Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

30 juin 2017


Quelques gouttes m’obligent au parapluie ce jeudi soir pour me rendre du côté de la Croix de Pierre, précisément au six bis de la rue Edouard-Adam au lieu-dit La Plateforme. Guillaume Painchault, ancien du Point Limite, y convie à la signature par la jeune Charlotte Romer du photozine Vanishing point qu’il vient de créer, « édité à cinquante exemplaires numérotés sur papier Multidesign Naturel à Rouen ». Elle est l’invitée du premier numéro et quand j’arrive se tient devant la porte une bière à la main.
Sophie Crouvezier, propriétaire de l’endroit, vient me dire qu’elle m’a déjà vu quelque part et m’explique ce qu’elle veut en faire : un espace de rencontre entre les arts sonores et les arts visuels, un lieu d'apprentissage et de création autour de la gravure et de la photographie, tout cela dans un esprit citoyen. Dès que j’entends ce mot, mes oreilles se ferment.
Les photos en couleur de Charlotte Romer sont prises lors de soirées parisiennes bien arrosées quand elle-même est bourrée (dit-elle). Elles montrent une jeunesse un peu déglinguée comme il est parfois d’usage à cette période de la vie, des dérives à la Larry Clark dans une esthétique à la Nan Goldin.
-Elle ne les connaît peut-être pas, me dit Guillaume Painchault.
Je ne lui pose pas la question. Je paie les sept euros demandés pour ce premier numéro et elle me le signe après l’avoir numéroté d’un trois, bien que je sois le deuxième acheteur. Comme Verlaine, je préfère l’impair.
Il faudrait adhérer à La Plateforme avant de pouvoir prendre un verre aussi c’est la gorge sèche que je rentre, passant devant Le Son du Cor qui ce soir est entre les mains des écolos locaux pour une Green Teuf Climat, une action citoyenne et festive particulièrement éthique.
« Climat agissons dès maintenant, nos enfants nous remercieront », est-il affiché face au café. Comme si le désastre ne se conjuguait pas au présent. Cela fait au moins quarante ans que le problème est posé. Les enfants ont eu le temps de grandir. Le futur, c’est maintenant.
                                                          *
La Plateforme est un « espace éthique ESS », lis-je sur sa page Effe Bé. Va savoir ce que ça veut dire.
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Rue Eau de Robec, pas loin du Son du Cor, on trouve depuis quelques mois une boutique de fruits et légumes nommée Le Marché du Robec « agriculture bio et raisonnée » « produits locaux et de saison en circuit court ». Il y a encore deux ou trois ans, presque en face, se tenait une boucherie.
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En quatrième de couverture du numéro un de Vanishing point :
« Des personnalités, des noctambules, traversant la vie pataugeant après leurs rêves. Je parle d’amour, de musique. La crasse, la transpi et l’alcool. Loin des excès de pose ou de raffinement, dans l’ordinaire, le laid ou le vulgaire, les émotions et la grâce sous-jacente qui donnent ce relief particulier au quotidien.
A travers mes photos je célèbre la mélancolie sourde de ma génération.
A travers mes errances, et les leurs.
A travers nos excès.
Je m’appelle Charlotte Romer, j’ai 21 ans.
Nous voici. »
Comme un antidote aux préoccupations citoyennes et éthiques du lieu qui l’accueille ce jeudi et où ses photos seront exposées en septembre prochain.
 

29 juin 2017


Point de sept heures cinquante-neuf pour Paris en gare de Rouen ce mercredi matin, un bagage suspect en gare du Havre en a empêché le départ, plus qu’à se rabattre sur l’omnibus de huit heures douze. Dès Val-de-Reuil, les entrants voyagent debout et après l’arrêt à Mantes, c’est aussi serré que dans un métro parisien en heure de pointe.
A l’arrivée, j’entends que le métro Huit dysfonctionne en raison d’un problème de signalisation, « Veuillez nous excuser pour la gêne occasionnée ». Du coup, je passe d’abord par le Book-Off de Quatre-Septembre où j’entre peu après dix heures. On n’y solde pas. J’en repars peu chargé.
La ligne Huit ne va pas mieux. Elle m’emmène quand même à Ledru-Rollin d’où à pied je rejoins le marché d’Aligre. Certains marchands ne sont pas là. Les deux qui vendent toujours des livres n’ont rien de pimpant à proposer.
A presque midi, je m’installe au Rallye, le Péhemmu chinois dont j’apprécie toujours autant le confit de canard pommes sautées. En le dégustant, j’observe celles et ceux qui n’ont pas grand-chose à perdre et le perdent avec constance.
Après le café, j’entre au Book-Off voisin qui ne solde pas davantage. J’y trouve un peu plus dans les livres à un euro, dont Le fantôme de Chopin de Thierry Martin-Scherrer publié par Lettres Vives, un exemplaire bénéficiant d’un envoi de l’auteur à Michel Braudeau : « Ecouter est le verbe évangélique par excellence » Barthes. En témoignage de chaleureuse estime. »
Sorti de là, je vais chez Emmaüs, rue de Charonne. La chaleur de la semaine précédente y est toujours présente, ce qui n’incite pas à rester longtemps. C’est pourtant ce que je fais pour cause d’averse orageuse à l’extérieur, discutant avec l’un des vendeurs qui aimerait me vendre un service à thé.
-A part les livres, lui dis-je, je n’ai besoin de rien. Ah si, un casse-noix.
Justement, il en a un dans la réserve. Il l’a mis de côté pour empêcher qu’il soit volé. Le caissier me le propose à un euro cinquante. Je vais pouvoir jeter celui, complètement rouillé, dont j’usais pour ouvrir les pistaches récalcitrantes.
La drache calmée, je vais à pied du côté du Père Lachaise et trouve quelques autres livres dans une caverne surchauffée dont je ressors en sueur. Par la ligne Trois, je retourne à Saint-Lazare. En chemin montent dans la rame six trentenaires, hommes et femmes, dont l’une chante La Bohème d’Aznavour.
-Je ne vais pas faire la manche messieurs dames, vos tickets s’il vous plaît.
C’est la première fois que j’assiste à un contrôle à l’intérieur d’une rame du métro parisien. Tout le monde est en règle.
Le dix-huit heures vingt-cinq est supprimé « pour cause de maintien en maintenance ». C’est ainsi tous les jours depuis au moins une semaine et ce le sera jusqu’au prochain changement d’horaire. Je dois donc prendre le précédent, celui de dix-sept heures cinquante. Il est mis à quai avec dix minutes de retard. Y monte Christophe Bouillon, Député, Socialiste, venant de l’Assemblée Nationale. Nous ne sommes pas dans la même voiture, pour la raison qu’il voyage en première, gratuitement.
                                                                    *
Je sais pourquoi Christophe Bouillon n’a pas eu de candidat La République En Marche face à lui et a donc pu être facilement réélu. La commission d’investiture d’En Marche s’est mélangé les pinceaux dans les numéros de circonscriptions de Seine-Maritime. C’est Guillaume Bachelay, Socialiste, ancien numéro deux du Parti, qui aurait dû avoir ce privilège, obtenu d’Emmanuel Macron lui-même suite à une intervention de Laurent Fabius. Le Canard Enchaîné raconte cela ce mercredi.
                                                                   *
Un train qui ne circule pas est un train qui arrive à l’heure. Primordial pour les statistiques en ce mois de juin pendant lequel ils sont majoritairement en retard (et pas qu’un peu) sur la ligne Paris Rouen Le Havre.
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Lettres Vives est l’un des rares éditeurs publiant encore des livres dont il faut couper les pages. Ainsi en est-il pour Le fantôme de Chopin de Thierry Martin-Scherrer.
Michel Braudeau a égaré son coupe-papier, à moins qu’il ne soit complètement rouillé.
 

27 juin 2017


Huit minutes d’attente pour le métro Cinq dont le terminus est la place d’Italie. Le dimanche à Paris, c’est presque la province. J’y côtoie trois garçons exténués dont l’un caresse l’épaule d’un autre. Le retour des festivités d’après la Marche des Fiertés (autrefois Gay Pride) est difficile. Ils descendent à Gare d’Austerlitz. A la station Place d’Italie, pour choisir la bonne sortie, je n’ai qu’à suivre les hommes seuls porteurs d’un sac à dos.
Il est sept heures et demie. C’est la première fois que je mets le pied au vide grenier de la Butte aux Cailles avant que tous les exposants soient installés. Comme on est civilisé dans le quartier, cela se passe avec courtoisie. Nul ne s’énerve dans les rues étroites et labyrinthiques où je sais désormais me repérer. Dès le troisième stand je trouve de quoi m’arrêter : Contes immoraux du XVIIIe siècle (Bouquins/Laffont) et Proust et ses amis (Les Cahiers de la Nrf/Gallimard). La vendeuse me demande quatre euros pour les deux. Je paie sans discuter. Un peu plus loin sont les Amis de la Commune de Paris qui proposent une tablée de livres à cinquante centimes. Aurais-je été à Rouen que je me serais chargé de quelques-uns mais là je préfère me réserver pour mieux car tout cela est lourd.
Ce mieux, je l’espère chez un grand barbu maigre à longs cheveux grisonnants dont la veste est encore plus déchirée que la mienne. Il est là chaque année et a tout du bouquiniste, du moins pourrait-il l’être. Quand je m’approche, il m’accueille d’un « La boutique n’est pas encore ouverte ! », qui me rappelle ce que m’a dit l’un d’eux autrefois à Rouen : « Les bouquinistes sont tous des caractériels ».
Je poursuis mon chemin et trouve à me plaire au stand d’une charmante vendeuse. Pour cinq euros, elle me cède Souvenirs désordonnés de José Corti (Librairie José Corti), Pour Louis de Funès précédé de Lettre aux acteurs de Valère Novarina (Actes Sud), Sens unique de Walter Benjamin (Petite Bibliothèque Payot) et Eloge de la philosophie antique de Pierre Hadot (Allia), ce dernier avec un envoi de l’auteur à Michel Grodent.
Côté acheteurs et acheteuses, il y a du monde dans les rues étroites sans que cela soit une gêne.
Je repasse par chez le bouquiniste revêche, et constatant qu’il a presque terminé d’installer tous ses livres soigneusement sur la tranche, j’attends le feu vert à proximité. Il envoie bouillir un dernier impatient puis soudain devenu aimable se met à crier « Un euro le livre, un euro ». L’an dernier, je lui en ai acheté pas mal mais cette année je n’en acquiers que deux : la Correspondance entre Mishima et Kawabata (Albin Michel) et le Dictionnaire des œuvres érotiques préfacé par Pascal Pia (Bouquins/Laffont).
Mon sac déjà lourd, je m’offre un café verre d’eau à la terrasse de l’Auberge de la Butte face à L’Oisive Thé que j’imagine tenu par une ancienne coiffeuse. J’observe les chalands qui passent, dont certains mériteraient la photo. C’est ainsi que j’aperçois l’un dont je pensais bien qu’il serait  ici. Je le hèle deux fois avant qu’il me repère.
-Ce n’est pas le prénom par lequel je m’attends le plus à être appelé, me dit-il
C’est vrai qu’il en a un autre, celui de sa naissance. Il n’a pas le temps de prendre quelque chose mais nous échangeons un peu sur nos écritures respectives et les vide greniers parisiens avant qu’il poursuive son chemin. « A bientôt », me dit-il. C’est une façon de parler (comme on dit).
Je refais le circuit, trouve quelques autres livres à mettre dans un deuxième sac puis à midi m’installe pour déjeuner à la terrasse de Chez Mamane (Au Passage des Artistes) qui propose un couscous royal pour treize euros cinquante. Le patron est de bonne humeur, le couscous copieux et bon malgré le bœuf trop cuit de la brochette. Le quart de vin est à six euros, il les vaut. Sur le trottoir d’en face s’installent tardivement deux jeunes Africaines qui passent un boubou afin que les objets qu’elles vendent aient l’air plus traditionnels.
A l’issue du repas, je renonce à parcourir une dernière fois toutes les rues de la Butte aux Cailles, désormais encombrées, mais n’en trouve pas moins un ultime livre à mon goût : Lettres croisées de Paul Cézanne et Emile Zola (Gallimard). Sa propriétaire m’en demande cinq euros puis me le laisse à trois.
Un autre vide grenier se tient dans le treizième arrondissement, place de Rungis. Je le rejoins pédestrement avec mes sacs à bout de bras. L’ambiance y est fort différente. La marchandise est autour de la place et dans des rues avoisinantes, en plein soleil. Les vendeuses et vendeurs semblent fatigués. Les acheteurs et acheteuses sont rares. Dans cette chaleur décourageante, je me penche sur des cartons de livres le plus souvent sans intérêt. J’achète quand même un dernier livre pour cinquante centimes à deux nymphettes surveillées de loin par leur mère : Lettres de voyage de Pierre Teilhard de Chardin (Les Cahiers Rouges/Grasset).
A dix-sept heures dix-neuf démarre mon train de retour sans qu’aucun message n’en ait averti. Les arrêts ne sont pas davantage indiqués. Il semblerait que le dimanche, on puisse circuler sans personnel à bord. Du moins arrivons-nous à l’heure en gare de Rouen.
 

26 juin 2017


Samedi matin le train de neuf heures douze m’emmène à Paris. Par le métro je rejoins Montparnasse. Près de la station Gaîté, rue de l’Ouest, se tient un vide grenier dont j’ai tôt fait le tour sans y trouver de livres à mon goût. Qu’importe, je sais qu’après avoir passé la nuit dans l’appartement de celle qui est pour le ouiquennede dans la campagne près de Rouen, je me rattraperai à la Butte aux Cailles.
La rue de la Gaîté est partagée entre théâtres de tout genre, boutiques de sexe et restaurants du monde. Je déjeune au Comme Chez Soi qui propose un buffet et plancha à volonté pour vingt et un euros : superviseur français, personnel asiatique, clientèle variée. Je suis content d’y trouver des huîtres et des bulots. La plancha est à commander au chef : dorade saumon magret de canard bœuf au fromage, tel est mon choix. J’accompagne cela d’un pichet de rosé.
Une promenade s’impose. Le cimetière voisin en est le lieu idéal. A l’entrée de la rue Froidevaux, je prends le plan plastifié mis à disposition des visiteurs et, moitié avec son aide, moitié avec celui du hasard, je vais de tombe en tombe en les photographiant. Après la plus courue, celle de Serge Gainsbourg (où je n’ajoute pas mon ticket de métro), je passe par celles de Stéphane Hessel, Bruno Cremer, Gisele Freund, Sainte-Beuve, Roland Petit, Jean Seberg, Philippe Noiret, Jean Poiret, Marcel Bozzuffi, Serge et Stephan Reggiani. Pour celle de Georget Bernier dit le Professeur Choron, il faut traverser la rue Emile-Richard qui partage ce cimetière en deux parties inégales.
Malheureusement, je n’arrive pas à trouver les tombes de Cioran et d’Eric Rohmer qui se cachent à l’intérieur d’une vaste division. Un dame anglaise n’a pas plus de chance avec Camille Saint-Saëns proche d’Eric Rohmer. Nos efforts conjugués n’aboutissent pas. Pas loin de là où doit être Cioran, deux jolies filles discutent en riant assises sur la tombe de la jeune Camille Belan.
-C’est qui Camille Belan ? leur demandé-je.
-Une amie à nous, me répond celle qui porte une minijupe.
Aucune des deux ne sait qui est Cioran.
Un peu plus loin, je croise une autre jeune fille en pleurs contre la pierre d’une sépulture encore plus récente.
Quand j’ai suffisamment marché, je rejoins le dix-huitième arrondissement et vais boire un diabolo menthe chez Mounir, rue Letort.
                                                       *
L’épitaphe de la tombe de Bruno Cremer : « Ceci est un trou de mémoire ». 
                                                       *
« Ci-gît l’élégant dandy Areski Mesloub ». Ce pléonasme est enterré depuis deux mille neuf. L’herbe desséchée donne à sa tombe un aspect terrain vague des plus réussis.
                                                       *
Sur celle de la famille Sigre, madame a fait écrire : « Si Paradis il y a, Paradis n’y sera, que si j’y suis accueillie par mes chients et mes chats. » Le graveur ira faire des dictées au purgatoire.
                                                       *
On ne choisit pas ses voisins. Henri Langlois de la Cinémathèque côtoie Gus le dessinateur.
Serge Gainsbourg, lui, a pour voisin de derrière Claude Simon, mais c’est un homonyme.
                                                       *
Gens connus, célèbres ou renommés
Pour vous faire enterrer
Afin d’être aisément repérés
Choisissez le bord d’une allée.
 

23 juin 2017


Après avoir supporté les quarante-cinq degrés du train de retour ce mercredi, je n’ai qu’un désir : tenter de dormir. Fenêtre fermée, ce n’est pas possible. Fenêtre ouverte, la chaleur diminue à peine et, Fête de la Musique oblige, un bruit de foule sert d’accompagnement sonore à mon épuisement. Ce n’est pas avant une heure du matin que je peux trouver le sommeil.
Ce pic de chaleur est-il lié au réchauffement climatique consécutif à l’activité humaine, nul ne peut l’affirmer, cependant il serait plus que temps que les politiciens agissent réellement pour tenter de modifier le cours des choses, en réfléchissant à l’éventualité d’une décroissance par exemple, mais comme tous ceux qui viennent d’être élus à l’Assemblée Nationale, de l’extrême droite à l’extrême gauche, en passant par tous les milieux, sont productivistes, c’est mal parti.
                                                              *
Quoi de plus désagréable que d’être constamment en sueur. Si l’été le temps en Normandie devient celui que l’on subit dans des endroits comme la Drôme, l’Ardèche ou le Lot, cela va être volets clos toute la journée, sieste obligatoire et vie larvaire. Charmante perspective.
                                                              *
Ne pourrait-on pas arrêter de dire qu’il fait beau quand il fait chaud. Quand il fait chaud, il fait chaud. Comme quand il fait froid, il fait froid.
                                                              *
Une lectrice m’informe qu’il y a eu une petite mobilisation début avril, autour de l’Adjoint au Maire Manuel Labbé (Communiste), contre la fermeture des bureaux de poste rouennais.
Une pétition a été lancée pour celui de la rue Orbe, laquelle a été relayée par l’association  La Boise de Saint Nicaise dans les quelques boutiques survivantes de ce quartier où le commerce périclite.
Une pétition a également été signée devant celui de la Champmeslé, situé quant à lui dans une rue commercialement prospère.
Dès le lendemain de la fermeture de ce dernier, le Colombus Café a profité de l’aubaine pour agrandir sa terrasse.
                                                              *
Valérie Fourneyron (Socialiste), après avoir pleuré le soir de sa défaite face à Damien Adam (En Marche), démissionne de son poste de conseillère municipale à la Mairie de Rouen. Que n’a-t-elle terminé sa carrière politique en défendant les bureaux de poste de la ville dont elle fut Maire.
                                                              *
Où donc Hervé Morin, Duc de Normandie et Catherine Morin-Dessailly, Sénatrice et Présidente de l’Opéra de Rouen (Centristes de Droite) vont-ils voir le Comala de Laurence Equilbey ? A la Philharmonie de Paris. C’est tellement plus chic.
                                                              *
François Ruffin, élu à l’Assemblée Nationale avec l’étiquette Picardie Debout, affilié aux Insoumis, déclarant qu’il se contentera du Smic comme salaire de Député, c’est comme s’il disait que le Smic, c’est suffisant pour vivre. Même à Paris.
 

22 juin 2017


La canicule étant officiellement déclarée, la chaleur augmentant chaque jour et chaque nuit, je sais que mon escapade hebdomadaire à Paris va être difficile. Heureusement, le train de sept heures cinquante-neuf est climatisé et il en est de même pour la librairie Book-Off de Ledru-Rollin où je m’attarde plus que nécessaire.
Le choc thermique est brutal quand j’en sors. Mon passage au marché d’Aligre tourne court, on y cuit. Je me rabats sur le square Armand-Trousseau où un banc ombragé m’accueille jusqu’à l’heure du déjeuner que je prends au Rempart, rue Saint-Antoine. Le travers de porc mariné aux agrumes sauce soja petits légumes est au menu, que j’accompagne d’un verre de muscat et fais suivre d’un tiramisu.
A treize heures quinze, j’ai rendez-vous près de la statue de Beaumarchais avec celle qui me prête son appartement pour le ouiquennede. Elle m’offre un deuxième dessert et un café au Petit Saint Paul.
Quand elle retourne travailler, je prends le métro Un jusqu’à Sablons et de là rejoins le Jardin d’Acclimatation où à seize heures, Pomme « l’atout charme de la nouvelle scène folk française » donne concert gratuit à l’occasion de la Fête de la Musique.
Debout contre un arbre qui me sert de parasol, j’assiste à son arrivée et à la mise en place technique, guitare, autoharp et tambourin pour pied, toutes opérations qu’elle fait suivie comme son ombre par un chef technicien aussi encombrant qu’inutile.
-Je fais juste un truc de pédale et puis c’est bon, dit-elle pour finir
-Ouah, entends-je derrière moi.
C’est l’un des branlotins d’un groupe issu d’un centre de loisirs.
-Mais non, lui dit son animateur, elle parle de la pédale de son instrument, c’est pas l’insulte à laquelle tu penses.
Pendant ce temps, de courageux employés du Jardin apportent transats, chaises, bancs et pieds de parasol en béton
Quand la jolie et talentueuse Pomme revient sur scène, je trouve place au bout d’un banc à l’ombre.
-Vous auriez pu venir en maillot de bain, nous dit-elle. Moi, j’étais prête à chanter en maillot mais je crois que ce n’est pas très légal.
Elle ne porte pas non plus la même robe qu’hier mais un petit haut blanc et un pantalon à rayures acheté pour l’occasion et fronce parfois délicieusement le nez quand elle chante ses nouveautés en français (La même robe qu’hier, La lavande) et des reprises en anglais (Umbrella, New Soul) devant un public divers et conquis. Je retrouve le plaisir pris lors de sa découverte aux Terrasses du Jeudi rouennaises. Malheureusement, elle chante peu longtemps, d’autres sont au programme ensuite. Pour en entendre d’avantage, les Parisien(ne)s pourront aller à la Boule Noire où elle sera du dix-huit au vingt et un septembre prochain.
-Papa, c’est loin la Boule Noire ? demande un moutard.
-A Paris, rien n’est loin, lui répond-il.
Tandis que je me dirige vers la sortie, j’entends qu’une femme a pris le micro pour saluer le public au nom de Marc-Antoine Jamet. M’aurait étonné que le Président Directeur Général du Jardin d’Acclimatation, Maire de Val-de-Reuil, Socialiste, Secrétaire Général de Louis Vuitton Moët Hennessy, laisse passer l’occasion de faire entendre son nom.
A Saint-Lazare, j’apprends sans réelle surprise que le train de dix-huit heures vingt-cinq est supprimé. Cela m’autorise à prendre celui de dix-sept heures cinquante, pas encore parti. Las, c’est une bétaillère où il fait une chaleur intolérable. Les vitres baissées n’y font rien. De plus, il s’arrête en rase campagne. « Je n’arrive pas contacter le conducteur », nous dit le chef de bord. Un médecin du Céhachu le suppose mort d’une crise cardiaque. Après quelques minutes d’angoisse, nous repartons et atteignons Rouen, lessivés, avec un quart d’heure de retard.
                                                             *
Aurais-je été à Rouen en ce jour de Fête de la Musique que je serais allé écouter Tallisker qui se produisait à cent mètres de chez moi dans la cour de l’Historial Jeanne d’Arc. Cela fait trop longtemps que je n’ai pas ouï Eléonore, qui, il y a quelques semaines, dans un café de la place Saint-Marc m’a parlé de la petite maison sans électricité de Bretagne intérieure où elle aime se réfugier. Je veux y penser comme un lieu où il fait frais.
 

21 juin 2017


Pour l’ultime concert de la saison à l’Opéra de Rouen ce dimanche après-midi, Niels Wilhelm Gade est à l’honneur. Laurence Equilbey et son chœur accentus fêtent le deux centième anniversaire de la naissance de ce musicien danois dont j’ignorais jusqu’au nom, lequel se prononce comme les deux dernières syllabes de « together », indique Luce Zurita dans le livret programme. « Ce chef et compositeur naît à Copenhague en 1817 et y meurt en 1890 sans que la renommée connue entre ces deux dates ne reflète l’oubli qui le menace actuellement », écrit-elle plaisamment mais de manière illogique.
La chaleur est à peine moindre à l’intérieur du bâtiment qu’à l’extérieur. Certains musiciens arrivent en bermuda. Côté spectateurs, presque tous les abonnés de première catégorie, avec fauteuil à leur nom, sont absents. Sont-ils bronzeurs en bord de mer ou assesseurs en bureau de vote ? Je suis dans la loge Neuf, à son autre extrémité est un homme de mon âge, entre nous deux trois chaises vides. La loge Sept est déserte. La Cinq est occupée par une jeune femme technicienne à casque sur les oreilles.
Après l’ouverture d’Echos d’Ossian est donnée Comala, une cantate dont le texte publié au dix-huitième siècle est attribué au légendaire barde écossais Ossian qui aurait vécu au troisième siècle.
Le roi Fingal part au combat malgré les craintes de la princesse Comala qui en est amoureuse. La nouvelle de sa mort est donnée. Comala est désespérée. Or, il revient vainqueur. C’est pour apprendre que Comala s’est donnée la mort.
Une pareille histoire nécessite une musique tantôt martiale tantôt exaltée. Elle se laisse écouter. Marie-Adeline Henry est une Comala talentueuse. Elle est bien applaudie, tout comme les autres solistes, les choristes, les musicien(ne)s et la cheffe.
                                                                *
Ce dimanche était le jour du vide grenier de l’hippodrome des Trois Pipes à Bihorel auquel j’ai renoncé à cause de la chaleur, et surtout parce qu’à chaque fois j’en repars déçu. Ni trois, ni deux, pas même une.
                                                                *
Côté Rouen droite, Valérie Fourneyron, Députée sortante, Socialiste, est battue par Damien Adam, En Marche, vingt-sept ans, arrivé à Rouen en deux mille quinze, désormais ancien employé du Crédit Agricole.
Côté Rouen gauche, Hubert Wulfranc, Maire de Saint-Etienne-du-Rouvray, Communiste, bat le parachuté Cyrille Grenot, En Marche, déjà battu à Rouen droite en deux mille douze quand il était Udéhi, et le renvoie dans sa pharmacie des Hauts de Rouen.
                                                                *
Ce lundi matin, arrivant au bureau de poste de la rue de la Champmeslé, je trouve le rideau baissé. Une affichette manuscrite est collée dessus : « Poste fermée ». Les distributeurs de billets sont obturés sommairement.
A ma connaissance, nul n’a averti de la fin de ce bureau de poste très fréquenté, encore moins ne s’y est opposé, ni les postiers qui y travaillaient, ni les syndicats, ni les politiciens socialistes en charge de la Mairie et de la Métropole, ni l’ex Députée, ni les membres de la gauche de la Gauche, tous officiellement défenseurs des services publics.
Dans le même temps, la poste principale de la rue de la Jeanne rouvre après des mois de travaux : au premier plan la banque, sur les bords le courrier. L’une des ex postières de la Champmeslé est à l’entrée, chargée de guider les arrivants dans ce lieu refait selon les nouvelles priorités.
 

20 juin 2017


Ce samedi après-midi, je grimpe la côte qui mène à Mont-Saint-Aignan dans un bus Teor Un dont la climatisation est déficiente. J’en descends à l’arrêt Place Colbert. Là, dans une allée arborée, l'Ecole d'Improvisation Jazz organise sa braderie culturelle annuelle. L’ouverture officielle est à quatorze heures. Nous sommes tous là à treize heures. L’an dernier, il y pleuvait. Cette fois, c’est chaleur à crever. L’un que je connais s’en plaint. Il porte une grosse veste noire. « Où mettrais-je mes affaires ? » me dit-il. « Tu fais comme moi », lui réponds-je montrant mon élégant sac en plastique Gibert Jeune.
Un orchestre joue de la musique brésilienne amollissante tandis que s’installent une vingtaine d’exposant(e)s proposant instruments de musique, tableaux, disques, dévédés et livres. Parmi ces derniers, je repère un très grand ouvrage illustré : Satie et la danse d’Ornella Volta (Editions Plume).
Neuf, il coûtait soixante euros. Sa vendeuse le propose à quinze. Je l’obtiens pour douze. « Cela me remboursera ma place », me dit-elle. Avais-je vraiment besoin de ce livre lourd et encombrant ? Sans doute non, mais je ne peux pas toujours rentrer bredouille.
                                                            *
L’agresseur de Nathalie Kosciusko-Morizet est donc le Maire de Champignolles (Eure), Sans Etiquette, autrefois Udéhi. Il est parisien, chef d’entreprise, et possède une résidence secondaire dans ce village de quarante habitants.
Il a parrainé Henri Guaino pour la Présidentielle, à laquelle ce dernier n’a pu se présenter faute d’avoir cinq cents signatures. Ce même Guaino était candidat à la Législative contre Nathalie Kosciusko-Morizet. Eliminé au premier tour, il déclara à la télévision que les électeurs de cette circonscription étaient « à vomir », s’en prenant notamment aux « bobos de l’entre-soi ».
Quand Monsieur le Maire s’en est pris à sa victime, il l’a qualifiée de « bobo de merde ».
« Fin mai, il lançait une pétition auprès de ses administrés pour dénoncer l'insécurité dans les campagnes. », lis-je dans Le Parisien.
 

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