Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

Exposition Carambolages au Grand Palais

25 mars 2016


Place de la République, où je passe ce mercredi matin dans le bus Vingt qui m’emmène vers la Bastille, des drapeaux belges ont rejoint les drapeaux français au pied du monument devenu lieu de recueillement perpétuel. Je songe au séjour fait à Bruxelles avec celle qui me tenait la main. Nous nous réjouissions d’être dans un pays qui venait de battre le record de la plus longue durée sans gouvernement. Après ces nouveaux attentats islamistes, je me dis qu’il aurait mieux valu qu’il y en ait eu un, capable de surveiller ce qui se passait dans les banlieues. La dérive de Molenbeek a été favorisée par une longue négligence.
Le midi, je mange encore une fois Chez Céleste dans une ambiance inhabituelle, les deux serveurs s’engueulant copieusement, puis par la ligne Une du métro je gagne le Grand Palais afin d’y voir moyennant aucune attente et treize euros, l’exposition Carambolages. Ces carambolages sont inspirés de celui du jeu de billard, Une boule choque une boule qui choque une boule, tel est le principe de cette exposition, qui l’on aurait aussi bien pu nommer marabout de ficelle. « Listen to your eyes », est-il écrit au néon à l’entrée.
On passe donc d’une œuvre à une autre selon un chemin obligé, œuvres de toutes les origines géographiques, allant de l’Antiquité à la période contemporaine. Elles ne sont pas accompagnées d’un cartel. Pour savoir de qui et de quoi il s’agit, il faut se placer devant un petit écran au bout de chaque section et regarder les images défilant horizontalement. C’est fastidieux et je m’en passe souvent. Comme le dit une jeune fille qui en pousse une autre en fauteuil : « Des fois c’est beau de pas savoir qui a fait le truc. »
Néanmoins, j’ai besoin de savoir pour certaines, ainsi Gloria Friedman pour son Painting as a pastime, installation montrant côte à côte des reproductions de paysages peints par Eisenhower, Churchill et Hitler. Suit de la même : Absurdistan, croix gammée constituée de quatre jambes en uniforme et bottées.
Cette exposition permet à certain(e)s de découvrir l’art contemporain. « Oh putain », s’exclame une fille découvrant la double hélice Adéhenne de Wim Delvoye confectionnée avec des crucifix. Plus loin, plusieurs hommes sont successivement à l’arrêt devant L’étui pour mobylette du même. Ils sont davantage intéressés par le contenu que par le contenant, prétendant tous avoir eu la même quand ils étaient jeunes.
Il va de soi que d’association d’idée en association d’idée l’exposition passe par le sexuel. Une tige appelle une tige tout comme une fente appelle une fente.
L’une de mes bonnes découvertes est un tableau de Mignard pas du tout dans le registre gnangnan, c’est violent et tragique: Le Temps coupant les ailes de l’Amour. Si je devais jouer le jeu des carambolages je mettrais à côté La Vierge corrigeant l’enfant Jésus devant trois témoins de Max Ernst.
Cette exposition due à Jean-Hubert Martin valait le détour, me dis-je en rejoignant à pied le quartier de l’Opéra Garnier. Les lieux de pouvoir sont plus que jamais protégés. Marchant avec mon blouson et mon gros sac à dos vers l’un des policiers lourdement armé, je compte sur mes cheveux gris pour ne pas lui paraître suspect. D’autres hommes en uniforme patrouillent avec des chiens. L’écran géant de la Grande Roue du roi des forains Marcel Campion est aux couleurs de la Belgique.
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Parmi les œuvres carambolées, la sculpture d’un animal sur une petite boîte, une bestiole en forme de saucisse noire à oreilles pendantes qui me rappelle l’Aboyus qui me crie dessus dès que je mets le pied dans le jardin. Il ne s’agit pas d’un chien, m’apprend l’écran. L’œuvre provient de l’Egypte ancienne, c’est un Sarcophage de musaraigne de basse époque. Aboyus est aussi de basse époque.