Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
14 octobre 2025
Pour inaugurer cette nouvelle semaine, j’attends le car BreizhGo de neuf heures onze terminus Paimpol sous un ciel entièrement dégagé.
Je vise l’Abbaye de Beauport et pour ce faire descends à l’arrêt Kerity Eglise. De cette église, je rejoins les belles ruines de cette abbaye dont les moines furent chassés à la Révolution. Ils pratiquaient le prêt sur gage. C’était une bonne occasion de se débarrasser de ses dettes.
Si le soleil est là, le vent de nordet aussi. Il me pousse dans le dos tandis que, laissant l’’Abbaye derrière moi, je marche entre mer et marais. Si je continuais, j’arriverais au bout de la Pointe de Gulden. Je m’en préserve en coupant tout droit par une rue intérieure qui me fait arriver pile dans le Port de Paimpol.
Il est onze heures. Ce qui me plairait, c’est un pain au chocolat du Fournil du Martray. Las, il est fermé le lundi. Je n’ai pas envie de déjeuner ici. Aussi je rejoins la Gare et, en attendant le douze heures cinq du retour, bois un café au soleil à la terrasse du Bar Tabac de la Gare.
J’arrive à une heure moins le quart au Café de la Plage, accueilli par le joli sourire de ma serveuse préférée. Elle me propose la table en coin avec banquette et vue sur le large. Le menu du jour n’est pas époustouflant : houmous et pain pita, arancini à la crème de chorizo (boulettes de riz) et café gourmand. A la table d’à côté un trio, deux quinquagénaires et une vieille qui s’avère être la mère d’elle. C’est cette vieille qui paye mais elle donne sa carte à l’homme qui va le faire à sa place.
-Vous étiez déjà là il y a deux ans, dis-je à la serveuse quand elle m’apporte le café gourmand. Je me souviens de vous.
-Moi aussi, je me souviens de vous, me dit-elle.
Elle me conseille d’aller à Gwin Zegal.
Il est quatorze heures dix quand je sors. Le soleil a disparu et le vent est toujours frisquet. Je rejoins L’Ecume, ma table en coin devant le mur repeint par la serveuse. J’ai avec moi Mon oncle Benjamin de Claude Tillier prélevé dans le mur de livres du Parc de la Duchesse Anne où l’on trouve surtout de vieux livres abimés déjà là il y a deux ans. Un Dix Dix-Huit de mil neuf cent soixante-trois (deux francs cinquante) avec en couverture un dessin de René Biosca. Un exemplaire en piètre état qui pourrait se désintégrer pendant la lecture.
Je ne connais pas ce roman de mil huit cent quarante-trois, mais j’ai vu (et oublié) le film qui en a été tiré avec Jacques Brel. Ça commence ainsi : Je ne sais pas, en vérité, pourquoi l’homme tient tant à la vie. Françoise Hardy remixée chante Le temps de l’amour. La serveuse s’attaque à la peinture de la suite du mur en résistant au conseil des habitués. Je ne comprends rien à ce qu’a écrit Claude Tillier, des dialogues, des dialogues.
*
Rentré, je me renseigne sur Gwin Zegal. Quatre kilomètres entre le centre du bourg de Plouha, desservi par le car BreizhGo, et ce port sur pilotis. C’est trop pour moi.
Je vise l’Abbaye de Beauport et pour ce faire descends à l’arrêt Kerity Eglise. De cette église, je rejoins les belles ruines de cette abbaye dont les moines furent chassés à la Révolution. Ils pratiquaient le prêt sur gage. C’était une bonne occasion de se débarrasser de ses dettes.
Si le soleil est là, le vent de nordet aussi. Il me pousse dans le dos tandis que, laissant l’’Abbaye derrière moi, je marche entre mer et marais. Si je continuais, j’arriverais au bout de la Pointe de Gulden. Je m’en préserve en coupant tout droit par une rue intérieure qui me fait arriver pile dans le Port de Paimpol.
Il est onze heures. Ce qui me plairait, c’est un pain au chocolat du Fournil du Martray. Las, il est fermé le lundi. Je n’ai pas envie de déjeuner ici. Aussi je rejoins la Gare et, en attendant le douze heures cinq du retour, bois un café au soleil à la terrasse du Bar Tabac de la Gare.
J’arrive à une heure moins le quart au Café de la Plage, accueilli par le joli sourire de ma serveuse préférée. Elle me propose la table en coin avec banquette et vue sur le large. Le menu du jour n’est pas époustouflant : houmous et pain pita, arancini à la crème de chorizo (boulettes de riz) et café gourmand. A la table d’à côté un trio, deux quinquagénaires et une vieille qui s’avère être la mère d’elle. C’est cette vieille qui paye mais elle donne sa carte à l’homme qui va le faire à sa place.
-Vous étiez déjà là il y a deux ans, dis-je à la serveuse quand elle m’apporte le café gourmand. Je me souviens de vous.
-Moi aussi, je me souviens de vous, me dit-elle.
Elle me conseille d’aller à Gwin Zegal.
Il est quatorze heures dix quand je sors. Le soleil a disparu et le vent est toujours frisquet. Je rejoins L’Ecume, ma table en coin devant le mur repeint par la serveuse. J’ai avec moi Mon oncle Benjamin de Claude Tillier prélevé dans le mur de livres du Parc de la Duchesse Anne où l’on trouve surtout de vieux livres abimés déjà là il y a deux ans. Un Dix Dix-Huit de mil neuf cent soixante-trois (deux francs cinquante) avec en couverture un dessin de René Biosca. Un exemplaire en piètre état qui pourrait se désintégrer pendant la lecture.
Je ne connais pas ce roman de mil huit cent quarante-trois, mais j’ai vu (et oublié) le film qui en a été tiré avec Jacques Brel. Ça commence ainsi : Je ne sais pas, en vérité, pourquoi l’homme tient tant à la vie. Françoise Hardy remixée chante Le temps de l’amour. La serveuse s’attaque à la peinture de la suite du mur en résistant au conseil des habitués. Je ne comprends rien à ce qu’a écrit Claude Tillier, des dialogues, des dialogues.
*
Rentré, je me renseigne sur Gwin Zegal. Quatre kilomètres entre le centre du bourg de Plouha, desservi par le car BreizhGo, et ce port sur pilotis. C’est trop pour moi.
13 octobre 2025
Une chouette hulule quand je sors de mon logis Air Bibi dans une bonne odeur de boulangerie, mais c’est ailleurs que j’achète mon pain au chocolat. Au Quay des Brunes, l’habitué en chef se morfond. Dans un coin, l’huîtrier du dimanche discute avec ses vendeuses. Le soleil se lève. On dirait que le beau temps est de retour.
C’est ce que je constate lors de ma marche quasi quotidienne sur le bord de terre. La mer bouge bien. A l’arrivée au Portrieux je vais jusqu’au phare vert de la jetée du port d’échouage. Cette tourelle de feu a été dessinée par Léonce Reno. Elle est démontable et a voyagé à Paris en mil huit cent soixante-sept pour l’Exposition Universelle. Du pied de ce feu, j’assiste au départ de Papy, un caseyeur vert mené par un couple de pêcheurs. Me rejoignent père, fille adulte avec leurs cannes à pêche, et mère qui s’assoit sur le banc. En face, j’aperçois les loupiotes de La Marine. Sa terrasse est au soleil.
Après le café, j’ouvre Toulet et parcours les notes que je n’ai pas lues au fil des jours, parmi lesquelles trois lettres à Léon Barthou, ancien camarade de lycée et frère de Louis. Et il faut être aussi bête que Curnonsky, de m’avoir fait comprendre, pauvre provincial que je suis, que je le compromettais parce que je le faisais rimer avec Nijinski.
Vers onze heures, je prends le bourg par l’intérieur, m’arrête au Fournil de Saint-Quay en bas de mon logis provisoire, demande à la jolie étudiante nattée un bagnat et un creumebeule poire abricot. Je continue jusqu’au Quay des Brunes pour, en terrasse ensoleillée, commander la formule six huîtres et verre de vin blanc.
On trouve ici la clientèle locale du dimanche, des retraités bien âgés, quelques femmes dans la quarantaine. Une autre passe, non pour consommer, mais pour ramasser les mégots qu’elle stocke dans un gobelet en plastique. Je suis le seul à déguster des huîtres, la formule n’est plus affichée par la nouvelle propriétaire.
A midi, je rejoins la Grève Noire, petite plage au-delà de celle du Casino et, sur un banc bleu, pique-nique. Cette plage est celle des baigneuses et baigneurs que n’effraie pas le froid, des habitué(e)s de tout âge, dont une nymphette qui voudrait bien, mais n’ose pas.
Malheureusement, le vent m’empêche de rester là à lire. La terrasse du Quay des Brunes étant blindée, celle du Café de la Plage bientôt à l’ombre, je retraverse Saint-Quay par le dedans jusqu’à L’Ecume. « Service au bar, merci » a inscrit sur une ardoise le patron qui n’a pas envie de se fatiguer. La table en terrasse où je suis subit peu le vent. Je peux rouvrir Toulet.
Je retrouve ensuite le chemin côtier. Les promeneurs du dimanche après-midi sont là, encouragés par le soleil. Mon banc bleu, au-dessus de la Plage de la Comtesse est heureusement libre, où je me fais chauffer le dos. Sur le muret, un lézard fait la même chose.
C’est ce que je constate lors de ma marche quasi quotidienne sur le bord de terre. La mer bouge bien. A l’arrivée au Portrieux je vais jusqu’au phare vert de la jetée du port d’échouage. Cette tourelle de feu a été dessinée par Léonce Reno. Elle est démontable et a voyagé à Paris en mil huit cent soixante-sept pour l’Exposition Universelle. Du pied de ce feu, j’assiste au départ de Papy, un caseyeur vert mené par un couple de pêcheurs. Me rejoignent père, fille adulte avec leurs cannes à pêche, et mère qui s’assoit sur le banc. En face, j’aperçois les loupiotes de La Marine. Sa terrasse est au soleil.
Après le café, j’ouvre Toulet et parcours les notes que je n’ai pas lues au fil des jours, parmi lesquelles trois lettres à Léon Barthou, ancien camarade de lycée et frère de Louis. Et il faut être aussi bête que Curnonsky, de m’avoir fait comprendre, pauvre provincial que je suis, que je le compromettais parce que je le faisais rimer avec Nijinski.
Vers onze heures, je prends le bourg par l’intérieur, m’arrête au Fournil de Saint-Quay en bas de mon logis provisoire, demande à la jolie étudiante nattée un bagnat et un creumebeule poire abricot. Je continue jusqu’au Quay des Brunes pour, en terrasse ensoleillée, commander la formule six huîtres et verre de vin blanc.
On trouve ici la clientèle locale du dimanche, des retraités bien âgés, quelques femmes dans la quarantaine. Une autre passe, non pour consommer, mais pour ramasser les mégots qu’elle stocke dans un gobelet en plastique. Je suis le seul à déguster des huîtres, la formule n’est plus affichée par la nouvelle propriétaire.
A midi, je rejoins la Grève Noire, petite plage au-delà de celle du Casino et, sur un banc bleu, pique-nique. Cette plage est celle des baigneuses et baigneurs que n’effraie pas le froid, des habitué(e)s de tout âge, dont une nymphette qui voudrait bien, mais n’ose pas.
Malheureusement, le vent m’empêche de rester là à lire. La terrasse du Quay des Brunes étant blindée, celle du Café de la Plage bientôt à l’ombre, je retraverse Saint-Quay par le dedans jusqu’à L’Ecume. « Service au bar, merci » a inscrit sur une ardoise le patron qui n’a pas envie de se fatiguer. La table en terrasse où je suis subit peu le vent. Je peux rouvrir Toulet.
Je retrouve ensuite le chemin côtier. Les promeneurs du dimanche après-midi sont là, encouragés par le soleil. Mon banc bleu, au-dessus de la Plage de la Comtesse est heureusement libre, où je me fais chauffer le dos. Sur le muret, un lézard fait la même chose.
12 octobre 2025
L’habitué en chef s’ennuie ce samedi matin au Quay des Brunes. Nous ne sommes que deux clients. Lisa n’est pas là et la patronne n’est pas bavarde. Je redoute qu’il tente d’engager la conversation avec moi. Je comprends mal ce qu’il dit à cause de son accent.
Dès que le jour se lève, je marche vers le Portrieux le long des barrières blanches. Ces barrières blanches sont l’emblème de la station balnéaire. Elles datent des années Vingt, comme la piscine d’eau de mer et le cinéma théâtre Arletty. Tout cela est dû à un maire bâtisseur, Alfred Delpierre. J’avance face à un petit vent dont le défaut est d’être frisquet.
Cela ne m’interdit pas la terrasse du Poisson Rouge. Dans le port tintent les mâts des voiliers. Je m’attends à voir débouler un troupeau de moutons à clarines. Le café bu, je retrouve la correspondance de Paul-Jean Toulet et Emile Henriot. Toulet à Henriot : Peut-être savez-vous encore votre grammaire, et qu’on évacue un lieu, non une personne. Il ne vous reste qu’à dire « faire confiance », « ruée », « H.P. » pour chevaux-vapeur et l’affreux « emprise » pour main-mise.
Peu de travailleurs le samedi aux Plaisanciers mais des locaux qui viennent chaque semaine et des familles du coin. Après le buffet d’entrées, je prends le stèque frites sans sa sauce et un creumebeule.
Le vent de nordet (comme on dit ici) est toujours présent lorsque je sors dans le Port. Je vais droit à L’Ecume, la petite table en coin devant le mur repeint par la serveuse qui n’est point là. La bande-son est celle des succès féminins des années Quatre-Vingt. Un café et Toulet Henriot. De ce dernier à Toulet : J’ai vu ce matin chez un garçon qui revient de l’Indochine, des images chinoises fort belles représentant des gens qui s’entre-baisent. Au comptoir, on parle politique. « Bon il est revenu au pouvoir le cocu. Lecornu. » « Ça existe dans le privé ça ? » On parle aussi des restaurateurs qui se sont fait gauler à la pêche clandestine. C’était la pleine lune. Les flics en ont profité. D’abord ils ont été alertés quand ils ont vu autant de voitures garées à trois heures du matin à Martin Plage, et après ils ont vu les frontales. Le Bouquins Laffont des œuvres complètes de Paul-Jean Toulet se termine par sa traduction du Grand Dieu Pan d’Arthur Machen, que je n’ai pas envie de lire.
Dès que le jour se lève, je marche vers le Portrieux le long des barrières blanches. Ces barrières blanches sont l’emblème de la station balnéaire. Elles datent des années Vingt, comme la piscine d’eau de mer et le cinéma théâtre Arletty. Tout cela est dû à un maire bâtisseur, Alfred Delpierre. J’avance face à un petit vent dont le défaut est d’être frisquet.
Cela ne m’interdit pas la terrasse du Poisson Rouge. Dans le port tintent les mâts des voiliers. Je m’attends à voir débouler un troupeau de moutons à clarines. Le café bu, je retrouve la correspondance de Paul-Jean Toulet et Emile Henriot. Toulet à Henriot : Peut-être savez-vous encore votre grammaire, et qu’on évacue un lieu, non une personne. Il ne vous reste qu’à dire « faire confiance », « ruée », « H.P. » pour chevaux-vapeur et l’affreux « emprise » pour main-mise.
Peu de travailleurs le samedi aux Plaisanciers mais des locaux qui viennent chaque semaine et des familles du coin. Après le buffet d’entrées, je prends le stèque frites sans sa sauce et un creumebeule.
Le vent de nordet (comme on dit ici) est toujours présent lorsque je sors dans le Port. Je vais droit à L’Ecume, la petite table en coin devant le mur repeint par la serveuse qui n’est point là. La bande-son est celle des succès féminins des années Quatre-Vingt. Un café et Toulet Henriot. De ce dernier à Toulet : J’ai vu ce matin chez un garçon qui revient de l’Indochine, des images chinoises fort belles représentant des gens qui s’entre-baisent. Au comptoir, on parle politique. « Bon il est revenu au pouvoir le cocu. Lecornu. » « Ça existe dans le privé ça ? » On parle aussi des restaurateurs qui se sont fait gauler à la pêche clandestine. C’était la pleine lune. Les flics en ont profité. D’abord ils ont été alertés quand ils ont vu autant de voitures garées à trois heures du matin à Martin Plage, et après ils ont vu les frontales. Le Bouquins Laffont des œuvres complètes de Paul-Jean Toulet se termine par sa traduction du Grand Dieu Pan d’Arthur Machen, que je n’ai pas envie de lire.
11 octobre 2025
Le marché du bourg s’installe doucement ce vendredi quand je rejoins le Quay des Brunes. Un travailleur a des soucis, le car BreizhGo ne passe pas. Un autre lui propose de l’emmener.
Je n’ai besoin que de mes pieds pour rejoindre Tréveneuc, sa grève et sa Chapelle Saint-Marc, par le Géherre direction Paimpol que l’on trouve à droite après le Kasino. C’est d’abord la Pointe de l’Isnain, occupée par une bien belle propriété privée, puis la Grève de l’Isnain, un détour par la route en raison de l’effondrement du sentier, la Grève de Fonteny, quelques jolis points de vue sur le large, des pointes au bout desquelles parfois un pêcheur est en équilibre sur les rochers arrivé là je ne sais comment.
Le but est proche lorsque j’aperçois quatre petits bateaux blancs au mouillage et l’île arrondie dont je ne sais pas le nom. Le chemin s’élargit. Il mène à la route qui aboutit à la Chapelle, fermée évidemment. J’ai une pensée pour la jeune Julie Manet, quatorze ans, qui eut la chance d’y entrer. Au-dessus de la grève, ce sont les Viviers de Saint-Marc, vente directe et restaurant, mais pour celui-ci la réouverture est en avril deux mille vingt-six.
Assis sur un banc face à la mer, je récupère. Puis je prends le sentier dans l’autre sens, un sentier étroit pour deux pieds seulement. Il vaut mieux le parcourir hors saison. Un marcheur croisé à l’aller, une coureuse et un marcheur au retour. Je ne me lasse pas de la beauté de cette côte découpée mais je suis content quand j’aperçois le Sémaphore sur sa pointe, puis l’église au centre de Saint-Quay. Il est onze heures quand je m’installe à l’une des deux tables hautes de la terrasse du Café de la Plage où je réserve une table d’intérieur pour midi.
Le ciel est gris, il fait frais, je retrouve Toulet en correspondance avec Debussy. De ce dernier, le vingt mai mil neuf cent dix-sept : Si la guerre n’a pas pu m’atteindre physiquement elle m’a démoli moralement : je me suis perdu et mes moyens ne me permettent pas d’offrir une récompense honnête à qui me retrouvera. Moins d’un an plus tard, il meurt. Avant midi, un intrépide se jette du haut du plongeoir dans la piscine d’eau de mer qui vient de réapparaître.
Le menu du Café de la Plage affiche houmous maison pain pita, faux filet charolais, mac and cheese sauce chimichurri, dôme chocolat combawa. C’est toujours bon au Café de la Plage et je suis content de retrouver au service la jolie petite brune que je n’avais pas oubliée.
Il fait presque froid quand je ressors. Aussi, après être allé chercher à l’Office du Tourisme les horaires des marées dont j’ai besoin pour faire le tour de la Comtesse, je retourne à l’intérieur du Café de la Plage pour le café. Celui-ci bu, je reprends Toulet, ses lettres à Francis Carco. Cher Monsieur, en attendant que ce valet m’apporte de l’encre, je vous écris au crayon et au galop. Puis celles à Henri de Régnier. Mon cher ami, l’insomnie, l’aphasie, l’aboulie, et autres fées qui me ravagent le cerveau depuis quelque temps, ne me laissent guère en état d’écrire. Puis des lettres de Paul-Jean Toulet et d’Emile Henriot. Toulet à Henriot : Cher ami. Merci des choses délicates et autres mensonges que vous m’avez jonchés dessus.
Je n’ai besoin que de mes pieds pour rejoindre Tréveneuc, sa grève et sa Chapelle Saint-Marc, par le Géherre direction Paimpol que l’on trouve à droite après le Kasino. C’est d’abord la Pointe de l’Isnain, occupée par une bien belle propriété privée, puis la Grève de l’Isnain, un détour par la route en raison de l’effondrement du sentier, la Grève de Fonteny, quelques jolis points de vue sur le large, des pointes au bout desquelles parfois un pêcheur est en équilibre sur les rochers arrivé là je ne sais comment.
Le but est proche lorsque j’aperçois quatre petits bateaux blancs au mouillage et l’île arrondie dont je ne sais pas le nom. Le chemin s’élargit. Il mène à la route qui aboutit à la Chapelle, fermée évidemment. J’ai une pensée pour la jeune Julie Manet, quatorze ans, qui eut la chance d’y entrer. Au-dessus de la grève, ce sont les Viviers de Saint-Marc, vente directe et restaurant, mais pour celui-ci la réouverture est en avril deux mille vingt-six.
Assis sur un banc face à la mer, je récupère. Puis je prends le sentier dans l’autre sens, un sentier étroit pour deux pieds seulement. Il vaut mieux le parcourir hors saison. Un marcheur croisé à l’aller, une coureuse et un marcheur au retour. Je ne me lasse pas de la beauté de cette côte découpée mais je suis content quand j’aperçois le Sémaphore sur sa pointe, puis l’église au centre de Saint-Quay. Il est onze heures quand je m’installe à l’une des deux tables hautes de la terrasse du Café de la Plage où je réserve une table d’intérieur pour midi.
Le ciel est gris, il fait frais, je retrouve Toulet en correspondance avec Debussy. De ce dernier, le vingt mai mil neuf cent dix-sept : Si la guerre n’a pas pu m’atteindre physiquement elle m’a démoli moralement : je me suis perdu et mes moyens ne me permettent pas d’offrir une récompense honnête à qui me retrouvera. Moins d’un an plus tard, il meurt. Avant midi, un intrépide se jette du haut du plongeoir dans la piscine d’eau de mer qui vient de réapparaître.
Le menu du Café de la Plage affiche houmous maison pain pita, faux filet charolais, mac and cheese sauce chimichurri, dôme chocolat combawa. C’est toujours bon au Café de la Plage et je suis content de retrouver au service la jolie petite brune que je n’avais pas oubliée.
Il fait presque froid quand je ressors. Aussi, après être allé chercher à l’Office du Tourisme les horaires des marées dont j’ai besoin pour faire le tour de la Comtesse, je retourne à l’intérieur du Café de la Plage pour le café. Celui-ci bu, je reprends Toulet, ses lettres à Francis Carco. Cher Monsieur, en attendant que ce valet m’apporte de l’encre, je vous écris au crayon et au galop. Puis celles à Henri de Régnier. Mon cher ami, l’insomnie, l’aphasie, l’aboulie, et autres fées qui me ravagent le cerveau depuis quelque temps, ne me laissent guère en état d’écrire. Puis des lettres de Paul-Jean Toulet et d’Emile Henriot. Toulet à Henriot : Cher ami. Merci des choses délicates et autres mensonges que vous m’avez jonchés dessus.
10 octobre 2025
Encore une nuit sans voisinage dans mon logement provisoire de la Villa Les Marronniers dont la porte d’entrée est toujours ouverte. « Je ne la ferme jamais », m’a dit mon logeur et je fais comme lui. Avec ses maisons et ses appartements vides, Saint-Quay risque les squatteurs et les cambrioleurs. L’éclairage public éteint leur faciliterait l’ouvrage. Ils doivent être occupés ailleurs.
Au Quay des Brunes, Lisa n’est pas là. L’ambiance s’en ressent. « Qu’est-ce qu’il y a en couverture de Ouest France ? « demande l’habitué en chef. « Lecornu » « Lecornu, le corniaud ».
Ce jeudi matin, quand je longe la mer, elle est si haute que seule la partie supérieure du plongeoir de la piscine d’eau de mer émerge. Il reste peu de l’Ile Harbour et de celle de la Comtesse dont la plage a disparu. Un qui ne risque pas d’être atteint par la mer, c’est le Château de Calan ou Villa Kermor ou la turquerie, comme l’appelle l’ami d’Orléans (et moi-même à sa suite).
Cette construction fut lancée par le comte de Calan en mil huit cent quatre-vingt, dans le style oriental, et poursuivie par le deuxième propriétaire, dans le style mauresque en vogue après l’Exposition Universelle de mil neuf cent. La décoration intérieure a été en partie confiée au mosaïste Odorico. A ses pieds, le fonctionnel hôtel de mil neuf cent quatre-vingt, en béton, quatre étoiles, nommé Ker Moor. Le bulbe de la terrasse de la turquerie, que je vois de mon logis Air Bibi, sert de réservoir d’eau. Le bâtiment possède une cinquantaine de fenêtres à jambages et arcs en plein-cintre entourées de briques rouges. J’aimerais voir le dedans mais propriété privée, défense d’entrer.
Le soleil est là quand je m’assois à la terrasse du Poisson Rouge pour un café Toulet. C’est si fatiguant de penser : le soleil et la mer m’en ont dégoûté entièrement. (…) La dernière fois que je la vis, elle était aussi belle que les choses qu’on regarde avec la mémoire. C’est la fin des lettres à Madame Bulteau. Le ciel devenu gris, je passe aux lettres de Paul-Jean Toulet et de Claude Debussy.
Vers onze heures, la fraîcheur tombe et m’oblige à me lever. Je réserve aux Plaisanciers et fait le tour du Port du Portrieux, d’où partaient autrefois ceux qui faisaient le Grand Métier, vers Terre-Neuve ou l’Islande.
Le buffet d’entrées, un sauté de canard à l’orange avec écrasé de pommes de terre, une mousse au chocolat chez Les Plaisanciers et me voici, le soleil revenu, à la terrasse de L’Ecume pour le café lecture. De temps en temps passent des porteurs d’épuisettes. La mer est basse et fort éloignée. Le vendredi vingt-huit août mil neuf cent trois, Claude Debussy sermonne Paul-Jean Toulet : Cher ami, si la condition d’amis n’interdisait pas toutes discussions pénibles, je vous aurais dit depuis longtemps combien je regrettais vos relations avec l’opium…, puis le vingt-sept août mil neuf cent sept, il se plaint du Grand Hôtel de Pourville par Dieppe : Naturellement, cet endroit est odieux, et si les gens n’y sont pas plus ridicules qu’ailleurs, on les voit davantage – ça n’est pas une compensation. Ajoutez à cela, un hôtel où le « confort moderne » est représenté par un manque absolu d’eau chaude et une nourriture sans agrément.
Remonté sur le chemin de ronde, je retrouve mon banc observatoire au-dessus de la plage de la Comtesse réapparue. Elle est le terrain de jeux des porteurs d’épuisettes. Il y a aussi un homme qui arpente le sable avec un détecteur de métaux, creusant parfois avec une pelle et étant déçu par ce qu’il découvre. C’est comme chercher des ministres dans un lot de politiciens, on en trouve mais qui ne valent pas grand-chose.
*
Si l’île de la Comtesse a été habitée par une comtesse, l’île Harbour aurait dû être habitée par un comte (attention, jeu de mot laid). Autre jeu de mot laid, de Toulet à Debussy : Mais cet hiver exécrable m’avait plongé dans une aboulie qui n’était pas pour les chats.
Au Quay des Brunes, Lisa n’est pas là. L’ambiance s’en ressent. « Qu’est-ce qu’il y a en couverture de Ouest France ? « demande l’habitué en chef. « Lecornu » « Lecornu, le corniaud ».
Ce jeudi matin, quand je longe la mer, elle est si haute que seule la partie supérieure du plongeoir de la piscine d’eau de mer émerge. Il reste peu de l’Ile Harbour et de celle de la Comtesse dont la plage a disparu. Un qui ne risque pas d’être atteint par la mer, c’est le Château de Calan ou Villa Kermor ou la turquerie, comme l’appelle l’ami d’Orléans (et moi-même à sa suite).
Cette construction fut lancée par le comte de Calan en mil huit cent quatre-vingt, dans le style oriental, et poursuivie par le deuxième propriétaire, dans le style mauresque en vogue après l’Exposition Universelle de mil neuf cent. La décoration intérieure a été en partie confiée au mosaïste Odorico. A ses pieds, le fonctionnel hôtel de mil neuf cent quatre-vingt, en béton, quatre étoiles, nommé Ker Moor. Le bulbe de la terrasse de la turquerie, que je vois de mon logis Air Bibi, sert de réservoir d’eau. Le bâtiment possède une cinquantaine de fenêtres à jambages et arcs en plein-cintre entourées de briques rouges. J’aimerais voir le dedans mais propriété privée, défense d’entrer.
Le soleil est là quand je m’assois à la terrasse du Poisson Rouge pour un café Toulet. C’est si fatiguant de penser : le soleil et la mer m’en ont dégoûté entièrement. (…) La dernière fois que je la vis, elle était aussi belle que les choses qu’on regarde avec la mémoire. C’est la fin des lettres à Madame Bulteau. Le ciel devenu gris, je passe aux lettres de Paul-Jean Toulet et de Claude Debussy.
Vers onze heures, la fraîcheur tombe et m’oblige à me lever. Je réserve aux Plaisanciers et fait le tour du Port du Portrieux, d’où partaient autrefois ceux qui faisaient le Grand Métier, vers Terre-Neuve ou l’Islande.
Le buffet d’entrées, un sauté de canard à l’orange avec écrasé de pommes de terre, une mousse au chocolat chez Les Plaisanciers et me voici, le soleil revenu, à la terrasse de L’Ecume pour le café lecture. De temps en temps passent des porteurs d’épuisettes. La mer est basse et fort éloignée. Le vendredi vingt-huit août mil neuf cent trois, Claude Debussy sermonne Paul-Jean Toulet : Cher ami, si la condition d’amis n’interdisait pas toutes discussions pénibles, je vous aurais dit depuis longtemps combien je regrettais vos relations avec l’opium…, puis le vingt-sept août mil neuf cent sept, il se plaint du Grand Hôtel de Pourville par Dieppe : Naturellement, cet endroit est odieux, et si les gens n’y sont pas plus ridicules qu’ailleurs, on les voit davantage – ça n’est pas une compensation. Ajoutez à cela, un hôtel où le « confort moderne » est représenté par un manque absolu d’eau chaude et une nourriture sans agrément.
Remonté sur le chemin de ronde, je retrouve mon banc observatoire au-dessus de la plage de la Comtesse réapparue. Elle est le terrain de jeux des porteurs d’épuisettes. Il y a aussi un homme qui arpente le sable avec un détecteur de métaux, creusant parfois avec une pelle et étant déçu par ce qu’il découvre. C’est comme chercher des ministres dans un lot de politiciens, on en trouve mais qui ne valent pas grand-chose.
*
Si l’île de la Comtesse a été habitée par une comtesse, l’île Harbour aurait dû être habitée par un comte (attention, jeu de mot laid). Autre jeu de mot laid, de Toulet à Debussy : Mais cet hiver exécrable m’avait plongé dans une aboulie qui n’était pas pour les chats.
9 octobre 2025
Sur le conseil de Lisa, la serveuse du Quay des Brunes, j’achète mon pain au chocolat à la boulangerie de l’église où il est artisanal. Aucune discussion, il est meilleur que celui des trois autres pour dix centimes de plus.
Ce mercredi, je vais revoir Paimpol et pour ce faire, j’attends le car BreizhGo Deux Cent Un de neuf heures onze à l’arrêt Casino. Il arrive à la Gare Ferroviaire vers dix heures d’où je marche jusqu’au Port, bien beau au soleil.
De là, je rejoins le Géherre afin de faire une nouvelle fois la balade de la Pointe de Guilben (six kilomètres aller et retour). A ma gauche, sur la pointe d’en face, la tour de Kerroc’h et l’église de Ploubazlanec. Le sentier est plus rude que dans mon souvenir. Il comporte vers la fin une montée que je ne me vois pas redescendre.
Je suis heureux d’arriver au bout, de retrouver les beaux arbres sous lesquels bivouaquait cette fille avec qui j’avais passé la journée et qui m’a sans doute oublié. Pour revenir, je prends une petite route jusqu’à ce que je trouve un sentier de traverse pas trop pentu qui me ramène sur le Géherre à un endroit non risqué. Sur ce chemin du retour, face à moi, un couple se rapproche, suivi d’un chien non attaché. L’animal, en m’apercevant fait demi-tour. Il se sauve en aboyant de trouille. Ses maîtres (comme on dit) l’appellent : « Marcel, Marcel, viens ici ! » Je continue à avancer. Marcel fuit de plus en plus loin. L’homme est obligé de lui courir après et de l’attacher. « Il n’est pas bien obéissant, Marcel », lui dis-je perfidement lorsque nous nous croisons à nouveau. Un peu plus loin, j’assiste à la sortie à la queue leu leu des bateaux des ostréiculteurs (ou conchyliculteurs).
Il est midi moins le quart lorsque j’atteins le Port dont le tour a été refait. En partie au profit des voitures désormais garées là où étaient des terrasses de bord d’eau. Deux restaurants ouverts ont encore la vue sur les bateaux : L’Islandais et Chez Tonton Guy. On n’y accueille pas avant midi. Des couples rôdent autour tandis que j’attends assis sur un banc près du Carrousel. Je me souviens avoir mangé au premier après avoir été mal reçu au second.
A midi pile, je suis à la table de bord de terrasse de L’Islandais : tartare de betteraves haddock, « rougaille » saucisses, tarte citron meringuée (vingt euros le tout). C’est très bon, surtout le dessert, ce qui n’est pas courant.
C’est à l’intérieur de L’Epoque que je prends le café (un euro soixante-dix) puis ouvre Toulet, toujours en correspondance avec Madame Bulteau, qu’il appelle Toche. J’avais autre chose à vous dire, mais je ne me rappelle pas.
La carte Esse Dé que j’ai achetée à la Fnaque de Saint-Brieuc ne voulant pas fonctionner, m’indiquant « Fichier en lecture seule » bien que le bitoniot soit à sa place en haut, je la montre au photographe de la rue Georges-Brassens, homme serviable qui cherche en vain à la formater avant que je lui suggère d’en mettre une à lui dans mon appareil. Il se passe la même chose, c’est l’appareil qui est défectueux. « La réparation coûterait plus cher qu’un neuf », me dit-il. Je le remercie et rejoins la Gare face à laquelle je m’installe à la terrasse ensoleillée du Bar Tabac de la Gare pour attendre le seize heures cinq du retour. J’y bois un nouveau café (un euro trente) que j’accompagne d’un pain au chocolat acheté au Fournil du Martray. Il est conforme à ceux d’autrefois, un des meilleurs que je connaisse.
Ce mercredi, je vais revoir Paimpol et pour ce faire, j’attends le car BreizhGo Deux Cent Un de neuf heures onze à l’arrêt Casino. Il arrive à la Gare Ferroviaire vers dix heures d’où je marche jusqu’au Port, bien beau au soleil.
De là, je rejoins le Géherre afin de faire une nouvelle fois la balade de la Pointe de Guilben (six kilomètres aller et retour). A ma gauche, sur la pointe d’en face, la tour de Kerroc’h et l’église de Ploubazlanec. Le sentier est plus rude que dans mon souvenir. Il comporte vers la fin une montée que je ne me vois pas redescendre.
Je suis heureux d’arriver au bout, de retrouver les beaux arbres sous lesquels bivouaquait cette fille avec qui j’avais passé la journée et qui m’a sans doute oublié. Pour revenir, je prends une petite route jusqu’à ce que je trouve un sentier de traverse pas trop pentu qui me ramène sur le Géherre à un endroit non risqué. Sur ce chemin du retour, face à moi, un couple se rapproche, suivi d’un chien non attaché. L’animal, en m’apercevant fait demi-tour. Il se sauve en aboyant de trouille. Ses maîtres (comme on dit) l’appellent : « Marcel, Marcel, viens ici ! » Je continue à avancer. Marcel fuit de plus en plus loin. L’homme est obligé de lui courir après et de l’attacher. « Il n’est pas bien obéissant, Marcel », lui dis-je perfidement lorsque nous nous croisons à nouveau. Un peu plus loin, j’assiste à la sortie à la queue leu leu des bateaux des ostréiculteurs (ou conchyliculteurs).
Il est midi moins le quart lorsque j’atteins le Port dont le tour a été refait. En partie au profit des voitures désormais garées là où étaient des terrasses de bord d’eau. Deux restaurants ouverts ont encore la vue sur les bateaux : L’Islandais et Chez Tonton Guy. On n’y accueille pas avant midi. Des couples rôdent autour tandis que j’attends assis sur un banc près du Carrousel. Je me souviens avoir mangé au premier après avoir été mal reçu au second.
A midi pile, je suis à la table de bord de terrasse de L’Islandais : tartare de betteraves haddock, « rougaille » saucisses, tarte citron meringuée (vingt euros le tout). C’est très bon, surtout le dessert, ce qui n’est pas courant.
C’est à l’intérieur de L’Epoque que je prends le café (un euro soixante-dix) puis ouvre Toulet, toujours en correspondance avec Madame Bulteau, qu’il appelle Toche. J’avais autre chose à vous dire, mais je ne me rappelle pas.
La carte Esse Dé que j’ai achetée à la Fnaque de Saint-Brieuc ne voulant pas fonctionner, m’indiquant « Fichier en lecture seule » bien que le bitoniot soit à sa place en haut, je la montre au photographe de la rue Georges-Brassens, homme serviable qui cherche en vain à la formater avant que je lui suggère d’en mettre une à lui dans mon appareil. Il se passe la même chose, c’est l’appareil qui est défectueux. « La réparation coûterait plus cher qu’un neuf », me dit-il. Je le remercie et rejoins la Gare face à laquelle je m’installe à la terrasse ensoleillée du Bar Tabac de la Gare pour attendre le seize heures cinq du retour. J’y bois un nouveau café (un euro trente) que j’accompagne d’un pain au chocolat acheté au Fournil du Martray. Il est conforme à ceux d’autrefois, un des meilleurs que je connaisse.
8 octobre 2025
Une lune toute ronde éclaire mon logis temporaire quand je me réveille à cinq heures ce mardi. C’est le seul éclairage public. Sans elle, Saint-Quay serait plongée dans le noir. Les lampadaires s’allument à six heures.
Pas un nuage. Il fait bien frais quand je descends, mes deux crêpes à la main, jusqu’au Quay des Brunes. J’arrive un peu après l’ouverture. Deux habitués m’ont précédé. L’un raconte qu’il a été malade avec les moules d’Intermarché. « Il faut pas manger la moule de n’importe qui », commente l’époustouflante Lisa. Le nouvel habitué en chef porte mon prénom, chasseur, pêcheur, un accent qui me le rend difficile à comprendre. Il me serre la main comme à tout le monde.
Qui dit pleine lune dit grandes marées. Elle est haute ce matin. Pas question de faire le tour de la Comtesse à pied. Après mon parcours Plage du Casino Port du Portrieux, je poursuis jusqu’à atteindre le Parc Départemental de Port-ès-Leu, par le Pôle Nautique du Sud Goëlo. En bas, sur la mer, de la marmaille pagaie en piaillant dans des kayaks surveillés par des canots à moteur. « Faisez gaffe », crie l’un des moutards.
Je suis ici dans la commune d’Etables-sur-Mer Binic. Ce parc est doté de fort beaux arbres. Il mène à la Plage du Moulin et donne vue sur la côte découpée. Assis sur un rondin, je note cela. Il est dix heures. Je retourne au Portrieux, réserve une table pour midi à La Marine puis m’assois à une table au soleil du Poisson Rouge, un café et Toulet. Mes idées se chevauchent, telle, dans un grenier de campagne, une boîte à violon surmonte une de ces « malles de bonne » où il y a du poil dessus.
A la table voisine, cinq quadragénaires boivent des perroquets (c’est vert et on met de l’eau dedans). Ça aurait pu s’appeler des jeunes filles vertes si Toulet n’était pas oublié. Il fait toujours aussi bleu lorsque j’opère une translation jusqu’à La Marine.
Dans le menu du jour de cette mangerie, j’opte pour les rillettes de poisson et le filet de dorade pasta et légumes. Au dessert, le choix est entre la poire pochée qui me rappelle mon père et le saint-nectaire qui me rappelle celle de Chamalières qui me tenait la main. Mon choix est vite fait. Je me souviens des énormes saint-nectaires artisanaux qu’elle apportait. Je ne mange plus jamais de ce fromage alors que c’est mon préféré. Celui de la Marine est accompagné de cerneaux de noix et d’une petite salade.
Vers treize heures, je traverse Saint-Quay par le dedans. Pas de table libre en terrasse au Café de la Plage. On y mange, et puis ce sera à l’ombre. Aussi, je reprends la lecture de Toulet au Quay des Brunes où l’on a vue sur rien, mais le soleil assuré. J’en suis maintenant aux lettres à Madame Bulteau. Un peu d’animation à quinze heures avec la sortie du Collège Stella Maris, un collège catholique, comme il se doit en Bretagne. Le public s’appelle Camille Claudel et est dans les terres. Une administratrice de cet établissement scolaire privé prend un café. Elle raconte que dimanche, il a été vandalisé. Ils ont vidé les extincteurs. Il m’est bien prouvé maintenant, Madame, que vous m’écrivez à seule fin de me faire bouillir d’indignation. Quatre collégiennes, assise par terre, rient bruyamment. « C’est des gosses, insouciantes », commente un vieux de la table à côté.
*
Chaque soir, chaque matin, je mets en marche mon ordinateur sans obtenir autre chose qu’un écran noir.
Pas un nuage. Il fait bien frais quand je descends, mes deux crêpes à la main, jusqu’au Quay des Brunes. J’arrive un peu après l’ouverture. Deux habitués m’ont précédé. L’un raconte qu’il a été malade avec les moules d’Intermarché. « Il faut pas manger la moule de n’importe qui », commente l’époustouflante Lisa. Le nouvel habitué en chef porte mon prénom, chasseur, pêcheur, un accent qui me le rend difficile à comprendre. Il me serre la main comme à tout le monde.
Qui dit pleine lune dit grandes marées. Elle est haute ce matin. Pas question de faire le tour de la Comtesse à pied. Après mon parcours Plage du Casino Port du Portrieux, je poursuis jusqu’à atteindre le Parc Départemental de Port-ès-Leu, par le Pôle Nautique du Sud Goëlo. En bas, sur la mer, de la marmaille pagaie en piaillant dans des kayaks surveillés par des canots à moteur. « Faisez gaffe », crie l’un des moutards.
Je suis ici dans la commune d’Etables-sur-Mer Binic. Ce parc est doté de fort beaux arbres. Il mène à la Plage du Moulin et donne vue sur la côte découpée. Assis sur un rondin, je note cela. Il est dix heures. Je retourne au Portrieux, réserve une table pour midi à La Marine puis m’assois à une table au soleil du Poisson Rouge, un café et Toulet. Mes idées se chevauchent, telle, dans un grenier de campagne, une boîte à violon surmonte une de ces « malles de bonne » où il y a du poil dessus.
A la table voisine, cinq quadragénaires boivent des perroquets (c’est vert et on met de l’eau dedans). Ça aurait pu s’appeler des jeunes filles vertes si Toulet n’était pas oublié. Il fait toujours aussi bleu lorsque j’opère une translation jusqu’à La Marine.
Dans le menu du jour de cette mangerie, j’opte pour les rillettes de poisson et le filet de dorade pasta et légumes. Au dessert, le choix est entre la poire pochée qui me rappelle mon père et le saint-nectaire qui me rappelle celle de Chamalières qui me tenait la main. Mon choix est vite fait. Je me souviens des énormes saint-nectaires artisanaux qu’elle apportait. Je ne mange plus jamais de ce fromage alors que c’est mon préféré. Celui de la Marine est accompagné de cerneaux de noix et d’une petite salade.
Vers treize heures, je traverse Saint-Quay par le dedans. Pas de table libre en terrasse au Café de la Plage. On y mange, et puis ce sera à l’ombre. Aussi, je reprends la lecture de Toulet au Quay des Brunes où l’on a vue sur rien, mais le soleil assuré. J’en suis maintenant aux lettres à Madame Bulteau. Un peu d’animation à quinze heures avec la sortie du Collège Stella Maris, un collège catholique, comme il se doit en Bretagne. Le public s’appelle Camille Claudel et est dans les terres. Une administratrice de cet établissement scolaire privé prend un café. Elle raconte que dimanche, il a été vandalisé. Ils ont vidé les extincteurs. Il m’est bien prouvé maintenant, Madame, que vous m’écrivez à seule fin de me faire bouillir d’indignation. Quatre collégiennes, assise par terre, rient bruyamment. « C’est des gosses, insouciantes », commente un vieux de la table à côté.
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Chaque soir, chaque matin, je mets en marche mon ordinateur sans obtenir autre chose qu’un écran noir.
7 octobre 2025
On bouge tôt au Fournil de Saint-Quay, de la lumière à deux heures trente, des employés à moto qui arrivent vers trois heures trente. Ce n’est pas le bruit qui me l’apprend mais un coup d’œil jeté par la fenêtre quand je me lève pour aller aux toilettes. Etre boulanger, c’est d’abord être courageux. Le Fournil de Saint-Quay, le Fournil du Port, le Fournil du Casino, c’est la même maison. Il y a aussi une quatrième boulangerie près de l’église où, apprends-je de Lisa, la serveuse du Quay des Brunes, c’est meilleur car pas surgelé. J’essaierai.
Le temps est gris, ça devrait s’améliorer. Le Poisson Rouge frétille comme un lundi. Des commerçants se souhaitent bon courage après leur café, eux qui ne fichent pas grand-chose. Etre assis derrière son comptoir, réceptionner des robes à dix euros, les mettre sur un portant, et les vendre quarante euros, c’est tout ce qu’ils font. J’attaque la correspondance de Paul-Jean Toulet avec un ami nommé Philipon. Entre avril et mai mil neuf cent dix-huit : J’ai eu très peu de nouveautés depuis que je suis malade et que j’ai quitté Paris en 1912, les pieds fort mal orientés.
Les miens me conduisent au Marché du Portrieux, mignonnet et cher, dont je fais le tour sans achat. Ils me portent ensuite aux Plaisanciers dans le Port d’Armor. C’est la réouverture après des vacances. Je réserve une table pour midi puis je vais me poser sur un banc abrité du vent face au Port du Portrieux, regarde passer qui va au marché et qui en revient, tout en poursuivant la lecture de la correspondance de Toulet avec son lecteur, Philipon, devenu son ami à distance.
Vers midi moins le quart, j’assiste à un départ groupé des bateaux de pêche pour la coquille avec à bord d’autres courageux. Jamais vu ça, un de ces bruits dans le port. J’entre aux Plaisanciers où je retrouve le buffet d’entrées inchangé avec ses bulots, ses crevettes, ses asperges, ses rillettes, ses quiches et tout le reste. Les mêmes serveuses, sympathiques et courageuses, sont là. Un qui n’est plus là, c’est le vieux qui avait le droit de manger avant l’heure et qu’on devait aider à remettre son manteau. Il déjeunait ici tous les jours, mort à n’en pas douter, ou quasiment. Le plat du jour est moyen, le dessert ça va, seize euros cinquante le tout.
Pour le café, comme il fait toujours gris, j’opte pour l’intérieur de L’Ecume où je trouve la serveuse en train de peindre le mur du fond. « Je suis désolée, me dit-elle, j’ai enlevé votre table. » « Je suis vexé », lui réponds-je m’asseyant ailleurs. A la télé, c’est la démission de Lecornu et de son gouvernement. Ça m’intéresse pas les quelques clients présents. Quand même, l’un à un autre : « Tu veux pas être Premier Ministre, toi qui sais pas quoi faire ? » Toute cette racaille me fera mourir, déclare Toulet. Il parle des bouquinistes. Plus loin, il termine une lettre ainsi : Je suis éreinté, souffrant, les pieds enflés et votre ami.
Les miens vont toujours bien. Quand à quatorze heures le soleil apparaît, je vais m’asseoir sur un banc bleu au-dessus de la plage de la Comtesse. La mer est retirée loin. Certains pêchent avec leurs pieds et le matériel adéquat. Une classe fait de même dans les rochers. Peu après quinze heures, c’est le défilé des bateaux de pêche regagnant le Port, que trois femmes du lieu observent derrière moi. « Y a les coquilles qui arrivent, ils ont le droit à combien de temps ? » « Une heure. » C’est le moment où se rassemblent les élèves pêcheurs à pied. Assis sur le sable, ils colloquent sur leur récolte.
Le temps est gris, ça devrait s’améliorer. Le Poisson Rouge frétille comme un lundi. Des commerçants se souhaitent bon courage après leur café, eux qui ne fichent pas grand-chose. Etre assis derrière son comptoir, réceptionner des robes à dix euros, les mettre sur un portant, et les vendre quarante euros, c’est tout ce qu’ils font. J’attaque la correspondance de Paul-Jean Toulet avec un ami nommé Philipon. Entre avril et mai mil neuf cent dix-huit : J’ai eu très peu de nouveautés depuis que je suis malade et que j’ai quitté Paris en 1912, les pieds fort mal orientés.
Les miens me conduisent au Marché du Portrieux, mignonnet et cher, dont je fais le tour sans achat. Ils me portent ensuite aux Plaisanciers dans le Port d’Armor. C’est la réouverture après des vacances. Je réserve une table pour midi puis je vais me poser sur un banc abrité du vent face au Port du Portrieux, regarde passer qui va au marché et qui en revient, tout en poursuivant la lecture de la correspondance de Toulet avec son lecteur, Philipon, devenu son ami à distance.
Vers midi moins le quart, j’assiste à un départ groupé des bateaux de pêche pour la coquille avec à bord d’autres courageux. Jamais vu ça, un de ces bruits dans le port. J’entre aux Plaisanciers où je retrouve le buffet d’entrées inchangé avec ses bulots, ses crevettes, ses asperges, ses rillettes, ses quiches et tout le reste. Les mêmes serveuses, sympathiques et courageuses, sont là. Un qui n’est plus là, c’est le vieux qui avait le droit de manger avant l’heure et qu’on devait aider à remettre son manteau. Il déjeunait ici tous les jours, mort à n’en pas douter, ou quasiment. Le plat du jour est moyen, le dessert ça va, seize euros cinquante le tout.
Pour le café, comme il fait toujours gris, j’opte pour l’intérieur de L’Ecume où je trouve la serveuse en train de peindre le mur du fond. « Je suis désolée, me dit-elle, j’ai enlevé votre table. » « Je suis vexé », lui réponds-je m’asseyant ailleurs. A la télé, c’est la démission de Lecornu et de son gouvernement. Ça m’intéresse pas les quelques clients présents. Quand même, l’un à un autre : « Tu veux pas être Premier Ministre, toi qui sais pas quoi faire ? » Toute cette racaille me fera mourir, déclare Toulet. Il parle des bouquinistes. Plus loin, il termine une lettre ainsi : Je suis éreinté, souffrant, les pieds enflés et votre ami.
Les miens vont toujours bien. Quand à quatorze heures le soleil apparaît, je vais m’asseoir sur un banc bleu au-dessus de la plage de la Comtesse. La mer est retirée loin. Certains pêchent avec leurs pieds et le matériel adéquat. Une classe fait de même dans les rochers. Peu après quinze heures, c’est le défilé des bateaux de pêche regagnant le Port, que trois femmes du lieu observent derrière moi. « Y a les coquilles qui arrivent, ils ont le droit à combien de temps ? » « Une heure. » C’est le moment où se rassemblent les élèves pêcheurs à pied. Assis sur le sable, ils colloquent sur leur récolte.
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