Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

21 janvier 2022


Pour ce qui me concerne, en matière de faits divers, plus que la mort d’un acteur dans un accident de ski ou celle de lycéen(ne)s dans un accident de voiture, m’intéressent, et ce n’est pas parce que ça se passe à Rouen, les mystères du pont Mathilde.
Une femme inconnue d’une cinquantaine d’années qui enjambe le garde-corps et chute de la place Saint-Paul à la chaussée du pont où son corps est heurté par une camionnette dont le jeune conducteur ne s’arrête pas mais se rend après coup à la Police sur l’injonction de son employeur puis, quelques jours plus tard, un homme de vingt-neuf ans, joueur de rugby connu, qui écrase sa voiture contre le terre-plein central de ce même pont, s’en sort vivant et court se jeter du quatrième étage d’un immeuble en travaux près de la place Saint-Paul, voilà qui est intrigant et excitant.
Pourquoi n’a-t-on pas parlé de ce double fait divers dans les médias autres que locaux ? Sans doute parce que si l’on peut évoquer à loisir les accidents, le suicide est tabou.
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Un ex-camarade du groupuscule trotskyste rouennais La Gauche Révolutionnaire jugé pour harcèlement, diffamation et injures envers d’anciens camarades accusé(e)s par lui de couvrir un autre camarade qui en aurait violé une autre, l’ex-compagne du poursuivi, et aurait aussi été coupable d’agressions sexuelles sur des femmes de seize à vingt-trois ans, cela en deux mille douze, c’est pas mal non plus.
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Ce qui m’intéresse n’est pas toujours ce qui m’importe. (Paul Valéry)
 

19 janvier 2022


Quel malheur d’avoir un ami ayant une maison à Ibiza et que celui-ci vous invite à y séjourner pour les fêtes. Castex lui avait pourtant dit à Blanquer « N’y vas pas » mais ce borné de première n’en a fait qu’à sa tête et le voici dans la tourmente, comme on dit. Peut-être à cause d’un autre ami l’ayant cafté auprès de Médiapart.
C’est de là-bas qu’il a envoyé son protocole sanitaire de dernier moment, à mettre en place dans les écoles dès le lendemain matin, sous la forme d’un article payant sur le site du Parisien. « Visiblement, le Ministre de l’Education s’en Baléares », lis-je sur Touitteur.
Cette polémique ne fera pas oublier les bonnes raisons qu’ont les enseignant(e)s de ne plus supporter leur Ministre. Cinq ans à devoir le subir, c’est terrible.
Celui du même genre, je l’ai connu quand je faisais l’enseignant et on avait réussi à le faire démissionner au bout de deux jours de grève et de manifestation  le nommé Claude Allègre.
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Sinon la campagne électorale va son train-train : Taubira dans la brume, Mélenchon en son et lumière, Montebourg en retrait, Jadot contrôlé par Rousseau, Hidalgo et Roussel dans le trou, Poutou et Arthaud ailleurs, Macron en embuscade, Pécresse contrôlée par Ciotti, Zorglub le seul espoir de deuxième tour pour Pécresse, Le Pen l’assurance de la victoire pour Macron.
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Voici Sébastien Jumel, Député de Dieppe, Communiste, qui lâche Fabien Roussel, le candidat du Pécé pour la prochaine Présidentielle, au profit de Jean-Luc Mélenchon, le candidat de la France Insoumise. Mon hypothèse : un calcul pour la Législative qui suivra, il n’aura pas un candidat des Insoumis face à lui.
Je ne vois pas d’autre explication car Jumel, comme Roussel, est cent pour cent pronucléaire. Il appelle de ses vœux un Heupéherre à Penly. Alors que Mélenchon est devenu totalement antinucléaire. S’il devenait Président, adieu le projet d’Heupéherre à Penly.
J’en conclus que Jumel ne se fait aucune illusion sur la possibilité pour Mélenchon de se retrouver face à Macron et de le battre au second tour.
En bref, c’est je te soutiens car heureusement tu vas perdre.
 

18 janvier 2022


Il y a ce jour cent cinquante ans, le dix-huit janvier mil huit cent soixante-douze, Paul Léautaud naissait, de parents comédiens, dans le premier arrondissement de Paris au numéro trente-sept de la rue Molière, dont on vient de fêter le quatre centième.
Une mère un peu catin qui m’a laissé tranquille dès ma naissance, un père qui était un brillant cascadeur plein de succès de femmes et qui ne s’occupait pas de moi. Enfin, ces gens qui m’ont laissé faire ma vie moi-même… je trouve que c’est quelque chose. commenta-t-il dans les Entretiens radiophoniques avec Robert Mallet.
Contrairement aux deux cents ans de Flaubert et aux quatre cents ans de Molière, cet anniversaire est inaperçu.
Je le célèbre à ma manière en publiant ici mon texte intitulé Trop tôt, trop tard paru en mars deux mille sept dans le numéro cent trente-trois de la revue Décharge :
Je t’aurais suivi Léautaud dans les rues de Rouen si je n’étais arrivé à la gare  un siècle en retard, on aurait pris le tramway jusqu’à l’hôtel de Bordeaux en bas de la rue de la République, il est toujours là cet hôtel, seulement ce n’est plus le même, la deuxième guerre mondiale est passée par là. De ta chambre, on aurait contemplé l’agitation du marché sur la place de la Basse-Vieille-Tour dominée par la flèche de la cathédrale. Je t’aurais accompagné dans ces vieilles rues que tu aimais bien, je suis sûr que tu es passé dans la mienne, sous mes fenêtres exactement. On aurait évité, je suis bien d’accord, ce palais dit de justice. Et puis on aurait bu des apéritifs et des cafés au café du Commerce, n’est plus là celui-là, et dîné au café de Paris, rue du Gros-Horloge, disparu lui aussi. Quand je pense à ce que j’ai manqué, on se serait bien amusés, notamment dans ce petit café, où donc pouvait-il être? de la rue de la République où l’on trouvait un phonographe, un piano mécanique, un oiseau tout aussi mécanique et ces fumivores avec un automate qui faisait du gymnase, comme tu disais. Ensuite, tu m’aurais emmené, tu connaissais les bonnes adresses, au Perroquet vert, ce bordel de la porte Guillaume Lion où bien sûr nous ne serions pas entrés. Le lendemain, on aurait grimpé avec le tramway jusqu’au sommet de la côte Sainte-Catherine et puis revenant à pied on se serait cachés tous les deux dans un bosquet pour reluquer, au bas de la côte, près du sentier, la jeune fille qui branlait le jeune homme. Ça nous aurait excités, on aurait fini aux Folies-Bergères dans l’île Lacroix, quel bon temps on aurait pris, aujourd’hui plus de bergères, plus de folies, et la statue de Corneille n’est même plus là pour montrer le chemin. Le troisième jour, tu ne m’aurais plus supporté c’est sûr, je t’aurais laissé partir seul à Darnétal, quelle foutue idée d’aller dans cette banlieue, et tout ça pour te faire interpeller par deux commissaires de police. Débrouille-toi tout seul, Léautaud, d’ailleurs je suis en vacances, en Bretagne.
Je t’aurais cherché Léotard si tu n’avais pas disparu une décennie plus tôt, seul dans ton imper à Quimper. On aurait exploré une à une toutes les rues de la Soif du Finistère, du Morbihan et des Côtes d’Armor en braillant des chansons de Léo Ferré, à l’amour comme à la guerre. À demi-mots amers, la nuit serait montée au cœur des jeunes filles. Tu m’aurais raconté une dernière fois l’histoire du ministre de la défense et du ministre de la défonce, elle était bien bonne celle-là mais ça t’a coûté cher, Léotard.
Oui, cela demande de la concentration, il faut faire bien attention, pour lire avec profit, comme je le fais, le Journal Littéraire de Paul Léautaud en écoutant les chansons de Philippe Léotard, seul dans mon blouson à Crozon, alors «laissez-moi en paix dans la tempête» comme disait Pouchkine.
                                                                         *
Etre un vieux monsieur n’est pas gai. Chaque nouveau jour qui passe y ajoute. Je supporte cela fort mal. Je n’ai rien vu de la sagesse qui fait qu’on se résigne, ni de la raison, qui vous fait dire qu’il n’y a rien à faire contre. Je peste et, en esprit, je me révolte. Je trouve imbécile d’être venu, pour être obligé de partir. (Paul Léautaud, lettre à Georgette Simon, le jeudi vingt-deux juillet mil neuf cent quarante-huit)
 

17 janvier 2022


Passant, retour du marché, devant La Petite Auberge où depuis plusieurs années je n’ai pas mangé faute d’être bien accompagné, et voyant en vitrine un panneau jaune : « Changement de propriétaire » me demandant : « Y trouvera-t-on encore escargots, confit de canard et cuvée du Père Tranquille ? » 
                                                                 *
Ecoutant l’autre semaine L’Embellie d’Eva Bester sur France Inter et notant cette citation d’ouverture, tirée du Petit bleu de la côte Ouest de Jean-Pierre Manchette :
L’intérieur de Georges Gerfaut est sombre et confus, on y distingue vaguement des idées de gauche.
                                                                 *
Récupérant, envoyé par Mondial Relay, à l’Espace Carré Blanc, le sexe-cheupe de la rue de la Champmeslé, un livre qui aurait pu être vendu sur place : Les Mémoires de Nell Kimball (L’Histoire d’une maison close aux Etats-Unis 1880 - 1917) dans l’édition de Jean-Claude Lattès.
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Fermant, après lecture, J’aime pas les autres de Jacques A. Bertrand (Julliard) et n’en retenant que ceci :
La première fille qui, en caressant mon sexe, a fait surgir une petite fontaine d’humeur laiteuse, je ne m’en souviens plus. Ce devait être moi.
                                                                 *
Entendant des journalistes, à propos du changement climatique, évoquer des « rapports alarmistes » et, à propos des malades ou cas contacts du variant Omicron, parler d’ « enseignants absentéistes », les corrigeant en fulminant : les premiers sont alarmants et les seconds absents.
 

14 janvier 2022


Mardi dernier, lorsque j’arrive à la bouquinerie Le Rêve de l’Escalier avec quelques livres à vendre, j’ai la mauvaise surprise d’y trouver un homme sans masque en discussion avec le libraire masqué sous le nez. Ce dernier remonte le sien comme il le fait à chaque fois que j’entre dans sa boutique. Le sans-gêne cache sa bouche et son nez avec son écharpe.
-Ce monsieur n’a pas de masque, fais-je remarquer.
-Si, il en a un, me répond le maître des lieux.
Effectivement, ledit en sort un du fond de sa poche et l’enfile. Je montre mes six livres. Seuls deux sont retenus pour la modeste somme de trois euros. A ce moment entre un pachyderme dont le masque est sous le nez sans qu’il lui soit fait de remarque par celui qui est responsable de l’application du protocole sanitaire dans son commerce. Je file sans demander mon reste (comme on dit).
Mercredi soir, en rentrant de Paris, je lis sur Effe Bé un texte du bouquiniste du Rêve qui vante sa boutique en ce jour de soldes. J’y vais de mon commentaire : « Si on ne risquait pas de trouver à l'intérieur un client le masque sous le nez ou même sans masque du tout, on aurait moins peur d'y aller plus souvent. »
J’obtiens comme réponse du concerné que le risque zéro n’existe pas et que c’est la seule bouquinerie rouennaise à disposer d’un double purificateur d’air.
 « Je sais, ce n'est sûrement pas suffisant. Je vais faire comme l'an dernier, attendre que les beaux jours reviennent et que la porte reste ouverte. »
Justifier le non-respect du port du masque dans sa boutique par la présence d’un purificateur d’air n’est pas très réglementaire. Le premier à prendre des risques, c’est pourtant le maître des lieux lui-même, cet endroit est tout petit, pas aéré, le système de chauffage brasse l’air et les microgouttelettes qu’il contient. Je ne m’y sens pas en sécurité.
Quand la porte restera ouverte, j’irai à nouveau y faire un tour. Pas pour tenter de vendre quoi que ce soit, j’y renonce, mais pour essayer de dépenser mon avoir, même si c’est compliqué, car des livres qui m’intéressent, on en trouve très rarement ici. De plus, depuis qu’a lieu la guerre du Covid, il règne un tel désordre que si un livre est pour moi, il a toutes les malchances de se trouver dans les piles qui encombrent les allées et je ne fouille pas.
                                                                        *
A Paris, dans les Book-Off, les seuls clients qui laissent glisser le masque sous le nez sont les hommes, il n’y a que des hommes, qui tentent de retrouver leur jeunesse parmi les vinyles. On est toujours des rebelles, nous autres.
 

13 janvier 2022


Informé par son site Internet que le Book-Off de Ledru-Rollin n’ouvre encore une fois qu’à onze heures, c’est à l’arrêt Centre Georges Pompidou que je descends du bus Vingt-Neuf ce mercredi matin, après un Rouen Paris sans souci.
J’entre dans le premier café venu, le Station Rambuteau, et m’installe loin des autres pour un café à deux euros soixante agrémenté de la lecture de Choses dont je me souviens de Sōseki dans l’édition Picquier Poche. L’écrivain y raconte, en mil neuf cent dix, sa longue hospitalisation, à l’âge de quarante-quatre ans, après une hémorragie interne qui l’a laissé sans connaissance pendant trente minutes.
Un peu avant dix heures, je traverse la piazza en diagonale, enfile la rue Saint-Martin et arrive au Book-Off, ex Gai Rossignol, ex Mona Lisait, peu après l’ouverture. Je suis le seul client pendant un long moment et trouve peu.
Par les lignes Un et Huit je rejoins Ledru-Rollin et passe au marché d’Aligre où c’est comme partout le début des soldes. Les livres invendables sont à un euro au lieu de deux.
A midi moins le quart, je suis au Péhemmu Chinois où j’innove en commandant le Parmentier de confit de canard à neuf euros. S’il y a toujours des volontaires pour offrir leur peu d’argent à la Française Des Jeux, nous ne sommes que trois à déjeuner, dont un quadragénaire d’allure sportive que la patronne croyait en vacances.
-Non, j’ai été malade pendant dix jours, pourtant j’avais fait les trois vaccins, lui dit-il.
-D’habitude, ajoute-t-il, quand je suis malade je vais travailler, mais là à chaque fois que je voulais sortir de mon lit ça tanguait.
Après le café je passe à côté où j’apprends que c’était ouvert dès dix heures. « Il faut que je signale ça à notre responsable Internet. »
Muni d’une autre récolte de livres à un euro, je reprends le métro Huit et vais explorer le troisième Book-Off où je complète la moisson du jour.
J’attends l’heure de mon train de retour à La Ville d’Argentan. Je pense que c’est la dernière fois car lire avec à fond cette putain de radio nommée Chante France, non.
                                                                  *
Capté au Station Rambuteau : « Tu verrais tout ce que mon père il donne à ma sœur, alors moi je ne me gêne plus, tout ce que je lui prends, même si c’est que cinquante euros, je me dis que l’autre elle l’aura pas. »
                                                                  *
Parmi les livres à un euro près de moi dans le train de retour : Paris en l’an 3000 textes et dessins de Henriot journaliste au Charivari (Phébus), Avec André Gide de Roger Kempf (Grasset), Loin de New York d’Annemarie Schwarzenbach (Petite Bibliothèque Payot) et Lettres américaines de LeRoy Pollock & ses fils, dont Jackson (Grasset).
                                                                 *
Le monde tel qu’il m’apparait du point de vue de mon existence matérielle est un ensemble hostile. La nature est un ennemi arbitraire et cruel. La société est un ennemi injuste et humain. En exagérant un peu ma façon de voir, mes amis sont en un certain sens des ennemis, ma femme et mes enfants aussi. Et moi qui pense de la sorte, oui, même moi, je suis en passe de devenir mon propre ennemi, voilà ce que je me dis chaque jour. Comment ne pas trouver pitoyable celui qui, malgré sa lassitude, poursuit un combat qu’il ne peut esquiver, et qui va vieillir sans recours, dans une absolue solitude ? Sōseki Choses dont je me souviens
 

10 janvier 2022


A quoi dois-je m’attendre ce lundi matin en allant à la Grande Pharmacie du Centre pour le renouvellement de mon collyre ? Vais-je trouver dès l’ouverture une file décourageante de personnes inquiètes du Covid voulant s’y faire tester ? Je suis rassuré quand j’atteins le parvis de la Cathédrale. Deux seulement m’ont précédé.
A l’ouverture des portes coulissantes, le pharmacien s’adresse à tous : « S’il y a des gens qui viennent pour être testés, on ne le fait plus sans rendez-vous, il faut passer par Doctolib. »
Ce n’est pas le cas du premier. Il désire acheter des autotests. « Nous n’en avons plus, lui répond-on, c’est en commande. » La deuxième demande des masques Effe Effe Pé Deux. « Nous sommes en rupture, c’est commandé », lui répond-on.
Mon collyre est disponible.
                                                                  *
Manque d’ardoises, manque de volets, manque de vitrage feuilleté, manque de Placoplatre, manque de bois de charpente, manque de béton armé, manque de semi-conducteurs, manque de peinture bleue, manque de beurre et bientôt de papier.
Il n’y a plus rien et ce rien on vous le laisse chantait Léo Ferré en mil neuf cent soixante-treize.
 

9 janvier 2022


Un fidèle lecteur m’écrit :
« Le 6 janvier, tu as commencé ta chronique par cette phrase :
"....Je suis conscient que je prends un risque ... (etc.).
Or, de mon côté, je pensais qu'on employait " que " après " être conscient " lorsqu'il est suivi d'un nom :
- Je suis conscient que la pluie peut provoquer des dégâts...
- Je suis conscient que les progrès de Paul sont modestes....
Dans ta phrase, il m'aurait semblé plus élégant d'écrire : " Je suis conscient du risque pris, je suis conscient du risque que je prends... "
Mais bon, je ne suis pas sûr de ce que j'avance, disons que ça m'a vaguement fait boîter un neurone en lisant.
Quand tu auras cinq minutes, peut-être donneras-tu un éclairage sur ce point, car je suis conscient du côté parfois hasardeux de l'emploi correct de notre langue. »
A qui je réponds :
« Il semble que tu aies raison. Sans doute aurais-je dû écrire "J'ai conscience de prendre un risque..."
Pour ma défense, je dirais que ça m'est venu comme ça et donc je le garde (ce que répondait Léautaud quand on lui reprochait une faute de syntaxe). »
                                                                         *
Pour moi, je préférerai toujours des imperfections jaillies de l’excitation de l’esprit que des perfections apprises et si bien observées. écrivait Paul Léautaud à André Billy le trente novembre mil neuf cent quarante-trois.
Un principe qui ne l’empêchait pas de rappeler à l’ordre autrui. En témoigne, sur l’excellent site Léautaud.com, l’article Léautaud et la grammaire, composé d’extraits du Journal littéraire. Paul Doumer, Président de la République, est assassiné. Il est réjouissant de lire que Léautaud ne se soucie que de la manière dont certains le racontent.
         

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