mercedes de collection sérigraphiées « Tour d’Elsass », une giclée de décapotées garnies de passagères à chapeaux.
A onze heures, je me transfère au Parc Hartmann, où je pelais l’autre jour, où j’ai trop chaud aujourd’hui. Je poursuis ma lecture sur un banc à l’ombre. Le surnom que donnent à Balzac Madame Hanska, sa fille Anna et son futur gendre : Bilboquet. Lui-même, quand il parle de lui à la troisième personne se nomme le Noré.
« L’artiste ! », c’est par ce nom que m’accueille l’une des serveuses à l’entrée de Côté Gare. « C’est ce que je vous ai déjà dit l’autre jour. » « Je n’avais pas entendu. » Je déjeune d’une pizza montagnarde à seulement onze euros, vraiment bonne, la meilleure que j’ai mangée depuis longtemps. La serveuse qui me prend pour un artiste me gratifie de son plus beau sourire lorsque je m’en vais. Elle ne manque pas de charme malgré son visage un peu ridé. Elle a du être jolie quand elle était plus jeune.
J’ai une heure pour lire au Parc avant mon petit Fluo de retour. Tous ne s’arrêtent pas à Saint-Joseph. Il ne faut pas se louper, sous peine d’avoir à rentrer à pied de la Gare de Colmar sous le soleil ardent. Je me suis fait raser la tête (…) La chaleur me rendait mes cheveux longs insupportables. raconte le Noré. Je ne suivrai quand même pas cet exemple.
*
Comme partout, la nuisance sonore des groupes de motards du ouiquennede. Leurs regards méprisants lorsque vrombissent les moteurs d’une autre tribu. Même dans leur groupe, ils ne s’aiment pas : « Faut toujours que t’attendes le dernier moment pour aller pisser ! ».
*
Aucun personnel de bord dans le train Colmar Metzeral. Je ne sais, parmi celles et ceux qui l’empruntent, qui a un billet, qui n’en a pas. Ça n’incite pas à payer.
31 mai 2025
Un plaisir de pouvoir dormir la fenêtre ouverte grâce à la chaleur nocturne, de découvrir que la cloche de Saint-Joseph (ou bien une autre) sonne les heures toute la nuit, d’être réveillé à cinq heures moins le quart par le chant du merlou.
Je rejoins ce vendredi le quai Sept de la Gare Routière sise devant la Gare Ferroviaire pour prendre le car Fluo numéro Cent Six jusqu’à son terminus Ribeauvillé, deux euros avec ma carte Fluo, payables en liquide. Le ticket est rempli à la main par le conducteur. Avec moi dans ce car au départ, une habituée, un couple de touristes étrangers et une femme à qui le chauffeur apprend que le ticket est valable quatre heures. « Je vais travailler », lui dit-elle. « Eh bien, si le travail ne vous plaît pas, vous démissionnez et vous pourrez rentrer avec le même ticket. »
A un rond-point en sortie de ville, nous tournons autour de la copie de la Statue de la Liberté. La même qu’à Barentin, mais ici ça se justifie, Bartholdi est né à Colmar et y a son Musée. Ensuite, c’est la jolie Route des Vins de coteau en coteau. Se succèdent Bennwhir, Mittelwihr, Beblenheim, Riquewhir, Zellenberg, Hunawhir et c’est Ribeauvillé avec ses trois châteaux : Ribeaupierre, Girsberg et Saint-Ulrich.
A l’entrée du pays, on trouve une tour avec cigognes. Ensuite, pour visiter c’est simple, on monte la Grand’Rue bordée de bâtiments remarquables avec passage sous la Tour du Boucher. Parvenu en haut du bourg, avec mes yeux de lynx, je vois bien les trois châteaux. Celui de Saint-Ulrich m’est cher, que j’ai atteint deux fois par un chemin escarpé et épuisant avec l’une et l’autre qui me tenaient la main. Je me souviens en être redescendu une fois poursuivi par l’orage.
Aucune envie d’un tel effort en solitaire, d’autant qu’il fait déjà chaud. Je redescends jusqu’à trouver un bar ouvert. S’Garver Stub, dont la terrasse à l’ombre, est entouré de belles demeures. J’y mange mon pain au chocolat de chez Eric Colle avec un café. Si le personnel néo barbu est froid, le prix de ce rallongé est chaud : trois euros.
Ribeauvillé n’en a pas gagné. C’est devenu un vol-touristes. Fini le temps où le Caveau de l’Ami Fritz proposait un menu du jour (dix euros en deux mille six). Note de ma passagère : « Super bon menu. Délicieux et fort honnête ». Partout des plats hors de prix. Pour un peu, je mettrais les bouts (comme on ne dit plus) et déjeunerais à Colmar mais le prochain car Fluo n’est qu’à treize heures une.
Un banc à l’ombre près de la fontaine de l’Office du Tourisme en bas de la Grand’Rue accueille mes réflexions désappointées. J’y lis quelques lettres de Balzac à sa future femme Voici ce qui me semble certain, c’est qu’il est bien difficile que l’on trouve un maire assez ignare pour marier un naturel du pays avec une étrangère qui n’aura qu’un passeport en russe pour toute pièce.
D’où je suis, je peux observer l’incessant défilé des arrivants : marcheurs à sac à dos, marcheurs à côté d’une bicyclette, familles et groupes en goguette, motards ventripotents, camionnettes de livraison. Un livret est proposé aux enfants par l’Office du Tourisme, ce qui les conduit avec leurs mères (où sont les pères ?) à la fontaine où ils ont à additionner les chiffres d’une date y figurant. C’est l’école qui continue pendant les congés.
Une naturelle du pays est assise sur le banc voisin du mien. Je lui demande où manger sans se faire estamper. Elle me dit que c’est cher partout, que le restaurant à droite est très bien, le restaurant en face pas du tout. Son conseil, c’est d’acheter un sandouiche. Ce que je fais à une boutiquette nommée Au Bretzel auprès d’un employée à l’accueil mécanique, une mauricette alsacienne et un pain au raisin pour cinq euros. Je mange ça sur le banc ombragé en face puis j’y retourne afin de me procurer un rallongé à emporter. Il ne coûte qu’un euro.
Je vais attendre le car Fluo du retour dans le Jardin Public. En face est la Caserne des Pompiers dont les sirènes jouxtent un nid de cigognes. Pauvres petites bêtes ! A peine nées, déjà sourdes.
Je rejoins ce vendredi le quai Sept de la Gare Routière sise devant la Gare Ferroviaire pour prendre le car Fluo numéro Cent Six jusqu’à son terminus Ribeauvillé, deux euros avec ma carte Fluo, payables en liquide. Le ticket est rempli à la main par le conducteur. Avec moi dans ce car au départ, une habituée, un couple de touristes étrangers et une femme à qui le chauffeur apprend que le ticket est valable quatre heures. « Je vais travailler », lui dit-elle. « Eh bien, si le travail ne vous plaît pas, vous démissionnez et vous pourrez rentrer avec le même ticket. »
A un rond-point en sortie de ville, nous tournons autour de la copie de la Statue de la Liberté. La même qu’à Barentin, mais ici ça se justifie, Bartholdi est né à Colmar et y a son Musée. Ensuite, c’est la jolie Route des Vins de coteau en coteau. Se succèdent Bennwhir, Mittelwihr, Beblenheim, Riquewhir, Zellenberg, Hunawhir et c’est Ribeauvillé avec ses trois châteaux : Ribeaupierre, Girsberg et Saint-Ulrich.
A l’entrée du pays, on trouve une tour avec cigognes. Ensuite, pour visiter c’est simple, on monte la Grand’Rue bordée de bâtiments remarquables avec passage sous la Tour du Boucher. Parvenu en haut du bourg, avec mes yeux de lynx, je vois bien les trois châteaux. Celui de Saint-Ulrich m’est cher, que j’ai atteint deux fois par un chemin escarpé et épuisant avec l’une et l’autre qui me tenaient la main. Je me souviens en être redescendu une fois poursuivi par l’orage.
Aucune envie d’un tel effort en solitaire, d’autant qu’il fait déjà chaud. Je redescends jusqu’à trouver un bar ouvert. S’Garver Stub, dont la terrasse à l’ombre, est entouré de belles demeures. J’y mange mon pain au chocolat de chez Eric Colle avec un café. Si le personnel néo barbu est froid, le prix de ce rallongé est chaud : trois euros.
Ribeauvillé n’en a pas gagné. C’est devenu un vol-touristes. Fini le temps où le Caveau de l’Ami Fritz proposait un menu du jour (dix euros en deux mille six). Note de ma passagère : « Super bon menu. Délicieux et fort honnête ». Partout des plats hors de prix. Pour un peu, je mettrais les bouts (comme on ne dit plus) et déjeunerais à Colmar mais le prochain car Fluo n’est qu’à treize heures une.
Un banc à l’ombre près de la fontaine de l’Office du Tourisme en bas de la Grand’Rue accueille mes réflexions désappointées. J’y lis quelques lettres de Balzac à sa future femme Voici ce qui me semble certain, c’est qu’il est bien difficile que l’on trouve un maire assez ignare pour marier un naturel du pays avec une étrangère qui n’aura qu’un passeport en russe pour toute pièce.
D’où je suis, je peux observer l’incessant défilé des arrivants : marcheurs à sac à dos, marcheurs à côté d’une bicyclette, familles et groupes en goguette, motards ventripotents, camionnettes de livraison. Un livret est proposé aux enfants par l’Office du Tourisme, ce qui les conduit avec leurs mères (où sont les pères ?) à la fontaine où ils ont à additionner les chiffres d’une date y figurant. C’est l’école qui continue pendant les congés.
Une naturelle du pays est assise sur le banc voisin du mien. Je lui demande où manger sans se faire estamper. Elle me dit que c’est cher partout, que le restaurant à droite est très bien, le restaurant en face pas du tout. Son conseil, c’est d’acheter un sandouiche. Ce que je fais à une boutiquette nommée Au Bretzel auprès d’un employée à l’accueil mécanique, une mauricette alsacienne et un pain au raisin pour cinq euros. Je mange ça sur le banc ombragé en face puis j’y retourne afin de me procurer un rallongé à emporter. Il ne coûte qu’un euro.
Je vais attendre le car Fluo du retour dans le Jardin Public. En face est la Caserne des Pompiers dont les sirènes jouxtent un nid de cigognes. Pauvres petites bêtes ! A peine nées, déjà sourdes.
30 mai 2025
Je l’entends avant de la voir, par le bruit du brûleur, la montgolfière qui est au-dessus de ma tête tandis que je marche vers la Gare de Colmar, un vol ascensionnel le jour de l’Ascension.
A sept heures vingt-sept se présente le train Fluo pour Strasbourg. J’en descends au premier arrêt, Sélestat, après onze minutes de voyage pour trois euros dix, vue sur les villages qui se succèdent dans les vignes au pied des Vosges, et cette fois, je l’ai reconnu, le Château du Haut-Koenigsbourg
De la Gare de Sélestat, il y a huit cents mètres à faire pour arriver au centre ville. Il suffit de suivre la piste cyclable qui passe au pied du plus beau château d’eau que je connaisse, inspiré de l’Art Nouveau.
Je trouve dès l’entrée ce que j’espérais : une boulangerie. Elle se nomme Matthieu Boulanger. Boulanger, c’est le nom du boulanger (un parfait aptonyme). Le gros pain au chocolat est à un euro cinquante. Il est à peine huit heures et à Sélestat en ce jour férié plusieurs cafés sont ouverts, me disent les clients du boulanger Boulanger. Je choisis le Bar à Café, un bar tabac jeux dont la terrasse est au soleil. Le rallongé servi dans un verre en carton coûte quand même deux euros quarante.
J’entre ensuite dans le centre historique par la Tour Neuve, dite aussi Tour de l’Horloge. Je me laisse guider par les flèches au sol pour ne rien louper, l’église Saint-Georges « une des plus belles églises gothiques d’Alsace » selon mon vieux Guide du Routard (hélas, elle est en travaux, échafaudée et fermée), l’église Sainte-Foy « une des plus séduisantes églises romanes d’Alsace » selon le Routard, la Bibliothèque Humaniste dans l’ancienne Halle au Blé « une des bibliothèques les plus riches du monde » toujours selon le Routard, la Tour des Sorcières, l’Arsenal Sainte-Barbe, la Commanderie Saint-Jean avec devant un buste d’Albert Schweitzer, des quantités de belles demeures. Autre curiosité de Sélestat : une rue Paul-Déroulède.
Mon périple achevé, je m’offre un café en terrasse au Grizzl’y, face à Matthieu Boulanger. La clientèle est locale « On se croit dimanche, comme c’est férié ». Je lis ensuite sur un banc près duquel une jeune femme s’assoit, remontant sa jupe pour offrir ses jambes au soleil. J’en fais une photo sans bouger de mon banc, intitulée The Girl from Sélestat.
A midi, je déjeune en terrasse à la brasserie L’Alsace devant l’Arsenal Sainte-Barbe en haut duquel claquent du bec des cigognes. Les cigognes, c’est comme les montgolfières, on les entend souvent avant de les voir. A côté est la pâtisserie Gross « maison fondée en 1873 » (à vendre). J’opte pour une tarte flambée au munster avec un bol de salade (dix euros quatre-vingt-dix) et une mousse au chocolat (cinq euros cinquante). Cette flamme ne m’enflamme pas, ni la mousse au chocolat, mais l’endroit est idéal.
Au bout de la rue est le Grizzl’y où je prends le café et lis Balzac Enfin, il faut que je fasse le voyage à Metz pour causer avec le préfet, il faut qu’il m’indique lui-même la commune où nous trouverions un maire assez ignorant pour nous marier sans remplir les formalités.
Ensuite tout droit à la Gare pour quitter le Bas-Rhin et retourner dans le Haut-Rhin avec le quatorze heures seize pour Mulhouse. Sur le quai voisin stationne le petit train Fluo pour Salerne. Il part à vide, puis la voix de la Senecefe annonce son prochain départ. Le mien est chargé de randonneurs à sac à dos muni d’un tuyau pour boire en marchant. A l’arrivée à Colmar, je passe par le guichet de la Gare acheter les billets de mon escapade de samedi puis je rentre pédestrement à mon logis Air Bibi, un trajet qui n’est pas pénible mais qui ne présente aucun intérêt.
*
« On s’y sent bien. C’est joli. » a écrit sur la page Sélestat de mon vieux Guide du Routard une avec qui je suis passé par là autrefois.
Ça n’a pas changé.
A sept heures vingt-sept se présente le train Fluo pour Strasbourg. J’en descends au premier arrêt, Sélestat, après onze minutes de voyage pour trois euros dix, vue sur les villages qui se succèdent dans les vignes au pied des Vosges, et cette fois, je l’ai reconnu, le Château du Haut-Koenigsbourg
De la Gare de Sélestat, il y a huit cents mètres à faire pour arriver au centre ville. Il suffit de suivre la piste cyclable qui passe au pied du plus beau château d’eau que je connaisse, inspiré de l’Art Nouveau.
Je trouve dès l’entrée ce que j’espérais : une boulangerie. Elle se nomme Matthieu Boulanger. Boulanger, c’est le nom du boulanger (un parfait aptonyme). Le gros pain au chocolat est à un euro cinquante. Il est à peine huit heures et à Sélestat en ce jour férié plusieurs cafés sont ouverts, me disent les clients du boulanger Boulanger. Je choisis le Bar à Café, un bar tabac jeux dont la terrasse est au soleil. Le rallongé servi dans un verre en carton coûte quand même deux euros quarante.
J’entre ensuite dans le centre historique par la Tour Neuve, dite aussi Tour de l’Horloge. Je me laisse guider par les flèches au sol pour ne rien louper, l’église Saint-Georges « une des plus belles églises gothiques d’Alsace » selon mon vieux Guide du Routard (hélas, elle est en travaux, échafaudée et fermée), l’église Sainte-Foy « une des plus séduisantes églises romanes d’Alsace » selon le Routard, la Bibliothèque Humaniste dans l’ancienne Halle au Blé « une des bibliothèques les plus riches du monde » toujours selon le Routard, la Tour des Sorcières, l’Arsenal Sainte-Barbe, la Commanderie Saint-Jean avec devant un buste d’Albert Schweitzer, des quantités de belles demeures. Autre curiosité de Sélestat : une rue Paul-Déroulède.
Mon périple achevé, je m’offre un café en terrasse au Grizzl’y, face à Matthieu Boulanger. La clientèle est locale « On se croit dimanche, comme c’est férié ». Je lis ensuite sur un banc près duquel une jeune femme s’assoit, remontant sa jupe pour offrir ses jambes au soleil. J’en fais une photo sans bouger de mon banc, intitulée The Girl from Sélestat.
A midi, je déjeune en terrasse à la brasserie L’Alsace devant l’Arsenal Sainte-Barbe en haut duquel claquent du bec des cigognes. Les cigognes, c’est comme les montgolfières, on les entend souvent avant de les voir. A côté est la pâtisserie Gross « maison fondée en 1873 » (à vendre). J’opte pour une tarte flambée au munster avec un bol de salade (dix euros quatre-vingt-dix) et une mousse au chocolat (cinq euros cinquante). Cette flamme ne m’enflamme pas, ni la mousse au chocolat, mais l’endroit est idéal.
Au bout de la rue est le Grizzl’y où je prends le café et lis Balzac Enfin, il faut que je fasse le voyage à Metz pour causer avec le préfet, il faut qu’il m’indique lui-même la commune où nous trouverions un maire assez ignorant pour nous marier sans remplir les formalités.
Ensuite tout droit à la Gare pour quitter le Bas-Rhin et retourner dans le Haut-Rhin avec le quatorze heures seize pour Mulhouse. Sur le quai voisin stationne le petit train Fluo pour Salerne. Il part à vide, puis la voix de la Senecefe annonce son prochain départ. Le mien est chargé de randonneurs à sac à dos muni d’un tuyau pour boire en marchant. A l’arrivée à Colmar, je passe par le guichet de la Gare acheter les billets de mon escapade de samedi puis je rentre pédestrement à mon logis Air Bibi, un trajet qui n’est pas pénible mais qui ne présente aucun intérêt.
*
« On s’y sent bien. C’est joli. » a écrit sur la page Sélestat de mon vieux Guide du Routard une avec qui je suis passé par là autrefois.
Ça n’a pas changé.
29 mai 2025
Bien content de trouver Dussourd ouvert à sept heures et quart ce mercredi, n’ayant pas traîné en chemin pour arriver en ville avant la pluie. Le mauvais temps étant promis pour la journée, elle devient idéale pour la visite du Musée Unterlinden, lequel ouvre à neuf heures, ce qui me laisse un moment pour lire Balzac : Cet homme est pis que Normand. Parmi les premiers clients, la patronne qui, installée à une table, lit les Dernières Nouvelles d’Alsace.
Je suis évidemment devant la porte du Musée Unterlinden à neuf heures moins cinq, précédé d’une poignée d’Allemands. Je montre l’intérieur de mon sac, paie quatorze euros, trouve un casier libre pour ledit sac.
Le Musée Unterlinden réunit trois bâtiments, un couvent du treizième siècle, les anciens bains municipaux et l’Ackerhof, du nom de l’ancien corps de ferme du couvent, nouveau bâtiment réalisé par les architectes Herzog et de Meuron relié au couvent par une galerie souterraine qui passe sous la place Unterlinden et le canal. Je débute la visite en tournant autour du cloître par les salles d’art religieux, où sont de très belles pièces, sculptures et peintures, et un retable, celui du maître-autel de la Collégiale Saint-Martin de Colmar de Caspar Issermann, moins connu que l’autre qui est fléché de partout.
Pratiquement personne dans l’ancienne église du couvent devant ce fameux retable d’Issenheim dû à Matthias Grünewald, et à Nicolas de Haguenau pour la partie sculptée, que je vis autrefois bien accompagné et que je revois seul. Entretemps, il a été restauré et semble donc presque neuf.
Quand j’ai bien observé tous ses panneaux, je poursuis ma tournée dans les salles de l’étage et du sous-sol, m’intéressant peu au mobilier local et aucunement à l’archéologie. J’avance ensuite de siècle en siècle. Je note un Cranach l’Ancien. La salle « Art Moderne 1930 1960 » est fermée ce jour « Nous vous remercions de votre compréhension ». La suite est heureusement visible, où j’apprécie, entre autres, deux Picasso, un Soulages et un lot de Dubuffet. J’arrive enfin à La Piscine, fort belle salle munie d’un parquet pour danser. Là est le seul gardien croisé, occupé à régler des problèmes personnels de téléphonie mobile. Il m’offre une minute pour m’expliquer que cette salle, La Piscine, sert pour l’évènementiel. On peut la louer pour son mariage.
Je refais le circuit, à rebrousse-poil. Devant le retable d’Issenheim, c’est maintenant la foule des groupes cornaqués par des guides heureusement munis d’un micro auxquels s’ajoutent des individuels. Une bicycliste a gardé son casque pour la visite.
Il pleut à peine quand je retrouve l’air libre et rejoins le Café Rapp pour un café à l’intérieur près d’une famille emballée dans le plastique translucide d’imperméables de fortune.
A midi, je déjeune au Restaurant Meistermann, « le restaurant des Colmariens depuis 1880, véritable institution tenue par Monsieur Di Foggio et sa fille Selina » : melon au jambon, pot-au-feu et tarte aux pommes pour vingt et un euros. Je n’ai pas moins de sept couverts sur ma table : deux pour l’entrée, trois pour le plat, deux pour le dessert que j’attends longtemps mais cette part de tarte en valait la peine, après un pot-au-feu à la viande tendre. Une moitié de la salle aux beaux lustres est occupée par des Japonais en famille, calmes et discrets, l’autre moitié par des habitués de tous les jours, anciens notaires ou anciens juges peut-être, qui se saluent les uns les autres.
De là, je remonte la rue jusqu’à la Gare afin d’acheter des billets pour demain, jour de l’Ascension, que je préfère passer hors de Colmar qui sera envahie. Pour revenir, je chope la navette gratuite dans laquelle on peut monter quand on veut, il suffit de faire signe au conducteur, mais, je le découvre, qu’on ne peut quitter quand on veut, seulement à des arrêts programmés.
Me voici donc descendant devant le Théâtre et rebroussant jusqu’au Café Rapp. Il fait suffisamment doux pour que je m’installe en terrasse, abrité d’une éventuelle pluie. « Un expresso, monsieur ? » me dit ma serveuse préférée. Je reprends Lettres à Madame Hanska jusqu’à quinze heures trente.
Je rentre sans être mouillé, passant par le souterrain de la voie ferrée près du bâtiment rose en ruine. Un de ma connaissance, plus adroit que moi pour enquêter, ayant le temps de le faire, puisqu’il travaille, m’a appris que c’était autrefois la Brasserie Mutzig.
*
Une chose que ne m’avait pas dite la guichetière de la Gare de Colmar quand elle m’a vendu une carte Fluo donnant droit à un an de trains régionaux à demi-tarif, c’est que cette carte est valable aussi pour les cars régionaux du Grand Est. Et voilà donc le billet de car Fluo passant de quatre à deux euros, d’un prix exagéré à un prix raisonnable, et moi certain de la rentabiliser.
Je suis évidemment devant la porte du Musée Unterlinden à neuf heures moins cinq, précédé d’une poignée d’Allemands. Je montre l’intérieur de mon sac, paie quatorze euros, trouve un casier libre pour ledit sac.
Le Musée Unterlinden réunit trois bâtiments, un couvent du treizième siècle, les anciens bains municipaux et l’Ackerhof, du nom de l’ancien corps de ferme du couvent, nouveau bâtiment réalisé par les architectes Herzog et de Meuron relié au couvent par une galerie souterraine qui passe sous la place Unterlinden et le canal. Je débute la visite en tournant autour du cloître par les salles d’art religieux, où sont de très belles pièces, sculptures et peintures, et un retable, celui du maître-autel de la Collégiale Saint-Martin de Colmar de Caspar Issermann, moins connu que l’autre qui est fléché de partout.
Pratiquement personne dans l’ancienne église du couvent devant ce fameux retable d’Issenheim dû à Matthias Grünewald, et à Nicolas de Haguenau pour la partie sculptée, que je vis autrefois bien accompagné et que je revois seul. Entretemps, il a été restauré et semble donc presque neuf.
Quand j’ai bien observé tous ses panneaux, je poursuis ma tournée dans les salles de l’étage et du sous-sol, m’intéressant peu au mobilier local et aucunement à l’archéologie. J’avance ensuite de siècle en siècle. Je note un Cranach l’Ancien. La salle « Art Moderne 1930 1960 » est fermée ce jour « Nous vous remercions de votre compréhension ». La suite est heureusement visible, où j’apprécie, entre autres, deux Picasso, un Soulages et un lot de Dubuffet. J’arrive enfin à La Piscine, fort belle salle munie d’un parquet pour danser. Là est le seul gardien croisé, occupé à régler des problèmes personnels de téléphonie mobile. Il m’offre une minute pour m’expliquer que cette salle, La Piscine, sert pour l’évènementiel. On peut la louer pour son mariage.
Je refais le circuit, à rebrousse-poil. Devant le retable d’Issenheim, c’est maintenant la foule des groupes cornaqués par des guides heureusement munis d’un micro auxquels s’ajoutent des individuels. Une bicycliste a gardé son casque pour la visite.
Il pleut à peine quand je retrouve l’air libre et rejoins le Café Rapp pour un café à l’intérieur près d’une famille emballée dans le plastique translucide d’imperméables de fortune.
A midi, je déjeune au Restaurant Meistermann, « le restaurant des Colmariens depuis 1880, véritable institution tenue par Monsieur Di Foggio et sa fille Selina » : melon au jambon, pot-au-feu et tarte aux pommes pour vingt et un euros. Je n’ai pas moins de sept couverts sur ma table : deux pour l’entrée, trois pour le plat, deux pour le dessert que j’attends longtemps mais cette part de tarte en valait la peine, après un pot-au-feu à la viande tendre. Une moitié de la salle aux beaux lustres est occupée par des Japonais en famille, calmes et discrets, l’autre moitié par des habitués de tous les jours, anciens notaires ou anciens juges peut-être, qui se saluent les uns les autres.
De là, je remonte la rue jusqu’à la Gare afin d’acheter des billets pour demain, jour de l’Ascension, que je préfère passer hors de Colmar qui sera envahie. Pour revenir, je chope la navette gratuite dans laquelle on peut monter quand on veut, il suffit de faire signe au conducteur, mais, je le découvre, qu’on ne peut quitter quand on veut, seulement à des arrêts programmés.
Me voici donc descendant devant le Théâtre et rebroussant jusqu’au Café Rapp. Il fait suffisamment doux pour que je m’installe en terrasse, abrité d’une éventuelle pluie. « Un expresso, monsieur ? » me dit ma serveuse préférée. Je reprends Lettres à Madame Hanska jusqu’à quinze heures trente.
Je rentre sans être mouillé, passant par le souterrain de la voie ferrée près du bâtiment rose en ruine. Un de ma connaissance, plus adroit que moi pour enquêter, ayant le temps de le faire, puisqu’il travaille, m’a appris que c’était autrefois la Brasserie Mutzig.
*
Une chose que ne m’avait pas dite la guichetière de la Gare de Colmar quand elle m’a vendu une carte Fluo donnant droit à un an de trains régionaux à demi-tarif, c’est que cette carte est valable aussi pour les cars régionaux du Grand Est. Et voilà donc le billet de car Fluo passant de quatre à deux euros, d’un prix exagéré à un prix raisonnable, et moi certain de la rentabiliser.
28 mai 2025
Direction Metzeral, ce mardi matin, au bout de la Grande Vallée, dite aussi vallée de la Fecht, ou encore vallée de Munster, six euros soixante aller retour. Le petit train Fluo est déjà à quai. On peut monter, même s’il ne part que dans vingt minutes. Les lycéens présents sont externes. « Ça dit quoi ? » « Tranquille ». Une bicycliste ôte sa veste mais garde son casque pour se maquiller. A Turckheim, de l’usine en destruction ne reste que la haute cheminée de briques au sommet de laquelle est un nid de cigognes. Peu à peu, le train se vide de ses passagers. Un certain nombre descendent à Munster. Je suis le seul à aller jusqu’à Metzeral. Il y fait un temps gris et doux.
Le village se trouve sur la droite. Je demande à une autochtone où est le centre. « Bah, le centre… » L’église alors. « Laquelle ? La catholique ou la protestante ? » L’une est près de l’école, l’autre là-haut à la sortie.
Divine surprise, une lumière jaune annonce un bar ouvert à neuf heures moins le quart. C’est celui de l’Hôtel Restaurant Le Soleil d’Or où je commande un allongé pour accompagner mon pain au chocolat de chez Eric Colle. Sitôt terminé, je paie mes deux euros cinquante à l’aubergiste qui est plus sympathique qu’il n’en avait l’air de prime abord. Sans que je le lui demande, il me dit quoi faire ici quand on ne veut pas s’épuiser.
A son conseil, je passe le pont à droite, suis la petite route de la Wormsa vers Mittlach, laquelle longe la Fecht et est bordée de maisons montagnardes. S’y trouvent aussi trois hôtels (tous à vendre). Quand j’atteins le pont suivant, je traverse et reviens par le sentier du Lièvre, un chemin forestier qui domine la rivière jusqu’au cimetière communal, puis c’est l’église protestante au centre du bourg. Tout cela en un peu plus d’une heure, comme m’avait dit l’aubergiste.
Je me dirige ensuite par la route pentue vers l’église catholique de l’Emm. A la fin, c’est un vrai chemin de croix. Tu penses y être, qu’il y en a encore à monter. L’imposante bâtisse en pierre rouge est fermée. Devant est un banc au soleil avec vue sur l’ensemble du bourg de Metzeral, sur le village voisin de Muhlbach-sur-Munster et sur la montagne (le Petit Hohneck notamment). Les cloches sonnent dix heures et quart. Je récupère un moment avant de redescendre. Heureusement que mes pieds ont quasiment dompté mes nouvelles Docs. Pas vu le moindre promeneur pendant mon circuit et personne au pied de l’église de l’Emm. Metzeral est pourtant le point de départ de nombreux sentiers de randonnées balisés par le Club Vosgien. Quelques chiens gueulards dans le pays, et deux chats qui sont venus se frotter à mon bas de pantalon.
De retour au Soleil d’Or, malgré le vent qui s’est levé et alors que le soleil dort à nouveau, je me risque à la terrasse pour un expresso verre d’eau à deux euros. « Alors c’était comment ? » me demande l’aubergiste. Le midi, il a une formule à quinze euros : charcuterie alsacienne et gratin de spätzle au munster. Il m’assure que je peux manger en moins d’une heure. C’est que je veux rentrer avec le petit train Fluo de treize heures sept car le suivant est à quinze heures cinquante-six.
En attendant midi, un peu gelé, je lis Lettres à Madame Hanska De même que j’aime de plus en plus, je hais de plus en plus et ma situation vis-à-vis de moi-même est intolérable. Je suis évidemment le seul en terrasse, et personne n’est à l’intérieur, alors que c’est le seul bar du bourg. A midi moins cinq, c’est la sortie de l’école avec beaucoup d’enfants excités. Je prends place dans la salle de restaurant, rejoint par six ouvriers et quatre locaux. Cette nourriture est assez peu de chose. Pour moi, ça ira. En revanche, pas de quoi nourrir des ouvriers. La pinte qu’ils boivent remédiera à leur éventuelle faiblesse.
Alors que le vent est de plus en plus froid, passant près d’un pré à chevaux, je rejoins la Gare de Metzeral. Le petit train Fluo venant de Colmar s’arrête devant la butée. Quatre personnes en descendent. La conductrice aussi, pour aller s’installer à l’autre extrémité. Nous sommes trois à y monter.
*
A Metzeral, j’aurais aussi pu marcher jusqu’au cimetière militaire dit du chêne Millet, appelé ainsi parce que l’auteur de L’Angélus y a dessiné un chêne. Là aussi, j’ai suivi le conseil de l’aubergiste et me suis évité un surplus de fatigue : « C’est un cimetière, rien de plus ».
*
Sur le mur d’une habitation de la Wormsa : « Dans cette maison a vécu Anne-Marie Besey Braesch, dernière femme à avoir porté quotidiennement le costume de la vallée de Munster. »
Elle est morte en mil neuf cent quarante-cinq. Ça valait bien une plaque.
Le village se trouve sur la droite. Je demande à une autochtone où est le centre. « Bah, le centre… » L’église alors. « Laquelle ? La catholique ou la protestante ? » L’une est près de l’école, l’autre là-haut à la sortie.
Divine surprise, une lumière jaune annonce un bar ouvert à neuf heures moins le quart. C’est celui de l’Hôtel Restaurant Le Soleil d’Or où je commande un allongé pour accompagner mon pain au chocolat de chez Eric Colle. Sitôt terminé, je paie mes deux euros cinquante à l’aubergiste qui est plus sympathique qu’il n’en avait l’air de prime abord. Sans que je le lui demande, il me dit quoi faire ici quand on ne veut pas s’épuiser.
A son conseil, je passe le pont à droite, suis la petite route de la Wormsa vers Mittlach, laquelle longe la Fecht et est bordée de maisons montagnardes. S’y trouvent aussi trois hôtels (tous à vendre). Quand j’atteins le pont suivant, je traverse et reviens par le sentier du Lièvre, un chemin forestier qui domine la rivière jusqu’au cimetière communal, puis c’est l’église protestante au centre du bourg. Tout cela en un peu plus d’une heure, comme m’avait dit l’aubergiste.
Je me dirige ensuite par la route pentue vers l’église catholique de l’Emm. A la fin, c’est un vrai chemin de croix. Tu penses y être, qu’il y en a encore à monter. L’imposante bâtisse en pierre rouge est fermée. Devant est un banc au soleil avec vue sur l’ensemble du bourg de Metzeral, sur le village voisin de Muhlbach-sur-Munster et sur la montagne (le Petit Hohneck notamment). Les cloches sonnent dix heures et quart. Je récupère un moment avant de redescendre. Heureusement que mes pieds ont quasiment dompté mes nouvelles Docs. Pas vu le moindre promeneur pendant mon circuit et personne au pied de l’église de l’Emm. Metzeral est pourtant le point de départ de nombreux sentiers de randonnées balisés par le Club Vosgien. Quelques chiens gueulards dans le pays, et deux chats qui sont venus se frotter à mon bas de pantalon.
De retour au Soleil d’Or, malgré le vent qui s’est levé et alors que le soleil dort à nouveau, je me risque à la terrasse pour un expresso verre d’eau à deux euros. « Alors c’était comment ? » me demande l’aubergiste. Le midi, il a une formule à quinze euros : charcuterie alsacienne et gratin de spätzle au munster. Il m’assure que je peux manger en moins d’une heure. C’est que je veux rentrer avec le petit train Fluo de treize heures sept car le suivant est à quinze heures cinquante-six.
En attendant midi, un peu gelé, je lis Lettres à Madame Hanska De même que j’aime de plus en plus, je hais de plus en plus et ma situation vis-à-vis de moi-même est intolérable. Je suis évidemment le seul en terrasse, et personne n’est à l’intérieur, alors que c’est le seul bar du bourg. A midi moins cinq, c’est la sortie de l’école avec beaucoup d’enfants excités. Je prends place dans la salle de restaurant, rejoint par six ouvriers et quatre locaux. Cette nourriture est assez peu de chose. Pour moi, ça ira. En revanche, pas de quoi nourrir des ouvriers. La pinte qu’ils boivent remédiera à leur éventuelle faiblesse.
Alors que le vent est de plus en plus froid, passant près d’un pré à chevaux, je rejoins la Gare de Metzeral. Le petit train Fluo venant de Colmar s’arrête devant la butée. Quatre personnes en descendent. La conductrice aussi, pour aller s’installer à l’autre extrémité. Nous sommes trois à y monter.
*
A Metzeral, j’aurais aussi pu marcher jusqu’au cimetière militaire dit du chêne Millet, appelé ainsi parce que l’auteur de L’Angélus y a dessiné un chêne. Là aussi, j’ai suivi le conseil de l’aubergiste et me suis évité un surplus de fatigue : « C’est un cimetière, rien de plus ».
*
Sur le mur d’une habitation de la Wormsa : « Dans cette maison a vécu Anne-Marie Besey Braesch, dernière femme à avoir porté quotidiennement le costume de la vallée de Munster. »
Elle est morte en mil neuf cent quarante-cinq. Ça valait bien une plaque.
27 mai 2025
Au guichet de la Gare de Colmar, j’achète pour cinq euros vingt, un aller pour Munster et un retour jusqu’à la halte ferroviaire Saint-Joseph à côté de mon logis Air Bibi. Le petit train Fluo qui passe au bout de ma rue va vers la montagne vosgienne en remontant ce qu’on appelle la Grande Vallée (par opposition à la Petite Vallée). Aussi a-t-il pour surnom le Tégévé (Train de la Grande Vallée). Son terminus est Metzeral, peu après Munster. Deux rames font l’aller retour toute la journée sur la voie unique se croisant en Gare de Turckheim grâce à une dérivation.
Je prends le sept heures quarante-sept dans lequel montent beaucoup de lycéen(ne)s à valises. Le lundi est le jour des pensionnaires. Beaucoup descendent à Ingersheim Cité Scolaire, un lycée au milieu des vignes. D’autres descendent après Turckheim (où l’on détruit une usine) à Saint-Gilles en pleine nature. Encore quelques arrêts et c’est Munster.
Arrivé sur la place du Marché, je demande à des gars de la ville où trouver une boulangerie. La boulangère me vend un pain au chocolat énorme à un euro vingt puis me dit que, comme c’est lundi, rien est ouvert dans le pays pour boire un café. Je mange donc cette viennoiserie sur un banc près de la petite église catholique.
Je fais ensuite le tour de la ville reconstruite après la Première Guerre Mondiale en m’aidant des panneaux qui signalent les curiosités. Je passe voir l’Hôtel de Ville Renaissance avec son aigle à deux têtes (l’emblème des Habsbourg), l’ancien Palais Abbatial (l’aile restante), le peu qu’il reste de l’ancien Cloître (« Interdiction de grimper sur les ruines de l’ancienne abbaye »), l’imposant Temple protestant derrière la Fontaine du Lion, la Grand-Rue et ses belles demeures.
J’ai vu ce qu’il y avait à voir avant même qu’on me donne le plan du bourg à l’Office de Tourisme qui n’ouvre qu’à neuf heures trente. L’hôtesse me confirme ce que je craignais : aucune ferme-auberge du coin n’est accessible à moins de deux heures de marche en grimpant (à moins d’avoir une voiture bien sûr).
Dans un coin de l’aile restante de l’ancien Palais Abbatial, le salon de thé L’Abbaye d’Anny ouvre à dix heures. J’attends ce moment sur un banc à proximité d’un mat à nid de cigognes (« Ne pas stationner sous le nid, chutes de branches possible »). Des cigognes, il y en a partout sur les toits de Munster, et ça claque du bec pour effrayer les pigeons. On trouve, place du Marché, l’Hôtel des Cigognes et la Pharmacie des Cigognes.
L’Abbaye d’Anny est dans une salle semi-enterrée, un brin sombre. Derrière moi sont deux femmes sur le déclin et à la seule table haute un vieux qui déprime devant son verre de blanc. Derrière le comptoir, la patronne essaie de dialoguer avec Alexa tandis que son mari s’active aux fourneaux. Le pénible, c’est la musique, un de ces chanteurs de guimauve contemporaine, qui chantent avec le nez, et qu’on écoute en banlieue mais ailleurs aussi. Après avoir bu mon rallongé à un euro quatre-vingt-dix, je renonce à ouvrir Balzac.
Près de la Gare est un parc où il est agréable de lire, même si je me pèle un peu. J’ai été optimiste pour me rendre en Alsace fin mai sans emporter un pull. Fin décembre mil huit cent quarante-cinq, Honoré de Balzac se dévergonde. Lundi vingt-deux : J’ai fait la partie d’aller prendre du hachich, avec Gautier à l’hôtel Pimodan ce soir. Mardi vingt-trois : J’ai résisté au hachich et je n’ai pas éprouvé tous les phénomènes ; mon cerveau est si fort, qu’il fallait une dose plus forte que celle que j’ai prise. Néanmoins, j’ai entendu des voix célestes, et j’ai vu des peintures divines.
A côté est le Grand Hôtel et son restaurant Côté Gare dont le menu du jour est à vingt euros : terrine à la mirabelle et ses crudités, onglet de veau sauce forestière frites et légumes, coupe de fraises Melba. J’ajoute un quart d’edelzwiker à cinq euros soixante. C’est chic et vieillot. Au mur figure un historique du tramouais qui reliait Munster au col de la Schlucht et qui aurait bien fait mon affaire. Mangent ici des employés de la Senecefe, deux ou trois clients de l’hôtel, un père et sa fille qui arbore un crop top on ne peut plus hardi, et vers treize heures, le patron de l’hôtel et sa famille. Cela fait peu de clientèle pour un si grand établissement.
Sur le parvis de la Gare est installée une cabane à livres. Avant de rentrer avec le treize heures dix-neuf, j’y prélève La bonne fortune de monsieur Ma de Qiu Xiaolong (Liana Levi piccolo), ce qui n’alourdira pas ma valise.
*
Un achat qui se révèle utile, celui de la carte « France : Voyage en train » de chez Cartotrain.
Je prends le sept heures quarante-sept dans lequel montent beaucoup de lycéen(ne)s à valises. Le lundi est le jour des pensionnaires. Beaucoup descendent à Ingersheim Cité Scolaire, un lycée au milieu des vignes. D’autres descendent après Turckheim (où l’on détruit une usine) à Saint-Gilles en pleine nature. Encore quelques arrêts et c’est Munster.
Arrivé sur la place du Marché, je demande à des gars de la ville où trouver une boulangerie. La boulangère me vend un pain au chocolat énorme à un euro vingt puis me dit que, comme c’est lundi, rien est ouvert dans le pays pour boire un café. Je mange donc cette viennoiserie sur un banc près de la petite église catholique.
Je fais ensuite le tour de la ville reconstruite après la Première Guerre Mondiale en m’aidant des panneaux qui signalent les curiosités. Je passe voir l’Hôtel de Ville Renaissance avec son aigle à deux têtes (l’emblème des Habsbourg), l’ancien Palais Abbatial (l’aile restante), le peu qu’il reste de l’ancien Cloître (« Interdiction de grimper sur les ruines de l’ancienne abbaye »), l’imposant Temple protestant derrière la Fontaine du Lion, la Grand-Rue et ses belles demeures.
J’ai vu ce qu’il y avait à voir avant même qu’on me donne le plan du bourg à l’Office de Tourisme qui n’ouvre qu’à neuf heures trente. L’hôtesse me confirme ce que je craignais : aucune ferme-auberge du coin n’est accessible à moins de deux heures de marche en grimpant (à moins d’avoir une voiture bien sûr).
Dans un coin de l’aile restante de l’ancien Palais Abbatial, le salon de thé L’Abbaye d’Anny ouvre à dix heures. J’attends ce moment sur un banc à proximité d’un mat à nid de cigognes (« Ne pas stationner sous le nid, chutes de branches possible »). Des cigognes, il y en a partout sur les toits de Munster, et ça claque du bec pour effrayer les pigeons. On trouve, place du Marché, l’Hôtel des Cigognes et la Pharmacie des Cigognes.
L’Abbaye d’Anny est dans une salle semi-enterrée, un brin sombre. Derrière moi sont deux femmes sur le déclin et à la seule table haute un vieux qui déprime devant son verre de blanc. Derrière le comptoir, la patronne essaie de dialoguer avec Alexa tandis que son mari s’active aux fourneaux. Le pénible, c’est la musique, un de ces chanteurs de guimauve contemporaine, qui chantent avec le nez, et qu’on écoute en banlieue mais ailleurs aussi. Après avoir bu mon rallongé à un euro quatre-vingt-dix, je renonce à ouvrir Balzac.
Près de la Gare est un parc où il est agréable de lire, même si je me pèle un peu. J’ai été optimiste pour me rendre en Alsace fin mai sans emporter un pull. Fin décembre mil huit cent quarante-cinq, Honoré de Balzac se dévergonde. Lundi vingt-deux : J’ai fait la partie d’aller prendre du hachich, avec Gautier à l’hôtel Pimodan ce soir. Mardi vingt-trois : J’ai résisté au hachich et je n’ai pas éprouvé tous les phénomènes ; mon cerveau est si fort, qu’il fallait une dose plus forte que celle que j’ai prise. Néanmoins, j’ai entendu des voix célestes, et j’ai vu des peintures divines.
A côté est le Grand Hôtel et son restaurant Côté Gare dont le menu du jour est à vingt euros : terrine à la mirabelle et ses crudités, onglet de veau sauce forestière frites et légumes, coupe de fraises Melba. J’ajoute un quart d’edelzwiker à cinq euros soixante. C’est chic et vieillot. Au mur figure un historique du tramouais qui reliait Munster au col de la Schlucht et qui aurait bien fait mon affaire. Mangent ici des employés de la Senecefe, deux ou trois clients de l’hôtel, un père et sa fille qui arbore un crop top on ne peut plus hardi, et vers treize heures, le patron de l’hôtel et sa famille. Cela fait peu de clientèle pour un si grand établissement.
Sur le parvis de la Gare est installée une cabane à livres. Avant de rentrer avec le treize heures dix-neuf, j’y prélève La bonne fortune de monsieur Ma de Qiu Xiaolong (Liana Levi piccolo), ce qui n’alourdira pas ma valise.
*
Un achat qui se révèle utile, celui de la carte « France : Voyage en train » de chez Cartotrain.
26 mai 2025
J’entre dans la boulangerie Schwartz, place Saint-Joseph, ce dimanche matin tôt (Eric Colle fait relâche). Une boulangerie à l’ancienne fréquentée par des femmes aussi âgées que la patronne. Elles se disent mutuellement « Bonne fête ». Je me souviens alors que c’est la Fête des Mères.
Contrairement à ce que m’a dit celui qui était au comptoir hier après-midi, le Café du Marché n’est pas ouvert à sept heures et quart. Je marche donc jusqu’au centre de Colmar avec mon énorme pain au chocolat à un euro cinquante. Je trouve Dussourd clos. Me voilà bien embêté. D’autant que le soleil est absent et le vent froid.
Je dois attendre huit heures pour avoir le droit d’entrer au Jupiter Café où le « rallongé » est aussi à deux euros cinquante. J’ai vue sur la Collégiale, place de la Cathédrale (c’est la même), en alsacien Munster Platz. Les serveuses ont beaucoup de mal à faire comprendre aux étrangers qu’on ne vient pas commander au comptoir. Parmi les tôt levés sont beaucoup de Japonais et Japonaises. « Sorry », me dit l’une qui a osé aller dans les toilettes pour hommes.
Mon petit-déjeuner terminé, je chausse mes lunettes (comme on dit). Il est temps d’établir les grandes lignes de la suite, liste des lieux à (re)voir et comment y aller (bus Trace avec ma carte mensuelle illimitée à partir du premier juin, trains Fluo avec ma carte Fluo moitié prix et cars Fluo au prix exagéré de quatre euros le moindre trajet).
Il fait toujours froid lorsque je pars à la découverte de la place Rapp et du Champ-de-Mars contigu, statue du Général Rapp, petit kiosque à musique, fontaine et statue de l’amiral Bruat due à Bartholdi, colossal carrousel et Café Rapp où j’entre pour me réchauffer d’un expresso et lire Balzac : Il est arrivé une aventure affreuse, le duc de Saulx-Tavannes, garçon, seul et unique héritier d’une des plus grandes maisons de France, ce grand jeune homme que vous avez vu à Baden, s’est brûlé la cervelle dans son appartement.
« Mais ne l’enlève pas, espèce de nouille, ça m’a coûté cinquante balles de le mettre, t’es chiant », dit une mère à son trois ans. « Merci à vous, bonne Fête des Mères et bon dimanche », lui dit un serveur quand elle s’en va (nulle ironie, il ne l’a pas entendue). « Monsieur, vous voulez peut-être autre chose ? » me demande la serveuse à onze heures trente. « Non, je vais bientôt partir. »
C’est au Stam, place des Dominicains, qu’a lieu mon déjeuner dominical. J’opte pour la formule à vingt-cinq euros soixante-dix incluant la choucroute colmarienne aux cinq viandes et le kouglof glacé maison arrosé de marc de gewurztraminer. Cette winstub propose une grande terrasse, désertée pour cause de vent froid, une petite salle en bas dans laquelle je suis, où l’on m’a laissé m’installer à une table de quatre, et une salle à l’étage. Un personnel de bonne humeur contribue à la réussite du repas.
*
Sur la vitrine d’une boutique de Colmar : « Etre mère est à la mode ».
*
Balzac, le vingt décembre mil huit cent quarante-cinq : J’ai peur d’être trop vieux pour le bonheur. Il a quarante-six ans.
Contrairement à ce que m’a dit celui qui était au comptoir hier après-midi, le Café du Marché n’est pas ouvert à sept heures et quart. Je marche donc jusqu’au centre de Colmar avec mon énorme pain au chocolat à un euro cinquante. Je trouve Dussourd clos. Me voilà bien embêté. D’autant que le soleil est absent et le vent froid.
Je dois attendre huit heures pour avoir le droit d’entrer au Jupiter Café où le « rallongé » est aussi à deux euros cinquante. J’ai vue sur la Collégiale, place de la Cathédrale (c’est la même), en alsacien Munster Platz. Les serveuses ont beaucoup de mal à faire comprendre aux étrangers qu’on ne vient pas commander au comptoir. Parmi les tôt levés sont beaucoup de Japonais et Japonaises. « Sorry », me dit l’une qui a osé aller dans les toilettes pour hommes.
Mon petit-déjeuner terminé, je chausse mes lunettes (comme on dit). Il est temps d’établir les grandes lignes de la suite, liste des lieux à (re)voir et comment y aller (bus Trace avec ma carte mensuelle illimitée à partir du premier juin, trains Fluo avec ma carte Fluo moitié prix et cars Fluo au prix exagéré de quatre euros le moindre trajet).
Il fait toujours froid lorsque je pars à la découverte de la place Rapp et du Champ-de-Mars contigu, statue du Général Rapp, petit kiosque à musique, fontaine et statue de l’amiral Bruat due à Bartholdi, colossal carrousel et Café Rapp où j’entre pour me réchauffer d’un expresso et lire Balzac : Il est arrivé une aventure affreuse, le duc de Saulx-Tavannes, garçon, seul et unique héritier d’une des plus grandes maisons de France, ce grand jeune homme que vous avez vu à Baden, s’est brûlé la cervelle dans son appartement.
« Mais ne l’enlève pas, espèce de nouille, ça m’a coûté cinquante balles de le mettre, t’es chiant », dit une mère à son trois ans. « Merci à vous, bonne Fête des Mères et bon dimanche », lui dit un serveur quand elle s’en va (nulle ironie, il ne l’a pas entendue). « Monsieur, vous voulez peut-être autre chose ? » me demande la serveuse à onze heures trente. « Non, je vais bientôt partir. »
C’est au Stam, place des Dominicains, qu’a lieu mon déjeuner dominical. J’opte pour la formule à vingt-cinq euros soixante-dix incluant la choucroute colmarienne aux cinq viandes et le kouglof glacé maison arrosé de marc de gewurztraminer. Cette winstub propose une grande terrasse, désertée pour cause de vent froid, une petite salle en bas dans laquelle je suis, où l’on m’a laissé m’installer à une table de quatre, et une salle à l’étage. Un personnel de bonne humeur contribue à la réussite du repas.
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Sur la vitrine d’une boutique de Colmar : « Etre mère est à la mode ».
*
Balzac, le vingt décembre mil huit cent quarante-cinq : J’ai peur d’être trop vieux pour le bonheur. Il a quarante-six ans.
25 main 2025
Une montgolfière rouge dans le ciel bleu au-dessus de Colmar, c’est la première chose que je vois ce samedi en sortant peu après sept heures et ça me met de bonne humeur (autant que je peux l’être). La deuxième chose que je vois, c’est une cigogne sur son nid au sommet du bâtiment dont le rez-de-chaussée est occupé par le Café du Marché. Comment ne l’avais-je pas encore vue ? « Elle vient tous les ans faire ses petits », me dit celui qui fait l’ouverture du troquet et qui m’apporte un « rallongé » qui accompagnera mon pain au chocolat de chez Éric Colle.
Il y a deux autres clients au Café du Marché. Le patron (si c’est lui) est volubile et curieux. Il a du mal à comprendre que je voyage seul, sans famille, sans amis. Pour un peu, il me plaindrait. Aux deux autres, il dit du mal d’un absent qui fait son petit tour, vient ici boire deux bières puis rentre chez lui. « Il a pas de vie. » Je me garde bien de lui demander quelle est sa vie à lui L’autre jour, l’expresso était à un euro trente, aujourd’hui le rallongé est à deux euros. Aucun prix n’est affiché mais je ne pose pas de question.
C’est le jour du Marché Saint-Joseph qui s’épanouit autour de l’église du même nom. Ce marché est le plus réputé de la ville, vanté par ma jeune logeuse comme par mon vieux Guide du Routard. J’en fais le tour. Producteurs locaux et camionnettes à nourritures exotiques. Les prix des premiers ne sont pas donnés, dix euros les cinq cent grammes de cerises.
Arrivé au centre de la ville, je vais au hasard. Je passe devant la très belle Maison Pfister, joyau de l’époque Renaissance, oriel et peinture murale. J’entre dans la cour du Weinhof qui abrite un remarquable grenier médiéval du quatorzième siècle (propriété privée). Je découvre une cigogne en haut de la Collégiale et, sur une maison quelconque, une plaque commémorative attestant qu’ici naquit la musicienne Marie Bigot de Morogues que Beethoven et Haydn admirèrent, qui prodigua ses conseils à Schubert enfant, qui donna des leçons à Felix et Fanny Mendelssohn et mourut à Paris « au printemps de sa vie » (trente-quatre ans). Je ne pense pas qu’elle soit connue de beaucoup d’amateurs de musique dite classique.
Je rejoins la Petite Venise et entre dans le Marché Couvert. J’en fais le tour, trouvant ainsi comment on fait pour atteindre cette terrasse remarquée l’autre jour au-dessus de la rivière Lauch. Elle a nom Terrasse du Marché. En contrebas, un couple de colverts et un banc de poissons comptent sur la charité des mangeurs de croissants pour se nourrir. « Vous savez ce que c’est, ces poissons ? » demandé-je à la serveuse. « Des che…, che … quelque chose, je sais plus, faut que je demande à mon boss. » Peut-être des chevesnes, me dis-je. Sur le pont, une jeune femme de rose vêtue se fait belle avec l’aide d’une autre puis est filmée par un professionnel qui la fait marcher sur le quai avec ses talons aiguilles. Peu après, un branlotin descend dans l’eau sous les yeux de ses peutes, à moins que ce soit eux qui l’y envoient. « Ah, sa mère de fils de pute, c’est froid ! », s’écrie-t-il. Il cherche les pièces jetées dans la rivière par des touristes. Au garde-corps sont accrochés une multitude de cadenas d’amour. Il en trouve aussi au fond. Je paie mon expresso un euro quatre-vingts à la serveuse qui ne me reparle pas des poissons.
Vers dix heures, je me transfère au Café Rapp. J’inaugure le nouveau mobilier de la terrasse, le trouve confortable et rejoins Balzac et Madame Hanska : Chère, je serai à Châlons, comme je l’ai promis, ne vous inquiétez pas, j’y serai avant vous, et je vous donnerai la main pour descendre de voiture. Un bicycliste avec dans son panier avant deux petits chiens à lunettes de soleil rondes et bleues boit sa bière à une table haute sans descendre de son engin, succès garanti.
C’est à la Brasserie Jupiter, près de la Collégiale, que je déjeune d’un rösti alsacien (pommes de terre, emmental, lardons, crème, saucisse) à quinze euros quatre-vingt-dix. Mes deux voisins boivent chacun un café et se partagent une flamme. Ça fait déjà peu pour un. Alors que mon rösti pourrait presque en nourrir deux.
Ce samedi, dans un des beaux bâtiments de la ville, a lieu la réunion de la Légion d’Honneur du Haut-Rhin. Celle-ci terminée, les participants défilent au milieu de la foule de touristes dans leurs vêtements trop neufs un peu démodés sur lesquels sont accrochées leurs médailles. Certaines sont petites. D’autres semblent fausses. A côté d’eux marchent leurs femmes qui ne sont pas médaillées.
*
Place Saint-Joseph, la Librairie Cave à Vin Le Chat Perché, vraie librairie et vraie cave à vin.
*
Dans la rue qui va de cette place au passage sous les voies ferrées près de la maison rose en ruine, deux grands cafés fermés depuis longtemps, qui auraient pu faire mon bonheur : Café Restaurant Peter et A la Ville de Montbéliard. « Fermeture définitive. Lily a rendu son tablier et prend sa retraite », est-il écrit sur la porte du premier.
Il y a deux autres clients au Café du Marché. Le patron (si c’est lui) est volubile et curieux. Il a du mal à comprendre que je voyage seul, sans famille, sans amis. Pour un peu, il me plaindrait. Aux deux autres, il dit du mal d’un absent qui fait son petit tour, vient ici boire deux bières puis rentre chez lui. « Il a pas de vie. » Je me garde bien de lui demander quelle est sa vie à lui L’autre jour, l’expresso était à un euro trente, aujourd’hui le rallongé est à deux euros. Aucun prix n’est affiché mais je ne pose pas de question.
C’est le jour du Marché Saint-Joseph qui s’épanouit autour de l’église du même nom. Ce marché est le plus réputé de la ville, vanté par ma jeune logeuse comme par mon vieux Guide du Routard. J’en fais le tour. Producteurs locaux et camionnettes à nourritures exotiques. Les prix des premiers ne sont pas donnés, dix euros les cinq cent grammes de cerises.
Arrivé au centre de la ville, je vais au hasard. Je passe devant la très belle Maison Pfister, joyau de l’époque Renaissance, oriel et peinture murale. J’entre dans la cour du Weinhof qui abrite un remarquable grenier médiéval du quatorzième siècle (propriété privée). Je découvre une cigogne en haut de la Collégiale et, sur une maison quelconque, une plaque commémorative attestant qu’ici naquit la musicienne Marie Bigot de Morogues que Beethoven et Haydn admirèrent, qui prodigua ses conseils à Schubert enfant, qui donna des leçons à Felix et Fanny Mendelssohn et mourut à Paris « au printemps de sa vie » (trente-quatre ans). Je ne pense pas qu’elle soit connue de beaucoup d’amateurs de musique dite classique.
Je rejoins la Petite Venise et entre dans le Marché Couvert. J’en fais le tour, trouvant ainsi comment on fait pour atteindre cette terrasse remarquée l’autre jour au-dessus de la rivière Lauch. Elle a nom Terrasse du Marché. En contrebas, un couple de colverts et un banc de poissons comptent sur la charité des mangeurs de croissants pour se nourrir. « Vous savez ce que c’est, ces poissons ? » demandé-je à la serveuse. « Des che…, che … quelque chose, je sais plus, faut que je demande à mon boss. » Peut-être des chevesnes, me dis-je. Sur le pont, une jeune femme de rose vêtue se fait belle avec l’aide d’une autre puis est filmée par un professionnel qui la fait marcher sur le quai avec ses talons aiguilles. Peu après, un branlotin descend dans l’eau sous les yeux de ses peutes, à moins que ce soit eux qui l’y envoient. « Ah, sa mère de fils de pute, c’est froid ! », s’écrie-t-il. Il cherche les pièces jetées dans la rivière par des touristes. Au garde-corps sont accrochés une multitude de cadenas d’amour. Il en trouve aussi au fond. Je paie mon expresso un euro quatre-vingts à la serveuse qui ne me reparle pas des poissons.
Vers dix heures, je me transfère au Café Rapp. J’inaugure le nouveau mobilier de la terrasse, le trouve confortable et rejoins Balzac et Madame Hanska : Chère, je serai à Châlons, comme je l’ai promis, ne vous inquiétez pas, j’y serai avant vous, et je vous donnerai la main pour descendre de voiture. Un bicycliste avec dans son panier avant deux petits chiens à lunettes de soleil rondes et bleues boit sa bière à une table haute sans descendre de son engin, succès garanti.
C’est à la Brasserie Jupiter, près de la Collégiale, que je déjeune d’un rösti alsacien (pommes de terre, emmental, lardons, crème, saucisse) à quinze euros quatre-vingt-dix. Mes deux voisins boivent chacun un café et se partagent une flamme. Ça fait déjà peu pour un. Alors que mon rösti pourrait presque en nourrir deux.
Ce samedi, dans un des beaux bâtiments de la ville, a lieu la réunion de la Légion d’Honneur du Haut-Rhin. Celle-ci terminée, les participants défilent au milieu de la foule de touristes dans leurs vêtements trop neufs un peu démodés sur lesquels sont accrochées leurs médailles. Certaines sont petites. D’autres semblent fausses. A côté d’eux marchent leurs femmes qui ne sont pas médaillées.
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Place Saint-Joseph, la Librairie Cave à Vin Le Chat Perché, vraie librairie et vraie cave à vin.
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Dans la rue qui va de cette place au passage sous les voies ferrées près de la maison rose en ruine, deux grands cafés fermés depuis longtemps, qui auraient pu faire mon bonheur : Café Restaurant Peter et A la Ville de Montbéliard. « Fermeture définitive. Lily a rendu son tablier et prend sa retraite », est-il écrit sur la porte du premier.
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