Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

Lisant ce que Kazimierz Brandys a écrit sur Paul Léautaud dans Hôtel d’Alsace et autres adresses

14 mai 2016


Et plus j’avançais dans ma lecture, plus je sentais nettement que je m’attachais à cet homme et que j’étais incapable de le définir sans ambiguïté. Certains passages me causaient du dégoût, d’autres suscitaient le respect et même l’admiration. Que de fiel, que de compassion, quelle indépendance et quelle petitesse. Il était heureux lorsqu’il parvenait à arracher un chien errant à la fourrière, fier de la tempête de protestations qu’il déchaînait en traitant Jeanne d’Arc de fille à soldats, et pleinement satisfait lorsque, dans une critique de théâtre, il blessait douloureusement l’auteur.
Ainsi parle Kazimierz Brandys de Paul Léautaud et de son Journal dans Hôtel d’Alsace et autres adresses (publié en France par Gallimard dans la collection Le Messager), ouvrage dans lequel l’écrivain présente à ses lecteurs polonais trois collègues décédés plus ou moins scandaleux peu ou pas connus dans ce pays : Oscar Wilde, André Gide, Paul Léautaud. C’est pour ce dernier que j’ai acheté l’exemplaire proposé un euro chez Book-Off, il y a un certain temps.
Voici comment Kazimierz Brandys évoque le père et la naissance de Paul Léautaud :
Firmin Léautaud, acteur de second ordre, vivait depuis deux ans avec une jeune personne du nom de Fanny Forestier. Un jour, la jeune sœur de Fanny, Jeanne, leur rendit visite. Il se faisait tard et le maître de maison jugea plus raisonnable de lui accorder l’hospitalité jusqu’au lendemain. Ils passèrent la nuit à trois dans un grand lit, Firmin Léautaud entre les deux sœurs. Par habitude, il entreprit d’abord l’aînée, et Jeanne, âgée de seize ans, étendue près d’eux, fit connaissance avec l’intégralité des rapports unissant un homme et une femme. Après quoi elle en fit elle-même l’expérience. La chose eut lieu malgré les protestations de Fanny qui, le lendemain, s’en retourna chez ses parents. Firmin se mit en ménage avec Jeanne. Paul Léautaud naquit le 18 janvier 1872. Au bout de trois jours, Jeanne Forestier abandonnait l’enfant au père.
(…)
Après le départ de Jeanne, Léautaud –le père–, ancien acteur, plus tard souffleur à la Comédie-Française, continue de faire venir chez lui, pour la nuit, des adeptes des mœurs légères, le plus souvent des mineures, et il finit par épouser une mauvaise fille prénommée Louise. Il avait quarante-huit ans ; elle, quinze.
(…)
La toile de fond de ces évènements était le quartier Montmartre, le père habitait rue du Martyrs.
Concernant le Journal de Léautaud (Pour lui, l’existence doit être prise en note, alors seulement elle est la vie. Et inversement : l’écriture doit être enracinée dans la vie pour devenir littérature.), Brandys s’avoue gêné pour employer certains mots qui y figurent et choqueraient les Polonais.
« Je ne suis pas méchant pour deux sous, expliquait-il dans une lettre à Rouveyre. Je suis vif, spontané, je dis carrément ce que je pense, voilà tout. » Et ailleurs : « J’ai toujours rencontré si peu d’esprit autour de moi qu’il a bien fallu que j’utilise le mien. » « On me trouve immoral, subversif, sans respect ; je n’exprime pas le quart, sur toutes choses, de ce que je pense. »
Dans les dernières années du journal, note Brandys, apparaît Irène, seize ans, Léautaud n’en attend pas d’expériences amoureuses au sens naturel, mais il y a des satisfactions de substitution. Il a noté la remarque de cette admiratrice sagace pour son âge : « C’est curieux comme tu es phallique. » Il approchait alors de ses quatre-vingts ans.
                                                            *
Dans ce même livre, Brandys à propos d’Oscar Wilde : Sachant qu’en Pologne le seul fait de parler aujourd’hui d’Oscar Wilde paraîtra hors de saison, je me demande pourquoi j’écris à son sujet, pour qui.
Et de citer l’écrivain en question :
Ce que je crains le plus, c’est de n’être pas incompris.