On bouge tôt au Fournil de Saint-Quay, de la lumière à deux heures trente, des employés à moto qui arrivent vers trois heures trente. Ce n’est pas le bruit qui me l’apprend mais un coup d’œil jeté par la fenêtre quand je me lève pour aller aux toilettes. Etre boulanger, c’est d’abord être courageux. Le Fournil de Saint-Quay, le Fournil du Port, le Fournil du Casino, c’est la même maison. Il y a aussi une quatrième boulangerie près de l’église où, apprends-je de Lisa, la serveuse du Quay des Brunes, c’est meilleur car pas surgelé. J’essaierai.
Le temps est gris, ça devrait s’améliorer. Le Poisson Rouge frétille comme un lundi. Des commerçants se souhaitent bon courage après leur café, eux qui ne fichent pas grand-chose. Etre assis derrière son comptoir, réceptionner des robes à dix euros, les mettre sur un portant, et les vendre quarante euros, c’est tout ce qu’ils font. J’attaque la correspondance de Paul-Jean Toulet avec un ami nommé Philipon. Entre avril et mai mil neuf cent dix-huit : J’ai eu très peu de nouveautés depuis que je suis malade et que j’ai quitté Paris en 1912, les pieds fort mal orientés.
Les miens me conduisent au Marché du Portrieux, mignonnet et cher, dont je fais le tour sans achat. Ils me portent ensuite aux Plaisanciers dans le Port d’Armor. C’est la réouverture après des vacances. Je réserve une table pour midi puis je vais me poser sur un banc abrité du vent face au Port du Portrieux, regarde passer qui va au marché et qui en revient, tout en poursuivant la lecture de la correspondance de Toulet avec son lecteur, Philipon, devenu son ami à distance.
Vers midi moins le quart, j’assiste à un départ groupé des bateaux de pêche pour la coquille avec à bord d’autres courageux. Jamais vu ça, un de ces bruits dans le port. J’entre aux Plaisanciers où je retrouve le buffet d’entrées inchangé avec ses bulots, ses crevettes, ses asperges, ses rillettes, ses quiches et tout le reste. Les mêmes serveuses, sympathiques et courageuses, sont là. Un qui n’est plus là, c’est le vieux qui avait le droit de manger avant l’heure et qu’on devait aider à remettre son manteau. Il déjeunait ici tous les jours, mort à n’en pas douter, ou quasiment. Le plat du jour est moyen, le dessert ça va, seize euros cinquante le tout.
Pour le café, comme il fait toujours gris, j’opte pour l’intérieur de L’Ecume où je trouve la serveuse en train de peindre le mur du fond. « Je suis désolée, me dit-elle, j’ai enlevé votre table. » « Je suis vexé », lui réponds-je m’asseyant ailleurs. A la télé, c’est la démission de Lecornu et de son gouvernement. Ça m’intéresse pas les quelques clients présents. Quand même, l’un à un autre : « Tu veux pas être Premier Ministre, toi qui sais pas quoi faire ? » Toute cette racaille me fera mourir, déclare Toulet. Il parle des bouquinistes. Plus loin, il termine une lettre ainsi : Je suis éreinté, souffrant, les pieds enflés et votre ami.
Les miens vont toujours bien. Quand à quatorze heures le soleil apparaît, je vais m’asseoir sur un banc bleu au-dessus de la plage de la Comtesse. La mer est retirée loin. Certains pêchent avec leurs pieds et le matériel adéquat. Une classe fait de même dans les rochers. Peu après quinze heures, c’est le défilé des bateaux de pêche regagnant le Port, que trois femmes du lieu observent derrière moi. « Y a les coquilles qui arrivent, ils ont le droit à combien de temps ? » « Une heure. » C’est le moment où se rassemblent les élèves pêcheurs à pied. Assis sur le sable, ils colloquent sur leur récolte.
Le temps est gris, ça devrait s’améliorer. Le Poisson Rouge frétille comme un lundi. Des commerçants se souhaitent bon courage après leur café, eux qui ne fichent pas grand-chose. Etre assis derrière son comptoir, réceptionner des robes à dix euros, les mettre sur un portant, et les vendre quarante euros, c’est tout ce qu’ils font. J’attaque la correspondance de Paul-Jean Toulet avec un ami nommé Philipon. Entre avril et mai mil neuf cent dix-huit : J’ai eu très peu de nouveautés depuis que je suis malade et que j’ai quitté Paris en 1912, les pieds fort mal orientés.
Les miens me conduisent au Marché du Portrieux, mignonnet et cher, dont je fais le tour sans achat. Ils me portent ensuite aux Plaisanciers dans le Port d’Armor. C’est la réouverture après des vacances. Je réserve une table pour midi puis je vais me poser sur un banc abrité du vent face au Port du Portrieux, regarde passer qui va au marché et qui en revient, tout en poursuivant la lecture de la correspondance de Toulet avec son lecteur, Philipon, devenu son ami à distance.
Vers midi moins le quart, j’assiste à un départ groupé des bateaux de pêche pour la coquille avec à bord d’autres courageux. Jamais vu ça, un de ces bruits dans le port. J’entre aux Plaisanciers où je retrouve le buffet d’entrées inchangé avec ses bulots, ses crevettes, ses asperges, ses rillettes, ses quiches et tout le reste. Les mêmes serveuses, sympathiques et courageuses, sont là. Un qui n’est plus là, c’est le vieux qui avait le droit de manger avant l’heure et qu’on devait aider à remettre son manteau. Il déjeunait ici tous les jours, mort à n’en pas douter, ou quasiment. Le plat du jour est moyen, le dessert ça va, seize euros cinquante le tout.
Pour le café, comme il fait toujours gris, j’opte pour l’intérieur de L’Ecume où je trouve la serveuse en train de peindre le mur du fond. « Je suis désolée, me dit-elle, j’ai enlevé votre table. » « Je suis vexé », lui réponds-je m’asseyant ailleurs. A la télé, c’est la démission de Lecornu et de son gouvernement. Ça m’intéresse pas les quelques clients présents. Quand même, l’un à un autre : « Tu veux pas être Premier Ministre, toi qui sais pas quoi faire ? » Toute cette racaille me fera mourir, déclare Toulet. Il parle des bouquinistes. Plus loin, il termine une lettre ainsi : Je suis éreinté, souffrant, les pieds enflés et votre ami.
Les miens vont toujours bien. Quand à quatorze heures le soleil apparaît, je vais m’asseoir sur un banc bleu au-dessus de la plage de la Comtesse. La mer est retirée loin. Certains pêchent avec leurs pieds et le matériel adéquat. Une classe fait de même dans les rochers. Peu après quinze heures, c’est le défilé des bateaux de pêche regagnant le Port, que trois femmes du lieu observent derrière moi. « Y a les coquilles qui arrivent, ils ont le droit à combien de temps ? » « Une heure. » C’est le moment où se rassemblent les élèves pêcheurs à pied. Assis sur le sable, ils colloquent sur leur récolte.



