Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
4 juin 2025
Des averses annoncées, puis des orages possibles, ce mardi, je m’en tiens à un programme restreint : la visite d’Ingersheim, entre Wintzenheim et Turckheim.
La tactique pour avoir une place assise dans le bus F, c’est de le prendre dans l’autre sens à l’arrêt Saint-Joseph. Ce que je fais après avoir petit-déjeuner assis sur un muret près de la boulangerie Eric Colle. Le bus fait une petite boucle et ensuite seulement se remplit de ses scolaires.
Je descends à l’arrêt Théâtre et cherche à retrouver le Crédit à Bricoles. J’ai besoin d’un certain temps et de l’aide d’un balayeur municipal alors qu’il est derrière la Collégiale. Cette errance me permet de revoir les belles rues de Colmar à une heure où elles sont désertes.
De retour au Théâtre, j’attends le bus A, pas celui qui va à Turckheim, son jumeau qui va à Ingersheim. Un simplet s’adresse aux chauffeurs de tous les bus qui s’arrêtent pour leur dire qu’il ne veut pas s’en aller. Deux contrôleurs arrivent. Je leur demande si on peut aller à Eguisheim à pied depuis le terminus de la ligne F comme je l’ai lu sur Internet. Ils ne me le conseillent pas, c’est loin, ça monte, on se perd, on peut facilement se retrouver sur la nationale.
Je descends à Ingersheim Centre. Ce bourg possède un édifice vraiment remarquable : l'église Saint-Barthélémy, de style baroque, dont le clocher roman est à bulbe allongé. C’est unique en Europe.
En dehors de ça, de fort belles maisons colorées comme partout en Alsace. Je demande à une autochtone s’il y a un restaurant dans le pays. Il y en a deux, un avant le pont et un après le pont. Je vais voir. Le premier est fermé. Le second est invisible.
Un bus retour se présente. J’y monte et descends à Champ-de-Mars, passe réserver chez Meistermann et m’installe à la terrasse du Café Rapp sous un soleil voilé, un café, un verre d’eau et Balzac. Près de moi, deux vieux qui ne se rendent pas compte à quel point ils yoyotent. « Alors quoi de neuf ? » « Rien, la routine, on ne peut pas inventer quelque chose tous les jours. » Ils en viennent à nourrir les moineaux. La fin de leur vie active n’a pas été paisible. L’un qui travaillait en collège ne supportait plus les cris des filles dans les couloirs, il a terminé en burne-août. L’autre n’a pas pu répondre au téléphone pendant un an. La bande-son du jour est constituée de succès des années soixante remixés, de La Belle Vie de Sacha Distel à Le Temps de l’Amour de Françoise Hardy.
Chez Meistermann, au menu du jour c’est salade de cervelas, ribs de poulet et un petit cœur dont je ne me souviens plus du nom. Des restaurants dans lesquels j’ai mangé depuis le début de mon séjour, c’est le seul où l’on cuisine.
Je reprends un bus F et en descends à l’arrêt Manufacture qui dessert un Intermarché. C’est là que je fais mes courses. Il est un peu trop grand à mon goût mais on n’attend jamais à la caisse. Quand j’en ai terminé, j’attends le bus F suivant et arrive avant l’orage. Le ciel est noir, ça va finir par tomber, peut-être.
*
A Ingersheim comme ailleurs, des domaines viticoles invitent à la dégustation. Ce n’est pas l’envie qui m’en manque mais ce n’est pas un endroit où entrer seul quand on n’a pas l’intention d’acheter. Et puis, si j’osais, écouter les explications du vigneron sur chacun de ses vins, c’est au-dessus de mes forces.
La tactique pour avoir une place assise dans le bus F, c’est de le prendre dans l’autre sens à l’arrêt Saint-Joseph. Ce que je fais après avoir petit-déjeuner assis sur un muret près de la boulangerie Eric Colle. Le bus fait une petite boucle et ensuite seulement se remplit de ses scolaires.
Je descends à l’arrêt Théâtre et cherche à retrouver le Crédit à Bricoles. J’ai besoin d’un certain temps et de l’aide d’un balayeur municipal alors qu’il est derrière la Collégiale. Cette errance me permet de revoir les belles rues de Colmar à une heure où elles sont désertes.
De retour au Théâtre, j’attends le bus A, pas celui qui va à Turckheim, son jumeau qui va à Ingersheim. Un simplet s’adresse aux chauffeurs de tous les bus qui s’arrêtent pour leur dire qu’il ne veut pas s’en aller. Deux contrôleurs arrivent. Je leur demande si on peut aller à Eguisheim à pied depuis le terminus de la ligne F comme je l’ai lu sur Internet. Ils ne me le conseillent pas, c’est loin, ça monte, on se perd, on peut facilement se retrouver sur la nationale.
Je descends à Ingersheim Centre. Ce bourg possède un édifice vraiment remarquable : l'église Saint-Barthélémy, de style baroque, dont le clocher roman est à bulbe allongé. C’est unique en Europe.
En dehors de ça, de fort belles maisons colorées comme partout en Alsace. Je demande à une autochtone s’il y a un restaurant dans le pays. Il y en a deux, un avant le pont et un après le pont. Je vais voir. Le premier est fermé. Le second est invisible.
Un bus retour se présente. J’y monte et descends à Champ-de-Mars, passe réserver chez Meistermann et m’installe à la terrasse du Café Rapp sous un soleil voilé, un café, un verre d’eau et Balzac. Près de moi, deux vieux qui ne se rendent pas compte à quel point ils yoyotent. « Alors quoi de neuf ? » « Rien, la routine, on ne peut pas inventer quelque chose tous les jours. » Ils en viennent à nourrir les moineaux. La fin de leur vie active n’a pas été paisible. L’un qui travaillait en collège ne supportait plus les cris des filles dans les couloirs, il a terminé en burne-août. L’autre n’a pas pu répondre au téléphone pendant un an. La bande-son du jour est constituée de succès des années soixante remixés, de La Belle Vie de Sacha Distel à Le Temps de l’Amour de Françoise Hardy.
Chez Meistermann, au menu du jour c’est salade de cervelas, ribs de poulet et un petit cœur dont je ne me souviens plus du nom. Des restaurants dans lesquels j’ai mangé depuis le début de mon séjour, c’est le seul où l’on cuisine.
Je reprends un bus F et en descends à l’arrêt Manufacture qui dessert un Intermarché. C’est là que je fais mes courses. Il est un peu trop grand à mon goût mais on n’attend jamais à la caisse. Quand j’en ai terminé, j’attends le bus F suivant et arrive avant l’orage. Le ciel est noir, ça va finir par tomber, peut-être.
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A Ingersheim comme ailleurs, des domaines viticoles invitent à la dégustation. Ce n’est pas l’envie qui m’en manque mais ce n’est pas un endroit où entrer seul quand on n’a pas l’intention d’acheter. Et puis, si j’osais, écouter les explications du vigneron sur chacun de ses vins, c’est au-dessus de mes forces.
3 juin 2025
Un orage dans la nuit, suivi d’averses, d’autres sont annoncées pour ce lundi. Je maintiens mon envie de (re)visiter Turckheim (tout aussi intéressante que Riquewihr et nettement moins touristique, dit Le Routard qui a toujours raison).
Pour ce faire, je prends, en bas de mon logis temporaire, le bus F jusqu’à l’arrêt Théâtre, puis le bus A, dont je descends à République. Deux bus emplis de scolaires de différents âges, dont quelques jolies lycéennes. Ce trajet en bus jusqu’à Turckheim est peu agréable, qui passe par la périphérie moche de Colmar, et bien plus long qu’avec le petit train Fluo de Metzeral.
L’arrêt République est en face de la Porte de France au grand sourire. Celle-ci franchie, je trouve la boulangerie Husser où je me procure auprès de l’aimable boulangère un pain au chocolat et un grand café (trois euros soixante-cinq). Je les consomme sur un banc face à l’ancien Corps de Garde que se partagent l’Office de Tourisme et la Police Municipale. De ce bâtiment sort toujours le veilleur de nuit, devenu attraction touristique.
Je vais voir l’Hôtel-de-Ville et l’église Sainte-Anne puis entreprends le tour de Turckheim par l’ancien chemin de ronde qui passe par la Porte du Brand et par la Porte de Munster. Alors que je m’apprête à photographier cette dernière surgit quelqu’un. C’est souvent ce qui arrive. « Là, il va falloir attendre », me dit celle qui s’approche. « A moins que vous me vouliez sur la photo », ajoute-t-elle. « Je ne le souhaite pas », lui dis-je. « Une vigneronne pourtant ! », réplique-t-elle.
Je reviens par la Grand’Rue qui est dotée de plusieurs maisons à oriel. Elle aboutit au Corps de Garde et à sa fontaine. J’entre à l’Office du Tourisme. Une gentille dame me donne un plan des balades à faire autour du bourg puis je m’assois sur le banc en pierre pour écrire le début de ma journée. Il est bientôt dix heures. Deux classes maternelles sont en sortie. Elles me rappellent mon passé.
Le Restaurant de la Tour est maintenant ouvert. Je m’installe en terrasse et commande un café verre d’eau (deux euros vingt). C’est le moment de sortir Balzac de mon sac Ma chère petite fille, tu n’auras pas grand-chose du Noré aujourd’hui, il est deux heures, j’ai corrigé 2 chapitres et fais 11 feuillets, je suis bien fatigué.
A onze heures, c’est l’averse, que m’évite l’auvent. Une drache phénoménale qui fait rappliquer tous les alentours. Je reste donc lire à l’abri, ayant réservé une table à l’intérieur pour le déjeuner. Passe une autre classe maternelle, des enfants encordés et trempés. « Le Syndicat d’Initiative, il est où ? » demande une touriste. « Aucune idée », répond la jeune serveuse. J’étais enfant quand les Offices de Tourisme s’appelaient des Syndicats d’Initiative (je me souviens de celui de Louviers). « Ades et Fils depuis 1936, choucroute navets salés », est-il écrit sur une camionnette venue de Krautergersheim livrer les restaurateurs.
Un peu avant midi se produit une éclaircie. Le vaste établissement est tout en bois à l’intérieur. Je m’assois à la table qui m’est impartie. Pour quatorze euros, la formule du jour impose une tranche de pâté avec carottes râpées et un stèque avec des pommes dauphine et une salade. C’est minimal mais j’aime cet endroit où le personnel fourmille, s’occupant de la même façon des touristes, des ouvriers et des vieux habitués. J’améliore mon repas avec un quart d’edelzwicker à six euros. A la table voisine sont deux frères avec leur mère, à moins que ce soit un couple d’homos avec la mère de l’un d’eux, car j’entends l’un la vouvoyer. L’autre me jette des regards haineux, je dois lui rappeler son père.
*
Turckheim n’a pas changé. C’est un plaisir d’être pratiquement le seul à en parcourir les rues à neuf heures du matin. Elle serait parfaite si on y interdisait les voitures.
Pour la visiter, j’ai un joli plan « en relief » dû à Eugène Noack où est dessinée chacune de ses constructions (maisons ou autres).
Pour ce faire, je prends, en bas de mon logis temporaire, le bus F jusqu’à l’arrêt Théâtre, puis le bus A, dont je descends à République. Deux bus emplis de scolaires de différents âges, dont quelques jolies lycéennes. Ce trajet en bus jusqu’à Turckheim est peu agréable, qui passe par la périphérie moche de Colmar, et bien plus long qu’avec le petit train Fluo de Metzeral.
L’arrêt République est en face de la Porte de France au grand sourire. Celle-ci franchie, je trouve la boulangerie Husser où je me procure auprès de l’aimable boulangère un pain au chocolat et un grand café (trois euros soixante-cinq). Je les consomme sur un banc face à l’ancien Corps de Garde que se partagent l’Office de Tourisme et la Police Municipale. De ce bâtiment sort toujours le veilleur de nuit, devenu attraction touristique.
Je vais voir l’Hôtel-de-Ville et l’église Sainte-Anne puis entreprends le tour de Turckheim par l’ancien chemin de ronde qui passe par la Porte du Brand et par la Porte de Munster. Alors que je m’apprête à photographier cette dernière surgit quelqu’un. C’est souvent ce qui arrive. « Là, il va falloir attendre », me dit celle qui s’approche. « A moins que vous me vouliez sur la photo », ajoute-t-elle. « Je ne le souhaite pas », lui dis-je. « Une vigneronne pourtant ! », réplique-t-elle.
Je reviens par la Grand’Rue qui est dotée de plusieurs maisons à oriel. Elle aboutit au Corps de Garde et à sa fontaine. J’entre à l’Office du Tourisme. Une gentille dame me donne un plan des balades à faire autour du bourg puis je m’assois sur le banc en pierre pour écrire le début de ma journée. Il est bientôt dix heures. Deux classes maternelles sont en sortie. Elles me rappellent mon passé.
Le Restaurant de la Tour est maintenant ouvert. Je m’installe en terrasse et commande un café verre d’eau (deux euros vingt). C’est le moment de sortir Balzac de mon sac Ma chère petite fille, tu n’auras pas grand-chose du Noré aujourd’hui, il est deux heures, j’ai corrigé 2 chapitres et fais 11 feuillets, je suis bien fatigué.
A onze heures, c’est l’averse, que m’évite l’auvent. Une drache phénoménale qui fait rappliquer tous les alentours. Je reste donc lire à l’abri, ayant réservé une table à l’intérieur pour le déjeuner. Passe une autre classe maternelle, des enfants encordés et trempés. « Le Syndicat d’Initiative, il est où ? » demande une touriste. « Aucune idée », répond la jeune serveuse. J’étais enfant quand les Offices de Tourisme s’appelaient des Syndicats d’Initiative (je me souviens de celui de Louviers). « Ades et Fils depuis 1936, choucroute navets salés », est-il écrit sur une camionnette venue de Krautergersheim livrer les restaurateurs.
Un peu avant midi se produit une éclaircie. Le vaste établissement est tout en bois à l’intérieur. Je m’assois à la table qui m’est impartie. Pour quatorze euros, la formule du jour impose une tranche de pâté avec carottes râpées et un stèque avec des pommes dauphine et une salade. C’est minimal mais j’aime cet endroit où le personnel fourmille, s’occupant de la même façon des touristes, des ouvriers et des vieux habitués. J’améliore mon repas avec un quart d’edelzwicker à six euros. A la table voisine sont deux frères avec leur mère, à moins que ce soit un couple d’homos avec la mère de l’un d’eux, car j’entends l’un la vouvoyer. L’autre me jette des regards haineux, je dois lui rappeler son père.
*
Turckheim n’a pas changé. C’est un plaisir d’être pratiquement le seul à en parcourir les rues à neuf heures du matin. Elle serait parfaite si on y interdisait les voitures.
Pour la visiter, j’ai un joli plan « en relief » dû à Eugène Noack où est dessinée chacune de ses constructions (maisons ou autres).
2 juin 2025
A mon arrivée dans le centre de Colmar avec mon pain au chocolat de chez Schwartz à la main, une Japonaise m’appelle à l’aide rue des Boulangers (où il n’y en a pas). Sa clé est coincée dans sa porte. Elle ne peut pas l’ouvrir. Après plusieurs essais, je réussis à ouvrir mais je dois l’abandonner avec la clé coincée dans la serrure.
Le ciel est redevenu bleu ce dimanche après l’orage d’hier en fin d’après-midi, de l’eau et quelques coups de tonnerre. Moins de bruit qu’en ont fait dans la nuit les feux d’artifice et les claque-sons des fanatisés fêtant la victoire à Munich de l’équipe parisienne du Qatar. A mon lever, à la télé, c’était un défilé de mâles excités par ce qu’ils disent être leur victoire. Je me réjouis de ne pas être à Paris.
J’attends sur un banc de la place de la Cathédrale qu’il soit huit heures. Quand la cloche sonne, je m’installe à la terrasse du Jupiter Café pour un rallongé verre d’eau. Deux Japonaises s’y assoient aussi, simplement pour se faire photographier par leurs maris. Le cafetier d’en face finit d’installer la sienne. A Colmar, on ne peut pas se permettre de laisser les terrasses dehors la nuit, comme à Saint-Raphaël
C’est le premier jour de juin, celui où commence mon abonnement d’un mois aux bus Trace. Je prends le premier B pour Wintzenheim, commune limitrophe de Colmar, à huit heures trente-neuf, près du Théâtre, au quai Deux. Ce bus emporte des évangélistes vers leur lieu de culte. J’y suis seul quand je descends à l’arrêt Mairie.
L’église Saint-Laurent est là aussi, que je photographie. Je remonte ensuite la rue principale quasi déserte. Elle est bordée de temps à autre de bâtiments remarquables. D’autres sont étranges, un Bar Américain (fermé), l’Hôtel Restaurant Cristal doté d’une pancarte « Ouvert par décision du Tribunal », dans lequel j’entre. Une affichette annonce « Restaurant fermé faute de personnel ». Une vieille femme portant un masque anti-Covid bien qu’elle soit seule m’indique son concurrent, Le Bon Coin, près de l’église.
Je continue à monter jusqu’à atteindre la Chapelle Notre-Dame-du-Bon-Secours puis je redescends. Aucun Bon Coin n’est visible près de l’église. Je vais plus bas où est un Péhemmu avec terrasse ombragée nommé Dart’s Café (va savoir pourquoi). J’y bois un café verre d’eau à un euro soixante. Il fait chaud, lourd. Les nuages montent. Un autochtone m’indique comment trouver Le Bon Coin qui est dans un coin un peu caché. Ce n’est pas loin, il faut prendre la route indiquant Logelbach à trois kilomètres.
« C’est déjà complet », m’apprend la dame dont la tête m’apparaît par une sorte de passe-plat donnant sur la rue. Avec un menu du dimanche à dix-sept euros cinquante, ce n’est guère étonnant. En plus, cette winstub est toute petite.
J’attends donc, sur le banc face à la Mairie, le bus retour d’onze heures vingt et une, regardant passer les bicyclistes du dimanche et une anorexique avec un sac Palais de Tokyo. « Je trace en mode sans contact », est-il écrit dans les bus Trace. Les chauffeurs et les passagers sont émoustillés par le passage du ticket en carton à la carte à biper. Je descends à l’arrêt Champ-de-Mars et, faute de force pour aller plus loin, déjeune au Café Rapp d’un bœuf gros sel à dix-neuf euros que je dois payer en liquide car l’orage hier a fait sauter le Tépéheu.
Le bus F qui dessert mon logis Air Bibi ne circule pas le dimanche. Un nouvel orage menace. La chaleur m’épuise. J’ai les pieds gonflés. Il faut pourtant que je rentre.
*
Logelbach est un quartier excentré de Wintzenheim. C’est là que Tomi Ungerer a vécu quand il était enfant. Une salle communale porte aujourd'hui son nom, laquelle peut être louée pour les fêtes de famille.
Avant de partir, j’ai trouvé au Clos Saint-Marc, acheté dix euros au bouquiniste fils de bouquiniste, Mon Alsace, texte de Paul Boeglin, dessins de Tomi Ungerer, paru à La Nuée Bleue, où il est bien sûr question de son enfance à Wintzenheim.
Le ciel est redevenu bleu ce dimanche après l’orage d’hier en fin d’après-midi, de l’eau et quelques coups de tonnerre. Moins de bruit qu’en ont fait dans la nuit les feux d’artifice et les claque-sons des fanatisés fêtant la victoire à Munich de l’équipe parisienne du Qatar. A mon lever, à la télé, c’était un défilé de mâles excités par ce qu’ils disent être leur victoire. Je me réjouis de ne pas être à Paris.
J’attends sur un banc de la place de la Cathédrale qu’il soit huit heures. Quand la cloche sonne, je m’installe à la terrasse du Jupiter Café pour un rallongé verre d’eau. Deux Japonaises s’y assoient aussi, simplement pour se faire photographier par leurs maris. Le cafetier d’en face finit d’installer la sienne. A Colmar, on ne peut pas se permettre de laisser les terrasses dehors la nuit, comme à Saint-Raphaël
C’est le premier jour de juin, celui où commence mon abonnement d’un mois aux bus Trace. Je prends le premier B pour Wintzenheim, commune limitrophe de Colmar, à huit heures trente-neuf, près du Théâtre, au quai Deux. Ce bus emporte des évangélistes vers leur lieu de culte. J’y suis seul quand je descends à l’arrêt Mairie.
L’église Saint-Laurent est là aussi, que je photographie. Je remonte ensuite la rue principale quasi déserte. Elle est bordée de temps à autre de bâtiments remarquables. D’autres sont étranges, un Bar Américain (fermé), l’Hôtel Restaurant Cristal doté d’une pancarte « Ouvert par décision du Tribunal », dans lequel j’entre. Une affichette annonce « Restaurant fermé faute de personnel ». Une vieille femme portant un masque anti-Covid bien qu’elle soit seule m’indique son concurrent, Le Bon Coin, près de l’église.
Je continue à monter jusqu’à atteindre la Chapelle Notre-Dame-du-Bon-Secours puis je redescends. Aucun Bon Coin n’est visible près de l’église. Je vais plus bas où est un Péhemmu avec terrasse ombragée nommé Dart’s Café (va savoir pourquoi). J’y bois un café verre d’eau à un euro soixante. Il fait chaud, lourd. Les nuages montent. Un autochtone m’indique comment trouver Le Bon Coin qui est dans un coin un peu caché. Ce n’est pas loin, il faut prendre la route indiquant Logelbach à trois kilomètres.
« C’est déjà complet », m’apprend la dame dont la tête m’apparaît par une sorte de passe-plat donnant sur la rue. Avec un menu du dimanche à dix-sept euros cinquante, ce n’est guère étonnant. En plus, cette winstub est toute petite.
J’attends donc, sur le banc face à la Mairie, le bus retour d’onze heures vingt et une, regardant passer les bicyclistes du dimanche et une anorexique avec un sac Palais de Tokyo. « Je trace en mode sans contact », est-il écrit dans les bus Trace. Les chauffeurs et les passagers sont émoustillés par le passage du ticket en carton à la carte à biper. Je descends à l’arrêt Champ-de-Mars et, faute de force pour aller plus loin, déjeune au Café Rapp d’un bœuf gros sel à dix-neuf euros que je dois payer en liquide car l’orage hier a fait sauter le Tépéheu.
Le bus F qui dessert mon logis Air Bibi ne circule pas le dimanche. Un nouvel orage menace. La chaleur m’épuise. J’ai les pieds gonflés. Il faut pourtant que je rentre.
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Logelbach est un quartier excentré de Wintzenheim. C’est là que Tomi Ungerer a vécu quand il était enfant. Une salle communale porte aujourd'hui son nom, laquelle peut être louée pour les fêtes de famille.
Avant de partir, j’ai trouvé au Clos Saint-Marc, acheté dix euros au bouquiniste fils de bouquiniste, Mon Alsace, texte de Paul Boeglin, dessins de Tomi Ungerer, paru à La Nuée Bleue, où il est bien sûr question de son enfance à Wintzenheim.
1er juin 2025
Sur le banc de la halte ferroviaire Saint-Joseph, je petit-déjeune ce samedi d’un pain au chocolat et d’un café long de chez Eric Colle (trois euros quatre-vingts le tout) en attendant le petit train Fluo de sept heures trente et une, terminus Metzeral. La journée est annoncé chaude, trente-trois degrés en Alsace. Pour l’instant, c’est la fraîcheur matinale. Une fille en tenue de coureuse et une fille à trottinette électrique montent également dans le train. Tout au long du trajet, dans les prés, par-ci par-là, des cigognes.
Je descends à Muhlbach-sur-Munster devant le Musée de la Schlitte qui fête ses cinquante ans et n’ouvre qu’en été au moment où une montgolfière se pose dans un champ près de la Gare. Je monte voir les deux églises reconstruites après les destructions de la Première Guerre Mondiale, la catholique à clocher à bulbe et la protestante de style néo roman.
Après cette dernière se trouve Au Petit Schlitteur, une boulangerie pâtisserie salon de thé qui ouvre chaque jour à quatre heures trente (six heures le dimanche), un horaire fait pour moi. J’y prends un second petit-déjeuner à trois euros quatre-vingts en terrasse face à la montagne dans laquelle sont des ferme-auberges. Je demande à deux naturels du pays qui fument à côté si elles sont vraiment loin. « Deux heures et demie, trois heures à pied, et ça grimpe ! » Un panneau prévient les bicyclistes que la pente est de cinq virgule vingt pour cent. C’est le meilleur pain au chocolat que j’ai mangé depuis le début de mon séjour.
Je ne sais pas si j’en ai le droit, mais je décide de fractionner mon retour. Il fait déjà chaud quand je redescends jusqu’à la Gare de Muhlbach. J’attends le petit train Fluo de neuf heures vingt et une à une table de pique-nique près d’une basse-cour où un dindon fait la roue. Sur cette table traîne un livre de Musso Que serais-je sans toi ?, titre volé à Aragon, des mots entendus au moins deux fois en ce qui me concerne, et puis …
Le petit train Fluo passe d’abord dans l’autre sens, puis revient. Y monte aussi une femme à panier d’osier. Je suppose qu’elle va au marché à Saint-Joseph. En quoi je me trompe car elle descend comme moi à Munster où c’est aussi jour de marché sur la place devant l’église. J’achète des bananes à deux euros quatre-vingt-dix le kilo puis suis découragé par la file devant le fromager. Ce n’est pas à regretter car un fromage se serait transformé dans mon sac en cervelle de Sancho Pança.
A la terrasse de l’Hôtel Restaurant de la Cigogne, heureusement à l’ombre, je demande un expresso (deux euros dix). Il m’est servi par une dame aimable. Je lis là Balzac Aussitôt La Cousine Bette finie, je vous irai voir, et je reviendrai faire Les Paysans. Beaucoup trop de voitures traversent la ville vers « Toutes directions », parmi lesquelles des Mercedes de collection sérigraphiées « Tour d’Elsass », une giclée de décapotées garnies de passagères à chapeaux.
A onze heures, je me transfère au Parc Hartmann, où je pelais l’autre jour, où j’ai trop chaud aujourd’hui. Je poursuis ma lecture sur un banc à l’ombre. Le surnom que donnent à Balzac Madame Hanska, sa fille Anna et son futur gendre : Bilboquet. Lui-même, quand il parle de lui à la troisième personne se nomme le Noré.
« L’artiste ! », c’est par ce nom que m’accueille l’une des serveuses à l’entrée de Côté Gare. « C’est ce que je vous ai déjà dit l’autre jour. » « Je n’avais pas entendu. » Je déjeune d’une pizza montagnarde à seulement onze euros, vraiment bonne, la meilleure que j’ai mangée depuis longtemps. La serveuse qui me prend pour un artiste me gratifie de son plus beau sourire lorsque je m’en vais. Elle ne manque pas de charme malgré son visage un peu ridé. Elle a du être jolie quand elle était plus jeune.
J’ai une heure pour lire au Parc avant mon petit Fluo de retour. Tous ne s’arrêtent pas à Saint-Joseph. Il ne faut pas se louper, sous peine d’avoir à rentrer à pied de la Gare de Colmar sous le soleil ardent. Je me suis fait raser la tête (…) La chaleur me rendait mes cheveux longs insupportables. raconte le Noré. Je ne suivrai quand même pas cet exemple.
*
Comme partout, la nuisance sonore des groupes de motards du ouiquennede. Leurs regards méprisants lorsque vrombissent les moteurs d’une autre tribu. Même dans leur groupe, ils ne s’aiment pas : « Faut toujours que t’attendes le dernier moment pour aller pisser ! ».
*
Aucun personnel de bord dans le train Colmar Metzeral. Je ne sais, parmi celles et ceux qui l’empruntent, qui a un billet, qui n’en a pas. Ça n’incite pas à payer.
Je descends à Muhlbach-sur-Munster devant le Musée de la Schlitte qui fête ses cinquante ans et n’ouvre qu’en été au moment où une montgolfière se pose dans un champ près de la Gare. Je monte voir les deux églises reconstruites après les destructions de la Première Guerre Mondiale, la catholique à clocher à bulbe et la protestante de style néo roman.
Après cette dernière se trouve Au Petit Schlitteur, une boulangerie pâtisserie salon de thé qui ouvre chaque jour à quatre heures trente (six heures le dimanche), un horaire fait pour moi. J’y prends un second petit-déjeuner à trois euros quatre-vingts en terrasse face à la montagne dans laquelle sont des ferme-auberges. Je demande à deux naturels du pays qui fument à côté si elles sont vraiment loin. « Deux heures et demie, trois heures à pied, et ça grimpe ! » Un panneau prévient les bicyclistes que la pente est de cinq virgule vingt pour cent. C’est le meilleur pain au chocolat que j’ai mangé depuis le début de mon séjour.
Je ne sais pas si j’en ai le droit, mais je décide de fractionner mon retour. Il fait déjà chaud quand je redescends jusqu’à la Gare de Muhlbach. J’attends le petit train Fluo de neuf heures vingt et une à une table de pique-nique près d’une basse-cour où un dindon fait la roue. Sur cette table traîne un livre de Musso Que serais-je sans toi ?, titre volé à Aragon, des mots entendus au moins deux fois en ce qui me concerne, et puis …
Le petit train Fluo passe d’abord dans l’autre sens, puis revient. Y monte aussi une femme à panier d’osier. Je suppose qu’elle va au marché à Saint-Joseph. En quoi je me trompe car elle descend comme moi à Munster où c’est aussi jour de marché sur la place devant l’église. J’achète des bananes à deux euros quatre-vingt-dix le kilo puis suis découragé par la file devant le fromager. Ce n’est pas à regretter car un fromage se serait transformé dans mon sac en cervelle de Sancho Pança.
A la terrasse de l’Hôtel Restaurant de la Cigogne, heureusement à l’ombre, je demande un expresso (deux euros dix). Il m’est servi par une dame aimable. Je lis là Balzac Aussitôt La Cousine Bette finie, je vous irai voir, et je reviendrai faire Les Paysans. Beaucoup trop de voitures traversent la ville vers « Toutes directions », parmi lesquelles des Mercedes de collection sérigraphiées « Tour d’Elsass », une giclée de décapotées garnies de passagères à chapeaux.
A onze heures, je me transfère au Parc Hartmann, où je pelais l’autre jour, où j’ai trop chaud aujourd’hui. Je poursuis ma lecture sur un banc à l’ombre. Le surnom que donnent à Balzac Madame Hanska, sa fille Anna et son futur gendre : Bilboquet. Lui-même, quand il parle de lui à la troisième personne se nomme le Noré.
« L’artiste ! », c’est par ce nom que m’accueille l’une des serveuses à l’entrée de Côté Gare. « C’est ce que je vous ai déjà dit l’autre jour. » « Je n’avais pas entendu. » Je déjeune d’une pizza montagnarde à seulement onze euros, vraiment bonne, la meilleure que j’ai mangée depuis longtemps. La serveuse qui me prend pour un artiste me gratifie de son plus beau sourire lorsque je m’en vais. Elle ne manque pas de charme malgré son visage un peu ridé. Elle a du être jolie quand elle était plus jeune.
J’ai une heure pour lire au Parc avant mon petit Fluo de retour. Tous ne s’arrêtent pas à Saint-Joseph. Il ne faut pas se louper, sous peine d’avoir à rentrer à pied de la Gare de Colmar sous le soleil ardent. Je me suis fait raser la tête (…) La chaleur me rendait mes cheveux longs insupportables. raconte le Noré. Je ne suivrai quand même pas cet exemple.
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Comme partout, la nuisance sonore des groupes de motards du ouiquennede. Leurs regards méprisants lorsque vrombissent les moteurs d’une autre tribu. Même dans leur groupe, ils ne s’aiment pas : « Faut toujours que t’attendes le dernier moment pour aller pisser ! ».
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Aucun personnel de bord dans le train Colmar Metzeral. Je ne sais, parmi celles et ceux qui l’empruntent, qui a un billet, qui n’en a pas. Ça n’incite pas à payer.
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