Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
29 mars 2017
Jamais entendu parler de cet Avishai Cohen qui est l’invité de Rouen Jazz Action ce dimanche à dix-huit heures à l’Opéra de Rouen où j’ai place au premier rang de la corbeille côté pair. J’apprends qu’à vingt-deux ans, il partit à l’aventure à New York. Il jouait dans des bars et parfois dans la rue jusqu’à ce qu’il se fasse remarquer par Chick Corea.
Michel Jules, président de l’association depuis quarante-cinq ans, dit son mot. Il indique que la formation Avishai Cohen’s Jazz Free est inédite et que les morceaux joués ce soir feront prochainement l’objet d’un enregistrement.
La jolie Yael Shapira commence seule avec son violoncelle acoustique augmenté par l’électronique. Elle est rejointe par Itamar Doari aux percussions et clochettes, par Elyasaf Bishari au oud et à la basse et par Avishai Cohen à la contrebasse et au clavier. Tous les quatre chantent.
Je suis vite conquis par cette musique grouveuse et par ce que chacun(e) fait de son instrument en solo ou en complicité. Le trio violoncelle oud contrebasse est particulièrement plaisant. Le répertoire est métissé, puisant parfois dans la musique libanaise ou dans la salsa. Avishai Cohen ne sait dire en français que. « Ça va ? ». Bien sûr que ça va. Pour le reste, il nous parle en anglais. Je comprends quand même qu’avec la musique on peut faire la paix avec n’importe qui. C’est un triomphe pour le quatuor dont je savoure les rappels. Lorsque Yael Shapira traverse la scène dans sa longue robe noire en emportant son violoncelle, on sait que c’est malheureusement fini.
*
Quand j’ai appris que l’Opéra s’ouvrait au jazz, je n’ai pas sauté de joie. J’ai eu tort.
*
« Jazz métisse », est-il écrit plusieurs fois sur le livret programme. Jazz métissé ou jazz métis ?
Michel Jules, président de l’association depuis quarante-cinq ans, dit son mot. Il indique que la formation Avishai Cohen’s Jazz Free est inédite et que les morceaux joués ce soir feront prochainement l’objet d’un enregistrement.
La jolie Yael Shapira commence seule avec son violoncelle acoustique augmenté par l’électronique. Elle est rejointe par Itamar Doari aux percussions et clochettes, par Elyasaf Bishari au oud et à la basse et par Avishai Cohen à la contrebasse et au clavier. Tous les quatre chantent.
Je suis vite conquis par cette musique grouveuse et par ce que chacun(e) fait de son instrument en solo ou en complicité. Le trio violoncelle oud contrebasse est particulièrement plaisant. Le répertoire est métissé, puisant parfois dans la musique libanaise ou dans la salsa. Avishai Cohen ne sait dire en français que. « Ça va ? ». Bien sûr que ça va. Pour le reste, il nous parle en anglais. Je comprends quand même qu’avec la musique on peut faire la paix avec n’importe qui. C’est un triomphe pour le quatuor dont je savoure les rappels. Lorsque Yael Shapira traverse la scène dans sa longue robe noire en emportant son violoncelle, on sait que c’est malheureusement fini.
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Quand j’ai appris que l’Opéra s’ouvrait au jazz, je n’ai pas sauté de joie. J’ai eu tort.
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« Jazz métisse », est-il écrit plusieurs fois sur le livret programme. Jazz métissé ou jazz métis ?
28 mars 2017
Mon premier vide grenier de l’année est rouennais. Il est petit, se tient au pied de la Cathédrale, place de la Calende, laquelle est balayée par un vent froid à l’heure où j’y arrive, dès que le jour est levé. Il possède une excroissance rue du Bac où pour la fourrière les affaires reprennent. Même les voitures ne gênant pas l’installation des vendeuses et vendeurs sont emportées.
Je ne me donne pas grand chance de trouver des livres à mon goût, mais j’ai tort. J’aperçois sur le sol un beau livre consacré à George Grosz. Il s’agit du catalogue de l’exposition Berlino-New York qui lui eu lieu en deux mille sept à la Villa Médicis.
Celui qui le vend a un accent que je n’arrive pas à préciser. Il m’en demande quinze euros.
-J’ai été en résidence là-bas, vous ne trouverez pas ça à L’Armitière, me dit-il pour justifier son prix.
J’objecte que le texte est en italien. Son prix tombe à huit euros. J’ajoute à ce catalogue, celui de l’exposition Gilles Aillaud – Evasioni ayant eu lieu au même endroit la même année. Celui-là est bilingue français/italien.
-Vous ne trouverez pas ça non plus à L’Armitière.
-Dix euros pour les deux, ça pourrait aller ?
Le sympathique vendeur acquiesce, me serre la main pour sceller notre accord et m’offre même un livre de poche en cadeau. Je lui demande quel pays l’a envoyé à la Villa Médicis
-Le Chili, me répond-il.
-Et vous faites quoi ?
-De la peinture.
Il n’a pas exposé ici, n’a même pas d’atelier. Il ne veut pas être sous la coupe de la ville ou de la métropole. Je n’en saurais pas davantage.
Un peu plus loin, je trouve un vendeur turc que je connais. Un jour, il m’avait invité chez lui en banlieue pour voir ses nombreux livres à vendre. Il ne put venir au rendez-vous donné place Saint-Marc. Ultérieurement, alors qu’il avait déballé ses livres dans un vide grenier, je vis que c’était de la daube. J’avais évité un déplacement inutile. Dans son bric-à-brac, j’aperçois un carton de ramettes de papier bleu. C’est deux euros pièce. J’en obtiens trois pour cinq euros.
Voilà qui commence bien, me dis-je, lourdement chargé.
*
Ce dimanche matin, une équipe d’artistes techniciens installe des suspensions lumineuses rococo rue Saint-Romain à l’aide d’engins à nacelle télescopique. Ce sont Les Passeurs de Lumière qui donneront un spectacle gratuit sur le parvis de la Cathédrale lundi soir. La lumière rouge du bout de la ruelle n’est peut-être pas sans rapport avec ça.
*
Au Son du Cor, plus moyen de ne payer son café qu’en partant. Le nouvel apprenti serveur, vêtu et coiffé comme il faut l’être à son âge et communiquant avec le bar à l’aide d’un boîtier électronique afin d’économiser sa mémoire, en exige le prix dès qu’il l’apporte en terrasse. J’ai horreur de ça.
Je lui donne un billet de dix euros pour l’obliger à aller chercher la monnaie. C’est ma façon de me venger.
Je ne me donne pas grand chance de trouver des livres à mon goût, mais j’ai tort. J’aperçois sur le sol un beau livre consacré à George Grosz. Il s’agit du catalogue de l’exposition Berlino-New York qui lui eu lieu en deux mille sept à la Villa Médicis.
Celui qui le vend a un accent que je n’arrive pas à préciser. Il m’en demande quinze euros.
-J’ai été en résidence là-bas, vous ne trouverez pas ça à L’Armitière, me dit-il pour justifier son prix.
J’objecte que le texte est en italien. Son prix tombe à huit euros. J’ajoute à ce catalogue, celui de l’exposition Gilles Aillaud – Evasioni ayant eu lieu au même endroit la même année. Celui-là est bilingue français/italien.
-Vous ne trouverez pas ça non plus à L’Armitière.
-Dix euros pour les deux, ça pourrait aller ?
Le sympathique vendeur acquiesce, me serre la main pour sceller notre accord et m’offre même un livre de poche en cadeau. Je lui demande quel pays l’a envoyé à la Villa Médicis
-Le Chili, me répond-il.
-Et vous faites quoi ?
-De la peinture.
Il n’a pas exposé ici, n’a même pas d’atelier. Il ne veut pas être sous la coupe de la ville ou de la métropole. Je n’en saurais pas davantage.
Un peu plus loin, je trouve un vendeur turc que je connais. Un jour, il m’avait invité chez lui en banlieue pour voir ses nombreux livres à vendre. Il ne put venir au rendez-vous donné place Saint-Marc. Ultérieurement, alors qu’il avait déballé ses livres dans un vide grenier, je vis que c’était de la daube. J’avais évité un déplacement inutile. Dans son bric-à-brac, j’aperçois un carton de ramettes de papier bleu. C’est deux euros pièce. J’en obtiens trois pour cinq euros.
Voilà qui commence bien, me dis-je, lourdement chargé.
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Ce dimanche matin, une équipe d’artistes techniciens installe des suspensions lumineuses rococo rue Saint-Romain à l’aide d’engins à nacelle télescopique. Ce sont Les Passeurs de Lumière qui donneront un spectacle gratuit sur le parvis de la Cathédrale lundi soir. La lumière rouge du bout de la ruelle n’est peut-être pas sans rapport avec ça.
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Au Son du Cor, plus moyen de ne payer son café qu’en partant. Le nouvel apprenti serveur, vêtu et coiffé comme il faut l’être à son âge et communiquant avec le bar à l’aide d’un boîtier électronique afin d’économiser sa mémoire, en exige le prix dès qu’il l’apporte en terrasse. J’ai horreur de ça.
Je lui donne un billet de dix euros pour l’obliger à aller chercher la monnaie. C’est ma façon de me venger.
27 mars 2017
Ce jeudi, à l’Opéra de Rouen, pour le nouveau concert dirigé par Antony Hermus, ce n’est qu’au dernier moment que je peux avoir une meilleure place que celle qui m’était promise, un strapontin en haut du deuxième balcon. « J’ai une chaise qui s’est libérée en loge sept », m’apprend l’aimable guichetière lorsque j’arrive, à dix-neuf heures.
S’il y a foule pour ce concert, c’est qu’il fête les dix ans d’intervention de musicien(ne)s de l’Opéra volontaires à l’Hôpital dont l’initiative, toute personnelle, revient à la violoniste Elena Pease. Des officiel(le)s sont donc de sortie, dont Fourneyron (Valérie), Députée, Socialiste, qui se tient en haut des marches du foyer avec le maître des lieux. Elle n’est pas seule sur le coup, car Bures (Jean-François), Droitiste, qui souhaite la remplacer prochainement, n’est qu’une marche plus bas. En avant concert, deux autres artistes intervenant au Céhachu, Virginie Trompat (chant) et Olivier Hue (oud), interprètent l’oriental Vox felicitas.
Je suis le premier dans la loge sept, ce qui me permet de choisir ma chaise, près de l’équipe technique qui occupe la loge voisine. Trois femmes seules s’installent à ma gauche, un homme derrière.
C’est d’abord le Concerto Dumbarton Oaks d’Igor Stravinsky puis la Symphonie numéro vingt-neuf en la majeur de Wolfgang Amadeus Mozart.
A l’entracte, sortant de la loge, j’ai la surprise de voir deux jambes pendantes, celles d’un danseur de la troupe de Sylvain Groud qui intervient aussi à l’Hôpital. Ce téméraire est suspendu au garde-corps du premier balcon. D’autres danseuses et danseurs évoluent au milieu de la foule assoiffée. Cela se termine par Le Tourbillon de Rezvani.
Nous ne sommes plus que quatre dans la loge à la reprise. L’une des femmes a disparu. Du côté des officiels, il y a aussi des manques mais je ne veux dénoncer personne.
Antony Hermus revient pour Introduction and Allegro d’Edward Elgar puis la Symphonie numéro cent deux en si bémol majeur de Joseph Haydn.
Ce programme ne me plaît que modérément. La magie de l’autre jour ne se reproduit pas, bien qu’Antony Hermus ne ménage pas sa peine. A l’issue, il fait faire aux musicien(ne)s un double salut penché. « Quel clown ! », commente l’homme de derrière.
Il pleut à fond à la sortie. Venu sans parapluie, je suis complètement saucé avant d’être à la maison.
*
J’ai récemment trouvé la tête de Jean-François Bures en photo dans ma boîte à lettres sur laquelle il est pourtant écrit de ne pas mettre de publicité. Son tract a virevolté jusqu’au fond de la poubelle collective.
*
Qui donc a eu l’idée d’installer une lampe rouge allumée nuit et jour à l’entrée de la venelle côté rue Saint-Romain ? On va la croire habitée par des femmes de petite vertu.
S’il y a foule pour ce concert, c’est qu’il fête les dix ans d’intervention de musicien(ne)s de l’Opéra volontaires à l’Hôpital dont l’initiative, toute personnelle, revient à la violoniste Elena Pease. Des officiel(le)s sont donc de sortie, dont Fourneyron (Valérie), Députée, Socialiste, qui se tient en haut des marches du foyer avec le maître des lieux. Elle n’est pas seule sur le coup, car Bures (Jean-François), Droitiste, qui souhaite la remplacer prochainement, n’est qu’une marche plus bas. En avant concert, deux autres artistes intervenant au Céhachu, Virginie Trompat (chant) et Olivier Hue (oud), interprètent l’oriental Vox felicitas.
Je suis le premier dans la loge sept, ce qui me permet de choisir ma chaise, près de l’équipe technique qui occupe la loge voisine. Trois femmes seules s’installent à ma gauche, un homme derrière.
C’est d’abord le Concerto Dumbarton Oaks d’Igor Stravinsky puis la Symphonie numéro vingt-neuf en la majeur de Wolfgang Amadeus Mozart.
A l’entracte, sortant de la loge, j’ai la surprise de voir deux jambes pendantes, celles d’un danseur de la troupe de Sylvain Groud qui intervient aussi à l’Hôpital. Ce téméraire est suspendu au garde-corps du premier balcon. D’autres danseuses et danseurs évoluent au milieu de la foule assoiffée. Cela se termine par Le Tourbillon de Rezvani.
Nous ne sommes plus que quatre dans la loge à la reprise. L’une des femmes a disparu. Du côté des officiels, il y a aussi des manques mais je ne veux dénoncer personne.
Antony Hermus revient pour Introduction and Allegro d’Edward Elgar puis la Symphonie numéro cent deux en si bémol majeur de Joseph Haydn.
Ce programme ne me plaît que modérément. La magie de l’autre jour ne se reproduit pas, bien qu’Antony Hermus ne ménage pas sa peine. A l’issue, il fait faire aux musicien(ne)s un double salut penché. « Quel clown ! », commente l’homme de derrière.
Il pleut à fond à la sortie. Venu sans parapluie, je suis complètement saucé avant d’être à la maison.
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J’ai récemment trouvé la tête de Jean-François Bures en photo dans ma boîte à lettres sur laquelle il est pourtant écrit de ne pas mettre de publicité. Son tract a virevolté jusqu’au fond de la poubelle collective.
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Qui donc a eu l’idée d’installer une lampe rouge allumée nuit et jour à l’entrée de la venelle côté rue Saint-Romain ? On va la croire habitée par des femmes de petite vertu.
25 mars 2017
Après avoir montré mes livres au vigile du Centre Pompidou, je laisse mes sacs au vestiaire puis descends au sous-sol afin d’y voir La fabrique d’exils, l’exposition consacrée à Josef Koudelka.
Josef Koudelka photographia l’invasion soviétique de son pays la Tchécoslovaquie en mil neuf cent soixante-huit. Ses photos furent alors publiées anonymement à l’Ouest (comme on disait). Ce sont elles qui ouvrent cette exposition qui s’intéresse ensuite aux photos prises en exil, Koudelka ayant fui la Tchécoslovaquie en soixante-dix (on ne saura donc rien de celles prises dans son pays avant soixante-huit).
Pendant la décennie soixante-dix quatre-vingt, Koudelka habite à Londres puis à Paris pendant l’hiver et le reste du temps il vagabonde sur les routes d’Europe avec son appareil photo et un sac de couchage passant souvent la nuit dehors.
Parmi les images montrées, toutes sans titre, simplement désignées par le pays où elles furent prises, j’ai mes trois préférées. L’une est connue, montrant, en France, un ange à bicyclette près d’un attelage à deux chevaux. Les deux autres sont celle d’une mariée gitane à froufrous au regard effrayé en amazone sur la croupe d’un cheval (Espagne) et celle d’une impasse où sont en action quatre pisseurs à chapeau ou à casquette d’un certain âge (Irlande).
Quelques propos de l’artiste inscrits sur les murs méritent que j’en fasse copie :
« Etre un exilé exige de repartir à zéro. C’est une chance qui m’était donnée. »
« C’est en quittant la Tchécoslovaquie que j’ai découvert le monde. Je ne voulais pas avoir ce que les gens appellent un « chez soi ». Je ne voulais pas avoir à revenir nulle part, je devais être là où j’étais, et si je ne trouvais plus rien à photographier, il était temps de partir ailleurs. »
« Je savais que je n’avais pas besoin de grand-chose pour vivre et photographier –juste de quoi manger et une bonne nuit de sommeil. Ma règle était : Ne t’inquiète pas de savoir où tu vas dormir ; jusqu’à présent, tu as toujours dormi quelque part et tu dormiras à nouveau ce soir. »
Les autoportraits de Koudelka à son réveil après les nuits passées dehors sont ici visibles mais hélas en petit format.
Je vais ensuite au premier niveau voir en quoi consiste l’exposition Imprimer le monde. Elle se penche sur les imprimantes en trois dimensions et présente une sélection d’objets obtenus par ce moyen, dont des mochetés. Une visite de groupe s’emploie à me faire fuir, la guide s’adressant à son public avec un micro, nouveauté fâcheuse.
Je ne reste pas davantage enfermé au Centre Pompidou. Après être passé par Boulinier et Gilda sans rien y acheter, j’emprunte la ligne Quatorze pour me rapprocher du Book-Off de Quatre-Septembre.
Un train sans histoire me ramène à Rouen où le pavé est sérieusement mouillé. C’est le moment d’ouvrir mon parapluie.
*
Dans ce train de retour, deux voyageuses qui s’installent à l’étage « pour voir le paysage ».
*
Contrôlé dans le train de l’aller, je le suis également dans celui du retour. L’être dans l’un et l’autre le même jour est rarissime. Dans le métro parisien, le contrôle n’est pas fréquent. Quand ça m’arrive, c’est à Opéra plutôt qu’ailleurs. Dans le bus parisien, je n’ai jamais vu de contrôleurs, mais tout le monde montant par l’avant, le chauffeur sait qui n’est pas en règle et envoie un message sonore en boucle tançant le fraudeur. Cela dissuade.
Josef Koudelka photographia l’invasion soviétique de son pays la Tchécoslovaquie en mil neuf cent soixante-huit. Ses photos furent alors publiées anonymement à l’Ouest (comme on disait). Ce sont elles qui ouvrent cette exposition qui s’intéresse ensuite aux photos prises en exil, Koudelka ayant fui la Tchécoslovaquie en soixante-dix (on ne saura donc rien de celles prises dans son pays avant soixante-huit).
Pendant la décennie soixante-dix quatre-vingt, Koudelka habite à Londres puis à Paris pendant l’hiver et le reste du temps il vagabonde sur les routes d’Europe avec son appareil photo et un sac de couchage passant souvent la nuit dehors.
Parmi les images montrées, toutes sans titre, simplement désignées par le pays où elles furent prises, j’ai mes trois préférées. L’une est connue, montrant, en France, un ange à bicyclette près d’un attelage à deux chevaux. Les deux autres sont celle d’une mariée gitane à froufrous au regard effrayé en amazone sur la croupe d’un cheval (Espagne) et celle d’une impasse où sont en action quatre pisseurs à chapeau ou à casquette d’un certain âge (Irlande).
Quelques propos de l’artiste inscrits sur les murs méritent que j’en fasse copie :
« Etre un exilé exige de repartir à zéro. C’est une chance qui m’était donnée. »
« C’est en quittant la Tchécoslovaquie que j’ai découvert le monde. Je ne voulais pas avoir ce que les gens appellent un « chez soi ». Je ne voulais pas avoir à revenir nulle part, je devais être là où j’étais, et si je ne trouvais plus rien à photographier, il était temps de partir ailleurs. »
« Je savais que je n’avais pas besoin de grand-chose pour vivre et photographier –juste de quoi manger et une bonne nuit de sommeil. Ma règle était : Ne t’inquiète pas de savoir où tu vas dormir ; jusqu’à présent, tu as toujours dormi quelque part et tu dormiras à nouveau ce soir. »
Les autoportraits de Koudelka à son réveil après les nuits passées dehors sont ici visibles mais hélas en petit format.
Je vais ensuite au premier niveau voir en quoi consiste l’exposition Imprimer le monde. Elle se penche sur les imprimantes en trois dimensions et présente une sélection d’objets obtenus par ce moyen, dont des mochetés. Une visite de groupe s’emploie à me faire fuir, la guide s’adressant à son public avec un micro, nouveauté fâcheuse.
Je ne reste pas davantage enfermé au Centre Pompidou. Après être passé par Boulinier et Gilda sans rien y acheter, j’emprunte la ligne Quatorze pour me rapprocher du Book-Off de Quatre-Septembre.
Un train sans histoire me ramène à Rouen où le pavé est sérieusement mouillé. C’est le moment d’ouvrir mon parapluie.
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Dans ce train de retour, deux voyageuses qui s’installent à l’étage « pour voir le paysage ».
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Contrôlé dans le train de l’aller, je le suis également dans celui du retour. L’être dans l’un et l’autre le même jour est rarissime. Dans le métro parisien, le contrôle n’est pas fréquent. Quand ça m’arrive, c’est à Opéra plutôt qu’ailleurs. Dans le bus parisien, je n’ai jamais vu de contrôleurs, mais tout le monde montant par l’avant, le chauffeur sait qui n’est pas en règle et envoie un message sonore en boucle tançant le fraudeur. Cela dissuade.
24 mars 2017
Dix minutes de retard sont affichées ce mercredi pour le sept heures cinquante-neuf allant à Paris. Il ne l’est que de six. Son vaillant conducteur met la gomme et nous arrivons à l’heure officielle.
Autre bonne nouvelle, la météo annonçait un ciel gris devant donner de la pluie, il n’en est rien. Il fait même presque beau.
Je passe au marché d’Aligre, chez Book-Off puis chez Emmaüs. Pour déjeuner, je renoue avec Chez Céleste et le regrette. Je suis lassé de la présence quasi systémique dans le plat principal d’une boule de riz et d’une poignée de frites, et aussi de la clientèle. Cette fois, c’est un trio de jeunes collègues, deux filles et un garçon. Elles lisent des bluettes qui les font pleurer. Il lit Ken Follet. Une quatrième les rejoint quand ils ont presque terminé. Elle commande le plat végétarien.
Il est midi et demi quand j’en sors. C’est précisément l’heure à laquelle ouvre à côté, au numéro vingt-sept de la rue de Charonne, la Galerie Arts Factory qui expose les artistes figurant au sommaire du numéro vingt-neuf de la très belle revue Hey ! dont le sous-titre est « modern art and pop culture ». Cette revue œuvre « pour la défense de territoires affranchis de la norme » : « Outsider arts, art pop outsiders et singuliers, lowbrow et folk art, bande dessinée et l'ensemble des arts graphiques dérivés d'une culture de rue sont présentés dans les pages et défendus par la revue en tant qu'expressions majeures de notre temps. ».
La jeune fille blonde à l’accent scandinave de l’accueil s’offre à me délester de mes sacs. Allégé, je vaque.
Sur mon petit carnet Muji, je note le nom de Murielle Belin, artiste taxidermiste dont je retiens particulièrement L’oiseau de malheur et Léda et le colibri. Elle fait aussi des sculptures en bocaux.
Plus loin, j’ai la surprise de retrouver Gilbert Shelton avec notamment des dessins originaux récents en noir et blanc des Fabuleux Freak Brothers qui n’ont pas dû lui prendre beaucoup de temps et sont vendus deux mille euros pièce.
Je demande à la blonde demoiselle si elle sait que François Angelier a consacré sur France Culture ses Emois du petit matin au dernier numéro de Hey ! et incidemment à cette exposition. Que non. Elle prend note pour en informer l’attachée de presse. Shelton était là pour le vernissage, me dit-elle, presque tous les artistes exposés sont venus, même ceux résidant à l’étranger.
A nouveau chargé, je constate que la pluie annoncée ne sera pas. Je décide d’aller quand même au Centre Pompidou, où je comptais me réfugier pour éviter d’être mouillé, mais pédestrement. L’exposition des photos de Josef Koudelka m’y invite.
*
Dans un groupe de convives, la fille qui arrive en retard est souvent végétarienne.
*
J’ai un titre pour Libération quand Ken Follett mourra : « Feu Follett ». C’est quand même mieux que le « Chuck périt « de cette semaine.
Evoquant Chuck Berry, la plupart des médias (comme on dit) ont eu des pudeurs de gazelle (comme dit Mélenchon), parlant parfois des braquages de sa première jeunesse mais passant sous silence le séjour en prison pour sa relation avec une Apache de quatorze ans et ses ennuis ultérieurs à cause des caméras qu’il fit installer dans les toilettes pour femmes de son restaurant. Ah, ces artistes !
J’étais à l’école élémentaire quand Chuck Berry fit ses prodigieux débuts. Comme à la maison il n’y avait que la radio, j’ai mis des années avant de savoir qu’il était noir.
*
Lowbrow késako ?
J’interroge Ouiquipédia.
« Lowbrow, ou « lowbrow art », est un mouvement d'art pictural apparu à Los Angeles en Californie, à la fin des années soixante-dix. Le terme lowbrow (littéralement « sourcils bas ») a été construit d'après son contraire, le mot highbrow (« sourcils élevé »), qui désigne l'expression faciale hautaine que peuvent prendre les amateurs d'art contemporain sous ses formes les plus élitistes. Le lowbrow se réapproprie les codes issus des médias populaires tels que le comics, la publicité, le graffiti, le dessin animé et tout ce qui n'est pas considéré comme appartenant au monde des « beaux-arts » classiques. Il est considéré comme faisant partie de la « pop surréaliste ». Le lowbrow art est souvent humoristique, tantôt joyeux, parfois espiègle et, d'autres fois, sarcastique. La plupart des œuvres lowbrow sont des peintures, mais elles peuvent également utiliser d'autres supports ou techniques : jouets, art numérique, sculpture. »
Me voilà bien avancé.
*
Deux des livres de mes sacs : la Correspondance de Marie d’Agoult et Georges Sand (Bartillat) et, acheté pour son titre mais c’est peut-être intéressant, Passage aux îles Féroé avec des bottes en caoutchouc de Karin Huet (La Part Commune).
Autre bonne nouvelle, la météo annonçait un ciel gris devant donner de la pluie, il n’en est rien. Il fait même presque beau.
Je passe au marché d’Aligre, chez Book-Off puis chez Emmaüs. Pour déjeuner, je renoue avec Chez Céleste et le regrette. Je suis lassé de la présence quasi systémique dans le plat principal d’une boule de riz et d’une poignée de frites, et aussi de la clientèle. Cette fois, c’est un trio de jeunes collègues, deux filles et un garçon. Elles lisent des bluettes qui les font pleurer. Il lit Ken Follet. Une quatrième les rejoint quand ils ont presque terminé. Elle commande le plat végétarien.
Il est midi et demi quand j’en sors. C’est précisément l’heure à laquelle ouvre à côté, au numéro vingt-sept de la rue de Charonne, la Galerie Arts Factory qui expose les artistes figurant au sommaire du numéro vingt-neuf de la très belle revue Hey ! dont le sous-titre est « modern art and pop culture ». Cette revue œuvre « pour la défense de territoires affranchis de la norme » : « Outsider arts, art pop outsiders et singuliers, lowbrow et folk art, bande dessinée et l'ensemble des arts graphiques dérivés d'une culture de rue sont présentés dans les pages et défendus par la revue en tant qu'expressions majeures de notre temps. ».
La jeune fille blonde à l’accent scandinave de l’accueil s’offre à me délester de mes sacs. Allégé, je vaque.
Sur mon petit carnet Muji, je note le nom de Murielle Belin, artiste taxidermiste dont je retiens particulièrement L’oiseau de malheur et Léda et le colibri. Elle fait aussi des sculptures en bocaux.
Plus loin, j’ai la surprise de retrouver Gilbert Shelton avec notamment des dessins originaux récents en noir et blanc des Fabuleux Freak Brothers qui n’ont pas dû lui prendre beaucoup de temps et sont vendus deux mille euros pièce.
Je demande à la blonde demoiselle si elle sait que François Angelier a consacré sur France Culture ses Emois du petit matin au dernier numéro de Hey ! et incidemment à cette exposition. Que non. Elle prend note pour en informer l’attachée de presse. Shelton était là pour le vernissage, me dit-elle, presque tous les artistes exposés sont venus, même ceux résidant à l’étranger.
A nouveau chargé, je constate que la pluie annoncée ne sera pas. Je décide d’aller quand même au Centre Pompidou, où je comptais me réfugier pour éviter d’être mouillé, mais pédestrement. L’exposition des photos de Josef Koudelka m’y invite.
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Dans un groupe de convives, la fille qui arrive en retard est souvent végétarienne.
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J’ai un titre pour Libération quand Ken Follett mourra : « Feu Follett ». C’est quand même mieux que le « Chuck périt « de cette semaine.
Evoquant Chuck Berry, la plupart des médias (comme on dit) ont eu des pudeurs de gazelle (comme dit Mélenchon), parlant parfois des braquages de sa première jeunesse mais passant sous silence le séjour en prison pour sa relation avec une Apache de quatorze ans et ses ennuis ultérieurs à cause des caméras qu’il fit installer dans les toilettes pour femmes de son restaurant. Ah, ces artistes !
J’étais à l’école élémentaire quand Chuck Berry fit ses prodigieux débuts. Comme à la maison il n’y avait que la radio, j’ai mis des années avant de savoir qu’il était noir.
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Lowbrow késako ?
J’interroge Ouiquipédia.
« Lowbrow, ou « lowbrow art », est un mouvement d'art pictural apparu à Los Angeles en Californie, à la fin des années soixante-dix. Le terme lowbrow (littéralement « sourcils bas ») a été construit d'après son contraire, le mot highbrow (« sourcils élevé »), qui désigne l'expression faciale hautaine que peuvent prendre les amateurs d'art contemporain sous ses formes les plus élitistes. Le lowbrow se réapproprie les codes issus des médias populaires tels que le comics, la publicité, le graffiti, le dessin animé et tout ce qui n'est pas considéré comme appartenant au monde des « beaux-arts » classiques. Il est considéré comme faisant partie de la « pop surréaliste ». Le lowbrow art est souvent humoristique, tantôt joyeux, parfois espiègle et, d'autres fois, sarcastique. La plupart des œuvres lowbrow sont des peintures, mais elles peuvent également utiliser d'autres supports ou techniques : jouets, art numérique, sculpture. »
Me voilà bien avancé.
*
Deux des livres de mes sacs : la Correspondance de Marie d’Agoult et Georges Sand (Bartillat) et, acheté pour son titre mais c’est peut-être intéressant, Passage aux îles Féroé avec des bottes en caoutchouc de Karin Huet (La Part Commune).
23 mars 2017
-Attention, on a ajouté une marche, me prévient celle qui fut autrefois mon élève, actuellement placeuse à l’Opéra de Rouen pour financer ses études, lorsque je me dirige vers les chaises au pied du plateau, après qu’elle m’a donné le programme de Cosmophonies, le concert conférence d’Hubert Reeves et de l’Ensemble Calliopée, ce mardi soir.
J’évite la chute et m’installe face au fauteuil dans lequel doit s’asseoir l’éminent astrophysicien, conteur et poète. Au pied de celui-ci sont disposés en un désordre étudié une dizaine de ses livres avec en couverture sa photo, des fois qu’on ne saurait pas qu’il en écrit. Une voix féminine nous invite à ne pas applaudir en cours de concert puis le vieil homme (quatre-vingt-quatre ans) et ses ami(e)s musicien(ne)s entrent en scène. Tou(te)s ont les pieds nus pour bien ressentir les vibrations de notre mère la Terre, sauf le pianiste qui a une dispense à cause des pédales.
Au pied du savant (comme on disait autrefois) s’assoit en tailleur sur des coussins celle qui a conçu le spectacle, l’altiste Karine Lethiec. C’est le maître et son disciple, l’homme qui sait et la femme qui écoute. Tandis qu’il conte la naissance de l’univers et son évolution risquée, évoquant tour à tour le feu, l’eau, le cœur, le langage, la terre, la conscience et l’air, elle le regarde avec admiration et orne le discours de citations poétiques. Des images sont projetées, parfois redondantes, assez inutiles. Côté musique, après Claude Debussy, le programme est résolument contemporain avec de courtes œuvres ou des extraits de Tristan Murail, Olivier Messiaen, Toru Takemitsu, Thierry Pécou, Kaija Saariaho, Krystof Maratka, Philippe Hurel, Philippe Hersant, encore Olivier Messiaen, et Daniele Gasparini.
L astrophysique ne m’intéresse pas beaucoup, savoir d’ou vient la vie et comment elle a évolué non plus, de plus l’optimisme de vieux sage serait plutôt pour m’effrayer, cependant la soirée m’est agréable.
*
C’est une bénédiction de pouvoir entendre une heure de musique contemporaine sans qu’une partie du public puisse faire entendre son mépris et sa désapprobation.
*
Hubert Reeves, Michel Serres, Edgar Morin et feu Albert Jacquard : les trois mousquetaires de la sagesse écolo mystique.
J’évite la chute et m’installe face au fauteuil dans lequel doit s’asseoir l’éminent astrophysicien, conteur et poète. Au pied de celui-ci sont disposés en un désordre étudié une dizaine de ses livres avec en couverture sa photo, des fois qu’on ne saurait pas qu’il en écrit. Une voix féminine nous invite à ne pas applaudir en cours de concert puis le vieil homme (quatre-vingt-quatre ans) et ses ami(e)s musicien(ne)s entrent en scène. Tou(te)s ont les pieds nus pour bien ressentir les vibrations de notre mère la Terre, sauf le pianiste qui a une dispense à cause des pédales.
Au pied du savant (comme on disait autrefois) s’assoit en tailleur sur des coussins celle qui a conçu le spectacle, l’altiste Karine Lethiec. C’est le maître et son disciple, l’homme qui sait et la femme qui écoute. Tandis qu’il conte la naissance de l’univers et son évolution risquée, évoquant tour à tour le feu, l’eau, le cœur, le langage, la terre, la conscience et l’air, elle le regarde avec admiration et orne le discours de citations poétiques. Des images sont projetées, parfois redondantes, assez inutiles. Côté musique, après Claude Debussy, le programme est résolument contemporain avec de courtes œuvres ou des extraits de Tristan Murail, Olivier Messiaen, Toru Takemitsu, Thierry Pécou, Kaija Saariaho, Krystof Maratka, Philippe Hurel, Philippe Hersant, encore Olivier Messiaen, et Daniele Gasparini.
L astrophysique ne m’intéresse pas beaucoup, savoir d’ou vient la vie et comment elle a évolué non plus, de plus l’optimisme de vieux sage serait plutôt pour m’effrayer, cependant la soirée m’est agréable.
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C’est une bénédiction de pouvoir entendre une heure de musique contemporaine sans qu’une partie du public puisse faire entendre son mépris et sa désapprobation.
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Hubert Reeves, Michel Serres, Edgar Morin et feu Albert Jacquard : les trois mousquetaires de la sagesse écolo mystique.
22 mars 2017
Un récent voyage en train jusqu’à Paris m’a permis d’en savoir plus sur les écritures de Chamfort, né Sébastien-Roch Nicolas, dont je ne connaissais que quelques maximes, et non des meilleures.
Ses anecdotes reprenant des racontars de cour sont un peu lassantes, mais dans les maximes j’ai fait ma sélection :
Combien de militaires distingués, combien d’officiers généraux sont morts, sans avoir transmis leurs noms à la postérité : en cela moins heureux que Bucéphale, et même que le dogue espagnol Bérécillo, qui dévorait les Indiens de Saint-Dominique, et qui avait la paie de trois soldats !
Les fléaux physiques et les calamités de la nature humaine ont rendu la société nécessaire. La société a ajouté aux malheurs de la nature. Les inconvénients de la société ont amené la nécessité du gouvernement, et le gouvernement ajoute aux malheurs de la société. Voilà l’histoire de la nature humaine.
Il y a des siècles où l’opinion publique est la plus mauvaise des opinions.
Quand on veut éviter d’être charlatan, il faut fuir les tréteaux ; car, si l’on y monte, on est bien forcé d’être charlatan, sans quoi l’assemblée vous jette des pierres.
Il est à parier que toute idée publique, toute convention reçue, est une sottise, car elle a convenu au plus grand nombre.
De mille traits que j’ai entendu raconter, je conclurais que, si les singes avaient le talent des perroquets, on en ferait volontiers des ministres.
Les bourgeois, par une vanité ridicule, font de leurs filles un fumier pour les terres des gens de qualité.
N’est-ce pas une merveille que la société subsiste avec la convention tacite d’exclure du partage de ses droits les dix-neuf vingtièmes de la société ?
Le public de ce moment-ci est comme la tragédie moderne, absurde, atroce et plat.
On dit quelquefois d’un homme qui vit seul : « Il n’aime pas la société. » C’est souvent comme si on disait d’un homme qu’il n’aime pas la promenade, sous le prétexte qu’il ne se promène pas volontiers le soir dans la forêt de Bondy.
La pauvreté met le crime au rabais.
La plupart des livres d’à présent ont l’air d’avoir été fait en un jour avec des livres lus de la veille.
Ce qui fait le succès de quantité d’ouvrages est le rapport qui se trouve entre la médiocrité des idées de l’auteur et la médiocrité des idées du public.
Le titre le plus respectable de la noblesse française c’est de descendre immédiatement de quelques-uns de ces trente mille hommes casqués, cuirassés, brassardés, cuissardés, qui, sur de grands chevaux bardés de fer, foulaient aux pieds huit ou neuf millions d’hommes nus, qui sont les ancêtres de la nation actuelle.
Le public est gouverné comme il raisonne. Son droit est de dire des sottises, comme celui des ministres est d’en faire.
*
Chamfort, acteur de premier plan de la Révolution, est aussi connu pour son suicide raté, consécutif à la crainte d’être arrêté suite à son opposition à Marat et Robespierre (Je suis un homme libre ; jamais on ne me fera rentrer vivant dans une prison.).
Ginguené le raconte ainsi (il fut le premier éditeur des Maximes, de façon posthume, Chamfort étant mort l’année suivant ce suicide raté des suites de ses atteintes corporelles, le treize avril mil sept cent quatre-vingt-quatorze, à l’âge de cinquante-quatre ans) :
Il charge un pistolet, veut le tirer sur son front, se fracasse le haut du nez et s’enfonce l’œil droit. Étonné de vivre, et résolu de mourir, il saisit un rasoir, essaie de se couper la gorge, y revient à plusieurs fois et se met en lambeaux toutes les chairs : l’impuissance de sa main ne change rien aux résolutions de son âme ; il se porte plusieurs coups vers le cœur et, commençant à défaillir, il tâche par un denier effort de se couper les deux jarrets et de s’ouvrir toutes les veines. Enfin, vaincu par la douleur, il pousse un cri et se jette sur un siège, où il reste presque sans vie. Le sang coulait à flots sous la porte.
*
Bondy (Seine-Saint-Denis), ville qui m’est chère. Ma grand-mère y vivait. Ma mère et ses sœurs y ont passé leur enfance et leur adolescence. Je ne me suis jamais promené dans sa forêt, laquelle autrefois avait très mauvaise réputation (Victor Hugo y place la maison des Thénardier et Sade le premier viol de Justine).
Ses anecdotes reprenant des racontars de cour sont un peu lassantes, mais dans les maximes j’ai fait ma sélection :
Combien de militaires distingués, combien d’officiers généraux sont morts, sans avoir transmis leurs noms à la postérité : en cela moins heureux que Bucéphale, et même que le dogue espagnol Bérécillo, qui dévorait les Indiens de Saint-Dominique, et qui avait la paie de trois soldats !
Les fléaux physiques et les calamités de la nature humaine ont rendu la société nécessaire. La société a ajouté aux malheurs de la nature. Les inconvénients de la société ont amené la nécessité du gouvernement, et le gouvernement ajoute aux malheurs de la société. Voilà l’histoire de la nature humaine.
Il y a des siècles où l’opinion publique est la plus mauvaise des opinions.
Quand on veut éviter d’être charlatan, il faut fuir les tréteaux ; car, si l’on y monte, on est bien forcé d’être charlatan, sans quoi l’assemblée vous jette des pierres.
Il est à parier que toute idée publique, toute convention reçue, est une sottise, car elle a convenu au plus grand nombre.
De mille traits que j’ai entendu raconter, je conclurais que, si les singes avaient le talent des perroquets, on en ferait volontiers des ministres.
Les bourgeois, par une vanité ridicule, font de leurs filles un fumier pour les terres des gens de qualité.
N’est-ce pas une merveille que la société subsiste avec la convention tacite d’exclure du partage de ses droits les dix-neuf vingtièmes de la société ?
Le public de ce moment-ci est comme la tragédie moderne, absurde, atroce et plat.
On dit quelquefois d’un homme qui vit seul : « Il n’aime pas la société. » C’est souvent comme si on disait d’un homme qu’il n’aime pas la promenade, sous le prétexte qu’il ne se promène pas volontiers le soir dans la forêt de Bondy.
La pauvreté met le crime au rabais.
La plupart des livres d’à présent ont l’air d’avoir été fait en un jour avec des livres lus de la veille.
Ce qui fait le succès de quantité d’ouvrages est le rapport qui se trouve entre la médiocrité des idées de l’auteur et la médiocrité des idées du public.
Le titre le plus respectable de la noblesse française c’est de descendre immédiatement de quelques-uns de ces trente mille hommes casqués, cuirassés, brassardés, cuissardés, qui, sur de grands chevaux bardés de fer, foulaient aux pieds huit ou neuf millions d’hommes nus, qui sont les ancêtres de la nation actuelle.
Le public est gouverné comme il raisonne. Son droit est de dire des sottises, comme celui des ministres est d’en faire.
*
Chamfort, acteur de premier plan de la Révolution, est aussi connu pour son suicide raté, consécutif à la crainte d’être arrêté suite à son opposition à Marat et Robespierre (Je suis un homme libre ; jamais on ne me fera rentrer vivant dans une prison.).
Ginguené le raconte ainsi (il fut le premier éditeur des Maximes, de façon posthume, Chamfort étant mort l’année suivant ce suicide raté des suites de ses atteintes corporelles, le treize avril mil sept cent quatre-vingt-quatorze, à l’âge de cinquante-quatre ans) :
Il charge un pistolet, veut le tirer sur son front, se fracasse le haut du nez et s’enfonce l’œil droit. Étonné de vivre, et résolu de mourir, il saisit un rasoir, essaie de se couper la gorge, y revient à plusieurs fois et se met en lambeaux toutes les chairs : l’impuissance de sa main ne change rien aux résolutions de son âme ; il se porte plusieurs coups vers le cœur et, commençant à défaillir, il tâche par un denier effort de se couper les deux jarrets et de s’ouvrir toutes les veines. Enfin, vaincu par la douleur, il pousse un cri et se jette sur un siège, où il reste presque sans vie. Le sang coulait à flots sous la porte.
*
Bondy (Seine-Saint-Denis), ville qui m’est chère. Ma grand-mère y vivait. Ma mère et ses sœurs y ont passé leur enfance et leur adolescence. Je ne me suis jamais promené dans sa forêt, laquelle autrefois avait très mauvaise réputation (Victor Hugo y place la maison des Thénardier et Sade le premier viol de Justine).
21 avril 2017
Aucune envie ce lundi soir de regarder le débat télévisé, celui qui rassemble cinq des candidats à la Présidentielle, les autres en étant dispensés pour raison de petitesse électorale. Je suis fatigué, le mot est faible, par cette compétition entre antisystème, rebelle, insoumis, révolutionnaire et hors-la-loi. Que n’y a-t-il un conservateur dans le lot, qui nous dirait « Les choses vont mal, votez pour moi, je les bougerai le moins possible pour ne pas aggraver la situation. »
-Alors tu vas voter pour qui ? me demandait l’une de mes connaissances vendredi dernier au Clos Saint-Marc.
-Je n’en sais rien, peut-être pour Hamon, c'est-à-dire contre Valls et Mélenchon, ou pour Macron, s’il y a un risque de second tour entre Le Pen et Fillon, les deux répugnants.
Dans ce marché, on est entourés d’électeurs du Front National. Les clients comme les marchands, la plupart vont voter pour elle. Il suffit de traîner dans les cafés autour de la place pour en être convaincu et ce quartier populaire ne doit pas être différent des autres.
*
Il est possible aussi que je n’aille pas voter, mais dans ce système électoral, que tu votes pour un perdant, que tu votes blanc ou nul, ou bien que tu n’y ailles pas, cela revient à voter pour les deux qui arrivent en tête.
*
Dans l’un de ces cafés, des quinquagénaires qui préparent un conférence : « Soutien à l’armée française, pourquoi et comment ? »
*
Un type au comptoir qui se plaint en boucle d’une île flottante pas très fraîche qu’il a mangé dans la brasserie voisine, il n’y a pas que l’île qui soit flottante.
*
Un autre, parlant d’une connaissance : « En fait, il pense résoudre ses problèmes personnels en étudiant la physique quantique. »
*
Et celui qui termine sa démonstration par « Fin de citation » au lieu de dire « Point final ».
-Alors tu vas voter pour qui ? me demandait l’une de mes connaissances vendredi dernier au Clos Saint-Marc.
-Je n’en sais rien, peut-être pour Hamon, c'est-à-dire contre Valls et Mélenchon, ou pour Macron, s’il y a un risque de second tour entre Le Pen et Fillon, les deux répugnants.
Dans ce marché, on est entourés d’électeurs du Front National. Les clients comme les marchands, la plupart vont voter pour elle. Il suffit de traîner dans les cafés autour de la place pour en être convaincu et ce quartier populaire ne doit pas être différent des autres.
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Il est possible aussi que je n’aille pas voter, mais dans ce système électoral, que tu votes pour un perdant, que tu votes blanc ou nul, ou bien que tu n’y ailles pas, cela revient à voter pour les deux qui arrivent en tête.
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Dans l’un de ces cafés, des quinquagénaires qui préparent un conférence : « Soutien à l’armée française, pourquoi et comment ? »
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Un type au comptoir qui se plaint en boucle d’une île flottante pas très fraîche qu’il a mangé dans la brasserie voisine, il n’y a pas que l’île qui soit flottante.
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Un autre, parlant d’une connaissance : « En fait, il pense résoudre ses problèmes personnels en étudiant la physique quantique. »
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Et celui qui termine sa démonstration par « Fin de citation » au lieu de dire « Point final ».
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