Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
15 mai 2023
Dès sept heures, je me pointe ce dimanche rue du Gros Horloge pour le vide grenier organisé dans celle-ci et ses perpendiculaires, côté Palais de Justice, par l’association des commerçants de l’une d’elles, la rue Massacre.
D’emblée, je vois que cette année, il est raté. De nombreux trous sont visibles entre les exposants.. Le troisième est celui à qui j’ai acheté un livre hier rue Pierre Mac Orlan. « Je vous ai reconnu », lui dis-je. « Moi aussi », me répond-il.
Il m’est arrivé de trouver de bons livres dans ce déballage. Pas cette fois. Je m’arrête pour une ramette de papier blanc quatre-vingts grammes. Le vendeur m’en demande trois euros. Je l’emporte pour deux. Je m’en servirai pour emballer des livres vendus.
Vers treize heures trente, le soleil brille mais la terrasse du Son du Cor est à l’ombre et celle du Sacre pas encore installée. Je me rabats sur celle du Café de Rouen et commande un café verre d’eau à une serveuse inconnue de moi.
« Un euro soixante. Euh non, un quatre-vingts », me dit-elle quand elle me les apporte. « Ça a augmenté ? », lui demandé-je. « Non, c’est le verre d’eau qui est payant, vingt centimes. » Je lui dis que c’est interdit de faire payer le verre d’eau, qu’elle peut le remporter.
Arrive l’un des serveurs, connu de moi. Il me dit qu’on peut faire payer un verre d’eau hors restauration si c’est affiché. Et que c’est affiché. « Je vais me renseigner », lui réponds-je puis je me plonge dans ma lecture, pas pressé de partir après avoir bu mon café. Vers quinze heures, comme il fait toujours beau, je vais prendre un autre café au Sacre (un euro cinquante). Il m’est servi avec un verre d’eau gratuit et le sourire d’Apolline.
Quand je rentre, j’interroge Internet. Ce que m’a dit le serveur est exact. Sur le site DemarchesAdministratives.fr, je lis notamment ceci : « Le gérant peut également choisir de vous facturer le verre d'eau. Dans ce cas, cela doit être clairement indiqué, aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur de l’établissement et préciser les tarifs. Le verre d’eau devient une consommation indépendante, qui peut être commandée seule. Le gérant ne peut pas vous obliger à acheter un verre d’eau en accompagnement d’une autre consommation. Ce serait une vente liée, ce qui est interdit. »
*
« Le verre d’eau devient une consommation indépendante, qui peut être commandée seule. » On peut donc aller au Café de Rouen et y commander un verre d’eau à vingt centimes et uniquement cela. Je m’y risquerai lorsque j’en aurai le loisir.
*
Quand, au Café de Rouen, le verre d’eau était gratuit, il avait la taille d’un dé à coudre. Maintenant qu’il est payant, il est servi dans un vrai verre. On en a pour son argent.
D’emblée, je vois que cette année, il est raté. De nombreux trous sont visibles entre les exposants.. Le troisième est celui à qui j’ai acheté un livre hier rue Pierre Mac Orlan. « Je vous ai reconnu », lui dis-je. « Moi aussi », me répond-il.
Il m’est arrivé de trouver de bons livres dans ce déballage. Pas cette fois. Je m’arrête pour une ramette de papier blanc quatre-vingts grammes. Le vendeur m’en demande trois euros. Je l’emporte pour deux. Je m’en servirai pour emballer des livres vendus.
Vers treize heures trente, le soleil brille mais la terrasse du Son du Cor est à l’ombre et celle du Sacre pas encore installée. Je me rabats sur celle du Café de Rouen et commande un café verre d’eau à une serveuse inconnue de moi.
« Un euro soixante. Euh non, un quatre-vingts », me dit-elle quand elle me les apporte. « Ça a augmenté ? », lui demandé-je. « Non, c’est le verre d’eau qui est payant, vingt centimes. » Je lui dis que c’est interdit de faire payer le verre d’eau, qu’elle peut le remporter.
Arrive l’un des serveurs, connu de moi. Il me dit qu’on peut faire payer un verre d’eau hors restauration si c’est affiché. Et que c’est affiché. « Je vais me renseigner », lui réponds-je puis je me plonge dans ma lecture, pas pressé de partir après avoir bu mon café. Vers quinze heures, comme il fait toujours beau, je vais prendre un autre café au Sacre (un euro cinquante). Il m’est servi avec un verre d’eau gratuit et le sourire d’Apolline.
Quand je rentre, j’interroge Internet. Ce que m’a dit le serveur est exact. Sur le site DemarchesAdministratives.fr, je lis notamment ceci : « Le gérant peut également choisir de vous facturer le verre d'eau. Dans ce cas, cela doit être clairement indiqué, aussi bien à l'extérieur qu'à l'intérieur de l’établissement et préciser les tarifs. Le verre d’eau devient une consommation indépendante, qui peut être commandée seule. Le gérant ne peut pas vous obliger à acheter un verre d’eau en accompagnement d’une autre consommation. Ce serait une vente liée, ce qui est interdit. »
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« Le verre d’eau devient une consommation indépendante, qui peut être commandée seule. » On peut donc aller au Café de Rouen et y commander un verre d’eau à vingt centimes et uniquement cela. Je m’y risquerai lorsque j’en aurai le loisir.
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Quand, au Café de Rouen, le verre d’eau était gratuit, il avait la taille d’un dé à coudre. Maintenant qu’il est payant, il est servi dans un vrai verre. On en a pour son argent.
13 mai 2023
Un samedi sans pluie est annoncé. Allons-y, me dis-je, bien qu’il fasse gris. Me voici sur le quai haut de Rouen à l’angle du pont Corneille attendant le bus Effe Neuf dont le terminus est Champ de Foire à Elbeuf. Il arrive trois minutes après six heures cinquante et une. Peu de monde à l’intérieur bien que le samedi ce soit gratuit.
C’est une longue ligne avec peu d’arrêts intermédiaires. Elle me permet de découvrir Les Essarts et sa petite église à cloches extérieures fixées sur sa flèche et de revoir Orival et sa petite église juchée sur la falaise.
Au terminus, je descends à quelques mètres d’un vide grenier qui annonçait trois cents exposants mais en a à peine le tiers. Des fripes, des grolles et de la déco moche constituent l’essentiel de la marchandise Car comme disait le duc d’Elbeuf / C’est avec du vieux qu’on fait du neuf. Pour les livres, cela va d’Harlequin à des guides de cuisine.
Mon tour achevé, je vais attendre le bus Effe Neuf pour Rouen terminus Théâtre des Arts. J’en descends rive gauche à Eglise Saint-Sever. Près d’icelle est la petite rue Pierre Mac Orlan dans laquelle se tient un modeste vide grenier, mais au moins là je vois des livres présentables. Je me baisse pour ramasser Les Dépossédés de Robert McLiam Wilson, illustré des photos de Donovan Wylie, édité chez Christian Bourgois.
Je demande son prix au vendeur coiffé d’une crête un peu âgée. Il me répond deux euros.
-Vous m’auriez dit un, je le prenais.
-Un cinquante alors.
Il me dit qu’on se croise à Rouen. Comme si c’était un motif pour ne pas me le laisser à un. J’accepte son prix. Il me répète qu’on se voit souvent dans la rue.
-Je ne reconnais jamais les gens, lui dis-je.
-Alors la prochaine fois, je vous dirai bonjour, me répond-il.
A l’arrêt Eglise Saint-Sever passe aussi le bus Effe Un qui va à Isneauville. Il me dépose à République, près de mon logis. Il est neuf heures quand j’ouvre ma porte.
*
Quatrième et dernier jour de la Braderie de Rouen, celle du printemps. Elle a pris l’eau pendant les trois premiers. Ce samedi, une fois le soleil apparu, c’est l’horreur dans les rues piétonnières où tout est déballé. La foule est partout. Il va y en avoir de l’avoir dans les armoires.
Personnellement, je renoue avec la terrasse du Son du Cor (le serveur : « Ça faisait longtemps ») puis je poursuis ma lecture de la correspondance amoureuse de Beaumarchais à celle du Sacre.
C’est une longue ligne avec peu d’arrêts intermédiaires. Elle me permet de découvrir Les Essarts et sa petite église à cloches extérieures fixées sur sa flèche et de revoir Orival et sa petite église juchée sur la falaise.
Au terminus, je descends à quelques mètres d’un vide grenier qui annonçait trois cents exposants mais en a à peine le tiers. Des fripes, des grolles et de la déco moche constituent l’essentiel de la marchandise Car comme disait le duc d’Elbeuf / C’est avec du vieux qu’on fait du neuf. Pour les livres, cela va d’Harlequin à des guides de cuisine.
Mon tour achevé, je vais attendre le bus Effe Neuf pour Rouen terminus Théâtre des Arts. J’en descends rive gauche à Eglise Saint-Sever. Près d’icelle est la petite rue Pierre Mac Orlan dans laquelle se tient un modeste vide grenier, mais au moins là je vois des livres présentables. Je me baisse pour ramasser Les Dépossédés de Robert McLiam Wilson, illustré des photos de Donovan Wylie, édité chez Christian Bourgois.
Je demande son prix au vendeur coiffé d’une crête un peu âgée. Il me répond deux euros.
-Vous m’auriez dit un, je le prenais.
-Un cinquante alors.
Il me dit qu’on se croise à Rouen. Comme si c’était un motif pour ne pas me le laisser à un. J’accepte son prix. Il me répète qu’on se voit souvent dans la rue.
-Je ne reconnais jamais les gens, lui dis-je.
-Alors la prochaine fois, je vous dirai bonjour, me répond-il.
A l’arrêt Eglise Saint-Sever passe aussi le bus Effe Un qui va à Isneauville. Il me dépose à République, près de mon logis. Il est neuf heures quand j’ouvre ma porte.
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Quatrième et dernier jour de la Braderie de Rouen, celle du printemps. Elle a pris l’eau pendant les trois premiers. Ce samedi, une fois le soleil apparu, c’est l’horreur dans les rues piétonnières où tout est déballé. La foule est partout. Il va y en avoir de l’avoir dans les armoires.
Personnellement, je renoue avec la terrasse du Son du Cor (le serveur : « Ça faisait longtemps ») puis je poursuis ma lecture de la correspondance amoureuse de Beaumarchais à celle du Sacre.
11 mai 2023
Une drache avant de quitter mon logis et le train Nord Pas de Calais pour Lille Flandres dans mon dos quand je suis à nouveau sur le quai Deux de la Gare de Rouen ce mercredi à attendre le sept heures vingt-quatre pour Paris.
Il ne pleut pas encore dans la capitale à mon arrivée aussi je choisis le bus Vingt-Neuf pour rejoindre le onzième arrondissement mais quand j’y suis ça se met à tomber. Je dois renoncer au Marché d’Aligre et vais boire un café au Camélia.
A dix heures, je retrouve le Book-Off de Ledru-Rollin et ses livres à un euro parmi lesquels je retiens En camping-car d’Ivan Jablonka (Seuil), M Train de Patti Smith (Folio) et Poèmes de D.H. Lawrence (Poésie Gallimard). J’ajoute à cinq euros Lettres d’une vie d’Irène Némirovsky (Denoël).
Il pleut toujours à ma sortie. Je me dirige vers Le Paris m’arrêtant en chemin chez Muji et à Maisons du Monde et en ressortant sans achat. Un cadeau pour celle qui doit me rejoindre à midi et demi aurait été bienvenu, mais quoi ? Il n’y a dans ces boutiques que des objets qui me dépriment, hormis les carnets Muji, mais elle n’en aurait pas l’usage.
Au Paris, je lis Sur les chemins d’Oxor de Marc Roger tandis qu’une nouvelle serveuse presse des oranges avec une machine qui fait le même bruit qu’une perceuse. Heureusement, il y a la musique, dont elle est également responsable.
C’est avec quelques minutes de retard qu’arrive celle qui travaille dans le coin. Nous fêtons son anniversaire et son accession à la propriété. Terminé le petit appartement du dix-huitième arrondissement qui au fil des années avait perdu de son attrait. Aux voisins de plus en plus bruyants s’ajoutait depuis quelques mois, dans la petite rue sous ses fenêtres, la nuisance sonore générée par un trafic de drogue, La voici propriétaire d’un appartement à Montreuil, au cinquième sans ascenseur. Nous parlons de cela et de bien d’autres choses en mangeant une viande tendre et une tarte aux poires avec un verre de pinot noir.
Quand nous nous séparons, la pluie a cessé. Je rejoins le Book-Off de la rue Saint-Martin. Il fait presque trop chaud dans son sous-sol où à un euro je trouve Blanche Meyer et Jean Giono d’Annick Stevenson (Actes Sud).
J’ai un billet de première pour le train du retour de seize heures quarante, à l’un des deux sièges près de la cabine du chef de bord. Celui-ci annonce que toutes les places en première sont occupées. Certains y voyagent sur un strapontin bien moins confortable qu’un siège de seconde classe.
*
Quand je l’ai rencontrée j’avais trois fois son âge. Aujourd’hui, j’ai deux fois son âge et je la connais depuis la moitié de sa vie.
Il ne pleut pas encore dans la capitale à mon arrivée aussi je choisis le bus Vingt-Neuf pour rejoindre le onzième arrondissement mais quand j’y suis ça se met à tomber. Je dois renoncer au Marché d’Aligre et vais boire un café au Camélia.
A dix heures, je retrouve le Book-Off de Ledru-Rollin et ses livres à un euro parmi lesquels je retiens En camping-car d’Ivan Jablonka (Seuil), M Train de Patti Smith (Folio) et Poèmes de D.H. Lawrence (Poésie Gallimard). J’ajoute à cinq euros Lettres d’une vie d’Irène Némirovsky (Denoël).
Il pleut toujours à ma sortie. Je me dirige vers Le Paris m’arrêtant en chemin chez Muji et à Maisons du Monde et en ressortant sans achat. Un cadeau pour celle qui doit me rejoindre à midi et demi aurait été bienvenu, mais quoi ? Il n’y a dans ces boutiques que des objets qui me dépriment, hormis les carnets Muji, mais elle n’en aurait pas l’usage.
Au Paris, je lis Sur les chemins d’Oxor de Marc Roger tandis qu’une nouvelle serveuse presse des oranges avec une machine qui fait le même bruit qu’une perceuse. Heureusement, il y a la musique, dont elle est également responsable.
C’est avec quelques minutes de retard qu’arrive celle qui travaille dans le coin. Nous fêtons son anniversaire et son accession à la propriété. Terminé le petit appartement du dix-huitième arrondissement qui au fil des années avait perdu de son attrait. Aux voisins de plus en plus bruyants s’ajoutait depuis quelques mois, dans la petite rue sous ses fenêtres, la nuisance sonore générée par un trafic de drogue, La voici propriétaire d’un appartement à Montreuil, au cinquième sans ascenseur. Nous parlons de cela et de bien d’autres choses en mangeant une viande tendre et une tarte aux poires avec un verre de pinot noir.
Quand nous nous séparons, la pluie a cessé. Je rejoins le Book-Off de la rue Saint-Martin. Il fait presque trop chaud dans son sous-sol où à un euro je trouve Blanche Meyer et Jean Giono d’Annick Stevenson (Actes Sud).
J’ai un billet de première pour le train du retour de seize heures quarante, à l’un des deux sièges près de la cabine du chef de bord. Celui-ci annonce que toutes les places en première sont occupées. Certains y voyagent sur un strapontin bien moins confortable qu’un siège de seconde classe.
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Quand je l’ai rencontrée j’avais trois fois son âge. Aujourd’hui, j’ai deux fois son âge et je la connais depuis la moitié de sa vie.
9 mai 2023
Après l’arrivée d’un nouveau voisin dans l’appartement contigu au mien en haut, il y a du nouveau dans l’appartement contigu au mien en bas. Sa propriétaire l’a vendu. L’acheteur fait des travaux.
Celle qui est partie durant mon absence sera restée là une bonne vingtaine d’années, étant arrivée peu après moi dans la copropriété (avant elle, c’était un couple de jeunes rastas écoutant sans cesse du reggae).
Avec celle qui vient de partir, je me suis bien entendu durant des années. Puis il y eut l’arrivée des propriétaires d’Abrutus et d’Aboyus. Elles l’attirèrent dans leur filet. Dès qu’elle en voyait une dans le jardin, elle filait la rejoindre. C’est ainsi qu’elle devint plus ou moins amie avec les amies de ces voisines d’en face. Quand ces dernières partirent, elle continua à en recevoir chez elle. Parmi lesquelles une qui sachant que je détestais Abrutus et Aboyus s’amusait à aboyer en passant devant ma porte et contre qui un jour je déposais plainte pour harcèlement, plainte dont je n’ai ensuite jamais entendu parler. Cette femme qu’in petto je nommais La Grosse Valérie de Franqueville-Saint-Pierre (elle s’occupait du personnel d’une entreprise là-bas, bien qu’on l’ait plutôt imaginée marchande de poissons) cessa ensuite de venir mais cette voisine continua à me faire la tronche. Jusqu'au jour où elle dut venir me voir, une fuite de mon chauffe-eau ayant fait des dégâts chez elle. Après la rédaction d’un constat pour l’assurance, elle recommença à me dire bonjour mais du bout des lèvres.
Je ne l’entendrai plus, avant d’aller au travail, chaque matin vers sept heures moins le quart, passer aux toilettes.
*
Bien que peu douée pour le jardinage, cette voisine s’occupait de temps à autre de fleurir la jardinière circulaire située devant son appartement à l’entrée du jardin. Maintenant celle-ci est envahie par une espèce de plante verte qui s’accorde avec la pelouse abandonnée.
*
Si la boîte à clés a disparu de mon mur, la location Air Bibi de l’un des appartements de la copropriété continue. Un couple à grosses valises me l’indique ce dimanche après-midi et j’en ai confirmation par ailleurs. Sans doute son propriétaire est-il allé fixer cette boîte à clés ailleurs par crainte d’ennuis avec le syndic.
*
A rebours du son qui traverse trop bien les murs de la copropriété, les ondes nécessaires au bon fonctionnement de mon smartphone se heurtent parfois à des obstacles qui m’empêchent de recevoir le code nécessaire pour rejoindre le réseau social Effe Bé. C’est à nouveau le cas depuis le huit mai.
Celle qui est partie durant mon absence sera restée là une bonne vingtaine d’années, étant arrivée peu après moi dans la copropriété (avant elle, c’était un couple de jeunes rastas écoutant sans cesse du reggae).
Avec celle qui vient de partir, je me suis bien entendu durant des années. Puis il y eut l’arrivée des propriétaires d’Abrutus et d’Aboyus. Elles l’attirèrent dans leur filet. Dès qu’elle en voyait une dans le jardin, elle filait la rejoindre. C’est ainsi qu’elle devint plus ou moins amie avec les amies de ces voisines d’en face. Quand ces dernières partirent, elle continua à en recevoir chez elle. Parmi lesquelles une qui sachant que je détestais Abrutus et Aboyus s’amusait à aboyer en passant devant ma porte et contre qui un jour je déposais plainte pour harcèlement, plainte dont je n’ai ensuite jamais entendu parler. Cette femme qu’in petto je nommais La Grosse Valérie de Franqueville-Saint-Pierre (elle s’occupait du personnel d’une entreprise là-bas, bien qu’on l’ait plutôt imaginée marchande de poissons) cessa ensuite de venir mais cette voisine continua à me faire la tronche. Jusqu'au jour où elle dut venir me voir, une fuite de mon chauffe-eau ayant fait des dégâts chez elle. Après la rédaction d’un constat pour l’assurance, elle recommença à me dire bonjour mais du bout des lèvres.
Je ne l’entendrai plus, avant d’aller au travail, chaque matin vers sept heures moins le quart, passer aux toilettes.
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Bien que peu douée pour le jardinage, cette voisine s’occupait de temps à autre de fleurir la jardinière circulaire située devant son appartement à l’entrée du jardin. Maintenant celle-ci est envahie par une espèce de plante verte qui s’accorde avec la pelouse abandonnée.
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Si la boîte à clés a disparu de mon mur, la location Air Bibi de l’un des appartements de la copropriété continue. Un couple à grosses valises me l’indique ce dimanche après-midi et j’en ai confirmation par ailleurs. Sans doute son propriétaire est-il allé fixer cette boîte à clés ailleurs par crainte d’ennuis avec le syndic.
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A rebours du son qui traverse trop bien les murs de la copropriété, les ondes nécessaires au bon fonctionnement de mon smartphone se heurtent parfois à des obstacles qui m’empêchent de recevoir le code nécessaire pour rejoindre le réseau social Effe Bé. C’est à nouveau le cas depuis le huit mai.
8 mai 2023
Météo France est formelle : des nuages et de la pluie pour samedi, pas de pluie et des éclaircies pour dimanche. Moyennant quoi, je mets mon réveil à cinq heures ce dimanche car c’est le jour de deux vide greniers de choix dans la Métropole, celui du Village à Mont-Saint-Aignan et celui de la rue Saint-Julien dans la rive gauche de Rouen.
Résultat, alors qu’il n’a presque pas plu samedi, il pleut ce dimanche matin. Je ne peux que renoncer. Mon unique sortie du jour consiste à aller acheter une baguette tradition avec des graines. Ensuite je regarde pousser la pelouse. Elle va bien, ressemblant de plus en plus à une prairie où se font remarquer les graines de pissenlit. Le propriétaire tondeur est pourtant là. La flemme, peut-être.
*
Des qui n’ont pas la flemme, ni peur de se mouiller, ce sont les opposant(e)s à ce qui est faussement appelé le Contournement Est de Rouen et qui n’est que le raccordement par un nouveau tronçon de deux autoroutes existantes.
Elles et eux sont rassemblés à Léry, ce village proche de Val-de-Reuil que je connais bien pour des raisons familiales, Il s’agit de défendre la partie de la Forêt de Bord qui serait saccagée pour construire le nouveau tronçon, un endroit où quand je faisais l’instituteur à l’école maternelle Jean Moulin de Védéherre, j’emmenais mes élèves en balade en longeant le cleube hippique et le cimetière, eux aussi menacés.
Ce rassemblement vise à armer les arbres contre ceux qui veulent les abattre : plantage de clous dans les troncs, installation de filins métalliques entre les cimes, faux marquage d’arbres à sauvegarder. Il a pour nom « Des bâtons dans les routes ». Celui-ci prend tout son sens quand l’autoroute A Treize est bloquée dans les deux sens par des branchages. Le Préfet de l’Eure (sa moustache, sa casquette) n’est pas content.
Résultat, alors qu’il n’a presque pas plu samedi, il pleut ce dimanche matin. Je ne peux que renoncer. Mon unique sortie du jour consiste à aller acheter une baguette tradition avec des graines. Ensuite je regarde pousser la pelouse. Elle va bien, ressemblant de plus en plus à une prairie où se font remarquer les graines de pissenlit. Le propriétaire tondeur est pourtant là. La flemme, peut-être.
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Des qui n’ont pas la flemme, ni peur de se mouiller, ce sont les opposant(e)s à ce qui est faussement appelé le Contournement Est de Rouen et qui n’est que le raccordement par un nouveau tronçon de deux autoroutes existantes.
Elles et eux sont rassemblés à Léry, ce village proche de Val-de-Reuil que je connais bien pour des raisons familiales, Il s’agit de défendre la partie de la Forêt de Bord qui serait saccagée pour construire le nouveau tronçon, un endroit où quand je faisais l’instituteur à l’école maternelle Jean Moulin de Védéherre, j’emmenais mes élèves en balade en longeant le cleube hippique et le cimetière, eux aussi menacés.
Ce rassemblement vise à armer les arbres contre ceux qui veulent les abattre : plantage de clous dans les troncs, installation de filins métalliques entre les cimes, faux marquage d’arbres à sauvegarder. Il a pour nom « Des bâtons dans les routes ». Celui-ci prend tout son sens quand l’autoroute A Treize est bloquée dans les deux sens par des branchages. Le Préfet de l’Eure (sa moustache, sa casquette) n’est pas content.
6 mai 2023
Retour des désagréments ce vendredi lorsque je me replonge dans la banalité de la vie quotidienne.
Vers neuf heures, j’appelle la secrétaire de mon médecin traitant pour obtenir un rendez-vous prochainement. Elle me dit qu’il est absent, ayant une remplaçante. Comme il s’agit avant tout d’un renouvellement d’ordonnance, je préférerais avoir affaire à lui, qui me connaît. « Quand revient-il ? » « On ne sait pas encore. » Soit je prends un rendez-vous maintenant avec la remplaçante, soit je rappelle après le douze pour savoir s’il est de retour car on ne prend pas de rendez-vous avec lui sans savoir s’il sera effectivement présent. Je prends donc un rendez-vous pour la semaine prochaine avec la remplaçante, me demandant s’il est malade ou quoi.
Un peu plus tard, je me rends à la Poste de la rue de la Jeanne afin d’acheter des vignettes d’expédition à l’un des automates. Ce que je redoutais arrive. Ni mes vignettes ni mes tickets ne sortent. Une première postière ne sait même pas comment régler le problème, c’est moi qui lui apprends qu’il y a des clés dans un tiroir pour ouvrir cette machine. Une deuxième sait ouvrir mais ne voit pas trace de vignettes, pas loin de m’accuser de fabuler. Il faut qu’elle appelle une responsable pour que le problème soit réglé. Je suggère à cette dernière d’organiser des stages pour celles qui n’ont pas su me venir en aide.
Quand Stendhal était énervé, il l’exprimait en disant « J’ai de l’humeur » ou « Cela me donne de l’humeur ». A son exemple, je peux dire qu’à peine y suis-je de retour, Rouen me donne de l’humeur.
Pour me remettre un peu, je décide d’aller déjeuner dans mon restaurant japonais préféré. Quand j’y entre, quatre jeunes filles sont déjà installées à la table proche de la porte. Je leur dis bonjour comme je le ferais pour n’importe qui dans la circonstance. Aucune ne me répond. Pas de doute, je ne suis plus dans le Pas de Calais.
*
Même s’il fait plus doux à Rouen qu’à Boulogne-sur-Mer, pas moyen d’y boire un café en terrasse en raison des averses. Je retourne donc à l’intérieur du Socrate ce samedi matin. En face, Le Flo’s a rouvert après sa fermeture administrative mais sous forme restreinte car la Mairie lui a fait retirer une grande partie de sa terrasse, installée sans autorisation.
Quand je rentre en fin de matinée, j’apprends la mort de Philippe Sollers, l’écrivain maoïste devenu papiste que je n’ai jamais pu supporter, à l’écrit comme à l’oral. Il ne manquait pas d’encenseurs car de lui dépendait la parution de leurs livres chez Gallimard. D’autres écrivains avant lui furent faiseurs de roi chez Gallimard : Marcel Arland, Alain Bosquet, Max-Pol Fouchet, encensés de leur vivant, oubliés depuis leur mort. Bientôt plus personne ne se souciera des écrits de Philippe Joyaux, dit Sollers.
Vers neuf heures, j’appelle la secrétaire de mon médecin traitant pour obtenir un rendez-vous prochainement. Elle me dit qu’il est absent, ayant une remplaçante. Comme il s’agit avant tout d’un renouvellement d’ordonnance, je préférerais avoir affaire à lui, qui me connaît. « Quand revient-il ? » « On ne sait pas encore. » Soit je prends un rendez-vous maintenant avec la remplaçante, soit je rappelle après le douze pour savoir s’il est de retour car on ne prend pas de rendez-vous avec lui sans savoir s’il sera effectivement présent. Je prends donc un rendez-vous pour la semaine prochaine avec la remplaçante, me demandant s’il est malade ou quoi.
Un peu plus tard, je me rends à la Poste de la rue de la Jeanne afin d’acheter des vignettes d’expédition à l’un des automates. Ce que je redoutais arrive. Ni mes vignettes ni mes tickets ne sortent. Une première postière ne sait même pas comment régler le problème, c’est moi qui lui apprends qu’il y a des clés dans un tiroir pour ouvrir cette machine. Une deuxième sait ouvrir mais ne voit pas trace de vignettes, pas loin de m’accuser de fabuler. Il faut qu’elle appelle une responsable pour que le problème soit réglé. Je suggère à cette dernière d’organiser des stages pour celles qui n’ont pas su me venir en aide.
Quand Stendhal était énervé, il l’exprimait en disant « J’ai de l’humeur » ou « Cela me donne de l’humeur ». A son exemple, je peux dire qu’à peine y suis-je de retour, Rouen me donne de l’humeur.
Pour me remettre un peu, je décide d’aller déjeuner dans mon restaurant japonais préféré. Quand j’y entre, quatre jeunes filles sont déjà installées à la table proche de la porte. Je leur dis bonjour comme je le ferais pour n’importe qui dans la circonstance. Aucune ne me répond. Pas de doute, je ne suis plus dans le Pas de Calais.
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Même s’il fait plus doux à Rouen qu’à Boulogne-sur-Mer, pas moyen d’y boire un café en terrasse en raison des averses. Je retourne donc à l’intérieur du Socrate ce samedi matin. En face, Le Flo’s a rouvert après sa fermeture administrative mais sous forme restreinte car la Mairie lui a fait retirer une grande partie de sa terrasse, installée sans autorisation.
Quand je rentre en fin de matinée, j’apprends la mort de Philippe Sollers, l’écrivain maoïste devenu papiste que je n’ai jamais pu supporter, à l’écrit comme à l’oral. Il ne manquait pas d’encenseurs car de lui dépendait la parution de leurs livres chez Gallimard. D’autres écrivains avant lui furent faiseurs de roi chez Gallimard : Marcel Arland, Alain Bosquet, Max-Pol Fouchet, encensés de leur vivant, oubliés depuis leur mort. Bientôt plus personne ne se souciera des écrits de Philippe Joyaux, dit Sollers.
5 mai 2023
Il est temps de quitter mon studio Air Bibi de la rue de l’Enseignement Mutuel ce jeudi matin. En face de ce logement de rez-de-chaussée en est un autre habité par une femme dont les volets sont toujours restés baissés durant mon séjour et qui est connue des services sociaux. Cette fois les volets sont ouverts et des déménageurs en action. Je vois donc cette personne pour la première fois au moment de partir. « Vous êtes le nouveau locataire ? », me demande-t-elle. Je la détrompe.
J’ai en ma possession un billet de train à un euro vingt pour aller de la Gare de Boulogne Tintelleries à la Gare de Boulogne Ville, obtenu auprès d’un guichetier de la Gare de Calais qui n’en revenait pas d’un tel achat. C’est qu’on ne peut aller facilement en bus d’une gare boulonnaise à l’autre et qu’à pied cela fait deux kilomètres que je ne voulais pas risquer de faire sous la pluie.
Je suis seul à attendre ce train de neuf heures quarante-deux dont je descendrai deux minutes plus tard. Ce train n’arrive pas. La Gare de Boulogne Tintelleries étant fermée, je ne sais pas pourquoi. Heureusement, il ne pleut pas. Je traîne ma valise en ville et comme j’ai du temps avant mon Tégévé et que je sais, pour être passé devant en bus, qu’il n’y a aucun café près de la Gare de Boulogne Ville, je m’arrête au dernier troquet sur le chemin, Le Daunou. J’y prends un café à un euro vingt et une dernière leçon de parler local.
Mon Tégévé pour Paris doit partir à onze heures cinquante et une. J’entre un peu avant onze heures dans la Gare et découvre qu’il est annulé. « On a eu un déraillement », me dit l’homme à casquette à qui je m’adresse. Il me dit de prendre le Téheuherre qui part de la voie cinq à onze heures. J’y fonce, me félicitant de la manie que j’ai de toujours être en avance. Le chef de bord m’apprend que ce train qui s’arrête six ou sept fois, notamment à Abbeville et Amiens, ne met pas plus de temps pour aller à Paris que le Tégévé car ce dernier fait des détours. En conséquence, j’arriverai dans la capitale plus tôt que prévu. En revanche, moi qui avais, pour quelques euros de plus, pris un billet de première classe pour rentrer à Rouen, me voici mélangé au tout-venant qui augmente d’arrêt en arrêt. Mon voisinage est heureusement calme, hormis deux moutardes à qui leur mère ment sans cesse en leur disant qu’elles sont bientôt arrivées.
Gare du Nord je suis surpris par la chaleur qui règne à Paris. Je trouve vite le métro Quatre, un changement à Châtelet, et me voici à Saint-Lazare. Je vais boire un café à deux euros cinquante à La Ville d’Argentan, ce que je n’aurais pas eu le temps de faire si j’avais eu mon Tégévé. C’est ainsi que j’apprends par sa sympathique serveuse que ce café va fermer la semaine prochaine. Les murs ont été vendus et le nouveau propriétaire de l’hôtel quatre étoiles au-dessus ne veut plus de bruit en dessous. Celle qui se fait appeler Stéphanie et que j’ai connue à son arrivée sous son vrai prénom Danuta (je n’ai jamais su si c’est par sa volonté ou par celle du patron qu’a eu lieu ce changement) a toujours été gentille avec moi. Elle est là depuis sept ans, me dit-elle, et l’un des serveurs depuis trente et un ans. Heureusement pour elle, elle a déjà retrouvé un emploi dans un restaurant chic du quartier. La Ville d’Argentan était le seul troquet proche de la Gare Saint-Lazare à être fréquentable (malgré Télé Bolloré sans le son tout le temps et une radio franchouillarde de temps à autre).
Dans le train Nomad de quinze heures quarante, j’ai une place en première à l’entrée de la voiture Deux près de la cabine où se cache le chef de bord. J’y termine ma lecture du Journal de Stendhal.
Il fait également chaud à Rouen. Je tire une dernière fois une valise qui n’en peut plus (deux roulettes sur quatre sont hors service). Arrivé à mon logis, je constate que la boîte à clés qui ornait le mur à disparu. Plus de location Air Bibi dans la copropriété, semble-t-il.
J’ai en ma possession un billet de train à un euro vingt pour aller de la Gare de Boulogne Tintelleries à la Gare de Boulogne Ville, obtenu auprès d’un guichetier de la Gare de Calais qui n’en revenait pas d’un tel achat. C’est qu’on ne peut aller facilement en bus d’une gare boulonnaise à l’autre et qu’à pied cela fait deux kilomètres que je ne voulais pas risquer de faire sous la pluie.
Je suis seul à attendre ce train de neuf heures quarante-deux dont je descendrai deux minutes plus tard. Ce train n’arrive pas. La Gare de Boulogne Tintelleries étant fermée, je ne sais pas pourquoi. Heureusement, il ne pleut pas. Je traîne ma valise en ville et comme j’ai du temps avant mon Tégévé et que je sais, pour être passé devant en bus, qu’il n’y a aucun café près de la Gare de Boulogne Ville, je m’arrête au dernier troquet sur le chemin, Le Daunou. J’y prends un café à un euro vingt et une dernière leçon de parler local.
Mon Tégévé pour Paris doit partir à onze heures cinquante et une. J’entre un peu avant onze heures dans la Gare et découvre qu’il est annulé. « On a eu un déraillement », me dit l’homme à casquette à qui je m’adresse. Il me dit de prendre le Téheuherre qui part de la voie cinq à onze heures. J’y fonce, me félicitant de la manie que j’ai de toujours être en avance. Le chef de bord m’apprend que ce train qui s’arrête six ou sept fois, notamment à Abbeville et Amiens, ne met pas plus de temps pour aller à Paris que le Tégévé car ce dernier fait des détours. En conséquence, j’arriverai dans la capitale plus tôt que prévu. En revanche, moi qui avais, pour quelques euros de plus, pris un billet de première classe pour rentrer à Rouen, me voici mélangé au tout-venant qui augmente d’arrêt en arrêt. Mon voisinage est heureusement calme, hormis deux moutardes à qui leur mère ment sans cesse en leur disant qu’elles sont bientôt arrivées.
Gare du Nord je suis surpris par la chaleur qui règne à Paris. Je trouve vite le métro Quatre, un changement à Châtelet, et me voici à Saint-Lazare. Je vais boire un café à deux euros cinquante à La Ville d’Argentan, ce que je n’aurais pas eu le temps de faire si j’avais eu mon Tégévé. C’est ainsi que j’apprends par sa sympathique serveuse que ce café va fermer la semaine prochaine. Les murs ont été vendus et le nouveau propriétaire de l’hôtel quatre étoiles au-dessus ne veut plus de bruit en dessous. Celle qui se fait appeler Stéphanie et que j’ai connue à son arrivée sous son vrai prénom Danuta (je n’ai jamais su si c’est par sa volonté ou par celle du patron qu’a eu lieu ce changement) a toujours été gentille avec moi. Elle est là depuis sept ans, me dit-elle, et l’un des serveurs depuis trente et un ans. Heureusement pour elle, elle a déjà retrouvé un emploi dans un restaurant chic du quartier. La Ville d’Argentan était le seul troquet proche de la Gare Saint-Lazare à être fréquentable (malgré Télé Bolloré sans le son tout le temps et une radio franchouillarde de temps à autre).
Dans le train Nomad de quinze heures quarante, j’ai une place en première à l’entrée de la voiture Deux près de la cabine où se cache le chef de bord. J’y termine ma lecture du Journal de Stendhal.
Il fait également chaud à Rouen. Je tire une dernière fois une valise qui n’en peut plus (deux roulettes sur quatre sont hors service). Arrivé à mon logis, je constate que la boîte à clés qui ornait le mur à disparu. Plus de location Air Bibi dans la copropriété, semble-t-il.
4 mai 2023
Pour ma dernière journée sur la Côte d’Opale, je choisis de retourner à Ambleteuse avec le car Région Hauts-de-France dont le terminus est Calais. Je descends à l’arrêt Rue des Ecoles..
Le ciel est bleu. La Voix du Nord parle d’un « anticyclone très éphémère ». Je rejoins un chemin qui longe la Slack et en suis les méandres jusqu’au Fort Vauban dont je fais encore une fois le tour.
Boulevard de la Liberté, je glandouille sur un banc de la digue, regardant qui passe sur terre : un lévrier à manteau blanc, un couple à bâtons, et sur mer : un trois-mâts à voiles blanches, des cargos.
A midi, je déjeune de la formule du jour au Fort des Caps, cette fois dans la véranda d’où j’ai vue sur la mer au loin : cassolette de la mer, verre de chardonnay, soupe de fruits.
Je redescends ensuite vers le Fort et trouve une gargote de plage ouverte, La Gourmandise du Fort. J’y achète un café un euro cinquante que je bois à l’une des tables au soleil puis y lis un peu Stendhal. Un vent frais court à nouveau, mais l’anticyclone tient le coup. Près de moi, dans des chaises longues, sont deux enfants et leurs parents, lui est arrivé là à bicyclette avec la fille en trottinette, elle à pied par les dunes avec le garçon. Ils pique-niquent sans anicroches puis lui repart seul à Wimereux chercher la voiture. Quand il revient, avant de quitter les lieux, il fait un selfie de lui avec elle, puis un autre d’eux deux avec les enfants, le Fort en arrière-plan. Je m'appelle Zangra et je suis lieutenant. Au fort de Belonzio qui domine la plaine. D'où l'ennemi viendra qui me fera héros., leur dit-il. Enfin une famille que je suis content d’avoir côtoyée.
*
Un fidèle lecteur, auteur de Paris Diaries of the 1990s, journal qu’il met en ligne sous un pseudonyme (aussi bien en anglais qu'en version française), m’apprend qu’en mil neuf cent cinquante-trois, à l’âge de trente-six ans, Anthony Burgess traversa la Manche en compagnie de Lynne et d’un couple d’amis pour un voyage d’Ambleteuse à Wimereux.
Dans l’album photo qu’il fit de ce voyage, intitulé « France ! », une photographie montre Burgess assis à la terrasse d’un restaurant, près d’un panneau indiquant : « À L’INTÉRIEUR DÉGUSTATION DE MOULES », une deuxième le montre avec un de ses compagnons sur la route de Wimereux, avec la légende suivante : « Après Avoir Beaucoup Bu à Ambleteuse, On Reprend le Chemin – Tard pour le Déjeuner – Pour Wimereux. » et une troisième le montre étendu en maillot, jeune et svelte : « Sur la Plage en Plein Soleil, Wimereux. ».
Ces documents sont reproduits dans l’introduction de l’ouvrage collectif Anthony Burgess et la France paru aux Presses Universitaires de Rennes en deux mille dix-neuf.
Le ciel est bleu. La Voix du Nord parle d’un « anticyclone très éphémère ». Je rejoins un chemin qui longe la Slack et en suis les méandres jusqu’au Fort Vauban dont je fais encore une fois le tour.
Boulevard de la Liberté, je glandouille sur un banc de la digue, regardant qui passe sur terre : un lévrier à manteau blanc, un couple à bâtons, et sur mer : un trois-mâts à voiles blanches, des cargos.
A midi, je déjeune de la formule du jour au Fort des Caps, cette fois dans la véranda d’où j’ai vue sur la mer au loin : cassolette de la mer, verre de chardonnay, soupe de fruits.
Je redescends ensuite vers le Fort et trouve une gargote de plage ouverte, La Gourmandise du Fort. J’y achète un café un euro cinquante que je bois à l’une des tables au soleil puis y lis un peu Stendhal. Un vent frais court à nouveau, mais l’anticyclone tient le coup. Près de moi, dans des chaises longues, sont deux enfants et leurs parents, lui est arrivé là à bicyclette avec la fille en trottinette, elle à pied par les dunes avec le garçon. Ils pique-niquent sans anicroches puis lui repart seul à Wimereux chercher la voiture. Quand il revient, avant de quitter les lieux, il fait un selfie de lui avec elle, puis un autre d’eux deux avec les enfants, le Fort en arrière-plan. Je m'appelle Zangra et je suis lieutenant. Au fort de Belonzio qui domine la plaine. D'où l'ennemi viendra qui me fera héros., leur dit-il. Enfin une famille que je suis content d’avoir côtoyée.
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Un fidèle lecteur, auteur de Paris Diaries of the 1990s, journal qu’il met en ligne sous un pseudonyme (aussi bien en anglais qu'en version française), m’apprend qu’en mil neuf cent cinquante-trois, à l’âge de trente-six ans, Anthony Burgess traversa la Manche en compagnie de Lynne et d’un couple d’amis pour un voyage d’Ambleteuse à Wimereux.
Dans l’album photo qu’il fit de ce voyage, intitulé « France ! », une photographie montre Burgess assis à la terrasse d’un restaurant, près d’un panneau indiquant : « À L’INTÉRIEUR DÉGUSTATION DE MOULES », une deuxième le montre avec un de ses compagnons sur la route de Wimereux, avec la légende suivante : « Après Avoir Beaucoup Bu à Ambleteuse, On Reprend le Chemin – Tard pour le Déjeuner – Pour Wimereux. » et une troisième le montre étendu en maillot, jeune et svelte : « Sur la Plage en Plein Soleil, Wimereux. ».
Ces documents sont reproduits dans l’introduction de l’ouvrage collectif Anthony Burgess et la France paru aux Presses Universitaires de Rennes en deux mille dix-neuf.
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