Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

Au Sud (cinq) : port de Nice

26 septembre 2021


Ce samedi, muni des bonnes viennoiseries de la boulangerie Saint-François (rue du même nom), je prends un café à un euro cinquante (prix d’avant huit heures) à la Brasserie Garibaldi (place du même nom) puis par la rue Cassini je rejoins le port où j’ai la surprise de trouver un vaste vide grenier installé sur les quais côté Vieux Nice.
J’en fais le tour et ne suis pas mécontent de ne trouver aucun livre pour moi parmi le peu proposés puis j’entre dans l’église Notre-Dame du Port dont l’intérieur est si sobre qu’il m’oblige à ressortir illico. Sur les quais côté Lympia, juste après la permanence d’Eric Ciotti, des pointus sont amarrés côte à côte. L’un a pour nom Gary où figure une photo de l’écrivain qui passa son enfance et son adolescence dans cette ville. Beaucoup de bateaux de m’as-tu-vu stagnent dans ce port, dont un immense, ainsi qu’un grand voilier à l’ancienne comme il s’en trouve partout.
Repassé de l’autre côté du bassin je poursuis mon chemin vers le quai des Etats-Unis passant devant une installation nommée Un Dimanche à Nice. Elle représente une Fiat Cinq Cent d’autrefois la galerie chargée de matériel de plage, le tout en aluminium, et est due à la fonderie Stéphane Cipre.
Je fais une pause sur un banc blanc à l’ombre devant lequel défilent pédaleurs, coureurs et marcheurs à bâtons. « Vous regardez quoi en premier, les nichons ou les fesses ? », demande une coureuse. Elle parle à son téléphone. Je reprends la marche et entre dans la vieille ville par la rue Droite puis mets le cap sur la place Rossetti. C’est ainsi que je découvre un marché du livre d’occasion devant la Mairie d’Estrosi. Il a lieu certains samedis de chaque mois et regroupe une huitaine de bouquinistes. La plupart proposent des livres à deux euros. Aucun ne m’est indispensable ou bien je l’ai déjà.
A midi, coup de canon, je m’assois à l’une des tables de ruelle de Chez Mémère dans l’intention de manger une moule marinière accompagnée de frites à la graisse de bœuf pour le prix de douze euros quatre-vingt-dix. Mémère a le propos narquois. Quand elle guide le conducteur d’un triporteur de livraison qui hésite à passer entre les tables et les parasols, elle lui décoche un « C’est marrant, vous les mecs, vous voyez toujours tout plus grand. »
Nous sommes peu nombreux à déjeuner Chez Mémère où des pochettes de trente-trois tours de Sardou, Aznavour et consorts servent de couvertures aux cartes que l’on donne aux clients. J’ai pour voisins un couple de trentenaires polonais qui ont l’air bien ensemble. Mémère leur demande comment on dit « Bon appétit » dans leur langue et elle le note sur son carnet puis elle révise ceux qu’elle connait déjà, du coréen au hongrois. Je suis un peu déçu par mes frites et mes moules et trouve qu’un verre de vin blanc du pays à quatre euros cinquante c’est un peu cher, mais je passe là un bon moment en écoutant des classiques du disco. Des photos dans les toilettes montrent que l’on s’amuse bien ici certains soirs entre travestis.
Promenade du Paillon, des filles en ticheurte orange qui participent à un rallye de découverte de la ville se font propulser en l’air par un élastique en poussant des cris d’effroi. Cela ne gêne en rien ma lecture, mais quand des percussionnistes sur bidons métalliques commencent à répéter près du Théâtre et que des sirènes de Police signalent l’approche des Crieurs de Liberté, je referme mon livre à la date du jeudi vingt-sept septembre mil huit cent quatre-vingt-huit.
Edmond, âgé de soixante-six ans, est ce jour-là un peu énervé: Oh ! manger le derrière d’une jeune femme, qui serait comme un fruit frais tiédi par le soleil !
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Anton Tchekhov, en villégiature à Nice, se plaignait dans ses lettres d’y trouver des moustiques. Depuis mon arrivée, chaque nuit, leurs descendants se nourrissent à mes dépens. C’est surtout leur bourdonnement qui m’insupporte. Une bombe pour insectes volants achetée chez Carrefour Market marque mon entrée en guerre.