Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

A la marche blanche en hommage à Mamoudou Barry

29 juillet 2019


C’est avec un bus Teor, pour économiser mon pied, que je rejoins ce vendredi après-midi la Faculté de Droit, Sciences Economiques et Gestion d’où doit partir à quinze heures une marche blanche en hommage à Mamoudou Barry victime d’une mortelle agression raciste à Canteleu le samedi vingt juillet juste avant le match de foute Algérie Sénégal.
Cet enseignant chercheur guinéen, qui avait soutenu avec brio sa thèse sur les politiques fiscales et douanières en matière d’investissements étrangers en Afrique francophone le vingt-sept juin dernier, a été victime d’un individu vêtu d’un maillot de foute qui l’a insulté en raison de la couleur de sa peau, lui lançant entre autres « Vous les sales Noirs, on va vous niquer ce soir ».
Mamoudou Barry, père d’une petite fille de deux ans, se trouvait en voiture avec sa femme. Homme pacifique, il a commis l’erreur d’en sortir pour demander à l’excité pourquoi il l’insultait ainsi. Pour toute réponse, celui-ci lui a envoyé plusieurs coups de poing dont le dernier l’a fait chuter lourdement. Sa tête a heurté le trottoir. Il est mort peu après son arrivée au Céhachu.
L’agresseur a été arrêté quelques jours plus tard. Il n’est pas d’origine algérienne comme les médias locaux l’avaient indiqué dans un premier temps mais d’origine turque. Souffrant de troubles psychiatriques, sa garde à vue a été suspendue et il a été interné.
Il y a déjà pas mal de monde quand je descends du bus à trois heures moins le quart. Cette foule, moitié noire moitié blanche, est scrutée par de nombreuses caméras. Vers quinze heures, celles-ci se précipitent vers un homme qui prend la parole au micro d’une sono dont la puissance est insuffisante pour qu’on l’entende là où je suis. N’ayant pas envie d’être filmé, je ne me rapproche pas. A ma proximité est une étudiante noire de la Faculté de Droit qui a eu Mamoudou Barry comme professeur. Elle porte un ticheurte blanc à son effigie. Son père et des amis à lui se désolent : « On va le garder à l’hôpital psychiatrique pendant deux ans et puis on le remettra dehors ».
L’homme au micro incite les présents à scander « Halte au racisme » et « Justice pour Docteur Mamoudou Barry » ou même « Justice pour Docteur ». D’autres lui succèdent à la sono pas assez puissante. Ils s’expriment en direction des caméras, oubliant la foule qui dépasse le millier de personnes et ne les entend pas, ne servant que de décor à leurs interventions.
Pour les avoir vus à la télévision, je reconnais parmi les parleurs le frère de la victime, son avocat et le Président de l’Université. Ce dernier est gêné par des perturbateurs s’impatientant sur les côtés. Il semble que certains trouvent cet hommage trop gentillet. Ils ne veulent pas entendre parler de racisme mais de négrophobie. Ce sont des membres de la Ligue de Défense Noire Africaine venus de Paris en car. Une jeune femme passe de groupe en groupe portant une affichette où est écrit un sibyllin « La paix est un comportement ».
Quand enfin nous partons en cortège, direction le Palais de Justice, je me trouve coincé entre les partisans de « Halte au racisme » et les partisans de « Halte à la négrophobie ». Ces derniers tentent de prendre le contrôle des slogans. En leur sein sont des femmes très énervées qui laissent entendre qu’elles agiront bientôt à Paris de façon radicale. Je quitte le cortège au moment où il tourne dans la rue de Lecat
A dix-neuf heures, je regarde ce qu’en dit la télévision régionale. Dans le court reportage qu’elle diffuse, pas un mot sur les dissensions.
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Que l’agresseur soit d’origine turque, porteur d’un maillot de foute d’une équipe turque, n’empêche pas qu’il ait pu être aussi supporteur de l’équipe d’Algérie, d’où le « Vous les sales Noirs, on va vous niquer ce soir ». Mamoudou Barry, tout Guinéen qu’il était, l’était de l’équipe du Sénégal, le virus du foute atteignant même les têtes les mieux faites. Cet agresseur s’est choisi un avocat d’origine turque que je connais pour l’avoir vu à l’œuvre au Tribunal Administratif, lequel a commencé par déclarer que son client n’était pas raciste.
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Sûr qu’il existe un racisme spécifique visant les Noirs, une négrophobie qui est le fait non seulement d’une partie des Blancs mais également d’une partie des Maghrébins, d’une partie des Turcs, etc. Un fait que ne veulent pas reconnaître certains soutiens de immigrés. J’en côtoyais au Tribunal Administratif qui ont fini par me lasser avec leur angélisme sur ce sujet et sur d’autres, au point que je n’y vais plus.
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Présents pour cette marche blanche des élus de presque tous les bords. Un que j’ai eu du mal à reconnaître : le Député Européen David Cormand, Ecologiste. Il a désormais le crâne rasé. Je me demande quel méfait il a pu commettre pour mériter ça.