Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

Quand Gustave Flaubert était saisi par la débauche

9 juin 2020


Entraîné par Maxime Du Camp, Gustave Flaubert quitte sa mère en mil huit cent quarante-neuf pour un voyage en Orient qui va durer un an et demi et pendant lequel il va bien s’amuser, notamment avec sa broquette.
Dans sa correspondance, publiée sous le titre Lettres d’Orient par L’Horizon Chimérique avec un avant-propos de Pierre Bergounioux, que je viens de lire, il trouve plaisir à raconter ses frasques à ses amis, au premier rang desquels Louis Bouilhet.
A Louis Bouilhet, Le Caire, premier décembre mil huit cent quarante-neuf : Avant-hier nous fûmes chez une femme qui nous en fit baiser deux autres. (…) J’ai baisé sur une natte d’où s’est déplacée une nichée de chats, étrange coït que ceux où l’on se regarde sans pouvoir parler. Le regard est doublé par la curiosité de l’ébahissement. J’ai peu joui du reste, ayant la tête par trop excitée. Ces cons rasés font un drôle d’effet.
A Louis Bouilhet, à bord de notre cange, treize mars mil huit cent cinquante : Nous sommes maintenant, mon cher Monsieur, dans un pays où les femmes sont nues, et l’on peut dire avec le poète « comme la main », car pour tout costume elles n’ont que des bagues. J’ai baisé des filles de Nubie qui avaient des colliers de piastres d’or leur descendant jusque sur les cuisses, et qui portaient sur leur ventre noir des ceintures de perles de couleur. (…)
A Medinet-el-Fayoun nous avons logé chez un chrétien de Damas qui nous a donné l’hospitalité. Il y avait chez lui, logeant comme commensal habituel, un prêtre catholique qui m’a tout l’air de piner la dame du lieu.
A Théophile Gautier, Jérusalem, lundi treize août mil huit cent cinquante : Au Caire j’ai vu un singe masturber un âne. L’âne se débattait, le singe grinçait des dents, la foule regardait, c’était fort.
A Louis Bouilhet, Jérusalem, vingt août mil huit cent cinquante : A Beyrouth nous avons fait la connaissance d’un brave garçon, Camille Rogier, le directeur des postes du lieu. C’est un peintre de Paris, un de la clique Gautier, qui vit là en orientalisant. Cette rencontre intelligente nous a fait plaisir. Il a une jolie maison, un joli cuisinier, un vi énorme auprès duquel le tien est une broquette. (…) Il nous a donné une matinée de tendrons. J’ai foutu trois femmes et tiré quatre coups – dont trois avant de déjeuner, le quatrième après le dessert. (…) Le jeune Du Camp n’a tiré qu’un coup. Son vi lui faisait mal d’un reste de chancre gobé à Alexandrie avec une Valaque. J’ai du reste révolté les femmes turques par mon cynisme, en me lavant la pine devant la société.
A Louis Bouilhet, Damas, quatre septembre mil huit cent cinquante : Il se promène dans les bazars de Damas un drôle tout nu, c’est un santon. Qui veut, peut voir sa broquette. Je l’ai vue moi-même, et les femmes stériles la prennent et la baisent en passant par-là, tout en allant faire leurs courses et acheter quelques petites choses chez les fournisseurs. – L’année passée, il y en avait un qui faisait mieux. Il les couvrait coram populo
A Louis Bouilhet, Constantinople, quatorze novembre mil huit cent cinquante : Il faut que tu saches, mon cher monsieur, que j’ai gobé à Beyrouth (je m’en suis aperçu à Rhodes, patrie du dragon) VII chancres, lesquels ont fini par se réunir en deux, puis en un. – J’ai fait avec ça la route de Marmorisse à Smyrne à cheval. Chaque soir et matin je pansais mon malheureux vi. Enfin cela s’est guerry. Dans deux ou trois jours la cicatrice sera fermée. Je me soigne à outrance. Je soupçonne une Maronite de m’avoir fait ce cadeau, mais c’est peut-être une petite Turque. Est-ce la Turque ou la Chrétienne, qui des deux ? (…) voilà un des côtés de la question d’Orient que ne soupçonne pas La Revue des Deux-Mondes. (…)
A Mouglah, dans les environs du golfe de Cos, Maxime s’est fait polluer par un enfant (femelle) qui ignorait presque ce que c’était. C’était une petite fille de 12 à 13 ans environ. Il s’est branlé avec les mains de l’enfant posées sur son vi.
A Louis Bouilhet, Athènes, au Lazaret du Pirée, jeudi dix-neuf décembre mil huit cent cinquante : J’allais m’en aller quand la maîtresse du lieu a fait signe à mon drogman et l’on m’a conduit dans une chambre à part, très propre. Il y avait là, cachée derrière les rideaux et au lit, une toute jeune fille de 16 à 17 ans, blanche, brune, corsage de soie serré aux hanches, extrémités fines, figure douce et boudeuse. C’était la fille même de Madame, réservée exprès pour les grandes circonstances. Elle faisait des façons, on l’a forcée de rester avec moi. Mais quand nous avons été couchés ensemble et que mon index était déjà dans son vagin, après que ma main avait parcouru lentement deux belles colonnes d’albâtre couvertes de satin (style polisson empire), je l’entends qui me demande en italien à examiner mon outil pour voir si je ne suis pas malade. Or comme je possède encore à la base du gland une induration et que j’avais peur qu’elle ne s’en aperçût, j’ai fait le monsieur et j’ai sauté au bas du lit en m’écriant qu’elle me faisait injure, que c’était des procédés à révolter un galant homme, et je me suis en allé, au fond très embêté de n’avoir pas tiré un si joli coup, et très humilié de me sentir avec un vi in-présentable.
A Camille Rogier, Naples, onze mars mil huit cent cinquante et un : Ah ! tu as ri, vieux gredin, hôte perfide, au sujet de mon infortuné braquemard. Eh bien, sache qu’il est guarry pour le moment. A peine s’il y reste une légère induration, mais c’est la cicatrice du brave. Ça le rehausse de poésie. On voit qu’il a passé par des malheurs. (…) Je fous comme un âne débâté. Le contact seul de mon pantalon me fait entrer en érection. Un de ces jours je vais même m’abaisser jusqu’à enfiler la blanchisseuse qui trouve que je suis « molto gentile ». C’est peut-être le voisinage du Vésuve qui me chauffe le cul. Ce qui est certain c’est que je suis dans un furieux état que j’oserai qualifier de vénérien et même de lubrique. Et pour faire un calembour dans un état long. (…)
On m’a proposé des petites filles de dix ans, oui, monsieur, des enfants en bas âge, dont les nourrices sont sans doute en même temps les maquerelles. On m’a même proposé des mômes, ô mon ami. Mais j’ai refusé. (…) Je m’en tiens donc aux dames, aux femmes mûres, aux grosses femmes.
                                                                        *
L’amour est comme un besoin de pisser. Qu’on l’épanche dans un vase d’or ou dans un pot d’argile, il faut que ça sorte. Le hasard seul nous procure les récipients. (Gustave Flaubert, à Louis Bouilhet, le quatre septembre mil huit cent cinquante)