Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

31 août 2019


C’est par une affiche dans la gare de Rouen que j’ai eu connaissance de l’existence de l’exposition Madeleine Project (de la cave au musée) au Musée d’Histoire de la Vie Quotidienne de Saint-Martin-en-Campagne, apprenant du même coup l’existence de ce Musée et de ce « p’tit village qu’a un nom pas du tout commun ». Il est situé entre Dieppe et Eu. Ayant lu depuis longtemps différents articles sur le Madeleine Project de Clara Beaudoux, il me vient l’envie d’aller voir l’exposition et, apprends-je, c’est possible par le car qui va de Dieppe au Tréport et Eu.
Ce jeudi, je monte dans le train de neuf heures douze pour Dieppe puis, après un café au Balto, je paie deux euros au chauffeur du Soixante-Huit de dix heures quarante-cinq. Arrivé au village de Saint-Martin, qui jouxte Penly et sa centrale nucléaire, j’en descends devant l’école Georges Brassens, près de la salle des fêtes Jacques Brel.
Je repère vite le Musée, imposant bâtiment à l’architecture contemporaine situé près de l’église et son cimetière. Comme il ferme sur le temps de midi, je remets ma visite à plus tard et me renseigne auprès d’un employé communal sur où manger (comme on dit dans Le Guide du Routard). Il n’y a que deux possibilités : L’Annexe et Le Central Grill. Le premier a une petite terrasse champêtre mais ne propose que des moules au menu. Aussi vais-je jusqu’à l’autre, situé dans un mini centre commercial donnant sur un rond-point autour duquel tournent des campigne-cars. En arrière-plan, ce sont des pales d’éoliennes qui tournent dans le ciel bleu. On en voit souvent près des centrales nucléaires.
Il y a foule de jeunes travailleurs dans ce restaurant qui propose un menu tout compris à quinze euros quatre-vingt-quinze, entrée (salade de gambas à l’aneth),  plat (bavette d’aloyau grillée sauce au poivre, frites maison), dessert (gâteau basque), quart de vin rouge et café. A ma droite, on parle kilowatts. A ma gauche, on parle betteraves. C’est une affaire familiale, la fille dirige tout depuis le bar et gare au serveur qui traîne.
A quatorze heures, j’entre au Musée, et en raison de mon âge, paie demi-tarif (deux euros cinquante) puis je laisse mon sac à la consigne. « Chez nous, me dit l’aimable guichetière, tout est en sous-sol, exposition permanente et exposition temporaire ». Je descends l’escalier et arrive dans un espace énorme et quelque peu surchauffé qui a été creusé sous le jardin qui entoure la partie visible du bâtiment.
L’exposition Madeleine Project n’en occupe que le fond. Y sont visibles nombre des objets ayant appartenu à une femme prénommée Madeleine. Objets que Clara Beaudoux a découverts après avoir fait céder à l’aide d’une scie à métaux le cadenas de la cave de l’appartement parisien qu’elle avait loué. Objets qu’elle a sortis de l’ombre et inventoriés, se mettant pour cela en disponibilité de son emploi de journaliste à France Info.
Madeleine était institutrice. Il est heureux que je ne sois plus concerné par cette profession pour apprécier ce que je vois sans être touché par l’angoisse de la rentrée. Parmi ses possessions, la plus surprenante est le disque de Colette Renard Chansons gaillardes. Il tranche avec les témoignages de vie bien sage qui l’entourent.
Une fois parcouru l’univers de Madeleine, sauvé d’une cave pour être momentanément exposé dans une autre, je fais le tour des multiples objets de la vie d’autrefois dans tous les domaines que recèle ce Musée et m’y intéresse autant que j’en suis capable, c’est-à-dire peu. Le cheminement mène à la Maison Mercier, belle bâtisse restaurée dans son état du seizième siècle, que je visite également.
La guichetière me confirme que tout cela a été possible grâce à l’argent du nucléaire. Je ne lui demande pas s’il est prévu que la population du village se réfugie au sous-sol  en cas d’accident à la centrale.
Une institutrice traverse la cour de l’école Georges Brassens lorsque j’attends le car du retour, faisant sa prérentrée personnelle un jour avant l’officielle. J’ai une pensée pour elle et pour tou(te)s les autres.
C’est le Soixante-Huit de quinze heures quarante-deux, d’où l’on a belle vue sur la mer et les falaises, qui me ramène à Dieppe. J’en descends au Foyer du Marin et passe un bon moment à la terrasse du Mieux Ici Qu’En Face à lire Le Voyage à Nuremberg de Hermann Hesse puis rentre par le train de dix-neuf heures.
                                                                         *
Saint-Martin-en-Campagne possède aussi un superbe Espace Périscolaire Henri Dès et une salle Edith Piaf. Il ne lui manque qu’une salle François Béranger dont j’ai eu Tranche de vie dans la tête toute la journée.
                                                                          *
« Madeleine naît à Bourges en 1915 et arrive toute petite à Paris. » « Elle décède en 2012 dans l’anonymat d’une vie bien remplie. »
 

30 août 2019


Ce mercredi, le sept heures cinquante-neuf est de retour. Il ne rate pas sa rentrée en arrivant du Havre avec quelques minutes d’avance. Au contentement de qui se trouve au borduquet. Dont moi-même qui prends place dans la voiture Six, côté opposé à l’éblouissement du soleil.  J’y lis Autour du Chat Noir de Maurice Donnay.
Tous les feux sont verts piéton entre la gare et le Bistrot d’Edmond, ce qui m’arrange, ayant un lourd sac de livres à la main. A dix heures, le responsable de Book-Off me les échange contre onze euros soixante. Je trouve à en dépenser six dans des livres à un euro, dont L’art de l’insulte, une anthologie littéraire due à Elsa Delachair et illustrée par Yann Legendre (Editions Inculte).
Le métro Huit m’emmène à Ledru-Rollin d’où je rejoins à pied le marché d’Aligre. J’y vois enfin du nouveau et paie deux euros Lettres inédites des filles de Karl Marx (Jenny, Laura et Eleanor) aux Editions Albin Michel.
A midi moins le quart, je suis à ma table habituelle au Péhemmu chinois. A midi précis, les femmes de l’atelier de couture s’installent à mon côté devant leurs plats déjà sur table. Aujourd’hui, il est question de sacs qu’on n’aura pas le temps de finir, puis de l’orientation sexuelle de l’une d’elles que sa mère a mis trois ans à comprendre (« Ah mais je croyais que c’était juste une copine »).
Comme convenu, je retrouve à treize heures sous Beaumarchais celle qui travaille près de la Bastille. Nous allons boire des cafés en terrasse au Week-End et avons beaucoup à nous dire.
Quand il lui faut retourner au labeur, je contourne à nouveau la place de la Bastille en travaux, où six hommes en orange étalent du goudron, celui à peau blanche aux manettes de l’engin, ceux à peau noire à la pelle respirant les vapeurs délétères, puis je poursuis prudemment sur le trottoir défoncé de la rue du Faubourg Saint-Antoine jusqu’au second Book-Off où pour un euro je deviens propriétaire de Vie rêvée (pages d’un journal, 1965, 1971-1977) de Thadée Klossowski de Rola, fils de Balthus.
C’est par le train Corail de seize heures quarante-huit que je rejoins Rouen, dans lequel les contrôleurs préviennent un abonné qu’à la fin de l’année, quand la région Normandie aux mains Hervé Morin, prendra la responsabilité des trains, ce sera mauvais pour la tarification. « On est trois mille à faire l’aller et retour pour le travail, on ne va pas se laisser faire », leur répond-il.
                                                                        *
Une escroquerie éditoriale, cet Autour du Chat Noir publié par Les Cahiers Rouges/Grasset. Seulement cinquante pages en gros caractères de souvenirs puis cent pages en petits caractères de poèmes et pièces de Maurice Donnay, manquant d’intérêt. Quand même ceci :
Pour t’envoler à quelques lieues,
N’entre-t-il pas dans ton concept
De prendre devers les banlieues
Un train de neuf heures dix-sept ?
 

28 août 2019


Ce lundi, fraîchement détartré par mon dentiste contre la somme de quarante-trois euros trente-huit, je me rends à la gare pour me faire rembourser du voyage à Paris annulé lors de la canicule de juillet. L’ami Georges de l’Hôtel de l’Europe m’ayant imprimé le mail devant me servir de preuve pour obtenir un remboursement intégral, et non partiel comme voulait l’imposer l’autre fois l’ordinateur de la Senecefe. Surprise, lorsque l’employée tape ma référence de dossier, le remboursement intégral est indiqué d’emblée et mon mail devenu inutile.
L’après-midi, vu la chaleur, je renonce à prendre un café verre d’eau au Sacre car en l’absence de son parasol récemment disparu, il faudrait que je m’installe sous l’auvent et je ne veux plus subir la musique à plein pot imposé à la clientèle par deux membres de son personnel, Mister Cumbia et Miss Le Mouv. J’opte donc pour une place à l’ombre au Flo’s (anciennement Les Floralies), où le café n’est qu’à un euro quarante, et ma foi j’y suis fort bien pour lire les Lettres à Denise Lévy de Simone Breton entouré de jeunes bourgeoises dans leurs petites robes de rentrée.
                                                                   *
Terminé le bruit assourdissant généré par les ouvriers de la flèche de Notre-Dame de Rouen. Ils sont toujours là mais se contentent de taper un peu dans la tôle, s’apostrophant parfois l’un l’autre ou poussant un cri quand ça va mal : « Ah merde, putain ! ». Que Dieu leur pardonne.
                                                                   *
« Bouge pas, maman revient, reste avec tata. » (une femme allant aux toilettes et parlant à son chien)
 

27 août 2019


Encore un de ces vide greniers que je n’aime pas à Rouen ce dimanche mais situé suffisamment près de chez moi pour que j’y aille quand même. Il se tient sur les quais hauts de la rive droite de la Seine et dans quelques rues perpendiculaires. Dont la rue Grand-Pont où se trouve une voiture accidentée, côté froissé et jante pliée. Le pneu éclaté est à quelques dizaines de mètres. La propriétaire a le sourire. L’accident reste mystérieux. Je trouve quand même un livre à mon goût que je paie un euro : Poésie de Raymond Carver chez Points/Seuil, un ouvrage doté d’un marque-page de la librairie Tropismes, galerie des Princes à Bruxelles. J’achète aussi trois flacons de Sanex pour cinq euros et deux pots de confiture (abricots et multifruits) pour quatre euros.
C’est l’occasion de revoir mon vieux copain d’école qui propose à la vente avec ténacité son stock de petite brocante. Il me raconte comment lors d’une des premières Armadas, il s’était laissé séduire par l’idée d’un stage de voile aux Glénans, lui qui n’avait aucune notion de la navigation. Ses huit jours d’apprentissage dans l’île d’Arz furent une rude épreuve qui resta sans suite.
                                                                   *
Le midi de ce dimanche, au Son du Cor, c’est la grande rentrée des trentenaires vacanciers. Retour du marché, ils grignotent entre amis ou en famille, racontant sommairement leur formidable été tout en s’évertuant à garder le contrôle sur leur descendance. La probabilité que cela se termine mal, et avant deux mille cinquante, augmente chaque année, mais cela ne les empêche pas de continuer à se reproduire.
                                                                  *
A Rouen, comme à Dieppe, une affiche incite à la propreté des rues : « Les sirènes n’existent pas, les poubelles, si ». Sur l’image, une sirène du vingt-et-unième siècle. Ses seins sont cachés par un soutien-gorge en coquilles Saint-Jacques.
                                                                   *
« Moins de bouchons, plus de chansons », autre affiche édifiante. Elle montre deux jeunes hommes un casque sur les oreilles dans les transports en commun rouennais. Pour une fois, elle est conforme à la réalité. Ils voyagent debout faute de places assises. Comme bientôt devront le faire la majorité des étudiant(e)s dans les bus Té Un pour grimper la côte jusqu’à Mont-Saint-Aignan.
 

26 août 2019


Quoi faire de mieux ce samedi avec le retour du soleil et de la chaleur que de partir pour Dieppe par le train de six heures quarante. Il me permet de faire l’ouverture du Tout Va Bien à huit heures. Confortablement installé dans l’un des fauteuils en cuir, un œil sur les vendeuses de poisson qui énervent fort les goélands, après avoir bu un café à un euro soixante, je lis Autobiographie de mon père de Pierre Pachet dans l’édition Biblio du Livre de Poche, un ouvrage qui s’avère décevant, comme le sont apparemment les histoires d’amour des couples de tous âges à ma proximité, lesquels prennent leur petit-déjeuner sans trouver un mot à se dire ni même se regarder.
Vers neuf heures et demie, je quitte le port pour rejoindre la plage et la longe jusqu’au bout. Là, sous le château, est un café nommé bêtement le Bar O Mètre, dont je fais aussi l’ouverture, à dix heures pile. Impossible d’avoir meilleure vue sur la mer descendante, les falaises blanches, et au loin Pourville-sur-Mer. Quelques hardis baigneurs ont les pieds dans l’eau. Deux femmes musulmanes accompagnées d’un homme qui doit l’être mais n’en fait pas état par son vêtement trouvent place sur une mince bande de sable entre les galets. Leur premier geste est de déployer une tente Quechua verte. « De la couleur de l’islam », commente mon voisin à sa femme. Il lit du Figaro les pages saumon, la couleur du capitalisme. Ici le café est à un euro quatre-vingts.
Vers onze heures et quart, je décide d’aller voir s’il y a espoir de déjeuner à L’Espérance. Malgré mon désir de contourner l’énorme marché qui fait du centre de cette ville un lieu insupportable chaque samedi matin, je dois en traverser la bordure. Après m’être extrait de la masse consommatrice, je trouve l’auberge ouverte et m’y vois proposer une table que j’accepte bien qu’elle soit mal placée.
Dès midi et quart, malgré l’existence de deux salles, c’est terminé messieurs dames on est complet. Mon menu est l’habituel à dix euros quatre-vingt-dix-neuf : buffet d’entrées, andouillette aux excellentes frites et fromage blanc au coulis de fruits rouges, avec un demi de merlot à sept euros quinze. Devant moi, deux femmes quinquagénaires attendent longuement le mari de l’une qui les a déposées avant d’aller garer la voiture. Quand il apparait enfin, c’est quelque peu énervé :
-Trois quarts d’heure pour se garer, j’ai jamais vu ça ! La prochaine fois, on fait ce qu’on avait dit, on part plus tôt ! A chaque fois c’est moi qui me fais chier à garer la bagnole.
Un apéritif le calme.
De l’autre côté du pont Colbert, le Mieux Ici Qu’En Face est ouvert. J’ai la chance qu’un couple de motards quitte l’une des tables dominant le port au moment où j’y arrive. Je passe là une délicieuse après-midi à considérer l’incessant va-et-vient des navires tout en buvant un café puis un diabolo menthe (trois euros quatre-vingts les deux) et allant quand même au bout du livre de Pierre Pachet.
Le train partant à seize heures neuf pour aller de Dieppe à Rouen est celui qui arrive de Rouen juste avant. Il est composé d’une seule rame alors qu’aujourd’hui il y aurait de quoi en emplir deux. Je me débrouille pour avoir une place assise, mais beaucoup voyagent debout dénonçant l’incurie de la Senecefe même pas capable de mettre en place un train correspondant au nombre de passagers attendus.
Pourtant, quand le contrôleur passe sans contrôler, personne chez les debout ne lui fait de remarque.
                                                               *
Au Tout Va Bien :
-Demain y va encore faire aussi chaud hein.
Cette manie du hein de bout de phrase me mine.
                                                               *
Au restaurant L’Espérance, ce couple qui arrive avec de la charcuterie à mettre au frais.
                                                               *
L’un des gérants du Mieux Ici Qu’En Face à des clients étrangers déjà venus ici :
-Ah non, vous laissez trop à chaque fois, pas aujourd’hui.
C’est à propos du pourboire.
                                                               *
Ecrire à sa place le livre que son père aurait pu laisser sur sa vie, cela pourrait sûrement déboucher sur une réussite, mais quand c’est Pierre Pachet qui s’y colle c’est raté quoi qu’en écrive Jibé Pontalis dans sa postface dithyrambique. A quoi bon donner à lire des phrases du genre : Je terminais ma thèse, la fis imprimer et la soutins. (…) Mon caractère taciturne et méditatif plaisait fort à ceux qu’il ne rebutait pas…
 

23 août 2019


Au Bistrot Charbon, je choisis la formule plat dessert à quatorze euros quatre-vingt-dix avec un verre de faugères à quatre euros quatre-vingt-dix, et pour plat, une brochette de bœuf sauce poivre gratin dauphinois qui s’avère plus que correcte. Près de moi déjeunent deux femmes quadragénaires qui parlent gestion du personnel. Je me demande dans quelle entreprise travaille la plus volubile jusqu’à ce que je comprenne qu’il s’agit de l’institution culturelle d’en face. J’apprends incidemment que la chenille sera arrêtée à partir du dix-neuf novembre en raison des travaux, ce qui obligera à fermer plus tôt pour évacuer le public par les ascenseurs. Deux autres femmes quadragénaires s’installent à ma droite, qui ne connaissent pas les deux autres, mais travaillent aussi au Centre Pompidou. L’une s’occupe de l’accrochage de l’exposition Bacon qui ouvrira le onze septembre. Derrière nous mangent un couple et leurs trois jeunes descendant(e)s. Après, ils iront voir le burodepapa.
Il est treize heures. J’aurais dû être sous Beaumarchais à attendre celle que j’espérais voir ce mercredi mais elle a dû annuler hier soir à cause d’un rendez-vous de travail, d’où un changement de programme et ma présence ici. Ma tarte Tatin tardant à venir, je demande à l’un des serveurs qu’il la fasse avancer. Un quart d’heure plus tard, après une nouvelle demande à un autre serveur, ce n’est plus ta tarte t’attends car elle arrive enfin et est acceptable.
En réglant à l’intérieur j’entretiens le patron du changement de nom du bistrot.
-II n’y pas que le nom qu’on a changé, me dit-il, on a tout changé, y compris les employés, ils oubliaient d’apporter les desserts.
-Ah oui, c’est beaucoup mieux maintenant, lui dis-je.
Je traverse la piazza et me voici, avec l’aide de la chenille, arrivé au Niveau Six. Je visite, sans vraiment m’y intéresser, l’exposition Préhistoire, une énigme moderne, où l’on trouve jusqu’à un film de Marguerite Duras Les mains négatives. Je retiens quand même Le cours des choses, grand tableau de Dubuffet, et Snake Circle de Richard Long.
Redescendu au Niveau Quatre, je fais le tour de l’exposition Sonja Ferlov Mancoba qui montre les sculptures, collages et dessins de l’artiste danoise, puis celui de l’exposition Takesada Matsutani qui retrace les soixante ans de carrière de cet artiste fasciné par la matière organique.
Enfin au Niveau Un, près de La Mezzanine fermée pour travaux, je passe par HX de Cao Fei, la première exposition personnelle consacrée au Centre Pompidou à une artiste chinoise, puis visite la seule exposition où je m’attarde Sans repentir, laquelle est consacrée aux plus de quarante ans de carrière de Bernard Frize, artiste de la contrainte que je connaissais déjà un peu.
Ayant bien rentabilisé ma carte d’adhèrent, je rejoins par la ligne Quatorze du métro l’autre Book-Off où, parmi les livres à un euro, seul fait ma joie Autour du Chat Noir de Maurice Donnay (Les Cahiers Rouges/Grasset).
Impossible désormais pour rentrer à Rouen d’éviter, gare Saint-Lazare, les barrières à Morin. De même que les banlieusards doivent passer par les barrières à Pécresse. Nous voici tous un peu plus asservis.
Ce qui n’empêche pas un mendiant de passer faire son petit laïus dans la bétaillère avant son départ. Comment est-il arrivé là ? C’est la question que tout le monde se pose.
                                                                  *
Le plus gros problème professionnel de la chargée du personnel : ayant dans un précédent poste convoqué deux fonctionnaires territoriales pour leur remonter les bretelles, celles-ci ont fait appeler le Samu après avoir « simulé la pamoison ».
 

22 août 2019


Juste avant que je quitte mon appartement ce mercredi matin, l’homme au chapeau m’envoie la photo d’une affiche de la Ville de Rouen. « La belle éveillée » est fière des travaux de bétonnage de ses différentes places dont s’est rendue coupable la Métropole (sur l’image, c’est celle de la gare, avec un arbrisseau en premier plan pour faire vert).  « Chaque matin, voyant cette affiche, je pense à toi. », m’écrit-il. « Vanter une ville en montrant la gare qui permet de la fuir, c'est effectivement très rouennais. », lui réponds-je.
Fuir Rouen une fois par semaine en allant respirer à Paris, il en est de nouveau question. C’est la bétaillère de sept heures vingt-huit qui m’y emmène. Dans la voiture sont trois campagnardes quinquagénaires en vadrouille dont la particularité est de parler fort. Avant qu’un habitué leur disent de mettre une sourdine, j’ai le temps de noter « J’suis passée par chez Marie-Cécile hier soir, ils étaient déjà à table sous la véranda. » « Pourquoi je l’ai eue au téléphone ? J’ai dû dire : Je vais l’appeler comme ça. »
Afin de ne pas arriver trop tôt au Café du Faubourg, je prends le bus Vingt-Neuf pour rejoindre la place de la Bastille. Elle est toujours en travaux. Pour du meilleur ou pour du pire, je ne peux encore le dire. On y circule désormais partiellement à double sens. La rue du Faubourg Saint-Antoine est elle aussi en chantier. Nulle voiture ne passe entre la Bastille et le Péhemmu chinois. Il en résulte un silence un peu perturbant. Comme chez Book-Off quand on n’y diffuse pas de musique.
Je trouve dans cette boutique quelques pépites à un euro : l’édition Phébus grand format de Sœur Monika d’E T A Hoffmann Et tirant son glaive, il l’approcha de la porte secrète du plaisir., Les cocus du vieil art moderne de Salvador Dali (Les Cahiers Rouges/Grasset) Le désir érotique est la ruine des esthétiques intellectualistes., Les vacances d’un enfant de Louis Scutenaire (Passé Présent/ Les Eperonniers) L’unijambiste se fatigue de l’insistance du marmot à frapper sur son clou., Le Grand Quelque Chose de Ron Padgett (Joca Seria) quand je termine une lettre par « cordialement », je rougis de honte., enfin, pas le moindre, Transparaître de Séverine Daucourt (Lanskine), convaincu par la lecture d’un seul poème dont la chute me fait dire : Quel talent !
Sorti de là, je rejoins Beaubourg avec le bus Soixante-Seize. New New étant en vacances, je choisis de déjeuner face au Centre Pompidou dans ce qui s’appelait Le Bistrot du Centre la dernière fois que j’y suis passé et maintenant Le Bistrot Charbon. Il est très exactement midi quand je prends place en terrasse face à l’institution culturelle en partie cachée par des échafaudages et des palissades colorées. Les gros travaux ont commencé.
                                                                            *
… / il m’avait traînée dans sa tente / baiser une fille inconsciente / pour une fois je ne suis pas tombée enceinte j’ai juste attrapé ses boutons de fièvre / me suis sentie coupable / d’amnésie / de l’ivresse répandue sur la banquette (j’avais pissé dans sa voiture) / des quolibets des autres / dont j’espérais qu’aucun ne m’avait touchée / suis rentrée les vêtements sales la gueule de bois / réflexe cliché / de me laver longuement / faire tourner la machine le tambour et la tête avec / j’avais confiance en lui / la bonté qui le caractérisait / il trouvait ça normal / moi aussi / et davantage / j’ai trouvé que je le méritais / il était si gentil / je n’ai même pas pensé je me suis fait violer mais juste au problème d’accord masculin ou féminin du participe passé. (Séverine Daucourt)
 

20 août 2019


L’autre semaine, me disant « Tiens cela fait longtemps que cette fille avec qui je suis « ami » sur Effe Bé ne donne plus de ses nouvelles», je découvre que je n’en suis plus.
Je lui envoie ce message :
« Je n'avais pas encore remarqué que tu m’avais viré de ta liste d'« amis ». S'il y a une chose que je regrette bien, c'est de t'avoir offert un livre un jour. »
Elle me répond ceci :
« Bonsoir Michel, Oui en effet j'avais supprimé beaucoup d'amis masculins quand j'étais avec mon ex compagnon. Navrée que tu le prennes ainsi. »
Comment aurais-je dû le prendre ? Et quelle logique de faire suivre sa rencontre avec ce garçon néo barbu, qu’on aurait pu croire choisi sur catalogue tant il était typique du genre, par cette élimination ? Voyait-elle ces hommes comme un cheptel dans lequel elle aurait pu puiser et dont elle n’avait plus l’usage ?
Déjà, autrefois, au moment de sa rencontre avec celui qu’elle appelait son fiancé, cette fille m’avait écrit qu’elle n’avait plus le temps de boire un verre avec moi en raison de l’intensité de sa vie amoureuse et de sa vie professionnelle.
La vie amoureuse a tourné court. Quant à sa vie professionnelle… je viens de comprendre qu’elle est liée à ce magasin de déco de la rue Saint-Nicolas dont j’ai écrit que je lui voyais peu d’avenir (ça, cela aurait pu être une bonne raison de me supprimer).
 

1 2 3