Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

20 avril 2022


Précédemment, j’avais choisi La Flotte parce que la météo la prévoyait. Cette fois, après que j’ai décidé de la revoir pour mon dernier passage sur l’Ile de Ré, la météo change ses prévisions et l’annonce.
Le car va-t-il arriver avant elle ? Les nuages sont menaçants quand j’en descends à l’arrêt Vierge (elle est encore là) mais un vent bienvenu ne leur laisse pas le temps de se répandre.
Arrivé au port, je le découvre à marée haute. J’en fais le tour puis je vais marcher sur la digue côté plage. Cette dernière est totalement cachée par une mer agitée qui a envoyé quelques éclaboussures au pied des maisons anciennes fort basses construites en bord de digue. Quand je regarde devant moi, c’est ciel noir. Quand je regarde derrière moi, c’est ciel bleu.
Lorsque cette digue s’achève, je rebrousse et trouve une table pour m’accueillir à la terrasse du Saint-Georges. Le café y est à un euro quatre-vingt-dix et j’y côtoie des boutiquières de la rue qui mène à la Vierge. Elles font le bilan de leur Lundi de Pâques : « Hier, c’était une clientèle de grande marée, pas folichon. » « C’est pas un dimanche, c’est pas un lundi, c’est un lundianche, c’est chiant. » et rêvent au futur : « L’Ascension, t’as beau savoir, t’as beau y être préparée, t’en reviens pas de tout ce monde au mètre carré ».
Cette rue charmante à mon arrivée est maintenant défigurée par des portants de nippes de plage et par des caisses d’espadrilles et d’épuisettes. Je le constate en la remontant pour rejoindre l’arrêt de bus, car pas question de déjeuner sur place cette fois. Je veux faire mes adieux à L’Ardoise.
Un car presque plein avec des masques sous le nez ou sous le menton me ramène à la Gare de la Rochelle pour midi.
A L’Ardoise, j’ai place à ma table haute habituelle près du comptoir. En plus du père, de la mère et de leur fille, une jeune cousine en vacances est présente qui s’ennuie d’être inoccupée. Le menu du jour propose un velouté de courgettes et fromage frais, un rougail de saucisses riz blanc et un vacherin glacé aux fraises. Je l’accompagne d’un quart de vin rouge charentais.
-C’était la dernière fois, mes vacances se terminent », dis-je à Romane, la fille de la maison, à qui je paie.
-Ah, je croyais que vous étiez d’ici, me répond celle qui m’aura vite oublié.
Non seulement il ne pleut pas, mais il fait quasiment beau quand je rejoins le Bistro du Gabut pour y prendre le café.
                                                                      *
Dans le car de l’Ile de Ré, un habitué discutant avec la conductrice :
-Mon père, il est plus en maison de repos, L’était là parce qu’il peut plus marcher.
-Et alors ?
-Il va mourir, alors il est rentré chez nous. C’est ma mère qui s’en occupe. C’est pas facile parce qu’ils sont divorcés.
                                                                       *
Un très beau cours Félix-Faure à La Flotte, en hommage à celui dont, comme le centenaire de la chanson de Thomas Fersen, je trouve la mort enviable.
 

19 avril 2022


Pour une fois, après mon petit-déjeuner chez Sicard, je n’ai pas de programme. En cette journée fériée, on pourrait dire qu’à La Rochelle, j’ai quartier libre.
Dans la vieille ville quasiment déserte à cette heure matutinale, je profite de l’absence de scouteurs devant la statue grandiloquente et vert-de-grisée d’Eugène Fromentin, né et mort dans cette ville, pour la photographier. La renommée de la peinture et de la littérature de cette célébrité locale a pâli, hormis peut-être celle de son roman Dominique.
Je peux aussi faire des photos d’arcades sans que surgisse pour me gêner un passant indésirable. Rue des Augustins, je suis la flèche qui indique la Maison Henri II mais je ne peux la voir que derrière de lourdes grilles, impossible d’apprécier les subtilités de son architecture en trompe-l’œil.
Arrivé place de Verdun, où ne stationne aucun bus, je m’arrête devant l’immeuble décati où l’on a fixé une grande photo de Bernard Giraudeau, près du Café de la Paix dont il était client. Sur l’image en noir et blanc, on le voit marcher au même endroit en mil neuf cent soixante-seize avec ses cheveux longs, son manteau en moumoute et son pantalon à pattes d’eph. Né à La Rochelle, il me semble aujourd’hui plutôt oublié.
Un peu plus haut, et là je n’y vais pas par hasard, j’arrive à l’angle de la rue du Collège. Je l’emprunte jusqu’au numéro vingt-six. Sans doute est-ce la dernière fois de ma vie que je me tiens devant l’immeuble blanc de trois étages où vécut et mourut Frère Jacques. Je ne me souviens plus si c’était au premier ou au deuxième étage. Les fenêtres sont ouvertes à ce deuxième étage. Si je raisonnais comme Victor Hugo, je verrais là un signe et même un message de l’au-delà, mais je ne crois en rien. Jamais encore je n’ai eu l’idée de photographier ce bâtiment à toit plat. Je comble cette lacune puis mets le cap sur le Gabut que je rejoins par la petite passerelle.
« Je ne savais pas que vous étiez juste au-dessus, me dit le serveur du Bistro du Gabut en m’apportant mon café verre d’eau, je vous ai vu tout à l’heure à la fenêtre. On ne fait pas trop de bruit le soir ? »
Ce matin de Lundi de Pâques, j’en suis le seul client durant un certain temps mais vers onze heures ça déboule, et partout autour du port. Je renonce à manger quai Duperré ou quai du Gabut. A midi pile, sur ce quai Georges-Simenon où je réside pour encore quelques jours, j’obtiens une table de terrasse au Safran et commande une cassolette de la mer, un quart de blanc charentais et une crêpe caramel fleur de sel. Près de moi sont cinq vingtenaires, deux filles et trois garçons. Elles et eux ont l’air si triste que je me demande s’ils ont reçu une mauvaise nouvelle. Pas du tout.  « On va faire la roue », dit l’une des filles. Ne pas voir là un soudain désir de manifester sa joie par des cabrioles. Il s’agit de prendre des billets pour la grande roue qui tourne à l’autre bout du Gabut et dont j’ai suivi l’installation pendant au moins une semaine à mon arrivée.
C’est complètement complet au Safran lorsque je paie mes vingt-sept euros cinquante. Que ce soit à intérieur, à la longue terrasse proche ou à la longue terrasse d’outre-rue, plus une place. « Vous avez combien de tables ? » demandé-je au patron. « Cent cinquante. » « Ça fonctionne bien », lui dis-je. « Oui, on ne se plaint pas. » « Non, je voulais dire que le service est très efficace malgré le nombre. » « Ah oui merci, on nous le dit souvent. »
                                                                    *
Le Lundi de Pâques, le seul lundi où on ne risque pas d’entendre en réponse à un « Comment ça va ? »
-Comme un lundi.
                                                                    *
Deux hommes au Bistro du Gabut :
-J’ai une copine, c’est une fille pourtant, qui répare les trous dans la coque des bateaux.
-Ah oui, comment elle s’appelle ?
-Euh…
 

18 avril 2022


Nouveau concert sous ma fenêtre ce samedi au Bistro du Gabut avec Morgan Renaud qui sévit ordinairement en Bretagne mais qui est déjà venu ici en deux mille dix-neuf. Il a tout, le physique, la dégaine, le bandana, le ticheurte Che Guevara et surtout la voix, un clone. Renaud aurait dû l’engager pour enregistrer ses derniers albums à sa place, lui qui a perdu la sienne. Evidemment, cela n’aurait pas amélioré les paroles.
Une soirée qui me fait voyager dans la tire à Dédé avec la mère à Titi mais qui ne m’empêche pas de me lever aussi tôt que les autres jours ce dimanche.
Quand je mets le pied dehors, une fille court vers moi comme une dératée. Je crois qu’elle veut échapper au garçon à moitié bourré que j’aperçois au loin, mais non, ils sont ensemble. Elle veut savoir d’où part le bateau de sept heures pour l’Ile de Ré. « Un bateau pour l’Ile de Ré à sept heures, ça m’étonnerait », lui dis-je. « Mais si, un garçon nous l’a dit, le nom du bateau c’est Amour Désir. » N’importe quoi, pensé-je, mais je préfère ne rien dire et les voilà partis en courant, ayant aperçu ce qu’ils croient être un embarcadère de l’autre côté du Vieux Port.
Après le petit-déjeuner chez Sicard, je vais à la Gare et monte dans le Téheuherre pour Poitiers d’où je descends à Niort, ville pleine d’assurances qui se prête à une visite en ce jour de Pâques où La Rochelle va être envahie.
A dix heures, j’ai tout vu ou presque : l’église Saint-Hilaire, la vaste place de la Brèche et ses deux dragons à la gueule béante, le Pilori qui n’en est pas un mais l’ancienne Mairie tarabiscotée, le passage du Commerce dont la verrière vient d’être refaite, Notre-Dame, l’énorme double Donjon, les Halles à la Baltard avec le marché du dimanche, l’église Saint-André sur sa butte, la Sèvre avec ses ponts et l’église Saint-Etienne sur l’autre rive.
Je mérite bien un café verre d’eau lecture d’Hugo à un euro quarante à la terrasse du bar tabac La Gitane, à côté du marché et près de la rue Victor-Hugo où, une plaque l’indique, est la maison natale d’Henri-Georges Clouzot.
Presque tout est fermé à Niort en ce jour où carillonnent les cloches, les restaurants notamment, sauf ceux du bout de la Brèche. Je choisis faute de mieux Au Bureau, dont le personnel est muni d’oreillettes, pour un burgueur aux pommes de terre avec un verre de vingt centilitres.de médoc, le tout pour dix-neuf euros dix. Je ne suis pas déçu. Pour le café, je retourne près du marché où j’ai le temps d’en boire un à un euro quarante au bar Le Parvis avant qu’il ne ferme,
Passer une journée à Niort, c’est bien. Y rester davantage, ce serait non. Un Tégévé en provenance de Montparnasse me ramène à La Rochelle. Comme si mes vacances recommençaient.
                                                                                   *
Par la fenêtre ouverte de mon logis temporaire, je profite des conversations des terrasses du Bistro du Gabut et de l’Amiral Café. Un quidam commence toutes ses phrases par « apparemment » et comme il parle sans cesse, je dois refermer quand il est là, tellement j’ai peur d’attraper sa maladie.
Personne parmi ceux qui l’écoutent pour lui dire : « Apparemment, tu commences toutes tes phrases par apparemment ».
                                                                                   *
L’expression du patron du Bistro du Gabut pour désigner les groupes de touristes cornaqués par un guide : « Encore un convoi de pimpins ».
                                                                                   *
Petit plaisir quotidien : en tournant la clé dans la serrure de ma porte, déclencher le chien de la voisine. Et elle par la même occasion : « Tais-toi ! Tais-toi ! ».
                                                                                    *
De Victor Hugo, Choses vues :
Visite de l’abbé Michon, qui a désiré m’être présenté par Berru.
Secours à Justin, t.n., 5 frs.
(Justin = Justine,  t.n. = toute nue, ce n’est pas cher payé)
 

17 avril 2022


Ce samedi est particulier car s’il n’était pas mort Boby Lapointe aurait cent ans. Malheureusement, il n’y a que Pézenas, sa ville natale, pour fêter l’évènement. J’ai une pensée pour lui à mon réveil, après une nuit même pas perturbée par le concert du Bistro du Gabut, de la musique acoustique burkinabée.
Après mon habituel petit-déjeuner chez Sicard où j’ai maintenant une carte de fidélité qui ne me donnera droit à rien, je vais voir de près ce deux-mâts récemment arrivé dans le Bassin des Chalutiers. Il a pour nom Ring Andersen, se visite contre cinq euros et peut être loué comme terrain de jeu d’évasion.
Je prends ensuite la voie piétonnière qui mène au Port des Minimes, réserve une table en terrasse au Bistrot de Mémé puis mets le cap sur la plage des Minimes. Elle est quasiment déserte à cette heure. Seuls s’y activent un chercheur de métaux et le conducteur d’une pelleteuse égalisant le sable. Le phare du Bout du Monde me fait signe. Je vais le voir une nouvelle fois au plus près, à l’extrémité de la pointe des Minimes où sont arrêtés deux cyclistes du dimanche en tenue de champion qui me demandent de les photographier. En face c’est Port Neuf, Chef de Baie et La Pallice, des lieux qui me sont maintenant bien connus.
De retour à la plage, je bois un café à un euro soixante-dix à la terrasse du Récif puis y lis dans le désordre des bouts d’Hugo. A onze heures moins le quart déboulent moutards et clébards. Il est temps de revenir vers chez Mémé.
J’y entre à midi pile. « Viens par ici mon loulou, je vais te montrer ta table », me dit une jeune serveuse vêtue d’une blouse d’autrefois. Les serveurs ont la même et du poil aux pattes. Je suis assis près de deux motards qui n’en ont pas l’air avec qui la conversation s’engage. Ils viennent de Bar-sur-Aube, ville de ma toute première escapade de vacances, dans des circonstances particulières que j’ai déjà dû raconter. Ils n’ont vu de La Rochelle que ce funeste Port des Minimes. Je leur donne des conseils pour qu’ils ne quittent pas la ville sans l’avoir vue. « Tu sais ce que tu vas boire mon loulou ? » Oui un quart de vin rouge bio à six euros cinquante et pour le manger ce sera le menu du jour à seize euros cinquante. En entrée, c’est la Surprise de Mémé. « Non tu ne peux pas savoir ce que c’est. » Suivront une cuisse de canard confite et un café gourmand.
Au Bistrot de Mémé, on se fait facilement engueuler. Gare à qui n’entre pas par la bonne porte ou pire s’assoit sans dire bonjour à une table qui était réservée mais si l’on respecte les règles on est bien accueilli. « Vas-y, mets-toi là avec ta copine », dit l’un des serveurs à deux ancêtres. Elles commandent une coupe de champagne. Les motards et moi sommes vite servis, mais pour d’autres, arrivés après, c’est moins le cas, car ici comme partout, on manque de personnel. Les deux vieilles s’impatientent. L’une déclare que si les cartes ne leur ont pas été remises avant qu’elles aient fini les coupes on s’en va et sans payer. Je ne verrai pas ça car pour moi c’est terminé. J’entre payer et au revoir mon loulou.
De retour au Gabut, je prends mon coutumier café à la terrasse de L’Echo, près d’un jeune couple à clébard « Tu parles pas » « Toi non plus », et en pars juste avant que ne commence un match de rugby La Rochelle Bordeaux. Je ne sais pourquoi ces deux équipes passent leur temps à jouer l’une contre l’autre.
                                                                     *
J’ai donné à dîner à mes fils et J. J. (cinq) au Restaurant de Bayonne. Nous avons mangé des huîtres, de la lamproie, du chapon truffé, etc. (prix : 68 frs. 15). écrit Victor Hugo le quatorze février mil huit cent soixante et onze, de passage à Bordeaux.
Bien mieux que moi au Bistrot de Mémé et sans doute pour moins cher (rapporté à une personne). Chez Mémé, l’huître est proposée à la pièce, un euro quatre-vingt-dix.
(J. J. = Juju = Juliette Drouet)
                                                                     *
Cette épidémie de politesse qui touche politiciens, journalistes, commentateurs. A chacune de leurs interventions c’est du Madame Le Pen Monsieur Macron Madame Pécresse Monsieur Mélenchon Madame Arthaud Monsieur Poutou. Il y a du Monsieur Madame pour tout le monde, même pour Zorglub, et à l’international pour cette ordure de Poutine.
Un effet de cette foutue bienveillance répandue par les gentillets de ce charmant vingt et unième siècle ?
 

16 avril 2022


Ce vendredi, avec d’autres, je monte à l’arrêt Gare de La Rochelle dans le bus Illico Un. Les autres en descendent petit à petit. Quelle tristesse de prendre chaque matin un bus sur la girouette duquel est écrit Aytré Plage et de devoir le quitter à l’arrêt Alstom pour aller bosser.
Je suis donc le seul à dire merci au revoir à son chauffeur quand il stoppe devant la Gare d’Aytré qui jouxte la mer. Sitôt sur la digue renforcée, je marche dos au soleil et atteins des cabanes à carrelets (toutes sous alarme) et des bâtiments ostréicoles dont certains abandonnés (tous sous alarme).
Aytré Plage a violemment subi la tempête Xynthia. Il y a eu trois morts. Le Maire a fait détruire soixante-treize maisons. Il veut faire de la bande côtière une zone naturelle mais, hélas pour lui, la baignade est interdite depuis plusieurs années car l’océan est pollué sans que l’on sache pourquoi (des chevaux sont les principaux suspects).
Après la partie consacrée aux huîtres, plus aucune construction. Le chemin se poursuit sur une falaise que l’on annonce susceptible de s’ébouler. Je poursuis la marche jusqu’à une butte d’où l’on voit au loin La Rochelle puis je fais demi-tour et trouve un banc au-dessus de la plage pour relire des bouts d’Hugo : Avant le dîner, nous nous promenons dans la ville, très enlaidie par les embellissements. Sur le muret de la digue est une fresque en mosaïque d’inspiration marine. Elle a été créée par une artiste locale, des habitants et les enfants des écoles. Régulièrement passent des coureuses et des coureurs de bord de mer : « Il fait beau, si on se bousillait un peu les articulations ». Dans le ciel bleu va et vient un grand oiseau blanc qui fait du bruit avec ses ailes.
Le seul endroit pour déjeuner est un restaurant à coquillages et poissons où les huîtres sont encore plus chères que chez le voisin d’Angoulins-sur-Mer. Aussi je choisis de rentrer en fin de matinée. Une affiche vue du bus m’apprend qu’à Aytré il y aura bientôt une « Semaine de la Culture Ouvrière ».
L’Ardoise, sur qui je comptais, propose le même menu qu’hier et il ne me plaît pas. Je me contente d’une pizza quatre fromages au Safran, à quatorze euros, avec un quart de rouge charentais à six euros cinquante. Ma table est tout au bord du Bassin des Chalutiers, de quoi éviter la proximité immédiate de moutards que leurs géniteurs ne veulent pas voir se noyer. Un sept huit ans prénommé Hugo est néanmoins présent qui chouine quand sa mère le tartine de crème solaire. Elle s’en met aussi mais pas le père qui a pourtant le cou écarlate. A ma droite est un trio, dont une jeune prof de fac qui n’en a pas l’air. Elle dirige un module « Cultures orales » et à trois heures va donner un cours sur les rituels d’enterrement du placenta. Je file sans demander mon dessert.
A la terrasse de l’Echo, mon café bu, je reprends le picotage dans Hugo Nous descendons au Falk. Gargote probable. quand arrivent trois couples à enfants. Ce sont des Italiens qui entreprennent de redisposer les tables à leur goût. Le serveur les arrête mais hélas, il les installe à ma droite. Heureusement, la marmaille est envoyée jouer sur la pelouse où pissent les chiens.
Familles de tous les pays, vous vous valez bien.
                                                                  *
Un bicycliste avec sur une hampe un drapeau bleu blanc rouge fait le tour du Gabut. Il crie « Anti Macron » dans l’indifférence générale. C’est un Gilet Jaune à pédales. Sans son uniforme.
 

15 avril 2022


Retour à l’Ile de Ré ce jeudi matin, et pas loin du bord, car dès le pont franchi, je demande l’arrêt au chauffeur du car. Me voici dans la commune de Rivedoux Plage au meilleur endroit pour faire une photo du pont qui a tout dans la courbure.
Passé par sous la route qui délivre son incessant lot d’arrivants, je marche sur l’une des plus belles plages de l’île, les pieds sur le sable mouillé, pendant un kilomètre et demi, avant d’arriver aux maisons blanches qui font face à une mer à marée basse dans laquelle travaillent des éleveurs d’huîtres au loin, là-bas avec leurs tracteurs et leur bateaux à fond plat. L’une de ces maisons accueille un Musée de la Sardine, petit comme ce poisson.
De temps en temps, l’un des tracteurs remonte avec dans sa remorque des pochons d’huîtres que je n’aurai pas l’occasion de goûter. Après être arrivé au port où sont couchés quelques bateaux, j’entre dans les rues intérieures, me perds, suis remis dans le droit chemin par une habitante et arrive dans la rue principale. Elle est malheureusement dépourvue de cafés. Quant aux restaurants pour midi, aucun ne m’attire.
Aussi, après avoir terminé Choses vues sur un banc face à la mer lointaine, je rentre avec le car d’onze heures sept et déjeune en mon logis provisoire. Quand je descends prendre le café à L’Echo je trouve des parasols déployés au-dessus de la terrasse. Il fait chaud en effet, mais je choisis une table où cuire au soleil.
Rentré, j’assiste à l’arrivée du jour dans le Bassin des Chalutiers, celle d’un deux-mâts ancien qui est mis à quai à l’aide d’un canot pneumatique poussant sur son flanc, ce qui manque un peu de romantisme.
                                                                         *
La coiffeuse de Rivedoux n’a pas su résister, son salon s’appelle Ré Créatif.
                                                                         *
Quand je veux rentrer sans passer par les quais du Gabut, aux heures où trop de monde va et vient, je passe par une rue intérieure qui a pour nom : rue de l’Aimable Nanette. Je ne désespère pas de croiser cette personne avant la fin de mon séjour.
 

14 avril 2022


Ce mercredi, peu avant huit heures, je marche vers la Gare de La Rochelle (un éloge de la symétrie) quand je découvre la vitre de la porte d’un loueur de voitures pulvérisée et sur le bureau plus d’ordinateur. Je rebrousse pour avertir le bar un peu plus bas. Deux policiers en sortent, ils sont déjà au courant.
Huit minutes du train pris avec ma carte de bus et me voici à Châtelaillon-Plage. Cette petite station balnéaire est suffisamment agréable pour être vue une deuxième fois. Face à sa Gare sont deux hôtels, un pimpant, un défunt, que je photographie.
Je longe à nouveau le bord de mer en direction du port. La plage est en émoi. Des engins en remontent le sable. Des restaurants ouverts depuis le premier avril en privatisent une partie avec des terrasses à bronzer. Des tentes blanches ont été installées en prévision d’un festival du cerf-volant ce samedi.
Néanmoins à cette heure matutinale, c’est on ne peut plus tranquille. D’autant que la marée est basse. Les quelques bateaux du port sont en manque d’eau. Cet océan, je le constate encore une fois, ne sent pas la mer ; il est inodore.
Revenu sur mes pas, je prends la perpendiculaire rue du Marché où sur deux cents mètres l’on trouve tous les commerces nécessaires. Il y a même une librairie, nommée Le Chat Qui Lit, dont la vitrine est surtout occupée par des livres pour enfants. Un peu plus loin est le marché couvert qui donne son nom à cette rue piétonnière. Il est aussi petit que mignon. En face est le Café du Centre où se retrouvent en terrasse les autochtones après les courses. Je m’y assois au soleil pour un café à un euro cinquante.
Je suis bien là pour lire Choses vues tout en écoutant les conversations. « Moi je dis souvent à mes patients, on aura le temps de maigrir entre quatre planches », dit l’un. « Une fois j’en ai eu tellement marre qu’il me demande de l’arrêter à cent mètres du collège que je me suis garée devant et lui ai crié Au revoir mon bébé, tu n’as pas oublié ton goûter ? », dit une autre.
Je vais poursuivre ma lecture face à la mer qui a encore reculé puis à midi je rejoins, dans la rue parallèle, le restaurant L’Effet Mer dont le menu du jour est toujours à seize euros, café inclus. Je choisis une table en terrasse, face de la Mairie (un autre éloge de la symétrie, autrefois se trouvaient dans l’aile droite l’Ecole des Filles et dans l’aile gauche l’Ecole des Garçons).
Cette fois, j’opte pour le buffet d’entrées chaudes (nems, samossas et autres) puis sur le conseil de la serveuse je choisis le bar entier. C’est effectivement un vrai poisson qui m’arrive, dont la tête et la queue dépassent de l’assiette. Je me sens un peu cruel, mais j’aime le manger avec du citron, accompagné qu’il est de petites pommes de terre et de poireaux confits. Mon dessert est celui du moment : une tarte ananas et noix de coco. Trois couples mangent aussi dehors, qui ne vont pas très bien. Un merlou dans les arbres fait tout ce qu’il peut pour les dérider, mais je crois que je suis le seul à l’entendre. Il m’en rappelle d’autres, écoutés à deux.
Sitôt le café bu, je rejoins la Gare où je n’ai que dix minutes à attendre avant qu’arrive le train du retour. A quatorze heures, je m’installe à la terrasse du Bistro du Gabut pour un autre café. On s’y réjouit de l’approche d’un ouiquennede de Pâques avec beau temps assuré. J’apprends qu’il y aura concert deux soirs de suite, ambiance assurée pour le voisin que je suis.
                                                                         *
Je me souviens de Michel Bouquet, mort ce jour à quatre-vingt-seize ans, dans Le Roi se meurt à Paris au Théâtre de l’Atelier il y a bien longtemps. Celle qui me tenait la main à cette époque m’avait amené là. Il semblait déjà tellement vieux qu’on aurait pu croire qu’il allait mourir avant la fin de la pièce.
 

13 avril 2022


Ce mardi matin, avant que n’arrivent les pluies éparses annoncées, j’innove en m’enfonçant dans le centre de La Rochelle par la rue Saint-Nicolas où se trouvent deux immeubles en déshérence qui servent de support à des artistes de rue. J’arrive sur la place de la Fourche aux jolies lignes et dotée d’un arbre vigoureux. Je passe derrière l’église Saint-Sauveur puis me laisse aspirer par les arcades de différentes rues et constate encore une fois que tous les chemins mènent au marché. Celui-ci a lieu sept jours sur sept. Je le frôle et je sais déjà que l’étape suivante sera la place de Verdun où passent la plupart des bus et des cars, autre point d’attraction. S’y trouve aussi un carrousel, à l’arrêt à cette heure. A côté, c’est le Café de la Paix où j’entre évidemment.
Je commande un café verre d’eau à un serveur jamais vu qui grommelle quand je lui suggère de nettoyer ma table.
Pendant que je poursuis la lecture de Choses vues, je constate, à voir des essuie-glaces en action, que la pluie s’est mise à tomber. Il mouille encore un peu quand je sors pour rejoindre par les arcades le Vieux Port. Le tour de celui-ci fait, me voici dans mon studio temporaire d’où je ne ressors que pour déjeuner japonais chez Cuisine Yuri (comme il est écrit sur ses facturettes) ou Cusine Yuri (comme il est écrit sur sa carte).
A tout instant, j’ai la vie du port sous ma fenêtre d’où je peux surveiller le mouvement des grands yachts : « Bon maintenant que je suis entré, où donc je trouve une place pour me garer? »
                                                                               *
Il y a celles et ceux qui voulaient voter Roussel, Jadot ou Hidalgo mais qui ont choisi Mélenchon parce qu’il était le seul de gauche à pouvoir être qualifié au second tour, d’où des scores catastrophiques pour les trois cités.
Il y a celles et ceux qui voulaient voter Pécresse mais qui ont eu peur d’un second tour Le Pen Mélenchon et ont donc voté Macron, d’où le naufrage de la susnommée.
Il y a celles et ceux qui voulaient voter Zorglub mais qui ont craint un second tour Macron Mélenchon et ont donc choisi Le Pen, d’où le résultat minable de l’olibrius.
Bref, des quantités d’électrices et d’électeurs n’ont pas voté pour le candidat de leur choix mais pour un autre par tactique.
Et au second tour il s’agira d’éviter la pire et sera élu quelqu’un dont seule une minorité veut.
Depuis que je suis en âge de voter, je suis hostile à l’élection du Président de la République au suffrage universel.
 

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