Le Journal de Michel Perdrial

Le Journal de Michel Perdrial




Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.







Rss

27 mars 2018


J’arrive un quart d’heure en avance à la Halle aux Toiles où se tient ce ouiquennede la vente de livres d’occasion du groupe rouennais d’Amnesty International. Je n’en attends pas merveille, le stock n’est pas suffisamment renouvelé d’un an sur l’autre. Ce sera mieux à quatorze heures à Val-de-Reuil. Je trouve devant la porte certains que je m’attendais à y trouver mais pas tous. Il y a aussi quelques femmes. Ce qu’elles lisent n’est pas susceptible d’en faire des concurrentes.
A neuf heures, chacun(e) se précipite vers la table de son choix. Une majorité d’hommes visent les livres d’histoire. Pour moi, c’est d’abord la littérature.. Contrairement à ma prévision pessimiste, j’y trouve du bon et de l’inattendu. Ainsi : Sand Barbès, correspondance d’une amitié républicaine (Le Capucin), Contre la barbarie de Klaus Mann (Points Essais), Tuer un enfant de Stig Dagerman (Agone), Proust de Samuel Beckett (Editions de Minuit), A la rencontre de Maupassant au « Séminaire d’Yvetot » de Robert Tougard (autoédition), Tout sur votre auteur préféré Maurice Sendak (L’Ecole des Loisirs) et Bréviaire des petits plaisirs honteux de Charles Haquet et Bernard Lalanne (JBz & Cie).
La note réglée, peu élevée car pas mal de livres sont à un euro, je me prépare à déjeuner tôt afin de prendre le douze heures neuf pour Védéherre quand je casse le deuxième bras de mon tire-bouchon en voulant ouvrir le vin dont un verre est indispensable avec mon fromage. Plus qu’à filer au marché du Clos Saint-Marc où je me procure un limonadier à deux euros en attendant de trouver mieux dans un vide grenier ou une brocante.
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Dans les conversations, il est question du courageux et altruiste gendarme tué la veille à Trèbes en prenant la place de la femme otage lors de l’attaque du Super U par un terroriste islamiste. Ce qu’a fait Arnaud Beltrame est admirable. Peut-être même l’aurait-il fait s’il n’avait pas été militaire.
 

26 mars 2018


« Ici, c’est priorité à la fourrière », constatent ceux qui comme moi sont présents ce samedi vers sept heures et demie dans le quartier délimité par les rues Molière et des Augustins (dont deux chercheurs de vinyles de ma connaissance aussi dépités que je le suis). Le vide grenier rouennais le plus proche de mon domicile était autrefois organisé par un comité de quartier, il l’est maintenant par un privé. Celui-ci fait bloquer les voitures des exposants jusqu’à ce que la fourrière ait débarrassé les rues des voitures des malheureux qui se sont fait avoir. Aucun panneau réglementaire ne signale l’interdiction temporaire de stationner. Seules les affichettes roses de l’organisation l’indiquent, apposées ici et là sur des portes ou des vitrines. Encore faut-il les remarquer (et comprendre le français).
Quand les déballeurs peuvent enfin s’installer, nouveau constat : la banlieue est descendue sur la ville. Quelques habitants du quartier sont encore là et les éternels professionnels. Je fais le tour des premiers placés sans voir le moindre livre susceptible de m’intéresser puis quitte les lieux car ce samedi m’offre deux opportunités autrement prometteuses : les ventes de livres d’occasion des groupes de Rouen et de Val-de-Reuil d’Amnesty International.
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Au volant de sa voiture sportive utilitaire agressive ce vendredi dans la rue piétonnière de la Champmeslé, claque-sonnant deux femmes qui le gênent, c’est le Directeur de l’Office de Tourisme de Rouen.
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La vue est bien dégagée devant cet Office de Tourisme depuis que les arbres jouxtant la Cathédrale ont été taillés à ras du sol. Nul ne peut ignorer les moches immeubles de la reconstruction qu’ils cachaient plus ou moins. Un rassemblement en hommage aux arbres et aux oiseaux a lieu sur place ce samedi à quatorze heures auquel je ne peux être.
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Un père et son neuf/dix ans devant le Palais de Justice de Rouen (ancien Parlement de Normandie).
Le moutard :
-C’est qui celui qu’a construit ça encore ?
Le géniteur :
-Bah, c’est le même mec qu’a construit la cathédrale.
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Deux hommes à cravate rue Martainville, l’un à l’autre :
-J’ai mandaté un p’tit bureau d’études pour faire une p’tite étude d’impact.
Je suppose qu’il veut monter une p’tite affaire.
 

23 mars 2018


Ce mercredi à sept heures cinquante-six, ce n’est pas le train Corail attendu qui se présente en gare de Rouen mais la bonne vieille bétaillère. Elle me permet néanmoins d’être à dix heures moins dix au Café du Faubourg où la volcanique serveuse est de retour mais éteinte. A l’ouverture, j’entre chez Book-Off et en ressors au bout d’une heure ayant peu alourdi mon sac. Cela tombe bien (comme on dit) car j’ai déjà avec moi les trois volumes des Chemins de la liberté de Jean-Paul Sartre dont les deux premiers dotés d’un envoi à Suzanne et Raymond Aron de la part de leur petit camarade, cette trilogie achetée cinq euros il y a quelques mois au marché d’Aligre.
Tapant « Sartre petit camarade » dans la barre Gougueule, je suis arrivé sur le site de l’Ecole Normale Supérieure et y ai vu un autre livre de Sartre, L’Imagination, avec un envoi de l’auteur à son « cher petit camarade Aron ». Il a été offert à la Bibliothèque des Lettres par Dominique Schnapper. Cela a répondu à ma question : quoi faire de mes trois livres, étant exclu que je me fasse de l’argent sur le dos de Sartre qui fut le plus désintéressé des hommes.
J’ai donc rendez-vous ce jour entre douze et treize heures avec Gilles Sosnowski, Conservateur en chef de la Bibliothèque des Lettres de l’Heuhennesse. Ce pourquoi je prends le bus Quatre-Vingt-Six et en descends à Collège de France. De là je remonte à pied jusqu’au Panthéon, le contourne, passe devant l’Hôtel des Grands Hommes dans une chambre duquel, au temps où il était moins luxueux, André Breton et Philippe Soupault ont inventé l’écriture automatique. Je tourne à droite, rue d’Ulm.
Presque au bout j’entre au numéro quarante-cinq. Une pompière m’invite à noter mes coordonnées et le motif de ma venue sur un cahier, à l’encre rouge, puis dans le bâtiment principal un gardien m’indique le chemin. Il faut traverser le jardin carré au jet d’eau où des étudiants profitent du soleil. Je connais ces lieux. J’y suis déjà entré une fois discrètement par la porte des livreurs avec celle qui est revenue lundi d’une semaine de vacances en Sicile.
Une aimable dame qui me dit être l’adjointe de Gilles Sosnowski le prévient de mon arrivée par téléphone. Elle me mène à l’étage. Il apparaît. Je le suis par un parcours labyrinthique jusqu’à son bureau et lui donne les trois ouvrages. Il me remercie.
-Est-ce que vous voulez une lettre de remerciement officielle signée de la Directrice.
-Non, ce n’est pas nécessaire.
Il me propose de me faire visiter la bibliothèque.
-Vous êtes déjà venu ici ?
-Oui une fois, clandestinement.
Il m’emmène d’abord dans la partie la plus ancienne où se trouve le buste du germaniste Lucien Herr, premier bibliothécaire de l’Heuhennesse, ami de Léon Blum, très impliqué lors de l’affaire Dreyfus, puis nous passons dans l’extension moderne. Six cent mille livres en accès direct, me dit-il, tous dotés d’une cotation spécifique à la maison, et jusqu’à présent aucun désherbage. Ici et là travaillent des élèves en silence. Je me souviens du moment passé ici avec celle qui me tenait la main mais plus des livres que nous avons ouverts.
Après un dernier merci, je redescends l’escalier et me voici dehors. La rue Mouffetard n’est pas loin, plus touristique que jamais, et le Verre à Pied fermé pour vacances. C’est près de la sortie de métro Censier Daubenton que je déjeune, rue de Grenelle, au Comptoir des Arts. La formule tartelette de légumes et rôti de porc au curry riz pilaf est à treize euros cinquante, le quart de vin du Gard à sept euros quatre-vingt-dix, le mobilier moderne, la musique electro, la clientèle un peu friquée.
Par la ligne Sept je rejoins Opéra, prends le café aux Ducs et quelques livres au second Book-Off. Gare Saint-Lazare, ce n’est pas la bétaillère attendue qui est à quai voie Dix-Neuf mais un bon vieux train Corail. Il part à l’heure puis tout se gâte, nous voici détournés sans explication par Conflans-Sainte-Honorine, d’où une arrivée à Rouen avec trente-cinq minutes de retard. J’apprendrai plus tard que ce crochet a eu pour cause des jets de pierres du côté d’Achères.
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Au Comptoir des Arts, le starteupeur qui a rendez-vous avec une semblable :
-Tu peux me rappeler ton prénom ?
-Marylin.
Qu’on ne s’empresse pas de fantasmer.
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Dans ce restaurant, comme dans beaucoup d’autres, on nourrit désormais la marmaille avec des mini-burgueurs et on lui apporte un pot de feutres et du papier comme traitement préventif de l’agitation.
                                                     *
Un mail de remerciement m’attendait au retour à Rouen, signé d’Emmanuelle Sordet, Directrice des Bibliothèques de l’Ecole Normale Supérieure. Notre point commun est d’avoir publié l’un et l’autre des textes dans la revue Décharge.
 

22 mars 2018


Danse ce mardi soir à l’Opéra de Rouen avec inaudible de Thomas Hauert, j’ai place au premier rang de corbeille, un peu décentré au-dessus d’une quinzaine d’élèves de l’option danse de je ne sais quel lycée. Que des filles, dont l’une est venue avec un sac en plastique orange dans lequel elle envisage de vomir.
Thomas Hauert est un chorégraphe suisse basé à Bruxelles. Son inaudible n’a pas de majuscule, il doit savoir pourquoi. Il fait partie du groupe de cinq danseurs qui, avec une danseuse, font d’abord magma bougeant au ralenti. Suit une période qui pourrait s’intituler « A chaque fois que je commence à danser, la musique s’arrête, c’est trop bête ». Enfin cela démarre vraiment, les six interprètes connaissent le boulot et l’exercent sur la musique de George Gershwin et de Mauro Lanza. Je vois cette chorégraphie comme une série d’exercices que feraient des danseurs et une danseuse avant de commencer le spectacle et trouve ça bien long. Quand à la fin se font entendre de forts applaudissements et des bravos, je constate que je dois avoir été le seul à m’ennuyer.
Il faut dire qu’il y a un certain nombre de scolaires (comme on dit) dans la salle. A cet âge, on s’enthousiasme facilement. De plus, Thomas Hauert sait que, comme l’écrivait Francis Scott Fitzgerald à sa fille Scottie, si l’on veut déclencher des applaudissements triomphaux, il faut jouer ou faire jouer de la musique forte, rapide et aigue, ce par quoi s’achève inaudible.
Au moins, la lycéenne malade n’a pas utilisé son sac.
                                                           *
En rentrant je passe par la Cathédrale dont le parvis vient d’être débarrassé des arbres qui, selon ceux qui commandent, gênaient sa vue. Le voisinage leur reprochait aussi de servir de refuge aux étourneaux bruyants à l’automne. Allez hop, débités à la tronçonneuse.
                                                           *
L’après-midi de ce mardi, au café Le Grand Saint Marc, la sexagénaire voisine m’interpelle pendant que son mari est parti aux toilettes :
-Qu’est-ce que vous lisez, monsieur ?
-C’est la correspondance de Dashiell Hammett.
-Aaah, je peux voir ?
Je lui montre la couverture.
-Aaaaah, qui c’était lui ?
 

21 mars 2018


J’ai la même place en corbeille que vendredi ce dimanche à l’Opéra de Rouen où le jazz remplace la musique religieuse. Deux groupes sont au programme, le Christian Scott Ensemble et le Donny McCaslin Quartet, jazz noir et jazz blanc.
A dix-huit heures, Michel Jules de Rouen Jazz Action fait sa présentation coutumière puis entrent en scène quatre musiciens suivis de Christian Scott, originaire de La Nouvelle Orléans, chaînes en or autour du cou. C’est de la musique dans laquelle chacun fait souvent son numéro, m’as-tu vu m’as-tu ouï. Un guitariste les rejoint, invité du coin. Christian Scott a un gros défaut : il parle trop. Cela commence avec la présentation extrêmement longue de ses musiciens, en anglais bien sûr, sans se soucier du fait que les neuf dixièmes de la salle ne le comprennent pas. Il remet ça pour évoquer son identité de Black Indian. Son père et son grand-père étaient chefs de tribu. On a droit au couplet sur le respect du droit à la différence. Il est même question du salaire des femmes inférieur à celui des hommes. Après ce prêche interminable, la musique reprend enfin.
Pendant l’entracte, certains spectateurs font le choix de s’en aller. A la reprise, Donny McCaslin, originaire de Santa Cruz, dont le titre de gloire est d’avoir participé au dernier album de David Bowie, entre en scène avec ses trois compagnons. Eux jouent davantage ensemble, même si des solos de bravoure font de chacun le héros du moment. Leur musique n’est pas du goût de tout le monde. A chaque fin de morceau, une poignée de spectateurs s’enfuit. Je n’avais plus vu ça depuis certains spectacles de danse à la grande époque de Laurent Langlois, Directeur. Bientôt je n’ai plus aucun voisin. J’imagine qu’au milieu des rangs certains ont aussi envie de partir mais n’osent pas déranger. Avec ce concert, Michel Jules a réussi à dégoûter du jazz pas mal des abonnés de l’Opéra. Donny McCaslin parle peu. En anglais bien sûr, mais il s’efforce de dire quelques mots en français en s’aidant d’un papier sorti de sa poche. On apprend qu’il regrette Obama. Vu l’obscurité dans la salle, je ne pense pas qu’il se rende compte que sa musique a fait fuir une partie du public. Je reste jusqu’au bout parce que je suis partagé. Ça ne me plaît guère mais ça ne me déplaît pas. A la fin, les applaudissements tournent court. Point de rappel, tout le monde file, chacun un peu assourdi par le volume sonore subi.
Si j’avais apprécié les précédents concerts de Rouen Jazz Action, c’est que ce n’était pas du jazz pur sucre. Le prochain (et dernier de mon abonnement), ce sera Henri Texier suivi de Michel Portal, du jazz français. Je me ferai porter pâle.
Il neigeote à la sortie mais ça ne tient que sur les voitures et les poubelles. Vingt et une heures sonnent quand j’arrive chez moi. Sur France Culture commence un hommage à Serge Rezvani enregistré à la Maison de la Poésie dont je me réjouis avant de déchanter. Les reprises de ses chansons par Delerm, Dani et autres sont fades et la présentation qu’en fait Helena Noguerra niaise. On se croirait au spectacle de fin d’année de l’association culturelle du quartier.
                                                                   *
Comme chaque année, France Culture est à Livre Paris (ex Salon du Livre) et cette fois sans brouhaha parasite, c’est-à-dire audible.
Audible, c’est aussi le nom de l’application de livres audio pour laquelle cette radio fait de la publicité chaque matin à neuf heures, une nouveauté fâcheuse.
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« Cette année, Rush devient payant pour maîtriser le flux de public et pouvoir rester sur le beau site de la presqu’île Rollet. », communique le Cent Six (Scène de Musiques Zactuelles de Rouen).
Rush c’était parfait quand les spectacles avaient lieu en divers endroits du centre ville dans un léger parfum de subversion. Derrière les grilles du lointain parc arboré gardé par des vigiles, cela n’avait déjà plus le même intérêt. Je l’ai constaté il y a deux ans (l’an dernier j’étais absent). Maintenant que c’est devenu payant, on ne me verra pas me hâter vers la presqu’île Rollet. Payer, c’est adhérer à la programmation et puis, comme dans un vulgaire festival, il y aura bracelet autour du poignet ou tamponnage de la main, ce à quoi je suis rétif.
Le parrain de Rush cette année est Rodolphe Burger. J’aime bien sa musique et l’ai vu autrefois au Hangar Vingt-Trois. La salle était à moitié vide. Un grand rideau noir installé à mi-hauteur tentait de cacher cet insuccès.
 

20 mars 2018


Le parapluie est indispensable pour aller jusqu’à l’Opéra de Rouen ce vendredi soir, où Laurence Equilbey doit diriger l’Orchestre et le chœur accentus pour un concert Liszt et Gounod, deux pieux.
J’ai une bonne place en corbeille, côté impair. Des étudiants en audiovisuel du lycée Suger, situé dans le quartier du Franc-Moisin à Saint-Denis, ont placé des caméras ici et là afin de réaliser un reportage sur la soirée. Il fallait se faire connaître à l’accueil si on ne voulait pas être sur les images. Je n’ai pas été jusque là mais espère de pas apparaître.
« Une fois n’est pas coutume », Laurence Equilbey prend le micro posé sur son pupitre et présente la première partie du programme constituée de Von der Wiege biz zum Grabe (Du berceau à la tombe), œuvre de la fin de Franz Liszt, Die heilige Cäcilia (Légende de Sainte Cécile) du même et Hymne à Sainte Cécile de Charles Gounod. La légende est chantée par la mezzo-soprano Julie Boulianne et l’hymne a pour violon solo la talentueuse Elisabeth Glab.
Après l’entracte, Laurence Equilbey revient sur scène accompagnée de Pascal Escande, fondateur et directeur du Festival d’Auvers-sur-Oise. Cet ancien professeur de l’Institution Notre-Dame de la Compassion à Pontoise nous explique comment le manuscrit oublié du Saint François d’Assise de Charles Gounod lui a été transmis par la supérieure de la congrégation des Sœurs de la Charité de Saint-Louis avec qui il était resté en contact et à qui il écrivait « pour les cinq fêtes ». Laurence Equilbey et son chœur accentus l’ont enregistré à la Philharmonie de Paris en deux mille seize et on nous fait l’honneur de nous le redonner avec pour solistes le ténor Abdellah Lasri et la basse Virgile Ancely.
Cette soirée m’est agréable bien que j’aie l’impression d’être constamment aspergé d’eau bénite. En remerciement des applaudissements, la cheffe nous offre en bis un extrait de l’œuvre oubliée auquel elle donne pour nom « l’extase mystique de Saint François ».
                                                             *
Ce même vendredi à la bibliothèque Simone-de-Beauvoir était donnée une lecture/spectacle de Lettre aux escrocs de l'islamophobie qui font le jeu des racistes de Charb suivie d’une rencontre avec Marika Bret, la directrice des ressources humaines de Charlie Hebdo, lecture/spectacle et rencontre auxquelles j’ai renoncé pour la musique religieuse de l’Opéra.
                                                             *
Quatre mille six cents demandes pour soixante places au Bétéhesse Audiovisuel du Lycée Suger, m’apprend Ouiquipédia. En mars deux mille dix-sept, une émeute eut lieu dans cet établissement, pour une autre raison, qui mena cinquante-cinq lycéen(ne)s dont quarante-quatre mineur(e)s en garde à vue.
 

19 mars 2018


Pour la première fois, ces vendredi et samedi, le Secours Populaire organise une vente de livres d’occasion en bas de la rue de la Jeanne chez Auchan, profitant ainsi du long couloir qui mène de la porte aux marchandises. Quand j’y arrive, en avance, les livres sont couverts de bâches blanches et pas question que cela commence avant quatorze heures, me dit l’une des organisatrices. Je vais faire un tour.
Quand je reviens, il est encore trop tôt. Je discute avec le plus jeune de mes concurrents qui me raconte qu’à la fin d’un vide grenier il s’apprêtait à jeter des livres de Romain Gary qui n’intéressaient personne quand qu’il s’est aperçu qu’ils bénéficiaient d’un envoi de l’auteur à celui à qui il les avait achetés, un ancien résistant. Il les a vendus plusieurs centaines d’euros pièce via Internet, dont deux à un bouquiniste spécialisé de Paris. Je lui raconte que de mon côté je possède des livres de Marcel Moreau avec des envois à l’une qui fut plus que son amie. Des ouvrages achetés il y a un certain temps à Rouen au marché des Emmurées et qui semblent n’intéresser personne, bien que je les vende via Internet beaucoup moins cher que les siens. Marcel Moreau est certainement meilleur écrivain que Romain Gary, mais il est moins connu. De plus il n’est pas mort. « Quatre-vingt-cinq ans », m’annonce mon interlocuteur après consultation de son smartphone.
En revanche, je ne lui raconte pas que j’ai trouvé à Paris au marché d’Aligre deux livres de Jean-Paul Sartre avec un envoi de l’auteur à Suzanne et Raymond Aron et que je m’apprête à en faire don à l’institution où les deux hommes se sont rencontrés.
Quand les bâches sont ôtées, je constate qu’aucun livre indispensable ne m’attendait, mais je repars quand même avec deux.
                                                                 *
Leïla et Nathan, nés dans le milieu artistique rouennais, dix-sept ans l’une et l’autre, font une fugue à bord d’une voiture. La mère de la jeune fille en appelle aux réseaux sociaux. Et voilà des artistes et autres personnes aux idées larges qui partagent sa demande de les signaler à la Police. Cette dernière n’a pas besoin de ça pour les retrouver à Nice. Sains et saufs évidemment.
Le jour où dans une affaire de fugue, tu prends le parti des parents contre les adolescents, c’est que tu es fini.
Jamais je n’aiderai des géniteurs à retrouver leur progéniture en fuite.
                                                                *
En voulant empêcher Bertrand Cantat de chanter en concert, voilà encore une fois la multitude qui se mêle de faire la loi après que la Justice est passée (comme on dit) pour la mort de Marie Trintignant et bien qu’elle ne lui reproche rien à ce jour pour le suicide de son ex-femme Kristina Rady. Cette action est menée par Osez le Féminisme, mais quand je vois ça à la télé, c’est un quinquagénaire moustachu et ventru qui aurait pu servir de modèle à Cabu pour son Beauf qui tient une pancarte où est marqué « Assassin ». Il faudrait déjà expliquer à ce justicier, et à certaines de celles qui osent tout, la différence entre un meurtrier et un assassin. Bertrand Cantat est un meurtrier. Il a été condamné pour cela. Il a effectué sa peine de prison. Il reprend son activité professionnelle. Personne n’est obligé d’aller le voir, ni à l’écouter. Personnellement, je m’en passe.
                                                               *
Parmi ceux qui ont tué leur femme ou leur compagne, il semble que certains soient moins détestables que d’autres. En témoigne l’histoire de celui qui a étranglé la sienne à Gray (meurtrier ou assassin, on ne sait pas encore). Les parents de la victime disent qu’ils regrettent d’avoir perdu leur gendre (comme ils ont perdu leur fille qu’il a tuée sauvagement). Les journalistes et les avocats, quand ils évoquent l’affaire, l’appellent par son prénom : Jonathann.
 

16 mars 2018


Sorti de L’Entrecôte, je rejoins le Book-Off de Ledru-Rollin où il y a foule pour cause de pause méridienne. Peu à peu chacun(e) retourne travailler et il redevient possible de circuler dans les allées. Pour un euro, je deviens propriétaire du Cours de philosophie en six heures un quart de Witold Gombrowicz (Rivages poche), un achat de précaution. Il me faut avoir de quoi lire durant le retour à durée indéterminée jusqu’à Rouen.
Afin de profiter de ce mercredi printanier je descends la rue Ledru-Rollin, traverse la Seine et me fais dorer au soleil sur un banc du Jardin des Plantes. J’ai une pensée pour les huit garçons et filles de Tarnac et de Rouen qui doivent passer ce bel après-midi pas loin d’ici au Palais de Justice, jugés par le Tribunal Correctionnel. Je songe notamment au sympathique Benjamin Rosoux chargé de la tournée en camion du Magasin Général, pour laquelle il ne ménage pas sa peine, et avec qui j’ai bien discuté lors de mes deux passages à Tarnac. Je l’ai revu hier à la télé arrivant au Tribunal, un peu vieilli. Y a-t-il quelqu’un pour ravitailler les campagnes pendant son absence ? Il n’est mis en examen que pour son refus de prélèvement biologique mais il va devoir se fader les trois semaines de procès alors que ce genre de reproche peut être traité en deux heures comme j’ai eu l’occasion de le constater au Palais de Justice de Rouen lors du procès de Charles Torrès, le forgeron que l’on suspectait d’avoir fabriquer les crochets en fer à béton ayant arrêter les Tégévés.
Je gagne ensuite le Quartier Latin, furète sans vraie envie dans les bacs à livres de Joseph Gibert puis, avec le bus Vingt-Sept, rejoins la gare Saint-Lazare.
Le retour à Rouen est un copié collé du précédent. La bétaillère absente, c’est un train à compartiments de la défunte Basse-Normandie qui arrive à quai avec trente-sept minutes de retard. Ce retard ne s’aggrave pas en chemin. J’ai le temps de lire (en diagonale) une bonne partie du Cours de philosophie en six heures un quart de Witold Gombrowicz, de quoi me rappeler que je suis étanche à toute préoccupation d’ordre philosophique.
                                                         *
« Vos conditions de transport sont nos conditions de travail », est-il écrit sur le tract de Sud Rail.
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En quoi la disparition du statut de cheminot est-elle la solution à la dégradation continue du réseau ferroviaire, c’est un mystère.
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Après qu’Hervé Morin, Duc de Normandie, Centriste de Droite, a comparé la situation des lignes régionales de la Senecefe au Moyen Age et assuré que tout irait bien quand la Région prendrait les commandes dans deux ans, son subalterne Jean-Baptiste Gastinne, Vice-Président de la Région en charge des transports, déclare ce jeudi matin sur France Bleu : « On ne va pas faire de miracle en deux mille vingt, je ne veux pas vendre du rêve ici mais il y aura des trains neufs. » Les trains neufs, ce sont ceux à grande largeur dont on espère qu’ils pourront se croiser.
 

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