Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

Confiné (dix-huit)

4 avril 2020


Ce vendredi devait être le jour de mon retour de Nice. Un Tégévé partant à neuf heures cinquante-trois m’aurait mené à seize heures deux gare de Lyon dans cette capitale que je ne suis pas sûr de revoir un jour.
Ce vendredi sera donc rouennais et enfermé par temps gris. Avant que ne tombent les gouttes de pluie annoncées, muni de mon attestation pour « déplacement bref dans la limite d’une heure quotidienne dans un rayon d’un kilomètre autour du domicile lié à l’activité physique individuelle », je vais marcher dans la ville morte traversant le petit coin de verdure nommé square Verdrel puis déposant dans la boîte de la Poste de la rue de la Jeanne une lettre pour Asnières.
Ici et là sont collées des affichettes signées « le personnel soignant » (lequel ? d’où ?). On y lit des conseils, les habituels mais aussi de laisser ses vêtements d’extérieur dans un placard ou une pièce inutilisés et d’aérer le plus souvent possible, du pain béni pour les paranoïaques.
Si pour moi ce jour aurait dû être celui d’un retour de vacances, pour beaucoup il aurait dû être celui du départ pour celles dites de Pâques. Il n’en est pas question. A la télé, Didier Lallement, le Préfet de Police de Paris, y va de son propos stupide : « Ceux qui sont aujourd'hui hospitalisés, qu'on trouve dans les réanimations, sont ceux qui au début du confinement ne l'ont pas respecté ». Il a une petite tête qu’il tente d’agrandir à l’aide d’une casquette de maréchal soviétique. On le sent jouir d’être là sur le bord de la route avec son sifflet pour empêcher le départ en vacances de ceux qu’il qualifie plusieurs fois de stupides. Plus tard dans la journée, vêtu d’une ridicule chemise blanche à galons et sans sa grosse casquette, il présente ses plates excuses.
                                                                           *
Me voici arrivé à Jane Birkin dans la réécoute alphabétique de mes cédés francophones : une audition qui me renvoie à un passé devenu lointain où me tenait la main celle pour qui j’ai posté une lettre ce matin, dont je n’ai pas de nouvelles depuis un moment, qui adorait Jane B. Je l’entends encore me chanter Fuir le bonheur de peur qu’il ne se sauve. Je craignais qu’elle ne mette cette menace à exécution.
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Une mort qui ne comptera pas dans les statistiques : celle d’un malade du Covid Dix-Neuf  qui s’est jeté du viaduc de la Bresle à Aumale.
Des suicides, il y en aura d’autres, dus notamment aux conséquences de la catastrophe économique, ruines diverses et projets de vie qui s’effondrent.
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Conversation de parents relative à la transformation du bac en examen de contrôle continu : « le mien » « la mienne ». Ne pourraient-ils pas dire « mon fils » ou « ma fille ».