Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
29 mai 2025
Bien content de trouver Dussourd ouvert à sept heures et quart ce mercredi, n’ayant pas traîné en chemin pour arriver en ville avant la pluie. Le mauvais temps étant promis pour la journée, elle devient idéale pour la visite du Musée Unterlinden, lequel ouvre à neuf heures, ce qui me laisse un moment pour lire Balzac : Cet homme est pis que Normand. Parmi les premiers clients, la patronne qui, installée à une table, lit les Dernières Nouvelles d’Alsace.
Je suis évidemment devant la porte du Musée Unterlinden à neuf heures moins cinq, précédé d’une poignée d’Allemands. Je montre l’intérieur de mon sac, paie quatorze euros, trouve un casier libre pour ledit sac.
Le Musée Unterlinden réunit trois bâtiments, un couvent du treizième siècle, les anciens bains municipaux et l’Ackerhof, du nom de l’ancien corps de ferme du couvent, nouveau bâtiment réalisé par les architectes Herzog et de Meuron relié au couvent par une galerie souterraine qui passe sous la place Unterlinden et le canal. Je débute la visite en tournant autour du cloître par les salles d’art religieux, où sont de très belles pièces, sculptures et peintures, et un retable, celui du maître-autel de la Collégiale Saint-Martin de Colmar de Caspar Issermann, moins connu que l’autre qui est fléché de partout.
Pratiquement personne dans l’ancienne église du couvent devant ce fameux retable d’Issenheim dû à Matthias Grünewald, et à Nicolas de Haguenau pour la partie sculptée, que je vis autrefois bien accompagné et que je revois seul. Entretemps, il a été restauré et semble donc presque neuf.
Quand j’ai bien observé tous ses panneaux, je poursuis ma tournée dans les salles de l’étage et du sous-sol, m’intéressant peu au mobilier local et aucunement à l’archéologie. J’avance ensuite de siècle en siècle. Je note un Cranach l’Ancien. La salle « Art Moderne 1930 1960 » est fermée ce jour « Nous vous remercions de votre compréhension ». La suite est heureusement visible, où j’apprécie, entre autres, deux Picasso, un Soulages et un lot de Dubuffet. J’arrive enfin à La Piscine, fort belle salle munie d’un parquet pour danser. Là est le seul gardien croisé, occupé à régler des problèmes personnels de téléphonie mobile. Il m’offre une minute pour m’expliquer que cette salle, La Piscine, sert pour l’évènementiel. On peut la louer pour son mariage.
Je refais le circuit, à rebrousse-poil. Devant le retable d’Issenheim, c’est maintenant la foule des groupes cornaqués par des guides heureusement munis d’un micro auxquels s’ajoutent des individuels. Une bicycliste a gardé son casque pour la visite.
Il pleut à peine quand je retrouve l’air libre et rejoins le Café Rapp pour un café à l’intérieur près d’une famille emballée dans le plastique translucide d’imperméables de fortune.
A midi, je déjeune au Restaurant Meistermann, « le restaurant des Colmariens depuis 1880, véritable institution tenue par Monsieur Di Foggio et sa fille Selina » : melon au jambon, pot-au-feu et tarte aux pommes pour vingt et un euros. Je n’ai pas moins de sept couverts sur ma table : deux pour l’entrée, trois pour le plat, deux pour le dessert que j’attends longtemps mais cette part de tarte en valait la peine, après un pot-au-feu à la viande tendre. Une moitié de la salle aux beaux lustres est occupée par des Japonais en famille, calmes et discrets, l’autre moitié par des habitués de tous les jours, anciens notaires ou anciens juges peut-être, qui se saluent les uns les autres.
De là, je remonte la rue jusqu’à la Gare afin d’acheter des billets pour demain, jour de l’Ascension, que je préfère passer hors de Colmar qui sera envahie. Pour revenir, je chope la navette gratuite dans laquelle on peut monter quand on veut, il suffit de faire signe au conducteur, mais, je le découvre, qu’on ne peut quitter quand on veut, seulement à des arrêts programmés.
Me voici donc descendant devant le Théâtre et rebroussant jusqu’au Café Rapp. Il fait suffisamment doux pour que je m’installe en terrasse, abrité d’une éventuelle pluie. « Un expresso, monsieur ? » me dit ma serveuse préférée. Je reprends Lettres à Madame Hanska jusqu’à quinze heures trente.
Je rentre sans être mouillé, passant par le souterrain de la voie ferrée près du bâtiment rose en ruine. Un de ma connaissance, plus adroit que moi pour enquêter, ayant le temps de le faire, puisqu’il travaille, m’a appris que c’était autrefois la Brasserie Mutzig.
*
Une chose que ne m’avait pas dite la guichetière de la Gare de Colmar quand elle m’a vendu une carte Fluo donnant droit à un an de trains régionaux à demi-tarif, c’est que cette carte est valable aussi pour les cars régionaux du Grand Est. Et voilà donc le billet de car Fluo passant de quatre à deux euros, d’un prix exagéré à un prix raisonnable, et moi certain de la rentabiliser.
Je suis évidemment devant la porte du Musée Unterlinden à neuf heures moins cinq, précédé d’une poignée d’Allemands. Je montre l’intérieur de mon sac, paie quatorze euros, trouve un casier libre pour ledit sac.
Le Musée Unterlinden réunit trois bâtiments, un couvent du treizième siècle, les anciens bains municipaux et l’Ackerhof, du nom de l’ancien corps de ferme du couvent, nouveau bâtiment réalisé par les architectes Herzog et de Meuron relié au couvent par une galerie souterraine qui passe sous la place Unterlinden et le canal. Je débute la visite en tournant autour du cloître par les salles d’art religieux, où sont de très belles pièces, sculptures et peintures, et un retable, celui du maître-autel de la Collégiale Saint-Martin de Colmar de Caspar Issermann, moins connu que l’autre qui est fléché de partout.
Pratiquement personne dans l’ancienne église du couvent devant ce fameux retable d’Issenheim dû à Matthias Grünewald, et à Nicolas de Haguenau pour la partie sculptée, que je vis autrefois bien accompagné et que je revois seul. Entretemps, il a été restauré et semble donc presque neuf.
Quand j’ai bien observé tous ses panneaux, je poursuis ma tournée dans les salles de l’étage et du sous-sol, m’intéressant peu au mobilier local et aucunement à l’archéologie. J’avance ensuite de siècle en siècle. Je note un Cranach l’Ancien. La salle « Art Moderne 1930 1960 » est fermée ce jour « Nous vous remercions de votre compréhension ». La suite est heureusement visible, où j’apprécie, entre autres, deux Picasso, un Soulages et un lot de Dubuffet. J’arrive enfin à La Piscine, fort belle salle munie d’un parquet pour danser. Là est le seul gardien croisé, occupé à régler des problèmes personnels de téléphonie mobile. Il m’offre une minute pour m’expliquer que cette salle, La Piscine, sert pour l’évènementiel. On peut la louer pour son mariage.
Je refais le circuit, à rebrousse-poil. Devant le retable d’Issenheim, c’est maintenant la foule des groupes cornaqués par des guides heureusement munis d’un micro auxquels s’ajoutent des individuels. Une bicycliste a gardé son casque pour la visite.
Il pleut à peine quand je retrouve l’air libre et rejoins le Café Rapp pour un café à l’intérieur près d’une famille emballée dans le plastique translucide d’imperméables de fortune.
A midi, je déjeune au Restaurant Meistermann, « le restaurant des Colmariens depuis 1880, véritable institution tenue par Monsieur Di Foggio et sa fille Selina » : melon au jambon, pot-au-feu et tarte aux pommes pour vingt et un euros. Je n’ai pas moins de sept couverts sur ma table : deux pour l’entrée, trois pour le plat, deux pour le dessert que j’attends longtemps mais cette part de tarte en valait la peine, après un pot-au-feu à la viande tendre. Une moitié de la salle aux beaux lustres est occupée par des Japonais en famille, calmes et discrets, l’autre moitié par des habitués de tous les jours, anciens notaires ou anciens juges peut-être, qui se saluent les uns les autres.
De là, je remonte la rue jusqu’à la Gare afin d’acheter des billets pour demain, jour de l’Ascension, que je préfère passer hors de Colmar qui sera envahie. Pour revenir, je chope la navette gratuite dans laquelle on peut monter quand on veut, il suffit de faire signe au conducteur, mais, je le découvre, qu’on ne peut quitter quand on veut, seulement à des arrêts programmés.
Me voici donc descendant devant le Théâtre et rebroussant jusqu’au Café Rapp. Il fait suffisamment doux pour que je m’installe en terrasse, abrité d’une éventuelle pluie. « Un expresso, monsieur ? » me dit ma serveuse préférée. Je reprends Lettres à Madame Hanska jusqu’à quinze heures trente.
Je rentre sans être mouillé, passant par le souterrain de la voie ferrée près du bâtiment rose en ruine. Un de ma connaissance, plus adroit que moi pour enquêter, ayant le temps de le faire, puisqu’il travaille, m’a appris que c’était autrefois la Brasserie Mutzig.
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Une chose que ne m’avait pas dite la guichetière de la Gare de Colmar quand elle m’a vendu une carte Fluo donnant droit à un an de trains régionaux à demi-tarif, c’est que cette carte est valable aussi pour les cars régionaux du Grand Est. Et voilà donc le billet de car Fluo passant de quatre à deux euros, d’un prix exagéré à un prix raisonnable, et moi certain de la rentabiliser.
28 mai 2025
Direction Metzeral, ce mardi matin, au bout de la Grande Vallée, dite aussi vallée de la Fecht, ou encore vallée de Munster, six euros soixante aller retour. Le petit train Fluo est déjà à quai. On peut monter, même s’il ne part que dans vingt minutes. Les lycéens présents sont externes. « Ça dit quoi ? » « Tranquille ». Une bicycliste ôte sa veste mais garde son casque pour se maquiller. A Turckheim, de l’usine en destruction ne reste que la haute cheminée de briques au sommet de laquelle est un nid de cigognes. Peu à peu, le train se vide de ses passagers. Un certain nombre descendent à Munster. Je suis le seul à aller jusqu’à Metzeral. Il y fait un temps gris et doux.
Le village se trouve sur la droite. Je demande à une autochtone où est le centre. « Bah, le centre… » L’église alors. « Laquelle ? La catholique ou la protestante ? » L’une est près de l’école, l’autre là-haut à la sortie.
Divine surprise, une lumière jaune annonce un bar ouvert à neuf heures moins le quart. C’est celui de l’Hôtel Restaurant Le Soleil d’Or où je commande un allongé pour accompagner mon pain au chocolat de chez Eric Colle. Sitôt terminé, je paie mes deux euros cinquante à l’aubergiste qui est plus sympathique qu’il n’en avait l’air de prime abord. Sans que je le lui demande, il me dit quoi faire ici quand on ne veut pas s’épuiser.
A son conseil, je passe le pont à droite, suis la petite route de la Wormsa vers Mittlach, laquelle longe la Fecht et est bordée de maisons montagnardes. S’y trouvent aussi trois hôtels (tous à vendre). Quand j’atteins le pont suivant, je traverse et reviens par le sentier du Lièvre, un chemin forestier qui domine la rivière jusqu’au cimetière communal, puis c’est l’église protestante au centre du bourg. Tout cela en un peu plus d’une heure, comme m’avait dit l’aubergiste.
Je me dirige ensuite par la route pentue vers l’église catholique de l’Emm. A la fin, c’est un vrai chemin de croix. Tu penses y être, qu’il y en a encore à monter. L’imposante bâtisse en pierre rouge est fermée. Devant est un banc au soleil avec vue sur l’ensemble du bourg de Metzeral, sur le village voisin de Muhlbach-sur-Munster et sur la montagne (le Petit Hohneck notamment). Les cloches sonnent dix heures et quart. Je récupère un moment avant de redescendre. Heureusement que mes pieds ont quasiment dompté mes nouvelles Docs. Pas vu le moindre promeneur pendant mon circuit et personne au pied de l’église de l’Emm. Metzeral est pourtant le point de départ de nombreux sentiers de randonnées balisés par le Club Vosgien. Quelques chiens gueulards dans le pays, et deux chats qui sont venus se frotter à mon bas de pantalon.
De retour au Soleil d’Or, malgré le vent qui s’est levé et alors que le soleil dort à nouveau, je me risque à la terrasse pour un expresso verre d’eau à deux euros. « Alors c’était comment ? » me demande l’aubergiste. Le midi, il a une formule à quinze euros : charcuterie alsacienne et gratin de spätzle au munster. Il m’assure que je peux manger en moins d’une heure. C’est que je veux rentrer avec le petit train Fluo de treize heures sept car le suivant est à quinze heures cinquante-six.
En attendant midi, un peu gelé, je lis Lettres à Madame Hanska De même que j’aime de plus en plus, je hais de plus en plus et ma situation vis-à-vis de moi-même est intolérable. Je suis évidemment le seul en terrasse, et personne n’est à l’intérieur, alors que c’est le seul bar du bourg. A midi moins cinq, c’est la sortie de l’école avec beaucoup d’enfants excités. Je prends place dans la salle de restaurant, rejoint par six ouvriers et quatre locaux. Cette nourriture est assez peu de chose. Pour moi, ça ira. En revanche, pas de quoi nourrir des ouvriers. La pinte qu’ils boivent remédiera à leur éventuelle faiblesse.
Alors que le vent est de plus en plus froid, passant près d’un pré à chevaux, je rejoins la Gare de Metzeral. Le petit train Fluo venant de Colmar s’arrête devant la butée. Quatre personnes en descendent. La conductrice aussi, pour aller s’installer à l’autre extrémité. Nous sommes trois à y monter.
*
A Metzeral, j’aurais aussi pu marcher jusqu’au cimetière militaire dit du chêne Millet, appelé ainsi parce que l’auteur de L’Angélus y a dessiné un chêne. Là aussi, j’ai suivi le conseil de l’aubergiste et me suis évité un surplus de fatigue : « C’est un cimetière, rien de plus ».
*
Sur le mur d’une habitation de la Wormsa : « Dans cette maison a vécu Anne-Marie Besey Braesch, dernière femme à avoir porté quotidiennement le costume de la vallée de Munster. »
Elle est morte en mil neuf cent quarante-cinq. Ça valait bien une plaque.
Le village se trouve sur la droite. Je demande à une autochtone où est le centre. « Bah, le centre… » L’église alors. « Laquelle ? La catholique ou la protestante ? » L’une est près de l’école, l’autre là-haut à la sortie.
Divine surprise, une lumière jaune annonce un bar ouvert à neuf heures moins le quart. C’est celui de l’Hôtel Restaurant Le Soleil d’Or où je commande un allongé pour accompagner mon pain au chocolat de chez Eric Colle. Sitôt terminé, je paie mes deux euros cinquante à l’aubergiste qui est plus sympathique qu’il n’en avait l’air de prime abord. Sans que je le lui demande, il me dit quoi faire ici quand on ne veut pas s’épuiser.
A son conseil, je passe le pont à droite, suis la petite route de la Wormsa vers Mittlach, laquelle longe la Fecht et est bordée de maisons montagnardes. S’y trouvent aussi trois hôtels (tous à vendre). Quand j’atteins le pont suivant, je traverse et reviens par le sentier du Lièvre, un chemin forestier qui domine la rivière jusqu’au cimetière communal, puis c’est l’église protestante au centre du bourg. Tout cela en un peu plus d’une heure, comme m’avait dit l’aubergiste.
Je me dirige ensuite par la route pentue vers l’église catholique de l’Emm. A la fin, c’est un vrai chemin de croix. Tu penses y être, qu’il y en a encore à monter. L’imposante bâtisse en pierre rouge est fermée. Devant est un banc au soleil avec vue sur l’ensemble du bourg de Metzeral, sur le village voisin de Muhlbach-sur-Munster et sur la montagne (le Petit Hohneck notamment). Les cloches sonnent dix heures et quart. Je récupère un moment avant de redescendre. Heureusement que mes pieds ont quasiment dompté mes nouvelles Docs. Pas vu le moindre promeneur pendant mon circuit et personne au pied de l’église de l’Emm. Metzeral est pourtant le point de départ de nombreux sentiers de randonnées balisés par le Club Vosgien. Quelques chiens gueulards dans le pays, et deux chats qui sont venus se frotter à mon bas de pantalon.
De retour au Soleil d’Or, malgré le vent qui s’est levé et alors que le soleil dort à nouveau, je me risque à la terrasse pour un expresso verre d’eau à deux euros. « Alors c’était comment ? » me demande l’aubergiste. Le midi, il a une formule à quinze euros : charcuterie alsacienne et gratin de spätzle au munster. Il m’assure que je peux manger en moins d’une heure. C’est que je veux rentrer avec le petit train Fluo de treize heures sept car le suivant est à quinze heures cinquante-six.
En attendant midi, un peu gelé, je lis Lettres à Madame Hanska De même que j’aime de plus en plus, je hais de plus en plus et ma situation vis-à-vis de moi-même est intolérable. Je suis évidemment le seul en terrasse, et personne n’est à l’intérieur, alors que c’est le seul bar du bourg. A midi moins cinq, c’est la sortie de l’école avec beaucoup d’enfants excités. Je prends place dans la salle de restaurant, rejoint par six ouvriers et quatre locaux. Cette nourriture est assez peu de chose. Pour moi, ça ira. En revanche, pas de quoi nourrir des ouvriers. La pinte qu’ils boivent remédiera à leur éventuelle faiblesse.
Alors que le vent est de plus en plus froid, passant près d’un pré à chevaux, je rejoins la Gare de Metzeral. Le petit train Fluo venant de Colmar s’arrête devant la butée. Quatre personnes en descendent. La conductrice aussi, pour aller s’installer à l’autre extrémité. Nous sommes trois à y monter.
*
A Metzeral, j’aurais aussi pu marcher jusqu’au cimetière militaire dit du chêne Millet, appelé ainsi parce que l’auteur de L’Angélus y a dessiné un chêne. Là aussi, j’ai suivi le conseil de l’aubergiste et me suis évité un surplus de fatigue : « C’est un cimetière, rien de plus ».
*
Sur le mur d’une habitation de la Wormsa : « Dans cette maison a vécu Anne-Marie Besey Braesch, dernière femme à avoir porté quotidiennement le costume de la vallée de Munster. »
Elle est morte en mil neuf cent quarante-cinq. Ça valait bien une plaque.
27 mai 2025
Au guichet de la Gare de Colmar, j’achète pour cinq euros vingt, un aller pour Munster et un retour jusqu’à la halte ferroviaire Saint-Joseph à côté de mon logis Air Bibi. Le petit train Fluo qui passe au bout de ma rue va vers la montagne vosgienne en remontant ce qu’on appelle la Grande Vallée (par opposition à la Petite Vallée). Aussi a-t-il pour surnom le Tégévé (Train de la Grande Vallée). Son terminus est Metzeral, peu après Munster. Deux rames font l’aller retour toute la journée sur la voie unique se croisant en Gare de Turckheim grâce à une dérivation.
Je prends le sept heures quarante-sept dans lequel montent beaucoup de lycéen(ne)s à valises. Le lundi est le jour des pensionnaires. Beaucoup descendent à Ingersheim Cité Scolaire, un lycée au milieu des vignes. D’autres descendent après Turckheim (où l’on détruit une usine) à Saint-Gilles en pleine nature. Encore quelques arrêts et c’est Munster.
Arrivé sur la place du Marché, je demande à des gars de la ville où trouver une boulangerie. La boulangère me vend un pain au chocolat énorme à un euro vingt puis me dit que, comme c’est lundi, rien est ouvert dans le pays pour boire un café. Je mange donc cette viennoiserie sur un banc près de la petite église catholique.
Je fais ensuite le tour de la ville reconstruite après la Première Guerre Mondiale en m’aidant des panneaux qui signalent les curiosités. Je passe voir l’Hôtel de Ville Renaissance avec son aigle à deux têtes (l’emblème des Habsbourg), l’ancien Palais Abbatial (l’aile restante), le peu qu’il reste de l’ancien Cloître (« Interdiction de grimper sur les ruines de l’ancienne abbaye »), l’imposant Temple protestant derrière la Fontaine du Lion, la Grand-Rue et ses belles demeures.
J’ai vu ce qu’il y avait à voir avant même qu’on me donne le plan du bourg à l’Office de Tourisme qui n’ouvre qu’à neuf heures trente. L’hôtesse me confirme ce que je craignais : aucune ferme-auberge du coin n’est accessible à moins de deux heures de marche en grimpant (à moins d’avoir une voiture bien sûr).
Dans un coin de l’aile restante de l’ancien Palais Abbatial, le salon de thé L’Abbaye d’Anny ouvre à dix heures. J’attends ce moment sur un banc à proximité d’un mat à nid de cigognes (« Ne pas stationner sous le nid, chutes de branches possible »). Des cigognes, il y en a partout sur les toits de Munster, et ça claque du bec pour effrayer les pigeons. On trouve, place du Marché, l’Hôtel des Cigognes et la Pharmacie des Cigognes.
L’Abbaye d’Anny est dans une salle semi-enterrée, un brin sombre. Derrière moi sont deux femmes sur le déclin et à la seule table haute un vieux qui déprime devant son verre de blanc. Derrière le comptoir, la patronne essaie de dialoguer avec Alexa tandis que son mari s’active aux fourneaux. Le pénible, c’est la musique, un de ces chanteurs de guimauve contemporaine, qui chantent avec le nez, et qu’on écoute en banlieue mais ailleurs aussi. Après avoir bu mon rallongé à un euro quatre-vingt-dix, je renonce à ouvrir Balzac.
Près de la Gare est un parc où il est agréable de lire, même si je me pèle un peu. J’ai été optimiste pour me rendre en Alsace fin mai sans emporter un pull. Fin décembre mil huit cent quarante-cinq, Honoré de Balzac se dévergonde. Lundi vingt-deux : J’ai fait la partie d’aller prendre du hachich, avec Gautier à l’hôtel Pimodan ce soir. Mardi vingt-trois : J’ai résisté au hachich et je n’ai pas éprouvé tous les phénomènes ; mon cerveau est si fort, qu’il fallait une dose plus forte que celle que j’ai prise. Néanmoins, j’ai entendu des voix célestes, et j’ai vu des peintures divines.
A côté est le Grand Hôtel et son restaurant Côté Gare dont le menu du jour est à vingt euros : terrine à la mirabelle et ses crudités, onglet de veau sauce forestière frites et légumes, coupe de fraises Melba. J’ajoute un quart d’edelzwiker à cinq euros soixante. C’est chic et vieillot. Au mur figure un historique du tramouais qui reliait Munster au col de la Schlucht et qui aurait bien fait mon affaire. Mangent ici des employés de la Senecefe, deux ou trois clients de l’hôtel, un père et sa fille qui arbore un crop top on ne peut plus hardi, et vers treize heures, le patron de l’hôtel et sa famille. Cela fait peu de clientèle pour un si grand établissement.
Sur le parvis de la Gare est installée une cabane à livres. Avant de rentrer avec le treize heures dix-neuf, j’y prélève La bonne fortune de monsieur Ma de Qiu Xiaolong (Liana Levi piccolo), ce qui n’alourdira pas ma valise.
*
Un achat qui se révèle utile, celui de la carte « France : Voyage en train » de chez Cartotrain.
Je prends le sept heures quarante-sept dans lequel montent beaucoup de lycéen(ne)s à valises. Le lundi est le jour des pensionnaires. Beaucoup descendent à Ingersheim Cité Scolaire, un lycée au milieu des vignes. D’autres descendent après Turckheim (où l’on détruit une usine) à Saint-Gilles en pleine nature. Encore quelques arrêts et c’est Munster.
Arrivé sur la place du Marché, je demande à des gars de la ville où trouver une boulangerie. La boulangère me vend un pain au chocolat énorme à un euro vingt puis me dit que, comme c’est lundi, rien est ouvert dans le pays pour boire un café. Je mange donc cette viennoiserie sur un banc près de la petite église catholique.
Je fais ensuite le tour de la ville reconstruite après la Première Guerre Mondiale en m’aidant des panneaux qui signalent les curiosités. Je passe voir l’Hôtel de Ville Renaissance avec son aigle à deux têtes (l’emblème des Habsbourg), l’ancien Palais Abbatial (l’aile restante), le peu qu’il reste de l’ancien Cloître (« Interdiction de grimper sur les ruines de l’ancienne abbaye »), l’imposant Temple protestant derrière la Fontaine du Lion, la Grand-Rue et ses belles demeures.
J’ai vu ce qu’il y avait à voir avant même qu’on me donne le plan du bourg à l’Office de Tourisme qui n’ouvre qu’à neuf heures trente. L’hôtesse me confirme ce que je craignais : aucune ferme-auberge du coin n’est accessible à moins de deux heures de marche en grimpant (à moins d’avoir une voiture bien sûr).
Dans un coin de l’aile restante de l’ancien Palais Abbatial, le salon de thé L’Abbaye d’Anny ouvre à dix heures. J’attends ce moment sur un banc à proximité d’un mat à nid de cigognes (« Ne pas stationner sous le nid, chutes de branches possible »). Des cigognes, il y en a partout sur les toits de Munster, et ça claque du bec pour effrayer les pigeons. On trouve, place du Marché, l’Hôtel des Cigognes et la Pharmacie des Cigognes.
L’Abbaye d’Anny est dans une salle semi-enterrée, un brin sombre. Derrière moi sont deux femmes sur le déclin et à la seule table haute un vieux qui déprime devant son verre de blanc. Derrière le comptoir, la patronne essaie de dialoguer avec Alexa tandis que son mari s’active aux fourneaux. Le pénible, c’est la musique, un de ces chanteurs de guimauve contemporaine, qui chantent avec le nez, et qu’on écoute en banlieue mais ailleurs aussi. Après avoir bu mon rallongé à un euro quatre-vingt-dix, je renonce à ouvrir Balzac.
Près de la Gare est un parc où il est agréable de lire, même si je me pèle un peu. J’ai été optimiste pour me rendre en Alsace fin mai sans emporter un pull. Fin décembre mil huit cent quarante-cinq, Honoré de Balzac se dévergonde. Lundi vingt-deux : J’ai fait la partie d’aller prendre du hachich, avec Gautier à l’hôtel Pimodan ce soir. Mardi vingt-trois : J’ai résisté au hachich et je n’ai pas éprouvé tous les phénomènes ; mon cerveau est si fort, qu’il fallait une dose plus forte que celle que j’ai prise. Néanmoins, j’ai entendu des voix célestes, et j’ai vu des peintures divines.
A côté est le Grand Hôtel et son restaurant Côté Gare dont le menu du jour est à vingt euros : terrine à la mirabelle et ses crudités, onglet de veau sauce forestière frites et légumes, coupe de fraises Melba. J’ajoute un quart d’edelzwiker à cinq euros soixante. C’est chic et vieillot. Au mur figure un historique du tramouais qui reliait Munster au col de la Schlucht et qui aurait bien fait mon affaire. Mangent ici des employés de la Senecefe, deux ou trois clients de l’hôtel, un père et sa fille qui arbore un crop top on ne peut plus hardi, et vers treize heures, le patron de l’hôtel et sa famille. Cela fait peu de clientèle pour un si grand établissement.
Sur le parvis de la Gare est installée une cabane à livres. Avant de rentrer avec le treize heures dix-neuf, j’y prélève La bonne fortune de monsieur Ma de Qiu Xiaolong (Liana Levi piccolo), ce qui n’alourdira pas ma valise.
*
Un achat qui se révèle utile, celui de la carte « France : Voyage en train » de chez Cartotrain.
26 mai 2025
J’entre dans la boulangerie Schwartz, place Saint-Joseph, ce dimanche matin tôt (Eric Colle fait relâche). Une boulangerie à l’ancienne fréquentée par des femmes aussi âgées que la patronne. Elles se disent mutuellement « Bonne fête ». Je me souviens alors que c’est la Fête des Mères.
Contrairement à ce que m’a dit celui qui était au comptoir hier après-midi, le Café du Marché n’est pas ouvert à sept heures et quart. Je marche donc jusqu’au centre de Colmar avec mon énorme pain au chocolat à un euro cinquante. Je trouve Dussourd clos. Me voilà bien embêté. D’autant que le soleil est absent et le vent froid.
Je dois attendre huit heures pour avoir le droit d’entrer au Jupiter Café où le « rallongé » est aussi à deux euros cinquante. J’ai vue sur la Collégiale, place de la Cathédrale (c’est la même), en alsacien Munster Platz. Les serveuses ont beaucoup de mal à faire comprendre aux étrangers qu’on ne vient pas commander au comptoir. Parmi les tôt levés sont beaucoup de Japonais et Japonaises. « Sorry », me dit l’une qui a osé aller dans les toilettes pour hommes.
Mon petit-déjeuner terminé, je chausse mes lunettes (comme on dit). Il est temps d’établir les grandes lignes de la suite, liste des lieux à (re)voir et comment y aller (bus Trace avec ma carte mensuelle illimitée à partir du premier juin, trains Fluo avec ma carte Fluo moitié prix et cars Fluo au prix exagéré de quatre euros le moindre trajet).
Il fait toujours froid lorsque je pars à la découverte de la place Rapp et du Champ-de-Mars contigu, statue du Général Rapp, petit kiosque à musique, fontaine et statue de l’amiral Bruat due à Bartholdi, colossal carrousel et Café Rapp où j’entre pour me réchauffer d’un expresso et lire Balzac : Il est arrivé une aventure affreuse, le duc de Saulx-Tavannes, garçon, seul et unique héritier d’une des plus grandes maisons de France, ce grand jeune homme que vous avez vu à Baden, s’est brûlé la cervelle dans son appartement.
« Mais ne l’enlève pas, espèce de nouille, ça m’a coûté cinquante balles de le mettre, t’es chiant », dit une mère à son trois ans. « Merci à vous, bonne Fête des Mères et bon dimanche », lui dit un serveur quand elle s’en va (nulle ironie, il ne l’a pas entendue). « Monsieur, vous voulez peut-être autre chose ? » me demande la serveuse à onze heures trente. « Non, je vais bientôt partir. »
C’est au Stam, place des Dominicains, qu’a lieu mon déjeuner dominical. J’opte pour la formule à vingt-cinq euros soixante-dix incluant la choucroute colmarienne aux cinq viandes et le kouglof glacé maison arrosé de marc de gewurztraminer. Cette winstub propose une grande terrasse, désertée pour cause de vent froid, une petite salle en bas dans laquelle je suis, où l’on m’a laissé m’installer à une table de quatre, et une salle à l’étage. Un personnel de bonne humeur contribue à la réussite du repas.
*
Sur la vitrine d’une boutique de Colmar : « Etre mère est à la mode ».
*
Balzac, le vingt décembre mil huit cent quarante-cinq : J’ai peur d’être trop vieux pour le bonheur. Il a quarante-six ans.
Contrairement à ce que m’a dit celui qui était au comptoir hier après-midi, le Café du Marché n’est pas ouvert à sept heures et quart. Je marche donc jusqu’au centre de Colmar avec mon énorme pain au chocolat à un euro cinquante. Je trouve Dussourd clos. Me voilà bien embêté. D’autant que le soleil est absent et le vent froid.
Je dois attendre huit heures pour avoir le droit d’entrer au Jupiter Café où le « rallongé » est aussi à deux euros cinquante. J’ai vue sur la Collégiale, place de la Cathédrale (c’est la même), en alsacien Munster Platz. Les serveuses ont beaucoup de mal à faire comprendre aux étrangers qu’on ne vient pas commander au comptoir. Parmi les tôt levés sont beaucoup de Japonais et Japonaises. « Sorry », me dit l’une qui a osé aller dans les toilettes pour hommes.
Mon petit-déjeuner terminé, je chausse mes lunettes (comme on dit). Il est temps d’établir les grandes lignes de la suite, liste des lieux à (re)voir et comment y aller (bus Trace avec ma carte mensuelle illimitée à partir du premier juin, trains Fluo avec ma carte Fluo moitié prix et cars Fluo au prix exagéré de quatre euros le moindre trajet).
Il fait toujours froid lorsque je pars à la découverte de la place Rapp et du Champ-de-Mars contigu, statue du Général Rapp, petit kiosque à musique, fontaine et statue de l’amiral Bruat due à Bartholdi, colossal carrousel et Café Rapp où j’entre pour me réchauffer d’un expresso et lire Balzac : Il est arrivé une aventure affreuse, le duc de Saulx-Tavannes, garçon, seul et unique héritier d’une des plus grandes maisons de France, ce grand jeune homme que vous avez vu à Baden, s’est brûlé la cervelle dans son appartement.
« Mais ne l’enlève pas, espèce de nouille, ça m’a coûté cinquante balles de le mettre, t’es chiant », dit une mère à son trois ans. « Merci à vous, bonne Fête des Mères et bon dimanche », lui dit un serveur quand elle s’en va (nulle ironie, il ne l’a pas entendue). « Monsieur, vous voulez peut-être autre chose ? » me demande la serveuse à onze heures trente. « Non, je vais bientôt partir. »
C’est au Stam, place des Dominicains, qu’a lieu mon déjeuner dominical. J’opte pour la formule à vingt-cinq euros soixante-dix incluant la choucroute colmarienne aux cinq viandes et le kouglof glacé maison arrosé de marc de gewurztraminer. Cette winstub propose une grande terrasse, désertée pour cause de vent froid, une petite salle en bas dans laquelle je suis, où l’on m’a laissé m’installer à une table de quatre, et une salle à l’étage. Un personnel de bonne humeur contribue à la réussite du repas.
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Sur la vitrine d’une boutique de Colmar : « Etre mère est à la mode ».
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Balzac, le vingt décembre mil huit cent quarante-cinq : J’ai peur d’être trop vieux pour le bonheur. Il a quarante-six ans.
25 main 2025
Une montgolfière rouge dans le ciel bleu au-dessus de Colmar, c’est la première chose que je vois ce samedi en sortant peu après sept heures et ça me met de bonne humeur (autant que je peux l’être). La deuxième chose que je vois, c’est une cigogne sur son nid au sommet du bâtiment dont le rez-de-chaussée est occupé par le Café du Marché. Comment ne l’avais-je pas encore vue ? « Elle vient tous les ans faire ses petits », me dit celui qui fait l’ouverture du troquet et qui m’apporte un « rallongé » qui accompagnera mon pain au chocolat de chez Éric Colle.
Il y a deux autres clients au Café du Marché. Le patron (si c’est lui) est volubile et curieux. Il a du mal à comprendre que je voyage seul, sans famille, sans amis. Pour un peu, il me plaindrait. Aux deux autres, il dit du mal d’un absent qui fait son petit tour, vient ici boire deux bières puis rentre chez lui. « Il a pas de vie. » Je me garde bien de lui demander quelle est sa vie à lui L’autre jour, l’expresso était à un euro trente, aujourd’hui le rallongé est à deux euros. Aucun prix n’est affiché mais je ne pose pas de question.
C’est le jour du Marché Saint-Joseph qui s’épanouit autour de l’église du même nom. Ce marché est le plus réputé de la ville, vanté par ma jeune logeuse comme par mon vieux Guide du Routard. J’en fais le tour. Producteurs locaux et camionnettes à nourritures exotiques. Les prix des premiers ne sont pas donnés, dix euros les cinq cent grammes de cerises.
Arrivé au centre de la ville, je vais au hasard. Je passe devant la très belle Maison Pfister, joyau de l’époque Renaissance, oriel et peinture murale. J’entre dans la cour du Weinhof qui abrite un remarquable grenier médiéval du quatorzième siècle (propriété privée). Je découvre une cigogne en haut de la Collégiale et, sur une maison quelconque, une plaque commémorative attestant qu’ici naquit la musicienne Marie Bigot de Morogues que Beethoven et Haydn admirèrent, qui prodigua ses conseils à Schubert enfant, qui donna des leçons à Felix et Fanny Mendelssohn et mourut à Paris « au printemps de sa vie » (trente-quatre ans). Je ne pense pas qu’elle soit connue de beaucoup d’amateurs de musique dite classique.
Je rejoins la Petite Venise et entre dans le Marché Couvert. J’en fais le tour, trouvant ainsi comment on fait pour atteindre cette terrasse remarquée l’autre jour au-dessus de la rivière Lauch. Elle a nom Terrasse du Marché. En contrebas, un couple de colverts et un banc de poissons comptent sur la charité des mangeurs de croissants pour se nourrir. « Vous savez ce que c’est, ces poissons ? » demandé-je à la serveuse. « Des che…, che … quelque chose, je sais plus, faut que je demande à mon boss. » Peut-être des chevesnes, me dis-je. Sur le pont, une jeune femme de rose vêtue se fait belle avec l’aide d’une autre puis est filmée par un professionnel qui la fait marcher sur le quai avec ses talons aiguilles. Peu après, un branlotin descend dans l’eau sous les yeux de ses peutes, à moins que ce soit eux qui l’y envoient. « Ah, sa mère de fils de pute, c’est froid ! », s’écrie-t-il. Il cherche les pièces jetées dans la rivière par des touristes. Au garde-corps sont accrochés une multitude de cadenas d’amour. Il en trouve aussi au fond. Je paie mon expresso un euro quatre-vingts à la serveuse qui ne me reparle pas des poissons.
Vers dix heures, je me transfère au Café Rapp. J’inaugure le nouveau mobilier de la terrasse, le trouve confortable et rejoins Balzac et Madame Hanska : Chère, je serai à Châlons, comme je l’ai promis, ne vous inquiétez pas, j’y serai avant vous, et je vous donnerai la main pour descendre de voiture. Un bicycliste avec dans son panier avant deux petits chiens à lunettes de soleil rondes et bleues boit sa bière à une table haute sans descendre de son engin, succès garanti.
C’est à la Brasserie Jupiter, près de la Collégiale, que je déjeune d’un rösti alsacien (pommes de terre, emmental, lardons, crème, saucisse) à quinze euros quatre-vingt-dix. Mes deux voisins boivent chacun un café et se partagent une flamme. Ça fait déjà peu pour un. Alors que mon rösti pourrait presque en nourrir deux.
Ce samedi, dans un des beaux bâtiments de la ville, a lieu la réunion de la Légion d’Honneur du Haut-Rhin. Celle-ci terminée, les participants défilent au milieu de la foule de touristes dans leurs vêtements trop neufs un peu démodés sur lesquels sont accrochées leurs médailles. Certaines sont petites. D’autres semblent fausses. A côté d’eux marchent leurs femmes qui ne sont pas médaillées.
*
Place Saint-Joseph, la Librairie Cave à Vin Le Chat Perché, vraie librairie et vraie cave à vin.
*
Dans la rue qui va de cette place au passage sous les voies ferrées près de la maison rose en ruine, deux grands cafés fermés depuis longtemps, qui auraient pu faire mon bonheur : Café Restaurant Peter et A la Ville de Montbéliard. « Fermeture définitive. Lily a rendu son tablier et prend sa retraite », est-il écrit sur la porte du premier.
Il y a deux autres clients au Café du Marché. Le patron (si c’est lui) est volubile et curieux. Il a du mal à comprendre que je voyage seul, sans famille, sans amis. Pour un peu, il me plaindrait. Aux deux autres, il dit du mal d’un absent qui fait son petit tour, vient ici boire deux bières puis rentre chez lui. « Il a pas de vie. » Je me garde bien de lui demander quelle est sa vie à lui L’autre jour, l’expresso était à un euro trente, aujourd’hui le rallongé est à deux euros. Aucun prix n’est affiché mais je ne pose pas de question.
C’est le jour du Marché Saint-Joseph qui s’épanouit autour de l’église du même nom. Ce marché est le plus réputé de la ville, vanté par ma jeune logeuse comme par mon vieux Guide du Routard. J’en fais le tour. Producteurs locaux et camionnettes à nourritures exotiques. Les prix des premiers ne sont pas donnés, dix euros les cinq cent grammes de cerises.
Arrivé au centre de la ville, je vais au hasard. Je passe devant la très belle Maison Pfister, joyau de l’époque Renaissance, oriel et peinture murale. J’entre dans la cour du Weinhof qui abrite un remarquable grenier médiéval du quatorzième siècle (propriété privée). Je découvre une cigogne en haut de la Collégiale et, sur une maison quelconque, une plaque commémorative attestant qu’ici naquit la musicienne Marie Bigot de Morogues que Beethoven et Haydn admirèrent, qui prodigua ses conseils à Schubert enfant, qui donna des leçons à Felix et Fanny Mendelssohn et mourut à Paris « au printemps de sa vie » (trente-quatre ans). Je ne pense pas qu’elle soit connue de beaucoup d’amateurs de musique dite classique.
Je rejoins la Petite Venise et entre dans le Marché Couvert. J’en fais le tour, trouvant ainsi comment on fait pour atteindre cette terrasse remarquée l’autre jour au-dessus de la rivière Lauch. Elle a nom Terrasse du Marché. En contrebas, un couple de colverts et un banc de poissons comptent sur la charité des mangeurs de croissants pour se nourrir. « Vous savez ce que c’est, ces poissons ? » demandé-je à la serveuse. « Des che…, che … quelque chose, je sais plus, faut que je demande à mon boss. » Peut-être des chevesnes, me dis-je. Sur le pont, une jeune femme de rose vêtue se fait belle avec l’aide d’une autre puis est filmée par un professionnel qui la fait marcher sur le quai avec ses talons aiguilles. Peu après, un branlotin descend dans l’eau sous les yeux de ses peutes, à moins que ce soit eux qui l’y envoient. « Ah, sa mère de fils de pute, c’est froid ! », s’écrie-t-il. Il cherche les pièces jetées dans la rivière par des touristes. Au garde-corps sont accrochés une multitude de cadenas d’amour. Il en trouve aussi au fond. Je paie mon expresso un euro quatre-vingts à la serveuse qui ne me reparle pas des poissons.
Vers dix heures, je me transfère au Café Rapp. J’inaugure le nouveau mobilier de la terrasse, le trouve confortable et rejoins Balzac et Madame Hanska : Chère, je serai à Châlons, comme je l’ai promis, ne vous inquiétez pas, j’y serai avant vous, et je vous donnerai la main pour descendre de voiture. Un bicycliste avec dans son panier avant deux petits chiens à lunettes de soleil rondes et bleues boit sa bière à une table haute sans descendre de son engin, succès garanti.
C’est à la Brasserie Jupiter, près de la Collégiale, que je déjeune d’un rösti alsacien (pommes de terre, emmental, lardons, crème, saucisse) à quinze euros quatre-vingt-dix. Mes deux voisins boivent chacun un café et se partagent une flamme. Ça fait déjà peu pour un. Alors que mon rösti pourrait presque en nourrir deux.
Ce samedi, dans un des beaux bâtiments de la ville, a lieu la réunion de la Légion d’Honneur du Haut-Rhin. Celle-ci terminée, les participants défilent au milieu de la foule de touristes dans leurs vêtements trop neufs un peu démodés sur lesquels sont accrochées leurs médailles. Certaines sont petites. D’autres semblent fausses. A côté d’eux marchent leurs femmes qui ne sont pas médaillées.
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Place Saint-Joseph, la Librairie Cave à Vin Le Chat Perché, vraie librairie et vraie cave à vin.
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Dans la rue qui va de cette place au passage sous les voies ferrées près de la maison rose en ruine, deux grands cafés fermés depuis longtemps, qui auraient pu faire mon bonheur : Café Restaurant Peter et A la Ville de Montbéliard. « Fermeture définitive. Lily a rendu son tablier et prend sa retraite », est-il écrit sur la porte du premier.
Une carte Fluo à vingt euros pour voyager un an à moitié prix dans la région Grand Est alors qu’on ne reste pas un an et qu’on a déjà une carte Avantage qui vous permet de voyager à soixante-dix pour cent du prix du billet, est-ce que ça vaut le coup ? Telle est la question que je me pose et que je pose à l’aimable guichetière de la Gare de Colmar ce vendredi matin à sept heures et quart. Elle est comme moi, pense que peut-être, même si je ne vais pas loin, ou peut-être pas, il faudrait faire le calcul. Oui mais comment ? « Allons-y », lui dis-je. J’achète en même temps un billet aller et retour pour Rouffach, quatre euros au lieu de sept quatre-vingts (cinq quatre-vingts avec ma carte Avantage).
Le petit train Fluo pour Mulhouse de sept heures trente-quatre est à l’heure, fréquenté par des étudiants et des travailleurs. J’en descends au bout de dix minutes au deuxième arrêt.
Pour rejoindre le centre de Rouffach, petite ville ignorée des flots de touristes, il faut marcher vingt minutes. Je franchis le pont sur la Lauch, passe sous la quatre voies et j’y suis. Une écolière me dit bonjour à qui je demande la boulangerie. Le pain au chocolat est énorme et coûte un euro quarante. Il s’agit maintenant de trouver un café. Un autochtone qui retire de l’argent à la tirette m’indique le salon de thé mais pas ouvert avant neuf heures. « Venez, je vous offre un café », me dit-il. Il a son magasin à côté. J’accepte cette aimable proposition.
Ce monsieur a été capitaine de l’équipe de rugby de Colmar. Après des ennuis de santé, il a créé sa ligne de vêtements « inclusifs et responsables », colup.fr, d’où cette boutique. Son café est bon. Il attend la fleuriste. Elle arrive avec un pagne qu’elle lui a fabriqué afin qu’il puisse poser nu pour un calendrier de l’Avent vendu au profit des autistes et des handicapés à qui il fait faire du sport.
Je le remercie bien et vais manger mon pain au chocolat sur un banc près de l’imposante église Notre-Dame faite de grès jaune d’Alsace et de grès rose de Saverne. C’est là que je vois ma première cigogne. Elle a son nid au sommet du Musée du Baillage.
D’autres nichent dans le bourg et certaines sont visibles au Parc à Cigognes, un enclos accessible par le Chemin du Rempart. J’ai la chance d’arriver à l’entrée de ce chemin au moment où les gars de la ville enlèvent les barrières qui en interdisaient l’accès pour cause de réfection depuis de longues semaines. L’enclos est un peu plus loin, près de l’élégant Lycée Agricole où l’on apprend à faire du vin. Ces cigognes sont tellement parfaites qu’on les croirait en porcelaine. Cependant, elles bougent et claquent du bec.
Je vais ensuite par les rues typiques du bourg, photographiant de belles maisons colorées et d’autres bâtiments remarquables, « petites merveilles de l’architecture civile de la Renaissance rhénane » comme dit mon Guide du Routard de deux mille six. Je découvre que le restaurant Caveau de Haxakessel qu’il recommande chaudement est à louer depuis un moment.
Au bout du bourg sont les coteaux à vignobles. Je rebrousse avant de les atteindre et trouve ouvert le Café à l’Ours Noir près de l’église. L’intérieur est aussi sombre qu’une caverne. Bien qu’il fasse vraiment frais, je dis au jeune homme tatoué de me servir mon expresso en terrasse (un euro soixante-dix). Il faut demander la clé pour aller aux toilettes.
Je passe ensuite à l’Office de Tourisme où la responsable me dit que malheureusement je ne pourrai pas prendre le Chemin des Remparts qui permet de voir le Parc à Cigognes. « Je vais vous apprendre quelque chose », lui dis-je.
Les pieds trop cuits pour faire plus, je vais boire un autre expresso à un euro quatre-vingt-dix au salon de thé qui a pour nom Au Café Gourmand Chez Céline. Il m’est servi par une svelte et jolie jeune femme à l’accent alsacien. Celui-ci bu, je lis Balzac.
Je reste là pour déjeuner. Le plat du jour est un gratin dauphinois kassler salade à quatorze euros cinquante. Je demande à la serveuse ce qu’est ce kassler. « C’est du porc, c’est super bon », me dit-elle. En dessert, je choisis une part de tarte à la rhubarbe avec une grosse meringue par-dessus. « Ça va ? Vous avez bien mangé ?, me demande-t-elle, ça fait vingt tout rond. »
Je n’ai plus qu’à suivre la piste piétonne et cyclable jusqu’à la Gare et à attendre le train Fluo de treize heures quarante-sept pour Colmar.
*
Toutes les rues du centre de Rouffach sont pavées à l’ancienne. Résultat : le bruit pénible engendré par la circulation automobile. Des pavés inégaux aussi sur les trottoirs, de quoi faire souffrir un peu plus mes pieds.
*
Dans ces bourgs et villages, impossible de prévoir qui va vous dire bonjour en vous croisant. Toujours avoir un bonjour de prêt à retourner à l’envoyeur ou à l’envoyeuse.
Le petit train Fluo pour Mulhouse de sept heures trente-quatre est à l’heure, fréquenté par des étudiants et des travailleurs. J’en descends au bout de dix minutes au deuxième arrêt.
Pour rejoindre le centre de Rouffach, petite ville ignorée des flots de touristes, il faut marcher vingt minutes. Je franchis le pont sur la Lauch, passe sous la quatre voies et j’y suis. Une écolière me dit bonjour à qui je demande la boulangerie. Le pain au chocolat est énorme et coûte un euro quarante. Il s’agit maintenant de trouver un café. Un autochtone qui retire de l’argent à la tirette m’indique le salon de thé mais pas ouvert avant neuf heures. « Venez, je vous offre un café », me dit-il. Il a son magasin à côté. J’accepte cette aimable proposition.
Ce monsieur a été capitaine de l’équipe de rugby de Colmar. Après des ennuis de santé, il a créé sa ligne de vêtements « inclusifs et responsables », colup.fr, d’où cette boutique. Son café est bon. Il attend la fleuriste. Elle arrive avec un pagne qu’elle lui a fabriqué afin qu’il puisse poser nu pour un calendrier de l’Avent vendu au profit des autistes et des handicapés à qui il fait faire du sport.
Je le remercie bien et vais manger mon pain au chocolat sur un banc près de l’imposante église Notre-Dame faite de grès jaune d’Alsace et de grès rose de Saverne. C’est là que je vois ma première cigogne. Elle a son nid au sommet du Musée du Baillage.
D’autres nichent dans le bourg et certaines sont visibles au Parc à Cigognes, un enclos accessible par le Chemin du Rempart. J’ai la chance d’arriver à l’entrée de ce chemin au moment où les gars de la ville enlèvent les barrières qui en interdisaient l’accès pour cause de réfection depuis de longues semaines. L’enclos est un peu plus loin, près de l’élégant Lycée Agricole où l’on apprend à faire du vin. Ces cigognes sont tellement parfaites qu’on les croirait en porcelaine. Cependant, elles bougent et claquent du bec.
Je vais ensuite par les rues typiques du bourg, photographiant de belles maisons colorées et d’autres bâtiments remarquables, « petites merveilles de l’architecture civile de la Renaissance rhénane » comme dit mon Guide du Routard de deux mille six. Je découvre que le restaurant Caveau de Haxakessel qu’il recommande chaudement est à louer depuis un moment.
Au bout du bourg sont les coteaux à vignobles. Je rebrousse avant de les atteindre et trouve ouvert le Café à l’Ours Noir près de l’église. L’intérieur est aussi sombre qu’une caverne. Bien qu’il fasse vraiment frais, je dis au jeune homme tatoué de me servir mon expresso en terrasse (un euro soixante-dix). Il faut demander la clé pour aller aux toilettes.
Je passe ensuite à l’Office de Tourisme où la responsable me dit que malheureusement je ne pourrai pas prendre le Chemin des Remparts qui permet de voir le Parc à Cigognes. « Je vais vous apprendre quelque chose », lui dis-je.
Les pieds trop cuits pour faire plus, je vais boire un autre expresso à un euro quatre-vingt-dix au salon de thé qui a pour nom Au Café Gourmand Chez Céline. Il m’est servi par une svelte et jolie jeune femme à l’accent alsacien. Celui-ci bu, je lis Balzac.
Je reste là pour déjeuner. Le plat du jour est un gratin dauphinois kassler salade à quatorze euros cinquante. Je demande à la serveuse ce qu’est ce kassler. « C’est du porc, c’est super bon », me dit-elle. En dessert, je choisis une part de tarte à la rhubarbe avec une grosse meringue par-dessus. « Ça va ? Vous avez bien mangé ?, me demande-t-elle, ça fait vingt tout rond. »
Je n’ai plus qu’à suivre la piste piétonne et cyclable jusqu’à la Gare et à attendre le train Fluo de treize heures quarante-sept pour Colmar.
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Toutes les rues du centre de Rouffach sont pavées à l’ancienne. Résultat : le bruit pénible engendré par la circulation automobile. Des pavés inégaux aussi sur les trottoirs, de quoi faire souffrir un peu plus mes pieds.
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Dans ces bourgs et villages, impossible de prévoir qui va vous dire bonjour en vous croisant. Toujours avoir un bonjour de prêt à retourner à l’envoyeur ou à l’envoyeuse.
23 mai 2025
Quelques grondements de tonnerre, rien de plus, hier soir, et ce jeudi matin, un temps couvert quand je longe la petite voie ferrée du train qui va à Metzeral. J’achète mon pain au chocolat place Saint-Joseph à la boulangerie Eric Colle, un euro vingt. Trois boulangeries se font concurrence près de l’église. Hélas, point de café. Dans cette ville, les tabacs ne font pas bar. Je marche jusqu’à la grande voie ferrée, celle des Tégévés, et passe dessous. A cet endroit se trouve une belle maison alsacienne rose en ruine dont je fais deux photos.
Je rejoins alors le centre historique et pour boire un café, c’est Dussourd et son cher allongé, baptisé « café moyen », à l’intérieur aujourd’hui, dans la salle du fond, celle des habitués. Un lit le journal, un travaille sur son ordinateur, deux bavardent « Tu vois la rue des Bonnes Gens ? Tu la prends pas. » Je sors Balzac de mon sac : Il y a ici à Paris des gens à qui ma figure déplaît, qui me voudraient assassiné, qui ont des haines plus que féroces contre moi et qui ne me saluent pas moins.
A huit heures trente, je vais voir s’il pleut dehors. Non. Aussi je me lance dans la redécouverte de la Petite Venise où rôdent déjà trop de visiteurs, mais pas encore de groupes cornaqués. C’est charmant, bordé de bâtisses typiques, mais rien qui puisse rappeler Venise. Arrivé au bout de la partie piétonnière, je revois les barques à fond plat qui servent à promener les touristes sur la Lauch et je me souviens du jour où, bien accompagné, assis tous deux à l’avant d’une de ces barques, j’ai repoussé d’une main ferme une autre arrivant en face qui allait nous heurter, évitant ainsi une collision qui aurait pu être fâcheuse.
Après cette agréable balade, je rejoins le Café Rapp et vu la fraîcheur m’installe à l’intérieur. Une salle meublée dans le style Emmaüs, au sol des tapis, pour un café branchouille comme on en trouve un peu partout, Chez Prune à Paris par exemple. La musique est à l’avenant, qui ne m’empêche pas de lire Lettres à Madame Hanska : Mon Dieu, combien je t’aime, je t’aime tant et je suis si sûr de ton cœur, que je me dis parfois : – Pourquoi la consulter, ne sais-je pas ce qui doit faire son bonheur ! Les serveurs sont dégoûtés parce qu’aujourd’hui le Café Rapp inaugure un nouveau mobilier de terrasse et qu’il n’y a personne pour s’y installer.
A l’aller, j’ai repéré, hors du centre touristique, la winstub Au Cygne qui propose un menu du jour, salade de cervelas, couscous aux trois viandes, salade d’orange avec boule vanille, pour quinze euros quatre-vingts. A midi moins cinq, il y a file d’attente devant la porte fermée. Des gens d’ici ayant réservé. Je peux néanmoins obtenir une table dans la deuxième salle de cette belle maison rose alsacienne pas du tout en ruine. Pour fêter ça, je commande un quart d’edelzwicker à cinq euros cinquante à l’accorte et bien portante serveuse. Un homme lit à table en attendant son plat, je suis bien incapable de faire ça et je n’en ai aucune envie. Ici, on appelle un café allongé un rallongé. Je me garde bien de faire remarquer que pour être rallongé, il faut d’abord être allongé. Je n’ai pas envie que mon déjeuner s’achève par une algarade comme celui d’hier, car c’est bien bon et, me dit la patronne, vous pouvez réserver par Facebook.
Après l’église Saint-Joseph, il y a un troquet nommé Café du Marché qui ne donne pas envie. Un lieu triste et sans âme vu de l’extérieur. Un peu louche. J’y entre. Personne. L’intérieur n’est pas désagréable. C’est une affaire reprise par un « Arabe », à qui je demande un café. Le désagrément de l’endroit, c’est l’écran pour turfistes, non muet hélas. Dommage, le café n’y coûte qu’un euro trente.
*
Balzac vu par lui-même :
Tous mes créanciers disent : Monsieur de Balzac est un très honnête homme, il travaille tant, il mène une vie si sage qu’il deviendra riche d’ici à 2 ou 3 ans, nous avons attendu, nous attendrons.
Je rejoins alors le centre historique et pour boire un café, c’est Dussourd et son cher allongé, baptisé « café moyen », à l’intérieur aujourd’hui, dans la salle du fond, celle des habitués. Un lit le journal, un travaille sur son ordinateur, deux bavardent « Tu vois la rue des Bonnes Gens ? Tu la prends pas. » Je sors Balzac de mon sac : Il y a ici à Paris des gens à qui ma figure déplaît, qui me voudraient assassiné, qui ont des haines plus que féroces contre moi et qui ne me saluent pas moins.
A huit heures trente, je vais voir s’il pleut dehors. Non. Aussi je me lance dans la redécouverte de la Petite Venise où rôdent déjà trop de visiteurs, mais pas encore de groupes cornaqués. C’est charmant, bordé de bâtisses typiques, mais rien qui puisse rappeler Venise. Arrivé au bout de la partie piétonnière, je revois les barques à fond plat qui servent à promener les touristes sur la Lauch et je me souviens du jour où, bien accompagné, assis tous deux à l’avant d’une de ces barques, j’ai repoussé d’une main ferme une autre arrivant en face qui allait nous heurter, évitant ainsi une collision qui aurait pu être fâcheuse.
Après cette agréable balade, je rejoins le Café Rapp et vu la fraîcheur m’installe à l’intérieur. Une salle meublée dans le style Emmaüs, au sol des tapis, pour un café branchouille comme on en trouve un peu partout, Chez Prune à Paris par exemple. La musique est à l’avenant, qui ne m’empêche pas de lire Lettres à Madame Hanska : Mon Dieu, combien je t’aime, je t’aime tant et je suis si sûr de ton cœur, que je me dis parfois : – Pourquoi la consulter, ne sais-je pas ce qui doit faire son bonheur ! Les serveurs sont dégoûtés parce qu’aujourd’hui le Café Rapp inaugure un nouveau mobilier de terrasse et qu’il n’y a personne pour s’y installer.
A l’aller, j’ai repéré, hors du centre touristique, la winstub Au Cygne qui propose un menu du jour, salade de cervelas, couscous aux trois viandes, salade d’orange avec boule vanille, pour quinze euros quatre-vingts. A midi moins cinq, il y a file d’attente devant la porte fermée. Des gens d’ici ayant réservé. Je peux néanmoins obtenir une table dans la deuxième salle de cette belle maison rose alsacienne pas du tout en ruine. Pour fêter ça, je commande un quart d’edelzwicker à cinq euros cinquante à l’accorte et bien portante serveuse. Un homme lit à table en attendant son plat, je suis bien incapable de faire ça et je n’en ai aucune envie. Ici, on appelle un café allongé un rallongé. Je me garde bien de faire remarquer que pour être rallongé, il faut d’abord être allongé. Je n’ai pas envie que mon déjeuner s’achève par une algarade comme celui d’hier, car c’est bien bon et, me dit la patronne, vous pouvez réserver par Facebook.
Après l’église Saint-Joseph, il y a un troquet nommé Café du Marché qui ne donne pas envie. Un lieu triste et sans âme vu de l’extérieur. Un peu louche. J’y entre. Personne. L’intérieur n’est pas désagréable. C’est une affaire reprise par un « Arabe », à qui je demande un café. Le désagrément de l’endroit, c’est l’écran pour turfistes, non muet hélas. Dommage, le café n’y coûte qu’un euro trente.
*
Balzac vu par lui-même :
Tous mes créanciers disent : Monsieur de Balzac est un très honnête homme, il travaille tant, il mène une vie si sage qu’il deviendra riche d’ici à 2 ou 3 ans, nous avons attendu, nous attendrons.
22 mai 2025
Une logeuse plus jeune que je ne le pensais, fort sympathique, et de plus, pas d’orage. Après qu’elle m’a fait entrer dans les lieux, je m’installe dans son appartement de trois pièces du quartier Saint-Joseph. D’un côté, j’ai vue sur le jardin d’un voisin et les Vosges, de l’autre sur le clocher de l’église Saint-Joseph. J’y passe une nuit moyenne malgré ou à cause du silence total et de l’absence d’éclairage artificiel. Le calme est propice aux idées noires.
Au matin de ce premier mercredi à Colmar, le temps est encore plus ou moins orageux. Sorti à sept heures, j’achète un pain au chocolat à la boulangerie du coin, Ozkan, un euro dix, puis, avec l’aide de deux autochtones, trouve comment accéder au centre-ville. Il faut savoir où et comment franchir la voie ferrée. Je passe par la place Rapp et entre dans les rues piétonnières. On m’indique un café ouvert, la Brasserie Dussourd, face à l’église des Dominicains. Elle fait aussi salon de thé et est déserte. Je m’installe en terrasse pour un allongé dont le prix est aussi solide qu’une maison alsacienne : deux euros cinquante.
Colmar est une ville où l’on se réveille doucement, quelques bicyclistes, des lycéennes, des promeneurs de chien, un avocat avec sa robe sous le bras. Il faut attendre huit heures vingt pour voir arriver deux autres clients, des locaux dont l’un en chorte à l’allemande. C’est l’heure où ça carillonne à la Collégiale.
A neuf heures, j’entre à l’Office du Tourisme (la grosse maison là-bas, m’a dit le conducteur du petit train vert, une pâtisserie d’importance c’est sûr). Je suis accueilli par une femme fort aimable qui me donne tout ce qu’il faut avoir pour vadrouiller autour de Colmar. De là, je rejoins l’agence Trace, le réseau des bus de l’agglomération. Il y règne une certaine agitation car au premier juin on passe aux cartes à biper. D’où la présence d’abonnés grognons. En plus, un ordinateur est planté. Deux employés essaient de le déplanter et n’arrivent à rien. Les deux autres s’occupent de la clientèle. Je garde mon calme et enfin c’est à moi. J’apprends qu’en tant que vieux de plus de soixante-dix ans, j’ai droit à une carte illimitée mensuelle pour dix-sept euros, même si je ne suis pas d’ici. Une carte que je ne pourrai utiliser qu’à partir du premier juin. Une photo et c’est fait.
Un petit tour parmi les maisons de pain d’épice et je retrouve la place Rapp où est le Café Rapp, maintenant ouvert avec sa terrasse au soleil. Le café est à un euro quatre-vingt-dix. J’y lis Balzac. J’ai les nerfs dans un état pitoyable, l’abus du café me fait remuer tous les nerfs des yeux, je me sens épuisé.
A onze heures trente, retour au centre historique, lequel est terriblement envahi par les groupes de touristes à cheveux blancs, les mêmes qu’à Rouen. Je n’ai d’indulgence que pour les groupes de Japonais. Je m’assois sur un banc à l’ombre près de la Collégiale que certains appellent la Cathédrale. Passe un train blanc qui fait concurrence au train vert puis un facteur électrifié « Avec moi le centre-ville respire ». Deux bicyclistes se croisent et se saluent « Hello ! » (à moins que ce soit « Vélo ! »). A côté est le Bistrot des Copains qui propose un menu colmarien à dix-huit euros : cannelloni au duxelle de champignons vinaigrette à l’orange, filet de poulet rôti au beurre de citron et frites, mendiant au chocolat. Comme la terrasse donne sur la Collégiale, j’y vais. Hélas, le poulet est sec et le mendiant itou.
« Dix-neuf euros », me dit le serveur quand je demande l’addition. « C’était dix-huit sur le panneau », lui dis-je. Lequel panneau a été rangé car à midi et quart, plus de plat du jour, une filouterie classique dont a été victime le groupe de douze à l’intérieur. Il me dit que non, c’est écrit dix-neuf. Sa collègue va chercher le panneau et lit comme moi dix-huit euros. « Elle n’est pas serveuse, elle ne sait pas », me répond-il. Il attrape le panneau et le colle sous les yeux des clients de la table d’à côté. « Hein que c’est écrit dix-neuf ? » Eux pas à l’aise disent que peut-être oui ou bien alors dix-huit. Le serveur s’énerve, dit que je le traite de voleur, qu’il n’est pas un animal (rapport à sa peau noire je suppose). Je paie les dix-neuf euros en lui disant que je suis là pour un moment mais qu’avec son attitude, on ne me reverra pas ici. « On n’a pas besoin d’un client comme vous », me dit-il. Bref, on ne se quitte pas copains.
*
Après avoir offert à Saint-Raphaël, Sainte-Maxime et Saint-Tropez la vision de mes Docs trouées comme jamais, c’est muni de Docs neuves que je parcours Colmar. Non sans quelques problèmes de pied. Bien que j’aie dépensé onze euros chez le cordonnier de la rue du Bec pour les assouplir avant mon départ. « Ce n’est plus ce que c’était les Docs, m’a-t-il dit, regardez « Fabriqué au Vietnam ». » « C’est la dernière paire que j’achète, lui ai-je dit, mais je ne sais pas quoi prendre comme chaussures. » Il m’a vanté les Timberland qu’il avait aux pieds. « A nos âges, on a besoin de confort. » Il doit avoir quinze ans de moins que moi.
Au matin de ce premier mercredi à Colmar, le temps est encore plus ou moins orageux. Sorti à sept heures, j’achète un pain au chocolat à la boulangerie du coin, Ozkan, un euro dix, puis, avec l’aide de deux autochtones, trouve comment accéder au centre-ville. Il faut savoir où et comment franchir la voie ferrée. Je passe par la place Rapp et entre dans les rues piétonnières. On m’indique un café ouvert, la Brasserie Dussourd, face à l’église des Dominicains. Elle fait aussi salon de thé et est déserte. Je m’installe en terrasse pour un allongé dont le prix est aussi solide qu’une maison alsacienne : deux euros cinquante.
Colmar est une ville où l’on se réveille doucement, quelques bicyclistes, des lycéennes, des promeneurs de chien, un avocat avec sa robe sous le bras. Il faut attendre huit heures vingt pour voir arriver deux autres clients, des locaux dont l’un en chorte à l’allemande. C’est l’heure où ça carillonne à la Collégiale.
A neuf heures, j’entre à l’Office du Tourisme (la grosse maison là-bas, m’a dit le conducteur du petit train vert, une pâtisserie d’importance c’est sûr). Je suis accueilli par une femme fort aimable qui me donne tout ce qu’il faut avoir pour vadrouiller autour de Colmar. De là, je rejoins l’agence Trace, le réseau des bus de l’agglomération. Il y règne une certaine agitation car au premier juin on passe aux cartes à biper. D’où la présence d’abonnés grognons. En plus, un ordinateur est planté. Deux employés essaient de le déplanter et n’arrivent à rien. Les deux autres s’occupent de la clientèle. Je garde mon calme et enfin c’est à moi. J’apprends qu’en tant que vieux de plus de soixante-dix ans, j’ai droit à une carte illimitée mensuelle pour dix-sept euros, même si je ne suis pas d’ici. Une carte que je ne pourrai utiliser qu’à partir du premier juin. Une photo et c’est fait.
Un petit tour parmi les maisons de pain d’épice et je retrouve la place Rapp où est le Café Rapp, maintenant ouvert avec sa terrasse au soleil. Le café est à un euro quatre-vingt-dix. J’y lis Balzac. J’ai les nerfs dans un état pitoyable, l’abus du café me fait remuer tous les nerfs des yeux, je me sens épuisé.
A onze heures trente, retour au centre historique, lequel est terriblement envahi par les groupes de touristes à cheveux blancs, les mêmes qu’à Rouen. Je n’ai d’indulgence que pour les groupes de Japonais. Je m’assois sur un banc à l’ombre près de la Collégiale que certains appellent la Cathédrale. Passe un train blanc qui fait concurrence au train vert puis un facteur électrifié « Avec moi le centre-ville respire ». Deux bicyclistes se croisent et se saluent « Hello ! » (à moins que ce soit « Vélo ! »). A côté est le Bistrot des Copains qui propose un menu colmarien à dix-huit euros : cannelloni au duxelle de champignons vinaigrette à l’orange, filet de poulet rôti au beurre de citron et frites, mendiant au chocolat. Comme la terrasse donne sur la Collégiale, j’y vais. Hélas, le poulet est sec et le mendiant itou.
« Dix-neuf euros », me dit le serveur quand je demande l’addition. « C’était dix-huit sur le panneau », lui dis-je. Lequel panneau a été rangé car à midi et quart, plus de plat du jour, une filouterie classique dont a été victime le groupe de douze à l’intérieur. Il me dit que non, c’est écrit dix-neuf. Sa collègue va chercher le panneau et lit comme moi dix-huit euros. « Elle n’est pas serveuse, elle ne sait pas », me répond-il. Il attrape le panneau et le colle sous les yeux des clients de la table d’à côté. « Hein que c’est écrit dix-neuf ? » Eux pas à l’aise disent que peut-être oui ou bien alors dix-huit. Le serveur s’énerve, dit que je le traite de voleur, qu’il n’est pas un animal (rapport à sa peau noire je suppose). Je paie les dix-neuf euros en lui disant que je suis là pour un moment mais qu’avec son attitude, on ne me reverra pas ici. « On n’a pas besoin d’un client comme vous », me dit-il. Bref, on ne se quitte pas copains.
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Après avoir offert à Saint-Raphaël, Sainte-Maxime et Saint-Tropez la vision de mes Docs trouées comme jamais, c’est muni de Docs neuves que je parcours Colmar. Non sans quelques problèmes de pied. Bien que j’aie dépensé onze euros chez le cordonnier de la rue du Bec pour les assouplir avant mon départ. « Ce n’est plus ce que c’était les Docs, m’a-t-il dit, regardez « Fabriqué au Vietnam ». » « C’est la dernière paire que j’achète, lui ai-je dit, mais je ne sais pas quoi prendre comme chaussures. » Il m’a vanté les Timberland qu’il avait aux pieds. « A nos âges, on a besoin de confort. » Il doit avoir quinze ans de moins que moi.
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