Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

En lisant Rien où poser la tête de Françoise Frenkel

17 janvier 2019


Idée hardie que celle qu’a Françoise Frenkel d’ouvrir en mil neuf cent vingt et un la première librairie française de Berlin. D’autant plus qu’elle est juive. Abandonnant tout au dernier moment (mil neuf cent trente-neuf), elle gagne la France où elle espère trouver la sécurité. Celle-ci envahie, elle tente de fuir en Suisse. Après plusieurs échecs, et échappant de peu à la déportation, elle réussit son coup en mil neuf cent quarante-trois.
Deux ans plus tard, elle raconte son périple sous le titre Rien où poser la tête. Son livre publié à Genève passe inaperçu.
Plusieurs décennies après, un exemplaire est trouvé dans un déballage des compagnons d’Emmaüs à Nice. Grâce à quoi, l'ouvrage est republié par Gallimard dans la collection L’Arbalète en deux mille quinze, augmenté d’une préface de Patrick Modiano et d’un dossier de Frédéric Maria.
Mon exemplaire était à un euro chez Book-Off. Sa lecture m’a fort intéressé. J’ai notamment apprécié l’absence de pathos dans la narration de Françoise Frenkel. Extrait :
Finalement, on pénétrait par fournées de dix à quinze personnes pour comparaître devant une jeune fille assise à une table chargée de classeurs et de monceaux de dossiers. Elle était brune, de taille moyenne. Ses gestes étaient énergiques. Tout en elle respirait une assurance qui contrastait avec l’attitude inquiète des réfugiés.
Elle examinait les papiers, interrogeait d’un ton impératif, parlait par monosyllabes, prenait des notes rapides et ne répondait jamais aux questions anxieuses. Elle regardait le quémandeur du regard sombre d’une Parque, maîtresse du sort d’autrui. Lorsqu’elle trouvait son interlocuteur particulièrement abattu, humilié et inquiet (il y avait parmi eux des vieillards, des malades et tous, d’ailleurs, même les jeunes, étaient plus ou moins désemparés), un sourire ironique se répandait sur son visage.
Les réfugiés l’appelaient « la nazie » et ils la craignaient.
(…)
Un fond de sadisme doit être caché en tout homme pour se dévoiler lorsqu’une occasion s’en présente. Il suffisait qu’on ait donné à ces garçons, somme toute paisibles, le pouvoir abominable de chasser et de traquer des êtres humains sans défense pour qu’ils remplissent cette tâche avec une âpreté singulière et farouche qui ressemblait à de la joie.
                                                            *
Nul ne sait ce que devint Françoise Frenkel après mil neuf cent quarante-cinq. Il semble qu’elle ait vécu à Nice. Gallimard a cherché en vain ses ayants droit.