Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

26 août 2025


Plutôt que m’encombrer le cerveau avec le nouveau rebondissement de la vie politique française intitulé « Bye bye Bayrou ! », j’ouvre ce mardi matin Lettres à Guillaume Apollinaire de Louise de Coligny-Châtillon dite Lou, un petit livre qui fait pendant à celui des Lettres à Lou de Guillaume Apollinaire et dont voici l’une des premières, datée du vendredi cinq février mil neuf cent quinze :
Mon Gui, je suis malade d’excitation… et je t’aime à la folie… tes vers intitulés « Un rêve » où je suis le petit garçon que tu fouettes si bien !... ces vers me font trembler de désir et d’amour ! je n’en peux plus… j’écris vite avec la folle impatience d’être seule dans mon petit lit, lumière éteinte, et de t’aimer comme un fou en me faisant menotte toute la nuit… toute la nuit jusqu’à ce que je m’évanouisse…… Gui ! mon Gui ! je veux vivre toute cette scène avec toi… je veux être le petit garçon pas sage… je veux que tu fasses tomber mon petit pantalon, pour bien voir mes fesses roses… je veux que ton bras passe sous ma taille pressant très fort mon petit ventre dur qui jouit sous cette pression… pendant que de l’autre main tu me fouetteras si fort, si fort, m’obligeant à tenir mes fesses roses bien en l’air bien écartées… pendant que tu taperas si fort, si impitoyablement, n’écoutant ni mes pleurs ni mes cris, que mon petit derrière ayant passé par toutes les couleurs que tu décris si bien, deviendra tout ruisselant de sang…… je veux cela ! je veux que tu m’obliges à subir cela…… et je veux toute la scène décrite par toi, mon poète adoré…… je veux cette possession qui me fait si mal et si peur !... je veux que tu m’y forces… que tu m’attaches s’il le faut…… si je n’ai pas le courage d’être à toi de cette façon aussi prends de force ce que je te refuse… possède-moi toute entière, complètement, profondément…… je t’aime à la folie… et suis dans un tel état de désir et de passion, que si tu étais là ce soir, tu n’aurais pas besoin de prendre de force même cette caresse-là… je m’étendrais sur le ventre docilement, amoureusement… tu m’écarterais mes fesses trop sensibles, trop nerveuses, et tout doucement, avec douceur, mais avec fermeté, une fermeté que n’émotionneraient ni mes cris, ni mes supplications… tu pénétrerais voluptueusement, profondément… et je mourrais de douleur, de jouissance et d’amour sous cette caresse nouvelle… et nous nous évanouirions tous deux, mon amour, dans le spasme trop violent… Gui je n’en peux plus ce soir ! j’ai un besoin fou de ton amour ! de tes caresses… aussi de tes sévérités… fouette-moi… humilie-moi… je t’aime infiniment tu es mon maître adoré… je t’aime je t’aime… tout mon être t’appelle… je vais me tordre de désir toute la nuit… brise-moi ! fouette-moi au sang !... ah ! être près de toi, dans tes bras, dans ton amour sauvage et passionné… être tous deux tout seuls dans la petite chambre de Nîmes…et tout oublier… vivre en réalité merveilleuse les rêves les plus fous ! je t’adore !
                                                                             *
Le poème Un rêve n’a pas été retrouvé, précise une note infrapaginale. Dommage. J’aurais aimé le lire pour savoir comment il a pu mettre cette jeune Lou dans un pareil état.
                                                                             *
Elles et iel en terrasse au Son du Cor. L’une : « Est-ce que j’annonce à ma grand-mère que je me suis fait percer les tétons ? »

25 août 2025


Soustraire un quart d’heure au soleil revenu, c’est ce que je fais ce dimanche après-midi en entrant au Musée National de l’Education, rue Eau-de-Robec. Il s’agit de voir l’exposition Dessins d’enfants (1936-1941).
La jeune personne à l’accueil du Munaé me demande mon code postal et je pénètre dans la petite salle du rez-de-chaussée où sont affichés dans une demi-pénombre des dessins réalisés entre mil neuf cent trente-six et mil neuf cent quarante et un par des « jeunes filles parisiennes de quatorze à seize ans » élèves de Cours Complémentaire.
Leur professeure, Adrienne Jouclard, également artiste peintre, permettait à ses élèves de dessiner leur vie quotidienne. Aux dessins de comptines, de jeux de récréation, de commémorations succèdent ceux des événements des premières années de la Deuxième Guerre Mondiale, la mobilisation générale, la « drôle de guerre », l’exode, le retour avec le passage de la ligne de démarcation, les files d’attente devant les magasins et les difficultés de ravitaillement auxquelles sont confrontées les mères de famille.
Mères de famille qu’elles seraient bientôt. Car ce qui était promis à ces jeunes filles dans ce Cours Complémentaire où elles apprenaient la couture, la cuisine et l’obéissance, c’était le mariage, l’enfermement domestique et l’enfantement.
Il y avait encore un Cours Complémentaire dans une annexe du Collège Ferdinand Buisson à Louviers quand j’y étais élève. Ces filles ne sortaient pas en recréation aux mêmes heures que nous. Je me souviens bien d’elles. La classe de Troisième donnait sur la cour. Toutes ces filles s’offraient à nos regards en s’alignant le long du mur face à nos fenêtres du premier étage. Elles ouvraient leurs blouses pour nous montrer leurs jambes dévoilées par leurs minijupes. Une jolie rousse m’inspirait de coupables pensées.

24 août 2025


Frisquet, ce samedi matin vingt-trois août. C’est le jour où il me faut remettre un pull pour aller au marché des pauvres, rive gauche, aux Emmurées, me procurer des fruits et légumes. Ce que désormais je fais avec le bus gratuit Effe Sept.
Rive droite, Rouen a cette atmosphère de fin de vacances et de pré-rentrée que je n’aime guère, les vacanciers réjouis côtoyant les étudiants stressés. Toutefois, je la supporte mieux qu’à l’époque devenue lointaine où je devais retourner chaque année à l’école.
Au Son du Cor, certains racontent leurs vacances tellement réussies et tellement merveilleuses. Le smartphone a remplacé le projecteur de diapositives pour ennuyer ses amis avec des photos.
Comme chaque année, certains promettent une rentrée sociale agitée. Cette fois, le dix septembre « Bloquons tout » ont lancé divers groupes de la mouvance d’extrême-droite. Un projet auquel se sont ralliés Mélenchon et Sud Rail, rejoints modérément par le Péhesse et les Ecolos.
Une qui reste prudente, c’est la cheffe de la Cégété, Sophie Binet. Elle trouve que pour l’instant « c’est encore totalement nébuleux ». J’adore cet adjectif que l’on rencontre rarement, notamment dans une bouche de syndicaliste. Je dois avouer que j’ai un faible pour cette jeune femme. Je la trouve fort séduisante. Je parle de son physique.
                                                                      *
Toujours pas de Cosidime dans les officines, m’indique celui qui s’est occupé de moi le mois dernier à la Grande Pharmacie du Centre. Je lui demande pourquoi il ne m’a pas indiqué que ce médicament avait un générique, comme on me l’a appris à la Grande Pharmacie Bailly de Paris. Il me soutient qu’il me l’a dit puis revient sur ce mensonge en découvrant que ce générique ne figure pas sur son écran. C’est donc la faute du logiciel. Comment faire confiance à quelqu'un qui raconte n’importe quoi et n’a comme connaissance de son métier que ce que lui affiche son ordinateur ? Grâce à l'emballage que j'ai apporté, sa consœur me commande un flacon de ce générique que je récupère l’après-midi.
                                                                     *
De trois endroits différents me sont parvenues de bonnes nouvelles de mes livres offerts en cadeau. Certains ont été lus. D’autres peuvent encore l’être. Aucun n’a été jeté dans une boîte à livres.
                                                                     *
Un été de zonards à Rouen. Des affranchis déglingués. Présents place de la Calende, place de Vieux, devant Saint-Maclou, devant la Gare, dans les rues piétonnières. Des casse-pieds qu’il est difficile d’éviter. Jamais je n’en ai vu autant. On se croirait presque à Quimper.

21 août 2025


C’est au tour de la ligne Huit du métro parisien d’être en travaux. Et elle, jusqu’à la fin du mois. Impossible de rejoindre Ledru-Rollin. Je prends donc le bus Vingt-Neuf jusqu’à Bastille. Cela après avoir poursuivi la lecture de Lettres à sa fille Miriam de Groucho Marx dans un train de sept heures vingt-deux peu fréquenté dont quasiment toutes les toilettes étaient hors d’usage.
« Confondre ticket de métro et de bus peut vous coûter 120 € », titre Le Parisien que je lis au Camélia après être passé pour rien au Marché d’Aligre, Emile et Amin étant toujours absents. Ce sont les touristes qui sont victimes de la fourberie de Pécresse avec son ticket à deux euros pour le bus et deux euros cinquante pour le métro. Biper dans un bus avec un ticket de métro conduit à se faire sévèrement taxer en cas de contrôle.
Je quitte le Book-Off de Ledru-Rollin porteur de trois livres à un euro, Saint-Pétersbourg Histoire, Promenades, Anthologie et Dictionnaire sous la direction de Lorraine de Meaux (Bouquins Laffont), Mon cahier de dessin de Slawomir Mrozek (Noir sur Blanc) et Le Livre des regrets de Jacques Drillon (Actes Sud) puis j’attends en face, pendant un quart d’heure, le bus Soixante-Seize terminus Châtelet.
J’en descends à Hôtel-de-Ville et rejoins China, rue de la Verrerie, pour un menu à volonté. De là au sous-sol du Book-Off de Saint-Martin où tournent toujours les ventilateurs.
J’en remonte avec un choix hétéroclite de livres à un euro : Une enfance au château de Lord Berners (Les Cahiers Rouges Grasset), Post-scriptum le journal intime de Jane Birkin (Fayard), Personne n’est à l’intérieur de rien de Jean Dubuffet et Valère Novarina (L’Atelier Contemporain), Bourgeois & soldats (Novembre 1918) d’Alfred Döblin (Pandora) et Lexique des règles typographiques (Imprimerie Nationale). Ce dernier me permettra de vérifier qu’en ce domaine mes règles personnelles sont loin d’être orthodoxes.
Je m’installe à L’Opportun pour un long café verre d’eau lecture. C’est le moment où la pluie, modérée, commence à tomber.
Pour des raisons tarifaires, c’est avec le train Nomad de dix-sept heures quarante que je dois regagner Rouen. A Saint-Lazare, je fais recharger mes deux cartes Navigo Easy, une pour les bus, une pour le métro, à ne pas confondre. « Vous savez que vous pouvez mettre les deux sur la même », me dire l’aimable guichetier. Je sais mais je préfère en avoir deux. Ça m’oblige à réfléchir pour ne pas me faire avoir quand je monte dans un bus. Deux et pas au même endroit. En cas de perte ou de vol, mon préjudice serait divisé par deux.
                                                                  *
Une jeune femme à béquille dans le Soixante-Seize : « Mon frère a eu un p’tit bout ». Un p’tit bout, c’est comme ça que certain(e)s appellent un nouvel exemplaire de Génération Cinquante qui va se prendre en pleine face la tourmente climatique, économique et politique. « C’est un bébé Evian, blond aux yeux bleus », ajoute-t-elle.

17 août 2025


Le Quinze Août, c’est le jour du gros vide grenier du Vaudreuil. Autrefois, il faisait ma joie. Le beau temps assuré me donne idée de nouveau y aller. Bien que je craigne de ne rien trouver. Un court trajet en train cher puis une longue marche en bordure d’Eure, agréable certes, mais qui me rappellerait celles où j’étais bien accompagné. Il y a du pour et du contre, comme dit le lieu commun.
Bien que n’arrivant pas à me dire si ce sera oui ou non, je mets mon réveil à cinq heures. Mon problème, c’est que je ne sais pas si j’en ai envie ou si je n’en ai pas envie.
Levé à cinq heures, j’écoute sur France Culture la rediffusion d’une Nuit magnétique consacrée au lever du jour. Le temps passant, le jour se lève et il n’est plus temps de prendre le train.
Allant acheter du pain, je passe par le marché de la drouille du Clos Saint-Marc. Peu de marchands de vieilleries y sont installés. Peu de livres y apparaissent. Je trouve là de potentiels acheteurs qui autrefois étaient comme moi dans les rues du Vaudreuil. Qu’ils n’y soient pas me conforte dans mon abstention.
Parmi eux, un acheteur de vinyles à qui je pose la question. « Tu ne vas plus au Vaudreuil ? » « Non, je n’y trouvais plus rien et puis trop fatiguant, je ménage mes forces. »
Au Son du Cor, où celles et ceux qui demandent un cendrier jettent la cendre de leur cigarette par terre, ne se servant de celui-ci que pour écraser le mégot, ce midi du Quinze Août, je commence Correspondance de Virginia Woolf et Vita Sackville-West. Un de ma connaissance surgit, qui veut prendre un café avec moi, à qui je réponds non. Je lui avais envoyé un message qu’il a lu sans le lire : « D'accord pour un café à votre retour, mais pas au Son du Cor où je ne vais que pour lire (je n'ai pas envie que l’entourage présent tous les jours sache quoi que ce soit de ma vie) ». Un rendez-vous est pris pour un autre jour ailleurs.
Sur la façade de YumM’o, le restaurant asiatique installé dans le sombre local de feu Le Rêve de l’Escalier, un écriteau « Entrez c’est ouvert ». Mauvais signe. Personne à sa terrasse pourtant à l’ombre près de laquelle, à celle du Sacre, je poursuis ma lecture. A quatorze heures trente, le patron baisse le rideau, ferme à clé et s’en va en laissant l’écriteau « Entrez c’est ouvert ».
                                                               *
Les Floralies font relâche le Quinze Août. Il faut attendre le lendemain pour bénéficier de la conversation d’une clientèle de choix : « Je suis le spécialiste des profiteroles. Dès que je suis dans un resto où y en a, j’en prends ».

14 août 2025


La chaleur et la maigre récolte des deux précédentes me conduisent à sagement annuler mon escapade à Paris. Il fait chaud ce mercredi à Rouen mais moins qu’à Paris. Je dirais qu’il fait lourd mais je n’entends plus personne dire qu’il fait lourd. Bref, le ciel est sombre et l’orage menace.
C’est sous les stores baissés du Son du Cor puis des Floralies que je passe la moitié de l’après-midi. Pour me rafraîchir, je lis Été froid d’Ossip Mandelstam.
Cette évocation :
Les petites vendeuses de parfum campent sur la Pétrovka, en face de Muir-Merrilies, appuyées au mur, une pleine couvée, éventaire contre éventaire. Ce petit détachement de vendeuses n’est qu’un vol de moineaux. Armée aux nez retroussés de jeunes filles moscovites : gentilles dactylos besogneuses, fleuristes pauvrettes aux jambes nues – vivant de miettes et fleurissant l’été…
Cette constatation :  
Du fait d’une longue vie commune, un mari se met à ressembler à sa femme. Si l’on y regarde de près, le marchand ressemble aussi à sa marchandise…
                                                              *
Au Son du Cor, un qui demande « une pinte de bière de soif ». J’en déduis qu’il y a des bières de non soif, des bières de boit-sans-soif.
                                                              *
Aux Floralies, une qui parle chiffon avec un peute à elle : « L’hiver, j’ai plus de style qu’en été. »
                                                              *
Une mendiante à l’une qui lui dit qu’elle n’a pas de monnaie : « Vous n’avez pas à vous justifier. » En plus de vous déranger, elle vous fait la morale. J’y échappe grâce à ma lecture.
.                                                             *
Touristes rue Saint-Romain, un six sept ans à sa mère :
-J’aime pas les colombages.
-Ah bon ! Mais pourquoi t’aimes pas ça ?

12 août 2025


La lecture aux terrasses rouennaises de J’ai toujours su de Barbara Chase-Riboud (un mauvais titre pour le livre qui groupe les lettres qu’elle a envoyées à sa mère depuis je jour où, âgée de dix-sept ans, elle quitta la maison de Philadelphie, jusqu’à la mort de sa génitrice), m’a fait faire un voyage dans ma jeunesse.
Nous allons à Marienbad au début de juillet, pour faire un reportage. Tu te souviens du film ? On doit le donner en ce moment à Philadelphie. Va le voir : tu ne comprendras rien, personne n’y a jamais rien compris. Mais c’est intéressant et rempli de fringues Chanel. (premier juin mil neuf cent soixante-trois)
Bon, je commence à être jalouse des « filles-de-17-ans ». Tu remarques comment je les appelle… Les robes sont si courtes, ici et à Londres, c’est incroyable. On les appelle « minijupes » à Londres et elles ont à peu près la longueur de jupettes de tennis. Ça n’a pas encore atteint Paris, mais je suis sûre que ça va arriver… Que vais-je faire alors ? J’appartiendrai à la « vieille génération ». (dix-huit avril mil neuf cent soixante-six)
Marc a vraiment besoin de repos : entre sa mission et les émeutes, il a une tête de déterré. Je dois dire que ça a été une période fantastique – une sorte de vie suspendue. Personne ne FAISAIT rien d’autre que d’écouter la radio, essayer de trouver des journaux, déambuler dans les rues et discuter interminablement. Tout cela a disparu ce week-end aussi vite que c’était arrivé : c’était un week-end de congé, avec un temps magnifique, et le premier depuis trois semaines où il y avait à nouveau de l’essence… Tout le monde a quitté Paris pour aller se détendre ailleurs ! Il n’y a que les Français pour faire une révolution, puis partir tranquillement pour un long week-end de repos… (trente mai mil neuf cent soixante-huit)
Pourquoi n’essayes-tu pas un petit joint de marijuana ? Cela fait réellement des merveilles, crois-moi : rien de tel qu’un petit pétard pour la vie sexuelle. Je t’en apporterai de New York et je te montrerai comment fumer. C’est également excellent pour les nerfs : bien meilleur que l’alcool pour la santé – et sans gueule de bois le lendemain matin… Tout est limpide et tu es libérée de tous les problèmes du monde. Hé, je ne plaisante pas : je crois bien que je vais changer ta vie. (premier janvier mil neuf cent soixante-treize)
Je commence à devenir française en prenant de l’âge. J’aime la solitude et laisser les gens hors de mes affaires. (dix-neuf juin mil neuf cent soixante-treize)
Antoine a un nouveau jouet : un téléphone dans sa voiture. Tout ce qui lui reste à faire est le raccordement à son jet privé. En tout cas, cela fait son bonheur : il a appelé tout le monde dans la famille, à divers moments de la journée, pour informer des conditions de circulation partout où il roulait (sauf dans les tunnels). Après cela son fils emprunte la voiture ainsi équipée pour passer tous SES coups de téléphone… J’espère seulement que Marc ne s’inspirera pas de cette idée. Le téléphone est suffisamment tyrannique dans la maison sans l’avoir en plus dans la voiture… (un lundi de mil neuf cent soixante-quatorze) (Antoine Riboud, pédégé de Danone, frère de Marc Riboud)
Mon ami Jackie Goldman a vendu son appartement à Mitterrand, qui lui reprochait ses soirées : elle habite juste à côté et les services secrets venaient frapper à sa porte chaque soir à 22 h 30, alors qu’elle était évidemment en pleine soirée : « Couvre-feu ! » (Les riches changent de logement – les pauvres ne peuvent pas en trouver.) (novembre mil neuf cent quatre-vingt-un)
                                                                      *
Je n’ai pas lu La Virginienne (histoire de l’esclave noire maîtresse de Thomas Jefferson) qui a fait connaître Barbara Chase-Riboud. Je ne savais pas que c’était aussi une plasticienne est sculptrice renommée, ni qu’elle fut l’épouse de Marc Riboud. Une femme très intéressante.
                                                                      *
Heureuse époque où l’on s’inquiétait de la présence d’un téléphone dans une voiture, loin d’imaginer que quelques dizaines d’années plus tard, quatre-vingt-quinze pour cent des humains vivraient les yeux rivés sur leur onoto (objet nomade totalitaire, comme le nomme Alain Damasio).

11 août 2025


De la douceur chaque jour à Rouen en ces jours où on n’entend parler que de canicule. Comme voisins de table au Son du Cor ce dimanche, des peutes en culotte courte et leurs femmes en robe à fleurs venus manger du pâté acheté au marché tout en tripotant leur téléphone et se raconter des histoires de vacances en mobil home tout en riant bêtement. Je m’arme de courage pour supporter cette clientèle.
Au Son du Cor, en semaine, il y a celui habillé en marron, employé municipal, joueur d’échecs, autour duquel font grumeau des chômeurs joueurs d’échecs. Quand ils viennent de toucher le Revenu de Solidarité Active, ces oisifs le dépensent dans des burgueurs, des cartes à gratter et des commandes chez Amazon et Temu. Chacun veut prendre la gagne (comme ils disent). C’est toujours le municipal le gagnant, jamais pressé de retourner travailler.
Au Sacre, ce n’est pas mieux. Il y a celui venu avec sa chienne non attachée qui lui tient lieu de fille ou de femme, pour laquelle il a acheté un vélo cargo, qu’il a dû faire électrifier, parce qu’« on dirait pas comme ça, mais elle est lourde ». Cet animal aboyeur va voir tout nouvel arrivant au contentement de son propriétaire qui en une heure trente n’a pas d’autre sujet de conversation.
La meilleure terrasse pour ouvrir un livre, c’est celle des Floralies dont la clientèle est souvent constituée de gens de passage. Les nouveaux propriétaires ont repris le nom historique qu’avait abrégé les précédents (terminé le Flo’s). Tout en lisant, j’ai vue imprenable sur la terrasse d’en face, celle du Socrate, dont les serveuses ne sont ni désagréables, ni vulgaires.
Pour lire au jardin, la température est idéale. Le calme règne. La plupart des résidents sont partis en vacances. Les vacanciers venus d’ailleurs ne regagnent leur logement Air Bibi qu’à la nuit tombée. La vieille voisine qui perd la tête est de nouveau hospitalisée. Ses trois chats errent sur la pelouse et dans les bosquets sans faire le moindre bruit. Quand même ma plus proche voisine et son fils s’inquiètent d’un bruit de rats dans leurs murs ou leur plancher. Un professionnel, dépêché sur les lieux, n’a pas su y faire grand-chose. Elle et son fils ont placardé sur toutes les portes des avertissements dans toutes les langues visant celles et ceux qui jettent leurs détritus dans les poubelles sans les mettre dans des sacs fermés. J’en sais peu sur les rats, mais je suis néanmoins sûr qu’ils ne peuvent pas soulever les couvercles des conteneurs.
                                                                   *
Tous ces hommes en pantacourts, chortes, bermudas, bref, habillés en petits garçons quand ils accompagnent leurs femmes en robes longues ou pantalons, cela témoigne de rien de bon.

1 2 3 4 5 » ... 383