Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

28 février 2017


Suite et fin de mes prélèvements dans les missives qu’envoya Colette à ses amis Hélène Jourdan-Morhange et Luc-Albert Moreau, publiées par les Editions des Femmes sous le titre Lettres à Moune et au Toutounet (1929-1954). Cette fois, c’est la guerre, deuxième mondiale. Plusieurs fois l’écrivaine évoque sa fille, Colette de Jouvenel, qui lui donne du fil à retordre (comme on ne dit plus).
Dis à Moune qu’Erna Redtenbacher, mise par erreur dans un camp, en a été arrachée, comme on arrache quelqu’un aux flammes, par son amie fidèle Christiane, -qui, en prodiguant tout ce qu’elle possédait d’argent, a réussi à l’emporter dans leur gîte de la Trinité-sur-Mer. Et là elles se sont suicidées. (Vingt-quatre juillet mil neuf cent quarante, Curemonte, Corrèze)
Auric a eu une jambe écrabouillée, le savais-tu ? Bombe avec Marie-Laure de Noailles et un officier d’occupation. Boîte de nuit, deux heures du matin, champagne : accident. (Vingt et un novembre mil neuf cent quarante, Paris)
J’ai de temps en temps des nouvelles de ma fille. Avec quelques enfants de son âge, elle veut fonder une revue. Laissez seul cinq minutes n’importe quel Jouvenel, il fonde une revue. Heureusement qu’elle n’a pas d’argent. (Même jour, même lieu)
Geneviève s’est fait un épanchement de synovie au genou à la gymnastique ; mais ce n’est pas grave, me dit-elle dans le téléphone. En tout cas, c’est beaucoup plus économique que les sports d’hiver. (Treize mars mil neuf cent quarante et un, Paris)
Ne trouvant pas une place dans l’autobus qui passe quai de Seine à Neuilly, elle est venue à califourchon sur le cadre d’un tandem, dont le propriétaire inconnu, hospitalisait déjà une dame, inconnue, sur le siège d’arrière ! On n’avait jamais, dit-elle, vu tant de cuisses sur un tandem. Et elle a payé vingt-cinq francs pour le plaisir d’avoir le KKK coupé en deux, mettons en quatre. (Neuf juin mil neuf cent quarante et un, Paris)
Pas de beurre. Il est vrai qu’il n’y a pas de viande non plus. Mes deux petites cultivatrices n’ont pas de beurre à cause de leurs vaches qui vont vêler. Qu’elles se dépêchent, au moins. (Huit octobre mil neuf cent quarante et un, Paris)
Ici, rien. Ma fille immine. Elle prétend venir avec une poignée de maquisards « vider » Lacan et reprendre son domicile. Il se peut qu’elle le tente. Et le surlendemain elle peut être arrêtée. Elle en a déjà assez de tout ce qu’elle a édifié là-bas, semble-t-il. Quand je vous dis, à toutes, que je suis seule à connaître cette fille d’ailleurs charmante… (Vingt-neuf septembre mil neuf cent quarante-quatre, Paris)
Si tu lis la mort accidentelle d’un Segonzac, sache que c’est le comte de ce nom. Il a été écrasé par la voiture du préfet de police.  (Six octobre mil neuf cent quarante-quatre, Paris)
La suite est intéressante itou, mais moins propice à des prélèvements personnels.
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Bombe. Faire la bombe. Faire la fête avec tous les excès que cela peut comporter. Expression périmée.
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Les Lettres à sa fille de Colette ont été publiées par Gallimard. Je les évoquerai ultérieurement.
 

27 février 2017


Quand mon téléphone sonne ce samedi matin et que j’entends la voix de celle avec qui je dois fêter une nouvelle fois mon anniversaire, je sais avant qu’elle ne s’exprime qu’un problème de train est la raison de son appel. « Quarante minutes de retard annoncées », me dit-elle. Cela alors que le train est à quai à Saint-Lazare. J’ai du mal à comprendre la Senecefe.
Je calme mon inquiétude en repassant au marché du Clos Saint-Marc, où je ne peux m’empêcher d’acheter un livre, et en profite pour passer à La Petite Auberge, rue Martainville, où j’ai retenu une table pour deux, afin de m’assurer que celle-ci est située dans un endroit tranquille.
Elle arrive avec un peu plus des quarante minutes de retard prévues. J’ai l’explication du mystère. Aucun train ne pouvant circuler vers Evreux Caen Cherbourg suite à l’incendie d’un poste d’alimentation électrique peut-être consécutif à un vol de métaux, son train a été retardé pour emmener des voyageurs vers ces villes, certains ont été déposés à Oissel, d’autres le seront au Havre, afin qu’ils puissent poursuivre en car jusqu’à Bernay ou Caen. Si quelqu’une est attendue là-bas pour un déjeuner au restaurant, c’est râpé.
Nous l’avons échappé belle (comme on dit). Déjà ce repas d’anniversaire a dû être repoussé d’une semaine car quand je suis allé réserver pour le dix-huit février à La Petite Auberge, le restaurateur m’a annoncé que ce ne serait pas possible.
-Nous serons en vacances.
-Vous n’avez pas le droit de faire ça, lui ai-je dit.
-Si, nous allons le faire.
Nous sommes heureux de nous retrouver et allons boire un café en ville avant qu’à la maison elle me remette son cadeau : cafés et produits dérivés.
A midi, nous nous installons à notre table tranquille. Rien ne change à La Petite Auberge. Le cadre est immuable, les menus toujours les mêmes, les prix stables, les serveurs aimables et efficaces. C’est comme si je n’avais pas un an de plus. Elle se laisse tenter par les escargots dont personnellement je ne peux me passer, puis c’est andouillette pour elle et entrecôte au camembert pour moi, avec un saladier de frites de la maison, trio de fromages pour moi, salade pour elle et, en dessert, je me laisse tenter par la crème brûlée qui pour elle est indispensable. Cela est accompagné de la coutumière Cuvée du Père Tranquille, un bordeaux qui ne nous déçoit jamais, tout comme la cuisine.
-Nous n’avons que quarante-deux couverts et sans me vanter une certaine réputation, il faut réserver, indique l’un des serveurs à des déçus qui ne peuvent trouver place.
Nous prenons café et thé au jardin où les jonquilles vont bientôt éclore puis allons en promenade sur les quais bas de la rive droite en direction de l’imposant bâtiment que j’irai visiter samedi prochain, croisant en chemin quelques dizaines de marcheurs attachés à des chiens, une opération publicitaire annoncée comme une  « promenade géante de chiens » et organisée par un service de gardiennage d’animaux.
Le temps ensemble nous est compté. A seize heures, elle a rendez-vous avec sa mère devant l’Opéra. Je la regarde monter les marches de l’escalier qui y mène. Arrivée en haut, elle me fait de la main un dernier au revoir.
 

25 février 2017


Moune et le Toutounet sont Hélène Jourdan-Morhange et Luc-Albert Moreau. La première fut musicienne avant d’être atteinte de la crampe des violonistes (c’est Maurice Ravel qui lui donna son surnom). Le second fut peintre et lithographe et épousa tardivement la première qui lui donna le surnom repris par l’écrivaine avec laquelle tous deux furent amis. D’où cette correspondance que publièrent les Editions des Femmes en mil neuf cent quatre-vingt-cinq sous le titre Lettres à Moune et au Toutounet (1929-1954).
Le style imagé de Colette s’y épanouit tout autant que dans ses récits et romans. En témoignent les extraits prélevés pendant ma lecture, dont voici la première partie. Nous sommes avant guerre, la deuxième mondiale, une période pendant laquelle Colette séjourne plusieurs fois dans l’Eure et en Seine-Inférieure :
Je suis allé deux fois en ville, et la deuxième fois, j’ai un peu écrasé, -non, bousculé de mon aile droite avant – le père de Giraud. Il a quatre-vingts ans et s’échappe comme un enfant en bas âge. J’ai eu une peur ! Sa femme était en fureur… contre lui. « Une paire de gifles, voilà ce qu’il mérite ! » L’autre jour on a dû le redescendre de l’Aïoli, il avait gravi la côte et n’avait plus la force de redescendre. « Ne le dites pas à ma femme ! » suppliait-il. (Vingt-cinq juin mil neuf cent trente et un, Saint-Tropez, faisant ses débuts de conductrice d’automobile)
Ce n’est pas un château, c’est une petite maison restauration. Ce n’est pas une demeure isolée, elle est dans le village. On ne voit pas la Seine, il n’y a pas assez de pente. Il n’y a pas de parc, c’est un jardin assez petit. Tout cela admis, nous ne sommes pas mal. (Douze mai mil neuf cent trente-neuf, Alizay (Eure), note infrapaginale : « Colette est allée au château d’Alizay, hostellerie située près de Rouen, pour travailler et se reposer. »)
Mais que les environs sont beaux ! La route de Saint-Pierre-du-Vauvray est littéralement embaumée de lilas. Les pommiers délirent. (Seize mai mil neuf cent trente-neuf, Les Andelys)
Devant l’établissement thermal, des orangers en fleurs luttaient courageusement ; ils étaient toujours vaincus. La bourgeoisie arthritique était pareille à elle-même. Mais cette année-là il y avait une petite bourgeoisicule de quatorze ans, qui changeait en criminels sadiques tous les hommes présents. (Vingt-sept juin mil neuf cent trente-neuf)
Ce matin, je regardais arriver, -d’où et par quels moyens ? –des familles étranges, pauvres, pourvues d’enfants, et qui n’avaient peut-être pas plus vu la mer que les natifs de Vidauban. Deux petites filles très petites avaient déjà choisi le souvenir qu’elles voulaient rapporter de la plage : des galets énormes, dans les trois kilos chacun. (Quatorze août mil neuf cent trente-neuf, Hôtel Métropole, Dieppe)
Oui, nous nous plaisons à Dieppe. C’est déjà assez démodé pour rejoindre les presse-papier et les porte-plume en os chantourné avec vue de la plage et les boites à ouvrage en coquillages. (…)
Calme, calme parfait, les émotions n’étant fournies que par la troupe Hitler-Mussolini-Staline, exercices acrobatiques, corde raide et jeu des couteaux. (Vingt-cinq août mil neuf cent trente-neuf, Hôtel Métropole, Dieppe)
 

24 février 2017


« Bonjour, excusez-moi, je voulais vous demander un petit service, si vous pouviez me remplir la bouteille d’eau ». La serveuse du Café du Faubourg accepte avec le sourire. Le quadragénaire à l’excellent français, porteur d’un gros sac à dos et de l’odeur insistante des hommes sans logis, remercie et retourne à la rue. Je termine mon café et entre chez Book-Off qui aura cet hiver snobé les soldes (comme moi en ce qui concerne l’achat de vêtements dont j’aurais pourtant bien eu besoin).
Ma pêche est maigre, mais au marché d’Aligre je suis heureux de constater que l’un des marchands de livres a renouvelé son stock. J’y trouve de quoi me plaire, notamment La Pute de la côte normande de Marguerite Duras (Editions de Minuit). A-t-on jamais publié sous forme de livre un texte plus court que celui-ci ? Il commence à la page sept et se termine page vingt. Chaque page comporte plus de blanc que de texte. Ce n’était à l’origine qu’un article dans Libération. Je ne sais pas encore ce que Marguerite y raconte, mais j’aime son titre.
A pied, je rejoins le boulevard Beaumarchais afin de me rapprocher de la rue de Turenne où une exposition m’appelle. La Chaise, gargote où je comptais déjeuner est fermée, et semble-t-il définitivement. Un peu plus loin dans la rue du Pont-aux-Choux, je passe devant Rachel’s qui met en vitrine un burgueur à onze euros nommé Impeach Donald Trump mais je préfère entrer rue Saint-Gilles dans le vietnamien Koh Samet où le menu est à douze euros quatre-vingts et le code ouifi Welcome.
Un autre solitaire y mange déjà. Bientôt arrive un jeune couple (Elle : « Je repense à notre appartement. Là où il faut pas se tromper, c’est que l’été il faut pas qu’il y fasse trop chaud et l’hiver il faut pas qu’il y fasse trop froid ». Lui, plongé dans son smartphone, ne répond pas) puis un couple de quinquagénaires en vacances (Elle : « Quand t’as ouvert le placard où y a l’électricité, t’as vu un balai ou un aspirateur ? » Lui, plongé dans son smartphone, cherche « s’il y a des trucs à faire dans le Marais »). Quand arrive un groupe multiculturel et complètement bilingue anglais/français composé de cinq jeunes femmes et d’un jeune homme, je ne peux plus suivre les conversations des deux duos et me concentre sur la bonne nourriture que m’apporte le serveur : nems de poulet, porc sauté à la sauce aigre douce, beignets aux pommes.
Je prends un café au comptoir d’un proche Péhemmu chinois puis entre au soixante-six de la rue de Turenne. Dans une cour en forme d’impasse, côté gauche, se tient la Galerie Frank Elbaz. Sous sa verrière, l’historienne Emmanuelle Polack propose l’exposition Des galeries d’art sous l’Occupation (une histoire de l’histoire de l’art).
Je confie mes sacs à l’aimable jeune femme de l’accueil et prends connaissance des documents affichés : consternantes caricatures, décrets officiels nazis ou français spoliant les galeristes juifs de leurs biens, articles de journaux relatant la vente des œuvres confisquées chez Drouot. « Le magasin le mieux achalandé bat actuellement tous les records de vente » titre la presse collaborationniste à propos de cette institution qui n’aura guère de comptes à rendre après la Libération, l’argent ainsi gagné ne sera pas rendu. Des films d’époque montrent Van Dongen exposé à la galerie Charpentier parlant avec la femme d’Otto Abetz. Jean Tissier, Arletty, Sacha Guitry et Colette (hélas) ne sont pas loin. Des panneaux expliquent quel sort fut fait aux galeristes juifs eux-mêmes et les difficultés qu’eurent les rares survivants et les familles des exterminés pour récupérer tableaux et meubles volés, parfois exposés dans des lieux prestigieux comme le Musée du Jeu de Paume.
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Près de Saint-Lazare, un tâcheron siglé Cé Discompte livre à vélo une machine à laver installée sur son dos, un degré de plus dans l’usage de la bicyclette comme moyen de transport à bas coût (pas de carburant, pas de frais de stationnement, un salaire médiocre pour le pédaleur).
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« Arrête de sans cesse polémiquer » (une branlotine à l’excellent français s’adressant à sa mère dans le deuxième Book-Off)
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Première fois que j’ai affaire aux gilets bleus de la gare Saint-Lazare. En bout de quai, munis de petites barrières dépliables, ils contrôlent le billet avant d’autoriser l’accès au train. Plus question de monter dans celui-ci avant qu’il ne soit officiellement affiché. C’est une idée d’Hervé Morin, Duc de Normandie, Centriste de Droite, qui vise la fraude. L’opération est confiée à une société privée.
 

23 février 2017


Demandant au Figaro l’adresse mail de l’un des traducteurs du Journal d’Andy Warhol afin que celui-ci tranche entre les diverses hypothèses concernant le sens du mot « tabs » qui apparaît dans la relation que fait l’artiste de sa rencontre avec Donald Trump en mil neuf cent quatre-vingt-un, je reçois celle-ci rapidement dans un mail signé par la secrétaire de la rédaction.
Las, quand j’écris à ce traducteur, mon message revient illico : « Failure Notice ». Je m’aperçois qu’il y a une erreur dans les initiales du prénom. Je corrige et recommence. Le problème persiste. Je récris au Figaro pour le signaler mais cette fois on ne me répond pas.
Que faire ? J’ai le numéro de téléphone fixe de l’autre traducteur qui réside en Eure-et-Loir, mais j’ai des scrupules à déranger quelqu'un de cette façon.
C’est alors que je reçois un mail d’un de mes lecteurs qui lève toute ambiguïté et donne raison à celle avec qui je fêterai à nouveau mon anniversaire ce samedi :
« Je vous confirme que Tab est une marque de soda diététique mise sur le marché en 1963 par Coca Cola. 
Dans le journal d'Andy Warhol, ces gens riches boivent du Tab pour garder la ligne, comme d'autres, de nos jours, boivent du Coca Light.
Dans le texte original, Tabs est écrit avec une majuscule, ce qui prouve bien qu'il s'agit d'une marque commerciale.
Par ailleurs, il est tout à fait possible, en anglais, de mettre un nom propre au pluriel. »
A l’appui de ses dires, mon correspondant joint un lien vers le texte original :
Had to meet Donald Trump at the office (cab $5.50). Marc Balet had set up this meeting. I keep forgetting that Marc gave up architecture to become an art director, but he still builds models at home, he told me. He’s designing a catalogue for all the stores in the atrium at the Trump Tower and he told Donald Trump that I should do a portrait of the building that would hang over the entrance to the residential part. So they came down to talk about that. Donald Trump is really good-looking. A girl named Evans was with him and another lady. It was so strange, these people are so rich. They talked about buying a building yesterday for $500 million or something. They raved about the Balducci’s lunch, but they just picked at it. I guess because they go around to so many things where there’s food. And they didn’t have drinks, they all just had Tabs. He’s a butch guy. Nothing was settled, but I’m going to do some paintings, anyway, and show them to them.
Ce texte en anglais figure sur le site de la maison de ventes d’œuvres d’art Phillips. Il accompagne l’un des dessins que fit Andy Warhol de la Trump Tower (estimation vingt mille à trente mille dollars).
C’est l’occasion de constater que la traduction est des plus fidèles. Ne manque que la majuscule à Tabs (ce dont le duo n’est peut-être pas responsable).
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Ce mercredi est le jour du trentième anniversaire de la mort d’Andy.
 

21 février 2017


Suite à l’incendie mortel du Cuba Libre et après les bars à cave, la commission de sécurité de la Mairie de Rouen s’intéresse aux bars à étage(s).
La Boîte à Bières, rue Cauchoise, vient d’en faire les frais. Les petites salles situées dans les étages qui faisaient son charme sont désormais fermées. Seule celle du rez-de-chaussée reste accessible tant qu’un deuxième escalier intérieur ou extérieur ne sera pas créé. Ça ne va pas être simple.  
S’il est dangereux, en cas d’incendie au rez-de-chaussée, d’être au premier ou au deuxième étage de ce bar installé dans un vieil immeuble à pans de bois, il en est de même pour les habitations du même type et logiquement il devrait être interdit d’y résider au-dessus du premier étage. Encore plus quand le bâtiment est inaccessible à la grande échelle des pompiers.
C’est le cas des appartements les plus hauts de la copropriété où j’habite, situés côté soleil, Vivre là, au-dessus du premier étage, c’est être certain ne pas pouvoir s’échapper en cas d’incendie, ni secouru par les pompiers. Il est néanmoins des intrépides pour le faire.
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Désolé Emmanuel ça ne va pas être possible. J’aurais peut-être pu aller voter pour toi au premier tour de la Présidentielle afin de pouvoir me dire que j’avais tout fait pour éviter le duel Le Pen Fillon au second tour (là ce sera sans moi), mais ce ouiquennede tu as dit trop de sottises (pour être poli) et je n’ai pas envie que tu m’aimes.
Faute de Macron, ce sera Hamon, sans y croire le moins du monde mais pour ennuyer (restons poli) Valls et Hollande d’un côté et Mélenchon de l’autre (Jean-Luc, tu n’es peut-être pas dans le corbillard, mais tu finiras quand même dans la fosse commune des perdants).
 

20 février 2017


L’autre lundi, vers neuf heures, un bruit de moteur m’amène à regarder ce qui se passe dans la ruelle. Un camion a réussi à reculer jusqu'à sous mes fenêtres. Ce n’est pas son moteur que j’entends, mais celui d’un groupe électrogène. Deux ouvriers serruriers y branchent une disqueuse avec laquelle, en quelques minutes, ils découpent la grille de jardin et le portail de la copropriété d’en face. Ils chargent les morceaux sur la plate-forme du camion et s’en vont.
Comme il serait facile d’entrer dans une propriété privée ainsi entourée, à la campagne, loin d’un voisinage susceptible d’être intrigué par le bruit, me dis-je. On se croit protégé et il n’en est rien.
Un peu plus tard, le même camion recule à nouveau dans la venelle, porteur des panneaux de la nouvelle grille. Les serruriers commencent par tronçonner la branche principale du seul arbre du minuscule jardin (elle gênait), puis ils vissent les panneaux dans le muret de pierre et les solidarisent entre eux.
Cette nouvelle grille ressemble à la précédente mais s’y ajoutent à son sommet des piques qui empêcheront de l’escalader et de passer par-dessus. J’ai vu autrefois un facteur remplaçant, n’ayant pas trouvé le bouton de sortie du jardin, se lancer ainsi au péril de sa vie après avoir jeté sa sacoche dans la rue.
Les serruriers s’en vont sans avoir mis le nouveau portail. Le lendemain matin, ils sont de retour pour ce faire mais quand je reviens de courses, j’ai la surprise de les voir déjà partis. Ce qui m’étonne encore plus, c’est qu’ils ont démonté et emporté tout ce qu’ils avaient installé.
Depuis une semaine, des grillages provisoires dissuadent d’entrer dans l’immeuble d’en face. Est-ce une procédure normale ou la conséquence d’une bévue qui oblige à reprendre le travail en atelier, je ne sais.
Ce qui est sûr, c’est que la pose puis la dépose des panneaux colorés sur la façade du Cent Huit, futur Hôtel de la Matmutropole, est la conséquence d’un mélange des pièces du peuzeule dont on ne s’est aperçu qu’au moment où presque tout était installé. Des jours de labeur pour rien qui amènent chacun à citer le proverbe « Faire et défaire, c’est toujours travailler » (que l’on attribue toujours à sa grand-mère).
 

18 février 2017


Un petit train tranquille sans guère de passagers m’emmène à Dieppe ce vendredi matin. A l’arrivée, je réserve la seule table ronde du restaurant La Musardière où l’on ne cuisine que des produits frais puis je vais boire un café au Tout Va Bien. Un peu après onze heures m’y rejoint le trio en vacances dans le coin. Pour une fois, je fête mon l’anniversaire en famille.
Avant ce déjeuner festif, j’emmène l’enfant et ses parents découvrir le quartier du Pollet. Nous y signons la pétition pour la sauvegarde de la Poste sise dans un bâtiment typique des années cinquante. Au marché des pêcheurs, mes invités demandent le prix des huîtres pied de cheval.
-Cinquante centimes pièce, leur répond-on.
Plus qu’à aller déposer le sac lourd dans le coffre de la voiture (treize pour le prix de dix).
Le coquetèle d’apéritif de La Musardière est un peu décevant mais la cuisine rattrape cela. L’une et moi-même avons opté pour les fruits de mer suivis d’un plat de poisson. Celui qui a choisi le vin (un sauvignon un peu trop frais) mange un tourteau. L’enfant dévore des moules à la crème et des frites de la maison. En dessert, ce sont deux crèmes brûlées, une tarte fine et une glace à la fraise. Quand même, nous sommes restés deux heures et demi à table, constatons-nous à la sortie.
J’emmène le trio jusqu’au numéro vingt-quatre de la rue des Maillots. Au Service Communication de la Ville de Dieppe se tient une exposition des photos que prend depuis son vaisseau spatial l’astronome Thomas Pesquet, enfant du pays. On y voit notamment la ville et son port. Je sers de secrétaire à l’enfant qui ne peut encore écrire elle-même sur le livre d’or : « C’est joli. C’est sympa. Ça m’intéresse l’espace. » Après qu’elle a écrit son nom et son âge, une employée lui offre des marque-pages représentant des demi poissons à rapprocher l’un de l’autre. De notre côté, nous puisons dans ceux qu’a édités la Ville de Dieppe à partir des photos de l’exposition.
Il est temps d’aller voir la mer de près et sa plage de galets où l’enfant découvre des œufs de dinosaure. Impossible de s'engager sur la jetée, la dernière tempête a emporté une partie de la rambarde. Après une halte au Café de la Marine, il est l’heure de se séparer. Le trio rejoint son gîte rural en voiture tandis qu’un petit train tranquille plus fréquenté que celui de l’aller me reconduit à Rouen. Dans mon sac se trouvent un petit cadeau qui se mange et un dessin d’enfant au verso d’une carte postale dieppoise.
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Les tabs évoqués (ou évoquées) par Andy Warhol dans son Journal ont fait cogiter plusieurs de mes lecteurs et lectrices.
Un premier a trouvé cette phrase sur le net: « Mind that the effects can be slowed down by fatty food and alcohol you take prior to the tab... », qui se traduit par: « Gardez à l'esprit que si vous prenez le comprimé après avoir pris des aliments gras et de l'alcool les effets peuvent être ralentis... ». Il serait plausible, en déduit-il, que ces messieurs dames, soucieux de leur ligne, se soient équipés de tablettes qui auraient la vertu d'annihiler les effets nocifs de l'alcool et des graisses quand ils mangeaient au restau...
Une deuxième m’indique que les tabs sont les languettes amovibles des canettes d'aluminium et que cela pourrait par métonymie désigner ces canettes elles-mêmes.
Une troisième va dans le même sens en m’apprenant que Tab est une marque de soda en canette appartenant à Coca Cola, l’ancêtre du Coca Light.
Un quatrième penche du côté de l’erreur de traduction : « To pick up the tab » signifiant « Payer l'addition ».
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Les traducteurs du Journal de Warhol sont deux: Jérôme Jacobs et Jean-Sébastien Stelhi. Le second travaille maintenant au Figaro. Je vais tenter de le contacter pour avoir le fin mot de cette histoire (comme on dit).
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Que Trump paie l’addition, ce ne serait que justice.
 

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