Le Journal de Michel Perdrial
Le Journal de Michel Perdrial



Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

Un mercredi parisien sous les draches


Comme terrassée par une crise cardiaque, ma voisine de couloir dans le sept heures vingt-trois pour Paris git sur sa tablette. Elle dort, tandis que je lis (relis) avec grand plaisir Chambre obscure de Vladimir Nabokov, l’histoire d’une adolescente qui fait exploser un couple bourgeois (les hommes sont faibles).
Une matinée sans pluie est prévue pour la capitale ce mercredi. Ce pourquoi, je prends le bus Vingt-Neuf. Las, peu avant l’arrivée place de la Bastille, une grosse averse se déclenche. C’est sous le parapluie que je marche vers le Marché d’Aligre. Arrivé sur la place, le ciel devient soudain bleu. Les livres sont plus ou moins secs, ayant été à peu près protégés par les barnums. Il y en aurait un pour moi si je ne l’avais déjà.
Au Camélia, mon café bu, je lis dans Le Parisien la double page consacrée au fantôme du Lac d’Annecy, une femme mystérieusement disparue. Ça remonte à loin. Suicide ou féminicide, on ne sait pas. Ses affaires étaient sur la rive mais son corps n’a jamais été retrouvé. Quand on l’a cherché, on a utilisé pour la première fois un sonar et on a eu la surprise d’en trouver d’autres, coincés dans la végétation lacustre depuis des lustres. On ne sait pas dans quoi on se baigne.
C’est sous une nouvelle drache que je rejoins le Book-Off de Ledru-Rollin. Du monde encore ce jour, des vendeurs, des acheteurs et des curieux. Une femme regrette qu’on lui propose quarante centimes pièce pour ses dévédés alors que c’était un euro avant. Elle finit par l’accepter. Je quitte ce lieu avec peu de livres.
Au restaurant Au Diable des Lombards je choisis le tartare de saumon avocat pommes sautées (un étrange combo) et la tarte Tatin (excellente). Mes voisin(e)s, six trentenaires, se désolent d’avoir cette année reçu trois fois moins de messages de bonne année qu’auparavant. Je sors sous une nouvelle averse qui s’arrête avant que j’ouvre mon parapluie.
Au Book-Off de Saint-Martin, parmi les livres à un euro du sous-sol, je trouve un ouvrage provenant de la Bibliothèque de Courcouronnes. Je le remonte avec les quelques-uns pour moi. « C’est une erreur d’achat », me dit le jeune homme à la caisse. Il ajoute qu’il arrive que des bibliothèques vendent leurs livres. « Oui, mais dans ce cas, il y a un tampon Retiré de l’inventaire, celui-là a été volé. » Je n’ajoute pas qu’on pourrait les accuser de recel. L’employé le jette derrière lui, ne voulant pas discuter davantage. Courcouronnes ne reverra jamais son livre.
Quelle drache encore quand je sors. La station de métro Hôtel de Ville n’est pas loin mais j’y arrive bien mouillé. C’est terminé quand je sors de sous la terre à Quatre Septembre. Un café de comptoir au Bistrot d’Edmond et me voici au troisième Book-Off, le plus encombré de tous. 
Près de moi, des lycéennes se demandent quels achats faire. « J’ai acheté un livre sur les pervers narcissiques mais je l’ai pas lu », dit l’une. « Proust, c’est bien mais y a des longueurs », dit une autre un peu plus tard. Personnellement, je ne cherche rien et trouve peu.
Le retour est tranquille dans la voiture Cinq du seize heures quarante. J’y poursuis ma relecture de Chambre obscure. A l’arrivée il ne pleut pas mais au bout d’une centaine de mètres, je me prends une dernière drache. Rouennaise, celle-là. Elle vaut les parisiennes (ou l’inverse).
                                                                      *
Parmi les livres à un euro rapportés : Perfidies d’Ana Rossetti (Le Terrain Vague), Fugue de Marc Vernalis (Cheyne Editeur), Du Journal intime d’Henri-Frédéric Amiel (Complexe), La disparition de Majorana de Leonardo Sciascia (Allia) et Flaubert au Collège royal de Rouen sous la direction de Joëlle Robert (Cahiers Flaubert Maupassant).