Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
16 février 2016
Plusieurs mois que je me demande quoi faire de ma petite voiture en bout de course, plus de cent trente mille kilomètres et de nombreux problèmes : tout un côté rayé suite à un endormissement au volant, l’embrayage fatigué, un frein qui couine, les pneus usés et l’électronique de la clé qui va lâcher.
Impossible de la vendre dans cet état et ce n’est pas la peine de faire des réparations pas rentables. Impossible de la donner à une association (qui la remettrait à quelqu'un n’en ayant pas pour aller travailler) sans passer par le contrôle technique et rien ne dit que la clé ne lâcherait pas dès qu’offerte, pas terrible le cadeau.
M’a traversé l’idée de bricoler un faux accident afin d’en être remboursé par l’assurance, mais l’honnêteté a eu le dessus. Ne restait que la casse, solution que je repoussais de jour en jour.
Ce lundi matin, voulant la démarrer, je ne puis. La batterie est déchargée. J’appelle donc une casse auto agréée par la Préfecture où l’on me dit que celui qui pourrait se charger de venir la chercher n’est pas là : « Rappelez demain matin ».
Peu probable que j’en rachète une. Conduire ne m’a jamais passionné et j’en ai encore moins le goût depuis que l’on risque l’amende et le retrait de points de permis à chaque traversée de ville ou de village. Par ailleurs, pour diverses raisons, je n’en ai plus un besoin indispensable, notamment l’hiver, cette saison où je ne savais que faire de celle dont les jours sont comptés, m’obligeant à aller où je n’avais rien à faire uniquement pour qu’elle roule.
Impossible de la vendre dans cet état et ce n’est pas la peine de faire des réparations pas rentables. Impossible de la donner à une association (qui la remettrait à quelqu'un n’en ayant pas pour aller travailler) sans passer par le contrôle technique et rien ne dit que la clé ne lâcherait pas dès qu’offerte, pas terrible le cadeau.
M’a traversé l’idée de bricoler un faux accident afin d’en être remboursé par l’assurance, mais l’honnêteté a eu le dessus. Ne restait que la casse, solution que je repoussais de jour en jour.
Ce lundi matin, voulant la démarrer, je ne puis. La batterie est déchargée. J’appelle donc une casse auto agréée par la Préfecture où l’on me dit que celui qui pourrait se charger de venir la chercher n’est pas là : « Rappelez demain matin ».
Peu probable que j’en rachète une. Conduire ne m’a jamais passionné et j’en ai encore moins le goût depuis que l’on risque l’amende et le retrait de points de permis à chaque traversée de ville ou de village. Par ailleurs, pour diverses raisons, je n’en ai plus un besoin indispensable, notamment l’hiver, cette saison où je ne savais que faire de celle dont les jours sont comptés, m’obligeant à aller où je n’avais rien à faire uniquement pour qu’elle roule.
15 février 2016
Plus de barrières destinées à tenir loin de l’église Saint-Maclou le passant que je suis ce dimanche matin de Saint Valentin, l’inspection télescopique de vendredi dernier ayant conclu qu’aucune chute de pierres ne suivrait celle de lundi (c’est une grande croix qui est tombée mal retenue par Dieu). Je fais le tour du marché en ce jour où il ne pleut plus. Les fleuristes sont à l’ouvrage :
-Elle va savoir combien je l’aime, dit un acheteur sortant un billet de dix.
Cette fête ne me concerne plus.
Il y a vingt-trois ans, ce jour, Salman Rushdie était l’objet de la fatoua de Khomeiny appelant tout musulman à le tuer pour avoir écrit Les Versets sataniques. S’ensuivit la vie sous protection policière permanente qu’il raconte à la troisième personne du singulier dans Joseph Anton, une autobiographie (Plon, deux mille douze), une lecture des plus intéressantes que je termine au café Le Clos Saint-Marc, précisément pour cet anniversaire, ayant noté quelques passages sur mon carnet :
Les souvenirs les plus vifs que ses amis gardèrent plus tard de cette époque étaient invariablement des souvenirs de la Special Branch. Une amitié improbable se développait entre le monde littéraire londonien et la police secrète britannique. Les policiers appréciaient ses amis qui les accueillaient bien volontiers, veillaient à leur confort et les nourrissaient. « Vous n’imaginez pas, lui disaient-ils, de quelle manière nous sommes traités généralement. » Les éminences de la politique et leurs épouses traitaient souvent ces braves gens comme des domestiques.
Comme tous les écrivains, il avait l’habitude de la solitude, passait souvent plusieurs heures par jour tout seul. Son entourage s’était habitué à son besoin de silence. Mais à présent il vivait avec quatre colosses armés, des hommes qui n’étaient pas habitués à l’inactivité, tout le contraire des amateurs de livres casaniers. Ils faisaient du raffut, claquaient les portes et riaient fort…
Quelque chose de nouveau était en train de se produire, la montée d’une nouvelle intolérance. Elle se répandait à la surface de la terre mais personne ne voulait en convenir. Un nouveau mot avait été inventé pour permettre aux aveugles de rester aveugles : l’islamophobie.
« Islamophobie » était un nouveau terme ajouté à la novlangue d’Humpty Dumpty. Il prenait la place du langage de l’analyse, de la raison et de la discussion pour le mettre à l’envers.
Zooropa, la tournée géante de U2, arriva au stade de Wembley et Bono l’appela pour lui demander s’il avait envie de monter sur scène. U2 voulait faire un geste de solidarité et c’était là le plus spectaculaire qu’ils aient imaginé. A sa grande surprise la Special Branch n’émit aucune objection. Ils pensaient peut-être qu’il ne risquait pas d’y avoir des assassins islamiques à un concert de U2 ou alors avaient-ils eux-mêmes très envie d’assister au concert.
Une autre chose se produisit à Paris, Caroline Lang, la fille belle et brillante de Jack Lang, vint un après-midi lui tenir compagnie à l’hôtel de l’Abbaye, et à cause de sa beauté, du vin et des problèmes avec Elisabeth, ils couchèrent ensemble, aussitôt après ils décidèrent de ne plus recommencer mais de rester amis.
*
Pendant les années où il était promis à la mort par l'Iran, Salman Rushdie a été soutenu et aidé par presque tous les grands écrivains du monde entier. Deux exceptions notables : John Berger et John Le Carré. Était favorable à son exécution : l’ancien chanteur Cat Stevens, converti.
Des milliers de musulmans de Grande-Bretagne ont été autorisés à hurler à la mort de Rushdie dans des manifestations de rues par des gouvernements britanniques qui hormis lui donner une protection policière n’ont pas fait grand-chose pour lui.
Aujourd’hui, l’Iran n’exige plus la mort de Rushdie, qui vit surtout aux Etats-Unis, mais certains extrémistes le menacent toujours.
*
En mil neuf cent quatre-vingt-onze, le traducteur japonais des Versets sataniques, Hitoshi Igarashi, a été poignardé à mort, le traducteur italien, Ettore Capriolo, a été lui aussi poignardé mais a survécu et l'éditeur norvégien du livre, William Nygaard, a été gravement blessé lors d’une tentative de meurtre par balles.
Le deux juillet mil neuf cent quatre-vingt-treize, des islamistes turcs ont incendié l’hôtel où séjournait Aziz Nesin, lui aussi traducteur des Versets sataniques. Il a survécu mais trente-sept personnes sont mortes dans l'incendie.
*
Au Clos Saint-Marc :
-Hier, je me suis endormi devant la télé sur le canapé avec Lola.
-C’est qui Lola ?
-Ma chienne.
-Elle va savoir combien je l’aime, dit un acheteur sortant un billet de dix.
Cette fête ne me concerne plus.
Il y a vingt-trois ans, ce jour, Salman Rushdie était l’objet de la fatoua de Khomeiny appelant tout musulman à le tuer pour avoir écrit Les Versets sataniques. S’ensuivit la vie sous protection policière permanente qu’il raconte à la troisième personne du singulier dans Joseph Anton, une autobiographie (Plon, deux mille douze), une lecture des plus intéressantes que je termine au café Le Clos Saint-Marc, précisément pour cet anniversaire, ayant noté quelques passages sur mon carnet :
Les souvenirs les plus vifs que ses amis gardèrent plus tard de cette époque étaient invariablement des souvenirs de la Special Branch. Une amitié improbable se développait entre le monde littéraire londonien et la police secrète britannique. Les policiers appréciaient ses amis qui les accueillaient bien volontiers, veillaient à leur confort et les nourrissaient. « Vous n’imaginez pas, lui disaient-ils, de quelle manière nous sommes traités généralement. » Les éminences de la politique et leurs épouses traitaient souvent ces braves gens comme des domestiques.
Comme tous les écrivains, il avait l’habitude de la solitude, passait souvent plusieurs heures par jour tout seul. Son entourage s’était habitué à son besoin de silence. Mais à présent il vivait avec quatre colosses armés, des hommes qui n’étaient pas habitués à l’inactivité, tout le contraire des amateurs de livres casaniers. Ils faisaient du raffut, claquaient les portes et riaient fort…
Quelque chose de nouveau était en train de se produire, la montée d’une nouvelle intolérance. Elle se répandait à la surface de la terre mais personne ne voulait en convenir. Un nouveau mot avait été inventé pour permettre aux aveugles de rester aveugles : l’islamophobie.
« Islamophobie » était un nouveau terme ajouté à la novlangue d’Humpty Dumpty. Il prenait la place du langage de l’analyse, de la raison et de la discussion pour le mettre à l’envers.
Zooropa, la tournée géante de U2, arriva au stade de Wembley et Bono l’appela pour lui demander s’il avait envie de monter sur scène. U2 voulait faire un geste de solidarité et c’était là le plus spectaculaire qu’ils aient imaginé. A sa grande surprise la Special Branch n’émit aucune objection. Ils pensaient peut-être qu’il ne risquait pas d’y avoir des assassins islamiques à un concert de U2 ou alors avaient-ils eux-mêmes très envie d’assister au concert.
Une autre chose se produisit à Paris, Caroline Lang, la fille belle et brillante de Jack Lang, vint un après-midi lui tenir compagnie à l’hôtel de l’Abbaye, et à cause de sa beauté, du vin et des problèmes avec Elisabeth, ils couchèrent ensemble, aussitôt après ils décidèrent de ne plus recommencer mais de rester amis.
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Pendant les années où il était promis à la mort par l'Iran, Salman Rushdie a été soutenu et aidé par presque tous les grands écrivains du monde entier. Deux exceptions notables : John Berger et John Le Carré. Était favorable à son exécution : l’ancien chanteur Cat Stevens, converti.
Des milliers de musulmans de Grande-Bretagne ont été autorisés à hurler à la mort de Rushdie dans des manifestations de rues par des gouvernements britanniques qui hormis lui donner une protection policière n’ont pas fait grand-chose pour lui.
Aujourd’hui, l’Iran n’exige plus la mort de Rushdie, qui vit surtout aux Etats-Unis, mais certains extrémistes le menacent toujours.
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En mil neuf cent quatre-vingt-onze, le traducteur japonais des Versets sataniques, Hitoshi Igarashi, a été poignardé à mort, le traducteur italien, Ettore Capriolo, a été lui aussi poignardé mais a survécu et l'éditeur norvégien du livre, William Nygaard, a été gravement blessé lors d’une tentative de meurtre par balles.
Le deux juillet mil neuf cent quatre-vingt-treize, des islamistes turcs ont incendié l’hôtel où séjournait Aziz Nesin, lui aussi traducteur des Versets sataniques. Il a survécu mais trente-sept personnes sont mortes dans l'incendie.
*
Au Clos Saint-Marc :
-Hier, je me suis endormi devant la télé sur le canapé avec Lola.
-C’est qui Lola ?
-Ma chienne.
13 février 2016
Suite et fin des notes prises lors de ma lecture du choix de lettres de la Correspondance de Charles Baudelaire publié par Folio Classique :
Ce livre est immonde et inepte. J’ai montré, à ce sujet, que je possédais l’art de mentir. Il m’a écrit, pour me remercier, une lettre absolument ridicule. Cela prouve qu’un grand homme peut être un sot. À Madame Aupick, ce même dix août mil huit cent soixante deux, à propos des Misérables de Victor Hugo
Et croyez-vous qu’il soit immoral de dire qu’une fille est mûre à onze ans, quand on sait qu’Aïscha (qui n’était pas une négresse, née sous le Tropique) était plus jeune encore alors que Mahomet l’épousa ? À Gervais Charpentier, directeur de revue qui voulait le censurer, le vingt juin mil huit cent soixante-trois
Manet vient de m’annoncer la nouvelle la plus inattendue. Il part ce soir pour la Hollande, d’où il ramènera sa femme. Il a cependant quelques excuses ; car il paraîtrait que sa femme est belle, très bonne, et très grande artiste ? Tant de trésors en une seule personne femelle, n’est-ce pas monstrueux ? À Etienne Carjat, le six octobre mil huit cent soixante-trois
Malgré que j’hésite toujours à demander quoi que ce soit aux personnes pour lesquelles j’ai le plus d’affection et d’estime, je viens aujourd’hui vous demander un gros service, un énorme service. À Victor Hugo le dix-sept décembre mil huit cent soixante-trois (il s’agissait de faire dire du bien de lui et de ses livres à un éditeur)
Croyez, Mademoiselle, que je garderai toujours le souvenir du plaisir que vous m’avez donné. À Judith Gautier, le neuf avril mil huit cent soixante-quatre, propos délicieusement ambigu dans mon esprit mais pas dans le sien
J’ai le droit d’en conclure que ce libraire, appartenant à une race qui a crucifié Notre-Seigneur, a pu, très naturellement, faire l’économie d’un exemplaire, à votre détriment. À Sainte-Beuve, le jeudi trente mars mil huit cent soixante-cinq
Tout en faisant la queue autour de lui pour attraper une poignée de main, les Belges se sont moqués de lui. Cela est ignoble. Un homme peut être respectable pour sa vitalité, vitalité de nègre, c’est vrai. À Sainte-Beuve, le jeudi trente mars mil huit cent soixante-cinq, il parle d’Alexandre Dumas
Victor Hugo qui a résidé pendant quelque temps à Bruxelles et qui veut que j’aille passer quelque temps dans son île, m’a bien ennuyé, bien fatigué. Je n’accepterais ni sa gloire ni sa fortune, s’il me fallait en même temps posséder ses énormes ridicules. Mme Hugo est à moitié idiote, et ses deux fils de grands sots. À Madame Aupick, le vendredi trois novembre mil huit cent soixante-cinq,
Excepté Chateaubriand, Balzac, Stendhal, Mérimée, de Vigny, Flaubert, Banville, Gautier, Leconte de Lisle, toute la racaille moderne me fait horreur. À Narcisse Ancelle, le dimanche dix-huit février mil huit cent soixante-six.
Ce livre est immonde et inepte. J’ai montré, à ce sujet, que je possédais l’art de mentir. Il m’a écrit, pour me remercier, une lettre absolument ridicule. Cela prouve qu’un grand homme peut être un sot. À Madame Aupick, ce même dix août mil huit cent soixante deux, à propos des Misérables de Victor Hugo
Et croyez-vous qu’il soit immoral de dire qu’une fille est mûre à onze ans, quand on sait qu’Aïscha (qui n’était pas une négresse, née sous le Tropique) était plus jeune encore alors que Mahomet l’épousa ? À Gervais Charpentier, directeur de revue qui voulait le censurer, le vingt juin mil huit cent soixante-trois
Manet vient de m’annoncer la nouvelle la plus inattendue. Il part ce soir pour la Hollande, d’où il ramènera sa femme. Il a cependant quelques excuses ; car il paraîtrait que sa femme est belle, très bonne, et très grande artiste ? Tant de trésors en une seule personne femelle, n’est-ce pas monstrueux ? À Etienne Carjat, le six octobre mil huit cent soixante-trois
Malgré que j’hésite toujours à demander quoi que ce soit aux personnes pour lesquelles j’ai le plus d’affection et d’estime, je viens aujourd’hui vous demander un gros service, un énorme service. À Victor Hugo le dix-sept décembre mil huit cent soixante-trois (il s’agissait de faire dire du bien de lui et de ses livres à un éditeur)
Croyez, Mademoiselle, que je garderai toujours le souvenir du plaisir que vous m’avez donné. À Judith Gautier, le neuf avril mil huit cent soixante-quatre, propos délicieusement ambigu dans mon esprit mais pas dans le sien
J’ai le droit d’en conclure que ce libraire, appartenant à une race qui a crucifié Notre-Seigneur, a pu, très naturellement, faire l’économie d’un exemplaire, à votre détriment. À Sainte-Beuve, le jeudi trente mars mil huit cent soixante-cinq
Tout en faisant la queue autour de lui pour attraper une poignée de main, les Belges se sont moqués de lui. Cela est ignoble. Un homme peut être respectable pour sa vitalité, vitalité de nègre, c’est vrai. À Sainte-Beuve, le jeudi trente mars mil huit cent soixante-cinq, il parle d’Alexandre Dumas
Victor Hugo qui a résidé pendant quelque temps à Bruxelles et qui veut que j’aille passer quelque temps dans son île, m’a bien ennuyé, bien fatigué. Je n’accepterais ni sa gloire ni sa fortune, s’il me fallait en même temps posséder ses énormes ridicules. Mme Hugo est à moitié idiote, et ses deux fils de grands sots. À Madame Aupick, le vendredi trois novembre mil huit cent soixante-cinq,
Excepté Chateaubriand, Balzac, Stendhal, Mérimée, de Vigny, Flaubert, Banville, Gautier, Leconte de Lisle, toute la racaille moderne me fait horreur. À Narcisse Ancelle, le dimanche dix-huit février mil huit cent soixante-six.
12 février 2016
Ce vendredi matin, le temps étant de nouveau à la pluie avant un retour du vent annoncé, j’ai vite fait d’explorer le peu d’étalages présents au marché à la brocante et aux livres de la place Saint-Marc. Au retour, j’assiste à l’arrivée d’un camion à nacelle télescopique rue Martainville le long de l’église Saint-Maclou, là d’où sont tombées nuitamment pendant la tempête du début de la semaine d’énormes pierres restaurées, obligeant depuis tous les restaurants depuis la Walsheim jusqu’à la Voûte Musicale à se priver de terrasse. Je fais le badaud un court moment puis me réfugie à la maison, songeant combien je pesterais si je faisais encore l’instituteur d’être en vacances de février par un tel temps.
*
Voici donc Laurent le Fabuliste entré dans la maison de retraite nommée Conseil Constitutionnel et le gouvernement remanié de façon drolatique : la cheffe du Parti Ecologiste tellement arriviste qu’elle quitte son poste sans en informer les adhérents pour devenir Secrétaire d’Etat d’un Président dont elle dénonçait « la connerie » naguère dans un gazouillis, un Sénateur ancien membre du même Parti qui devient lui aussi Secrétaire d’Etat (Jean-Vincent Placé, comme son nom l’indique) lequel en deux mille onze déclarait au Journal du Dimanche : «La tradition française veut que, quand on a été président d'un groupe parlementaire, on n'obtienne pas moins qu'une fonction de ministre...» et qu’il n’accepterait donc pas d’être Secrétaire d'État: «Maman va penser que je fais le courrier!», une femme nommée Secrétaire d’Etat aux Victimes (celles des attentats je suppose et peut-être des crimes et catastrophes naturelles ou industrielles, et pourquoi pas celles du chômage et des politiciens), une autre femme nommée Secrétaire d’Etat à l’Egalité réelle (celle du nombre d’hommes et de femmes au gouvernement, les premiers s’occupant des choses sérieuses) et une Ministre des Droits des Femmes, de l’Enfance, de la Famille et du Ménage de la Salle du Conseil des Ministres chaque mercredi, il a belle allure le dernier gouvernement d’Hollande, Socialiste.
*
Voici donc Laurent le Fabuliste entré dans la maison de retraite nommée Conseil Constitutionnel et le gouvernement remanié de façon drolatique : la cheffe du Parti Ecologiste tellement arriviste qu’elle quitte son poste sans en informer les adhérents pour devenir Secrétaire d’Etat d’un Président dont elle dénonçait « la connerie » naguère dans un gazouillis, un Sénateur ancien membre du même Parti qui devient lui aussi Secrétaire d’Etat (Jean-Vincent Placé, comme son nom l’indique) lequel en deux mille onze déclarait au Journal du Dimanche : «La tradition française veut que, quand on a été président d'un groupe parlementaire, on n'obtienne pas moins qu'une fonction de ministre...» et qu’il n’accepterait donc pas d’être Secrétaire d'État: «Maman va penser que je fais le courrier!», une femme nommée Secrétaire d’Etat aux Victimes (celles des attentats je suppose et peut-être des crimes et catastrophes naturelles ou industrielles, et pourquoi pas celles du chômage et des politiciens), une autre femme nommée Secrétaire d’Etat à l’Egalité réelle (celle du nombre d’hommes et de femmes au gouvernement, les premiers s’occupant des choses sérieuses) et une Ministre des Droits des Femmes, de l’Enfance, de la Famille et du Ménage de la Salle du Conseil des Ministres chaque mercredi, il a belle allure le dernier gouvernement d’Hollande, Socialiste.
11 février 2016
Après deux nuits et deux jours de tempête et de draches rouennaises avec nouvelle chute des parties récemment restaurées de l’église Saint-Maclou, c’est sous la pluie encore, mais le vent tombé, que je longe la Palais de Justice ce mercredi matin en me tenant à distance des gargouilles du vingt et unième siècle, ce pour rejoindre la gare, dont certains des panneaux de l’horloge sont tombés dès avant le vent.
Durant le trajet vers Paris, le ciel se libère et dans la capitale il est bleu, de quoi passer un moment à fouiller dans les livres du marché d’Aligre mais rien n’est pour moi. J’y suis abordé par une jeune fille de Greenpeace, pas pour une demande d’argent cette fois, mais pour me faire signer une pétition « contre les pesticides de Leclerc » via une tablette noire qu’elle me tend. Je m’étonne :
-Pourquoi ceux de Leclerc et pas les autres, alors qu’ici nous sommes entourés de fruits et légumes du marché qui en sont plein ?
-Leclerc, c’est le plus gros, me dit-elle. Il faut le faire tomber et après les autres suivront. C’est la technique des dominos.
Je lui dis que je trouve ça naïf et elle me plante là.
Chez Céleste, je déjeune d’un tartare de courgettes et d’anchois suivi d'un mafé de bœuf.
Encore une fois, j’achète plus de livres qu’il ne m’en faut chez Book-Off, mais comment résister à un roman, bien que je n’en lise plus, quand s’y trouve une carte avec un dessin d’Yvan Pommaux représentant un loup en costard, un verre de ouisqui sur le bras de son fauteuil, lisant Le Petit Chaperon rouge.
Ce livre est L’Attente du soir de Tatiana Arfel (Editions José Corti, deux mille dix).
« Cher Pascal.
Cela me fait toujours plaisir de te croiser avec Oscar.
Tu faisais partie de mon paysage.
Je t’envoie un livre que j’ai aimé et n’oublie pas que c’est à moi que je fais plaisir !
Tu as le droit de ne pas aimer en plus, je ne t’en voudrai pas. Porte-toi bien, et au plaisir de se croiser au hasard de la vie !
Amitié
Colette »
Une égoïste cette Colette, m’écrire que je faisais partie du paysage et que c’est à elle qu’elle faisait plaisir, s’est dit le destinataire début deux mille seize en retrouvant ce livre qu’il n’a pas lu, allez hop revendu chez Book-Off et la carte de Pommaux avec, mais je me demande qui est Oscar. Le compagnon de Colette ou celui de Pascal ? L'enfant d'elle ou de lui?
Je vais garder la carte, revendre le livre (si je peux).
*
La femme qui entre pleine d’espoir chez Book-Off et en repart déçue :
-Vous avez les œuvres complètes de Pessoa ?
*
Chez Léon : sont contents d’être dans un bistrot des années cinquante mais au moment de payer sont surpris d’apprendre qu’on ne peut y payer avec la carte bancaire.
*
Naturalia, Bio c’ Bon, Bio et Bien plus, les chaînes spécialisées dans les produits biologiques et naturels essaiment à Paris. A Rouen, ville où il pleut quand on revient de la capitale, un seul Bio c’est Bon, ouvert récemment place des Carmes. Certains Rouennais le prennent pour un magasin local, comme ils ont longtemps cru que Paul était une boulangerie de quartier.
Durant le trajet vers Paris, le ciel se libère et dans la capitale il est bleu, de quoi passer un moment à fouiller dans les livres du marché d’Aligre mais rien n’est pour moi. J’y suis abordé par une jeune fille de Greenpeace, pas pour une demande d’argent cette fois, mais pour me faire signer une pétition « contre les pesticides de Leclerc » via une tablette noire qu’elle me tend. Je m’étonne :
-Pourquoi ceux de Leclerc et pas les autres, alors qu’ici nous sommes entourés de fruits et légumes du marché qui en sont plein ?
-Leclerc, c’est le plus gros, me dit-elle. Il faut le faire tomber et après les autres suivront. C’est la technique des dominos.
Je lui dis que je trouve ça naïf et elle me plante là.
Chez Céleste, je déjeune d’un tartare de courgettes et d’anchois suivi d'un mafé de bœuf.
Encore une fois, j’achète plus de livres qu’il ne m’en faut chez Book-Off, mais comment résister à un roman, bien que je n’en lise plus, quand s’y trouve une carte avec un dessin d’Yvan Pommaux représentant un loup en costard, un verre de ouisqui sur le bras de son fauteuil, lisant Le Petit Chaperon rouge.
Ce livre est L’Attente du soir de Tatiana Arfel (Editions José Corti, deux mille dix).
« Cher Pascal.
Cela me fait toujours plaisir de te croiser avec Oscar.
Tu faisais partie de mon paysage.
Je t’envoie un livre que j’ai aimé et n’oublie pas que c’est à moi que je fais plaisir !
Tu as le droit de ne pas aimer en plus, je ne t’en voudrai pas. Porte-toi bien, et au plaisir de se croiser au hasard de la vie !
Amitié
Colette »
Une égoïste cette Colette, m’écrire que je faisais partie du paysage et que c’est à elle qu’elle faisait plaisir, s’est dit le destinataire début deux mille seize en retrouvant ce livre qu’il n’a pas lu, allez hop revendu chez Book-Off et la carte de Pommaux avec, mais je me demande qui est Oscar. Le compagnon de Colette ou celui de Pascal ? L'enfant d'elle ou de lui?
Je vais garder la carte, revendre le livre (si je peux).
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La femme qui entre pleine d’espoir chez Book-Off et en repart déçue :
-Vous avez les œuvres complètes de Pessoa ?
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Chez Léon : sont contents d’être dans un bistrot des années cinquante mais au moment de payer sont surpris d’apprendre qu’on ne peut y payer avec la carte bancaire.
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Naturalia, Bio c’ Bon, Bio et Bien plus, les chaînes spécialisées dans les produits biologiques et naturels essaiment à Paris. A Rouen, ville où il pleut quand on revient de la capitale, un seul Bio c’est Bon, ouvert récemment place des Carmes. Certains Rouennais le prennent pour un magasin local, comme ils ont longtemps cru que Paul était une boulangerie de quartier.
10 février 2016
Un personnage peu sympathique, typiquement homme de lettres du dix-neuvième siècle, misogyne, raciste et antisémite, flattant ses correspondants pour en tirer avantage mais les dénigrant par derrière, tel m’apparaît Charles Baudelaire après la lecture du choix de lettres dû à Claude Pichois et Jérôme Thélot publié par Folio Classique, livre que m’a offert celle venue me voir à Noël. Cependant, j’ai eu du plaisir à lire cette Correspondance et en ai tiré mon miel :
Chronique locale : J’ai appris par des ouvriers, qui travaillaient au jardin, qu’on avait surpris, il y a déjà longtemps, la femme du maire, se faisant foutre dans un confessionnal. (…) Il paraît que le curé a pris depuis lors ses précautions contre le sacrilège. À Charles Asselineau, le vingt février mil huit cent cinquante-neuf (il s’agit d’Honfleur où habitait sa mère, rue du Neubourg)
Une critique de vous, n’est-ce pas encore une caresse, puisque c’est un honneur ? À Victor Hugo, en septembre mil huit cent cinquante-neuf
Pourquoi ne donneriez-vous pas quelques concerts encore en y ajoutant des morceaux nouveaux ? À Richard Wagner, le dix-sept février mil huit cent soixante
Avez-vous observé qu’un morceau de ciel, aperçu par un soupirail, ou entre deux cheminées, deux rochers, ou par une arcade, etc., donnait une idée plus profonde de l’infini que le grand panorama vu du haut d’une montagne ? À Armand Fraisse, le dix-huit février mil huit cent soixante
Je suis désolé de vous faire observer pour la dixième fois qu’on ne retouche pas MES vers. Veuillez les supprimer. À Alphonse de Calonne, vingt-huit avril mil huit cent soixante
Un de ces jours, si vous le permettez, en allant à Honfleur, je m’arrêterai à Rouen ; mais comme je présume que vous êtes semblable à moi et que vous haïssez les surprises, je vous préviendrai quelque temps d’avance. À Gustave Flaubert, le vingt-six juin mil huit cent soixante
Sérieusement, sans mensonge et sans flatterie, vous m’avez causé une des plus vives jouissances que j’aie depuis longtemps reçues. À Auguste Vacquerie, le quatre avril mil huit cent soixante et un
Il est évident que, dans mes affaires actuelles, il y a des choses horriblement pressées ; ainsi, j’ai commis de nouveau la faute, dans ces tripotages de banque inévitables, de détourner pour mes dettes personnelles plusieurs centaines de francs qui ne m’appartenaient pas. À Madame Aupick, sa mère, le six mai mil huit cent soixante et un
Tu ne saurais croire jusqu’à quel point la race humaine est dégradée. Ce n’est plus ce monde charmant et aimable que j’ai connu autrefois : les artistes ne savent rien, les littérateurs ne savent rien, pas même l’orthographe. À Madame Aupick, le dix août mil huit cent soixante deux
Chronique locale : J’ai appris par des ouvriers, qui travaillaient au jardin, qu’on avait surpris, il y a déjà longtemps, la femme du maire, se faisant foutre dans un confessionnal. (…) Il paraît que le curé a pris depuis lors ses précautions contre le sacrilège. À Charles Asselineau, le vingt février mil huit cent cinquante-neuf (il s’agit d’Honfleur où habitait sa mère, rue du Neubourg)
Une critique de vous, n’est-ce pas encore une caresse, puisque c’est un honneur ? À Victor Hugo, en septembre mil huit cent cinquante-neuf
Pourquoi ne donneriez-vous pas quelques concerts encore en y ajoutant des morceaux nouveaux ? À Richard Wagner, le dix-sept février mil huit cent soixante
Avez-vous observé qu’un morceau de ciel, aperçu par un soupirail, ou entre deux cheminées, deux rochers, ou par une arcade, etc., donnait une idée plus profonde de l’infini que le grand panorama vu du haut d’une montagne ? À Armand Fraisse, le dix-huit février mil huit cent soixante
Je suis désolé de vous faire observer pour la dixième fois qu’on ne retouche pas MES vers. Veuillez les supprimer. À Alphonse de Calonne, vingt-huit avril mil huit cent soixante
Un de ces jours, si vous le permettez, en allant à Honfleur, je m’arrêterai à Rouen ; mais comme je présume que vous êtes semblable à moi et que vous haïssez les surprises, je vous préviendrai quelque temps d’avance. À Gustave Flaubert, le vingt-six juin mil huit cent soixante
Sérieusement, sans mensonge et sans flatterie, vous m’avez causé une des plus vives jouissances que j’aie depuis longtemps reçues. À Auguste Vacquerie, le quatre avril mil huit cent soixante et un
Il est évident que, dans mes affaires actuelles, il y a des choses horriblement pressées ; ainsi, j’ai commis de nouveau la faute, dans ces tripotages de banque inévitables, de détourner pour mes dettes personnelles plusieurs centaines de francs qui ne m’appartenaient pas. À Madame Aupick, sa mère, le six mai mil huit cent soixante et un
Tu ne saurais croire jusqu’à quel point la race humaine est dégradée. Ce n’est plus ce monde charmant et aimable que j’ai connu autrefois : les artistes ne savent rien, les littérateurs ne savent rien, pas même l’orthographe. À Madame Aupick, le dix août mil huit cent soixante deux
9 février 2016
Ayant appris par un ami du réseau social Effe Bé l’existence de la Base de Données Publique Transparence Santé, un site gouvernemental qui permet de savoir si un médecin se fait inviter à déjeuner par les laboratoires pharmaceutiques et à quel prix, j’entre le nom de mon généraliste.
De deux mille treize à deux mille quinze, il s’est fait offrir dix-neuf fois un repas par les labos, l’addition allant de douze à cinquante-deux euros. Il a aussi bénéficié quatre fois de leur hospitalité (une quarantaine d’euros pour chaque).
Mon ophtalmologiste, quant à elle, n’a accepté en trois ans que deux invitations à déjeuner (trente et soixante euros) mais elle a aussi reçu une fois des viennoiseries (treize euros), a répondu à une enquête (trente euros) et surtout elle a bénéficié d’un déplacement offert par l’entreprise Croma avec frais d’hospitalité pour une somme de mil sept cent quarante euros.
Mon dentiste est le plus vertueux, aucun repas offert, aucun déplacement remboursé. Ne figurent à son nom que quatorze euros pour avoir répondu à une enquête et trente euros de don de matériel.
Je ne sais pas à quoi peut me servir tout ça. Je me vois mal réclamer des explications à mon médecin traitant sur ces six invitations à déjeuner par an et leurs contreparties éventuelles, ni demander à mon ophtalmo en quel lieu la maison Croma l’a conviée.
*
Un médecin qui ne déjeune, ni ne dîne, ni ne couche avec les labos, cela doit exister, mais la Base de Données Publique Transparence Santé n’en fournit pas la liste.
*
Et impossible d’être sûr qu’un médecin qui se tient loin de ces labos est plus compétent qu’un qui se laisse inviter.
De deux mille treize à deux mille quinze, il s’est fait offrir dix-neuf fois un repas par les labos, l’addition allant de douze à cinquante-deux euros. Il a aussi bénéficié quatre fois de leur hospitalité (une quarantaine d’euros pour chaque).
Mon ophtalmologiste, quant à elle, n’a accepté en trois ans que deux invitations à déjeuner (trente et soixante euros) mais elle a aussi reçu une fois des viennoiseries (treize euros), a répondu à une enquête (trente euros) et surtout elle a bénéficié d’un déplacement offert par l’entreprise Croma avec frais d’hospitalité pour une somme de mil sept cent quarante euros.
Mon dentiste est le plus vertueux, aucun repas offert, aucun déplacement remboursé. Ne figurent à son nom que quatorze euros pour avoir répondu à une enquête et trente euros de don de matériel.
Je ne sais pas à quoi peut me servir tout ça. Je me vois mal réclamer des explications à mon médecin traitant sur ces six invitations à déjeuner par an et leurs contreparties éventuelles, ni demander à mon ophtalmo en quel lieu la maison Croma l’a conviée.
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Un médecin qui ne déjeune, ni ne dîne, ni ne couche avec les labos, cela doit exister, mais la Base de Données Publique Transparence Santé n’en fournit pas la liste.
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Et impossible d’être sûr qu’un médecin qui se tient loin de ces labos est plus compétent qu’un qui se laisse inviter.
8 février 2016
Très peu de monde ce samedi matin dans le train pour Le Havre qui s’éloigne de Rouen au ralenti sous un ciel gris et bas et dans lequel je voyage à prix « Happy Hour », huit euros. Tunnels et viaducs se succèdent dans la banlieue puis d’un coup c’est la campagne, le Pays de Caux, arrêt à Yvetot où personne ne descend vendre ses Pim Pam Poum, ensuite des champs verts et bruns, des routes étroites qui vont quelque part, une église, une mare, nouvel arrêt à Bréauté-Beuzeville, enfin des immeubles, des grues portuaires, les deux hautes cheminées, terminus. Il est dix heures. Dehors, ça souffle.
Je suis la voie du tramouais jusqu’à la Porte Océane, ne croisant guère de monde. La mer est là avec sa plage déserte, son port de plaisance où rien ne bouge. Au loin, un porte-conteneurs les remporte vides en Chine Le vent n’est pas seulement fort, il est froid. J’entre dans le seul bar ouvert, le Spi. Le patron ressemble à ses clients, des piliers de comptoir parmi lesquels d’anciens marins. Leur conversation rugueuse mélange déchéance orthographique (« C’est bien la peine d’être allé à l’école jusqu’à quatorze ans ») et déchéance de nationalité (« Un franco-marocain qui fait une connerie au Maroc, s’il est déchu là-bas on nous le renvoie ? ») puis elle se fixe sur le tremblement de terre à Taïwan, une ville du Japon. J’y reste un certain temps à lire Rushdie.
Affrontant le grand vent, je poursuis en bord de mer jusqu'au restaurant indo-pakistanais Namasty India. Une affiche annonce un changement de propriétaire. Le buffet à volonté en fait les frais, remplacé par une assiette à alvéoles proposant un échantillon de divers plats pour onze euros. Je suis le seul client. Par la vitre, j’observe un courageux photographe qui s’approprie un immeuble Perret. Avec le nan au fromage et un quart de vin rouge, cela fait dix-huit euros cinquante.
Ce premier samedi du mois, la MuMa (Musée d’Art Moderne André Malraux) est gratuit. J’y visite l’exposition Le Havre en noir et blanc de Bernard Plossu qui, depuis qu’il l’a découverte en deux mille treize, est « fasciné par la ville portuaire ». En deux mille quatorze, il est revenu la parcourir. « Pour faire de bonnes photos, il faut être bien chaussé », a-t-il déclaré. Pour en faire de mauvaises aussi, me dis-je. Les siennes sont bonnes, c’est sûr, bien dans son style, mais beaucoup trop petites à mon goût. Une moitié a plus ou moins le format A Quatre. L’autre moitié est minuscule, quatre centimètres sur sept à peu près, de toutes petites images à l’ancienne entourées d’un passe-partout démesuré. Il faut se coller dessus pour voir de quoi il retourne, ce qui est possible car malgré la gratuité il n’y a pas grand monde.
Bousculé à nouveau par le vent tempétueux, je rejoins le quartier Saint-François dans l’espoir d’y trouver un café accueillant, mais presque tout est fermé. Les deux brasseries ouvertes sont emplies de convives faisant traîner le repas. Aucune table n’est disponible.
Je suis obligé de me rapprocher de la gare plus tôt que prévu et trouve refuge à La Baraka, brasserie café hôtel, au bout du boulevard de Strasbourg. J’y reprends ma lecture dans l’attente du train de seize heures cinquante-cinq. Peu fréquenté, il me ramène à Rouen où grouille la foule des consommateurs.
Je suis la voie du tramouais jusqu’à la Porte Océane, ne croisant guère de monde. La mer est là avec sa plage déserte, son port de plaisance où rien ne bouge. Au loin, un porte-conteneurs les remporte vides en Chine Le vent n’est pas seulement fort, il est froid. J’entre dans le seul bar ouvert, le Spi. Le patron ressemble à ses clients, des piliers de comptoir parmi lesquels d’anciens marins. Leur conversation rugueuse mélange déchéance orthographique (« C’est bien la peine d’être allé à l’école jusqu’à quatorze ans ») et déchéance de nationalité (« Un franco-marocain qui fait une connerie au Maroc, s’il est déchu là-bas on nous le renvoie ? ») puis elle se fixe sur le tremblement de terre à Taïwan, une ville du Japon. J’y reste un certain temps à lire Rushdie.
Affrontant le grand vent, je poursuis en bord de mer jusqu'au restaurant indo-pakistanais Namasty India. Une affiche annonce un changement de propriétaire. Le buffet à volonté en fait les frais, remplacé par une assiette à alvéoles proposant un échantillon de divers plats pour onze euros. Je suis le seul client. Par la vitre, j’observe un courageux photographe qui s’approprie un immeuble Perret. Avec le nan au fromage et un quart de vin rouge, cela fait dix-huit euros cinquante.
Ce premier samedi du mois, la MuMa (Musée d’Art Moderne André Malraux) est gratuit. J’y visite l’exposition Le Havre en noir et blanc de Bernard Plossu qui, depuis qu’il l’a découverte en deux mille treize, est « fasciné par la ville portuaire ». En deux mille quatorze, il est revenu la parcourir. « Pour faire de bonnes photos, il faut être bien chaussé », a-t-il déclaré. Pour en faire de mauvaises aussi, me dis-je. Les siennes sont bonnes, c’est sûr, bien dans son style, mais beaucoup trop petites à mon goût. Une moitié a plus ou moins le format A Quatre. L’autre moitié est minuscule, quatre centimètres sur sept à peu près, de toutes petites images à l’ancienne entourées d’un passe-partout démesuré. Il faut se coller dessus pour voir de quoi il retourne, ce qui est possible car malgré la gratuité il n’y a pas grand monde.
Bousculé à nouveau par le vent tempétueux, je rejoins le quartier Saint-François dans l’espoir d’y trouver un café accueillant, mais presque tout est fermé. Les deux brasseries ouvertes sont emplies de convives faisant traîner le repas. Aucune table n’est disponible.
Je suis obligé de me rapprocher de la gare plus tôt que prévu et trouve refuge à La Baraka, brasserie café hôtel, au bout du boulevard de Strasbourg. J’y reprends ma lecture dans l’attente du train de seize heures cinquante-cinq. Peu fréquenté, il me ramène à Rouen où grouille la foule des consommateurs.
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