Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
11 août 2025
De la douceur chaque jour à Rouen en ces jours où on n’entend parler que de canicule. Comme voisins de table au Son du Cor ce dimanche, des peutes en culotte courte et leurs femmes en robe à fleurs venus manger du pâté acheté au marché tout en tripotant leur téléphone et se raconter des histoires de vacances en mobil home tout en riant bêtement. Je m’arme de courage pour supporter cette clientèle.
Au Son du Cor, en semaine, il y a celui habillé en marron, employé municipal, joueur d’échecs, autour duquel font grumeau des chômeurs joueurs d’échecs. Quand ils viennent de toucher le Revenu de Solidarité Active, ces oisifs le dépensent dans des burgueurs, des cartes à gratter et des commandes chez Amazon et Temu. Chacun veut prendre la gagne (comme ils disent). C’est toujours le municipal le gagnant, jamais pressé de retourner travailler.
Au Sacre, ce n’est pas mieux. Il y a celui venu avec sa chienne non attachée qui lui tient lieu de fille ou de femme, pour laquelle il a acheté un vélo cargo, qu’il a dû faire électrifier, parce qu’« on dirait pas comme ça, mais elle est lourde ». Cet animal aboyeur va voir tout nouvel arrivant au contentement de son propriétaire qui en une heure trente n’a pas d’autre sujet de conversation.
La meilleure terrasse pour ouvrir un livre, c’est celle des Floralies dont la clientèle est souvent constituée de gens de passage. Les nouveaux propriétaires ont repris le nom historique qu’avait abrégé les précédents (terminé le Flo’s). Tout en lisant, j’ai vue imprenable sur la terrasse d’en face, celle du Socrate, dont les serveuses ne sont ni désagréables, ni vulgaires.
Pour lire au jardin, la température est idéale. Le calme règne. La plupart des résidents sont partis en vacances. Les vacanciers venus d’ailleurs ne regagnent leur logement Air Bibi qu’à la nuit tombée. La vieille voisine qui perd la tête est de nouveau hospitalisée. Ses trois chats errent sur la pelouse et dans les bosquets sans faire le moindre bruit. Quand même ma plus proche voisine et son fils s’inquiètent d’un bruit de rats dans leurs murs ou leur plancher. Un professionnel, dépêché sur les lieux, n’a pas su y faire grand-chose. Elle et son fils ont placardé sur toutes les portes des avertissements dans toutes les langues visant celles et ceux qui jettent leurs détritus dans les poubelles sans les mettre dans des sacs fermés. J’en sais peu sur les rats, mais je suis néanmoins sûr qu’ils ne peuvent pas soulever les couvercles des conteneurs.
*
Tous ces hommes en pantacourts, chortes, bermudas, bref, habillés en petits garçons quand ils accompagnent leurs femmes en robes longues ou pantalons, cela témoigne de rien de bon.
Au Son du Cor, en semaine, il y a celui habillé en marron, employé municipal, joueur d’échecs, autour duquel font grumeau des chômeurs joueurs d’échecs. Quand ils viennent de toucher le Revenu de Solidarité Active, ces oisifs le dépensent dans des burgueurs, des cartes à gratter et des commandes chez Amazon et Temu. Chacun veut prendre la gagne (comme ils disent). C’est toujours le municipal le gagnant, jamais pressé de retourner travailler.
Au Sacre, ce n’est pas mieux. Il y a celui venu avec sa chienne non attachée qui lui tient lieu de fille ou de femme, pour laquelle il a acheté un vélo cargo, qu’il a dû faire électrifier, parce qu’« on dirait pas comme ça, mais elle est lourde ». Cet animal aboyeur va voir tout nouvel arrivant au contentement de son propriétaire qui en une heure trente n’a pas d’autre sujet de conversation.
La meilleure terrasse pour ouvrir un livre, c’est celle des Floralies dont la clientèle est souvent constituée de gens de passage. Les nouveaux propriétaires ont repris le nom historique qu’avait abrégé les précédents (terminé le Flo’s). Tout en lisant, j’ai vue imprenable sur la terrasse d’en face, celle du Socrate, dont les serveuses ne sont ni désagréables, ni vulgaires.
Pour lire au jardin, la température est idéale. Le calme règne. La plupart des résidents sont partis en vacances. Les vacanciers venus d’ailleurs ne regagnent leur logement Air Bibi qu’à la nuit tombée. La vieille voisine qui perd la tête est de nouveau hospitalisée. Ses trois chats errent sur la pelouse et dans les bosquets sans faire le moindre bruit. Quand même ma plus proche voisine et son fils s’inquiètent d’un bruit de rats dans leurs murs ou leur plancher. Un professionnel, dépêché sur les lieux, n’a pas su y faire grand-chose. Elle et son fils ont placardé sur toutes les portes des avertissements dans toutes les langues visant celles et ceux qui jettent leurs détritus dans les poubelles sans les mettre dans des sacs fermés. J’en sais peu sur les rats, mais je suis néanmoins sûr qu’ils ne peuvent pas soulever les couvercles des conteneurs.
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Tous ces hommes en pantacourts, chortes, bermudas, bref, habillés en petits garçons quand ils accompagnent leurs femmes en robes longues ou pantalons, cela témoigne de rien de bon.
8 août 2025
Un livre lourd et volumineux, Correspondance de Marie-Antoinette, qu’en conséquence j’ai lu sur le banc du jardin le soir venu.
On sait comment la malheureuse a fini. Ses débuts m’ont fort intéressé. Marie-Antoinette, Archiduchesse d’Autriche, a quatorze ans quand elle arrive en France en mil sept cent soixante-dix pour épouser le Dauphin qui deviendra Roi le dix mai mil sept cent soixante-quatorze à la mort de son grand-père, Louis le Quinzième.
Le premier devoir de cette jeune Marie-Antoinette est de donner un héritier à son mari et à la France. Elle en a très envie mais lui, pendant des années, ne sait comment s’y prendre. Au point qu’un jour de mil sept cent soixante-dix-sept, Joseph, frère d’icelle, vient à Paris pour s’en mêler. Ce qu’il raconte dans une lettre à un autre frère, Léopold :
Dans son lit, il a des érections fort bien conditionnées, dit-il. Il introduit le membre, reste là sans se remuer, deux minutes peut-être, se retire sans jamais décharger, toujours bandant et souhaite le bonsoir. Cela ne se comprend pas, car avec cela, il a parfois des pollutions nocturnes mais en place, ni en faisant l’œuvre jamais. Et il est content, disant tout bonnement qu’il ne faisait cela que par devoir et qu’il n’y avait aucun goût. Ah ! si j’aurais pu être présent une fois, je l’aurais bien arrangé. Il faudrait le fouetter pour le faire décharger de foutre comme les ânes. Ma sœur avec cela a peu de tempérament et ils sont tous deux francs maladroits ensemble.
Cette visite débloque les choses, comme le raconte Marie-Antoinette à sa mère Marie-Thérèse, le dix-neuf août mil sept cent soixante-dix-sept :
Pour ce qui regarde mon état, il est malheureusement toujours le même, ce qui fait que je n’en importune pas ma chère maman. Mais je n’en désespère pourtant pas, car il y a pourtant un petit mieux, qui est que le roi a plus d’empressement qu’il n’en avait, et c’est beaucoup pour lui.
Ce qu’elle confirme le trente août, dans une nouvelle lettre c’est à sa mère :
Je suis dans le bonheur le plus essentiel pour toute ma vie. Il y a déjà plus de huit jours que mon mariage est parfaitement consommé. L’épreuve a été réitérée, et encore hier plus complètement que la première fois. J’avais pensé d’abord envoyer un courrier à ma chère maman. J’ai eu peur que cela ne fit évènement et propos. J’avoue aussi que je voulais être tout à fait sûre de mon fait. Je ne crois pas être grosse encore, mais au moins, j’ai l’espérance de pouvoir l’être d’un moment à l’autre.
Le dix-neuf décembre mil sept cent soixante-dix-sept, elle écrit à la même :
J’espérais, il y a quatre jours, que le courrier porterait à ma chère maman la nouvelle de ma grossesse. Depuis le retour de Fontainebleau, le roi a couché habituellement avec moi et a très souvent rempli tous les devoirs de véritable mari. Mes règles sont revenues hier, j’en suis bien fâchée, mais à la manière dont le roi est et vit actuellement avec moi, j’ai grande confiance qu’avant peu je n’aurai plus rien à désirer.
Le dix-neuf avril mil sept cent soixante-dix-huit, Marie-Antoinette peut enfin annoncer à sa chère maman qu’elle est enfin enceinte :
Je n’ai jamais eu de retard, et au contraire toujours quelque avance. Au mois de mars, j’ai eu, le 3, mes règles. Nous voici au 19, et il n’est question de rien.
Elle donne naissance à une fille. Éprouvée par l’accouchement, elle déclare au Roi qu’elle ne tient pas à reprendre la vie conjugale avant plusieurs mois. Il y a aussi que la Reine a tenté de retenir à Versailles le séduisant comte suédois Axel de Fersen dont elle est tombée amoureuse.
On sait comment la malheureuse a fini. Ses débuts m’ont fort intéressé. Marie-Antoinette, Archiduchesse d’Autriche, a quatorze ans quand elle arrive en France en mil sept cent soixante-dix pour épouser le Dauphin qui deviendra Roi le dix mai mil sept cent soixante-quatorze à la mort de son grand-père, Louis le Quinzième.
Le premier devoir de cette jeune Marie-Antoinette est de donner un héritier à son mari et à la France. Elle en a très envie mais lui, pendant des années, ne sait comment s’y prendre. Au point qu’un jour de mil sept cent soixante-dix-sept, Joseph, frère d’icelle, vient à Paris pour s’en mêler. Ce qu’il raconte dans une lettre à un autre frère, Léopold :
Dans son lit, il a des érections fort bien conditionnées, dit-il. Il introduit le membre, reste là sans se remuer, deux minutes peut-être, se retire sans jamais décharger, toujours bandant et souhaite le bonsoir. Cela ne se comprend pas, car avec cela, il a parfois des pollutions nocturnes mais en place, ni en faisant l’œuvre jamais. Et il est content, disant tout bonnement qu’il ne faisait cela que par devoir et qu’il n’y avait aucun goût. Ah ! si j’aurais pu être présent une fois, je l’aurais bien arrangé. Il faudrait le fouetter pour le faire décharger de foutre comme les ânes. Ma sœur avec cela a peu de tempérament et ils sont tous deux francs maladroits ensemble.
Cette visite débloque les choses, comme le raconte Marie-Antoinette à sa mère Marie-Thérèse, le dix-neuf août mil sept cent soixante-dix-sept :
Pour ce qui regarde mon état, il est malheureusement toujours le même, ce qui fait que je n’en importune pas ma chère maman. Mais je n’en désespère pourtant pas, car il y a pourtant un petit mieux, qui est que le roi a plus d’empressement qu’il n’en avait, et c’est beaucoup pour lui.
Ce qu’elle confirme le trente août, dans une nouvelle lettre c’est à sa mère :
Je suis dans le bonheur le plus essentiel pour toute ma vie. Il y a déjà plus de huit jours que mon mariage est parfaitement consommé. L’épreuve a été réitérée, et encore hier plus complètement que la première fois. J’avais pensé d’abord envoyer un courrier à ma chère maman. J’ai eu peur que cela ne fit évènement et propos. J’avoue aussi que je voulais être tout à fait sûre de mon fait. Je ne crois pas être grosse encore, mais au moins, j’ai l’espérance de pouvoir l’être d’un moment à l’autre.
Le dix-neuf décembre mil sept cent soixante-dix-sept, elle écrit à la même :
J’espérais, il y a quatre jours, que le courrier porterait à ma chère maman la nouvelle de ma grossesse. Depuis le retour de Fontainebleau, le roi a couché habituellement avec moi et a très souvent rempli tous les devoirs de véritable mari. Mes règles sont revenues hier, j’en suis bien fâchée, mais à la manière dont le roi est et vit actuellement avec moi, j’ai grande confiance qu’avant peu je n’aurai plus rien à désirer.
Le dix-neuf avril mil sept cent soixante-dix-huit, Marie-Antoinette peut enfin annoncer à sa chère maman qu’elle est enfin enceinte :
Je n’ai jamais eu de retard, et au contraire toujours quelque avance. Au mois de mars, j’ai eu, le 3, mes règles. Nous voici au 19, et il n’est question de rien.
Elle donne naissance à une fille. Éprouvée par l’accouchement, elle déclare au Roi qu’elle ne tient pas à reprendre la vie conjugale avant plusieurs mois. Il y a aussi que la Reine a tenté de retenir à Versailles le séduisant comte suédois Axel de Fersen dont elle est tombée amoureuse.
7 août 2025
Le métro Quatorze est en travaux cette semaine. Je prends donc le bus Neuf qui dévie toujours le Marais et descends à Bastille. C’est Paris au mois d’août : des travaux et peu de monde dans les rues.
Personne chez Re-Read, mais ça c’est souvent. La libraire rachète de moins en moins de livres, m’en refusant un sur deux. Dans ses rayons : trop de livres invendables à quatre euros, c’est mon avis, et rien pour moi. Cela ne me surprendrait pas que cette boutique finisse mal.
Est-ce que le Book-Off de Ledru-Rollin file aussi un mauvais coton (comme on dit). Toujours est-il que je n’y trouve pas le moindre livre pour moi. Les rayonnages ne sont pas réassortis depuis des semaines.
Au Diable des Lombards n’étant plus en travaux (je me demande ce qu’on y a fait), j’y déjeune d’une rillette de thon et d’un gigot d’agneau pommes sarladaises, puis remonte du sous-sol du Book-Off de Saint-Martin avec deux livres à un euro : Tour du monde en 80 jours de Jean Cocteau (L’Imaginaire) et Voyages à l’île Maurice et La Réunion de Bernardin de Saint-Pierre (Magellan & Cie).
Au troisième, celui de Quatre Septembre, pourtant inexploré depuis un moment, c’est un seul : Les deux rives de Jean Grenier (Gallimard).
C’est décevant. D’autant que désormais, par la faute de Pécresse, un trajet de métro coûte deux euros cinquante. En trois trajets, je dépense autant que pour faire Paris Rouen avec le train Nomad. Ça n’a pas de sens.
Est-ce que mon circuit hebdomadaire parisien en a un ? C’est ce que je me demande au comptoir du Bistrot de Edmond, On y essuie les verres avec un torchon sale. « Vous avez supprimé la terrasse ? » demandé-je au serveur. « C’est pas nous, c’est la Mairie. » Il ne m’en dit pas plus. Ce n’est pas la première fois que ça leur arrive. Ils ont du mal à suivre la réglementation.
En attendant le train de seize heures quarante pour Rouen, je lis à Saint-Lazare Lettres à sa fille Myriam de Groucho Marx. Des missives publiées par celle-ci. Dans sa préface, elle se réjouit d’avoir eu un père intransigeant. Près de moi s’assoit une jeune femme cherbourgeoise qui vient de rencontrer par hasard deux connaissances cherbourgeoises. Ils rentrent chez eux, elle part au Canada depuis Orly. « C’est facile, leur dit-elle, j’ai le Quatorze qui m’emmène directement là-bas. » « Excusez-moi, lui-je, la ligne Quatorze est fermée pour travaux cette semaine. » « Oh, me dit-elle, heureusement que vous êtes là. »
C’est ce que je pense aussi.
*
A peine acheté, déjà lu, le soir au jardin, Voyages à l’Île Maurice et La Réunion (cette dernière appelée alors Bourbon) de Bernardin de Saint-Pierre. Je ne me souvenais pas qu’il fût né au Havre et j’ignorais tout de sa jeunesse aventureuse. Son récit de navigation pendant les tempêtes est saisissant. Je découvre aussi que Bernardin de Saint-Pierre fut l’un des premiers à être opposé à l’esclavage. Quant à Paul et Virginie, jamais lu. Aucun goût pour ce genre de littérature sentimentalo-romantique.
Personne chez Re-Read, mais ça c’est souvent. La libraire rachète de moins en moins de livres, m’en refusant un sur deux. Dans ses rayons : trop de livres invendables à quatre euros, c’est mon avis, et rien pour moi. Cela ne me surprendrait pas que cette boutique finisse mal.
Est-ce que le Book-Off de Ledru-Rollin file aussi un mauvais coton (comme on dit). Toujours est-il que je n’y trouve pas le moindre livre pour moi. Les rayonnages ne sont pas réassortis depuis des semaines.
Au Diable des Lombards n’étant plus en travaux (je me demande ce qu’on y a fait), j’y déjeune d’une rillette de thon et d’un gigot d’agneau pommes sarladaises, puis remonte du sous-sol du Book-Off de Saint-Martin avec deux livres à un euro : Tour du monde en 80 jours de Jean Cocteau (L’Imaginaire) et Voyages à l’île Maurice et La Réunion de Bernardin de Saint-Pierre (Magellan & Cie).
Au troisième, celui de Quatre Septembre, pourtant inexploré depuis un moment, c’est un seul : Les deux rives de Jean Grenier (Gallimard).
C’est décevant. D’autant que désormais, par la faute de Pécresse, un trajet de métro coûte deux euros cinquante. En trois trajets, je dépense autant que pour faire Paris Rouen avec le train Nomad. Ça n’a pas de sens.
Est-ce que mon circuit hebdomadaire parisien en a un ? C’est ce que je me demande au comptoir du Bistrot de Edmond, On y essuie les verres avec un torchon sale. « Vous avez supprimé la terrasse ? » demandé-je au serveur. « C’est pas nous, c’est la Mairie. » Il ne m’en dit pas plus. Ce n’est pas la première fois que ça leur arrive. Ils ont du mal à suivre la réglementation.
En attendant le train de seize heures quarante pour Rouen, je lis à Saint-Lazare Lettres à sa fille Myriam de Groucho Marx. Des missives publiées par celle-ci. Dans sa préface, elle se réjouit d’avoir eu un père intransigeant. Près de moi s’assoit une jeune femme cherbourgeoise qui vient de rencontrer par hasard deux connaissances cherbourgeoises. Ils rentrent chez eux, elle part au Canada depuis Orly. « C’est facile, leur dit-elle, j’ai le Quatorze qui m’emmène directement là-bas. » « Excusez-moi, lui-je, la ligne Quatorze est fermée pour travaux cette semaine. » « Oh, me dit-elle, heureusement que vous êtes là. »
C’est ce que je pense aussi.
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A peine acheté, déjà lu, le soir au jardin, Voyages à l’Île Maurice et La Réunion (cette dernière appelée alors Bourbon) de Bernardin de Saint-Pierre. Je ne me souvenais pas qu’il fût né au Havre et j’ignorais tout de sa jeunesse aventureuse. Son récit de navigation pendant les tempêtes est saisissant. Je découvre aussi que Bernardin de Saint-Pierre fut l’un des premiers à être opposé à l’esclavage. Quant à Paul et Virginie, jamais lu. Aucun goût pour ce genre de littérature sentimentalo-romantique.
2 août 2025
Parmi mes lectures de juillet deux mille vingt-cinq : Journal de galère d’Imre Kertész, dont je n’aime pas le titre en raison de l’emploi courant qui est fait du mot galère. L’auteur faisait référence à Molière. Et aussi à Camus dans son discours de Prix Nobel : Tout artiste aujourd’hui est embarqué dans la galère de son temps.
Dans mon petit carnet Hema, j’ai noté ceci :
L’incroyable cécité de la conscience humaine me bouleversera toujours. Ils parlent de déjeuner et de sieste et ne voient pas que le canapé où ils s’allongent est leur cercueil. (mil neuf cent soixante-cinq)
Dieu (en feuilletant le livre de Mary McCarthy) : mais pour l’amour de Dieu ! Ce qui compte ce n’est pas de savoir s’Il existe ou non, c’est uniquement de savoir pourquoi nous croyons qu’Il existe ou non. (mil neuf cent soixante et onze)
Le suicide qui me convient le mieux est manifestement la vie. (mil neuf cent soixante-quatorze)
Je suis descendu acheter un journal. Je n’avais qu’à traverser la rue et donc, sachant que je reviendrais tout de suite, j’ai branché ma cafetière électrique. Et qu’est-il arrivé ? Je suis revenu. Comment ai-je pu faire preuve d’une telle assurance ? (mil neuf cent soixante-quinze)
Le monde est mauvais parce que je suis mauvais. (mil neuf cent soixante-dix-sept)
La plus terrifiante inconnue : moi-même. (mil neuf cent soixante-dix-neuf)
Autrefois, la littérature montrait comment « ils » vivaient ; aujourd’hui, l’écrivain ne peut plus parler que de lui-même : dire comment « il » vit (essaie de vivre), à quel point il est perdu et désemparé. (mil neuf cent quatre-vingt-un)
On condamne chez les autres ses propres particularités les plus secrètes, les plus délicates et voluptueuses. (mil neuf cent quatre-vingt-cinq)
J’ai toujours eu une vie secrète, et c’était toujours celle qui était la vraie. (mil neuf cent quatre-vingt-huit)
Quand on connaît ses propres habitudes, on est moins perdu. (mil neuf cent quatre-vingt-neuf)
L’ennui est le piment de la vie. (mil neuf cent quatre-vingt-dix)
La ville que je traverse tous les jours, la tête basse, sans regarder autour de moi. cherchant seulement un trou où je pourrais me cacher et souffler, me dire que j’ai échappé, aujourd’hui encore, au spectre de ce qu’on appelle la vie par ici… (mil neuf cent quatre-vingt-dix)
Je commence à voir que ce qui m’a sauvé du suicide (empêché de suivre l’exemple de Borowski, Celan, Améry, Primo Lévi, etc.), c’est la « société » qui, après mon expérience concentrationnaire, a prouvé sous la forme de ce qu’on appelle le « stalinisme » qu’il ne pouvait être question de liberté, de délivrance, de grande catharsis, etc., c’est-à-dire de tout ce dont les intellectuels, les penseurs et les philosophes de régions plus chanceuses du monde ne se contentaient pas de parler mais à quoi ils croyaient manifestement ; cette société qui a assuré la continuation de ma vie de prisonnier excluant ainsi toute possibilité d’erreur. (mil neuf cent quatre-vingt-onze)
Dans mon petit carnet Hema, j’ai noté ceci :
L’incroyable cécité de la conscience humaine me bouleversera toujours. Ils parlent de déjeuner et de sieste et ne voient pas que le canapé où ils s’allongent est leur cercueil. (mil neuf cent soixante-cinq)
Dieu (en feuilletant le livre de Mary McCarthy) : mais pour l’amour de Dieu ! Ce qui compte ce n’est pas de savoir s’Il existe ou non, c’est uniquement de savoir pourquoi nous croyons qu’Il existe ou non. (mil neuf cent soixante et onze)
Le suicide qui me convient le mieux est manifestement la vie. (mil neuf cent soixante-quatorze)
Je suis descendu acheter un journal. Je n’avais qu’à traverser la rue et donc, sachant que je reviendrais tout de suite, j’ai branché ma cafetière électrique. Et qu’est-il arrivé ? Je suis revenu. Comment ai-je pu faire preuve d’une telle assurance ? (mil neuf cent soixante-quinze)
Le monde est mauvais parce que je suis mauvais. (mil neuf cent soixante-dix-sept)
La plus terrifiante inconnue : moi-même. (mil neuf cent soixante-dix-neuf)
Autrefois, la littérature montrait comment « ils » vivaient ; aujourd’hui, l’écrivain ne peut plus parler que de lui-même : dire comment « il » vit (essaie de vivre), à quel point il est perdu et désemparé. (mil neuf cent quatre-vingt-un)
On condamne chez les autres ses propres particularités les plus secrètes, les plus délicates et voluptueuses. (mil neuf cent quatre-vingt-cinq)
J’ai toujours eu une vie secrète, et c’était toujours celle qui était la vraie. (mil neuf cent quatre-vingt-huit)
Quand on connaît ses propres habitudes, on est moins perdu. (mil neuf cent quatre-vingt-neuf)
L’ennui est le piment de la vie. (mil neuf cent quatre-vingt-dix)
La ville que je traverse tous les jours, la tête basse, sans regarder autour de moi. cherchant seulement un trou où je pourrais me cacher et souffler, me dire que j’ai échappé, aujourd’hui encore, au spectre de ce qu’on appelle la vie par ici… (mil neuf cent quatre-vingt-dix)
Je commence à voir que ce qui m’a sauvé du suicide (empêché de suivre l’exemple de Borowski, Celan, Améry, Primo Lévi, etc.), c’est la « société » qui, après mon expérience concentrationnaire, a prouvé sous la forme de ce qu’on appelle le « stalinisme » qu’il ne pouvait être question de liberté, de délivrance, de grande catharsis, etc., c’est-à-dire de tout ce dont les intellectuels, les penseurs et les philosophes de régions plus chanceuses du monde ne se contentaient pas de parler mais à quoi ils croyaient manifestement ; cette société qui a assuré la continuation de ma vie de prisonnier excluant ainsi toute possibilité d’erreur. (mil neuf cent quatre-vingt-onze)
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