Dernières notes
	 
			 Loïc Boyer
		 
		 
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru). 			 
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
		 
	 Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
22 septembre 2025
						 Un beau soleil dominical en cette fin d’été, dont je ne peux commencer à sentir les rayons qu’à dix heures en descendant du car BreizhGo à Binic. Ça ne va pas durer : des orages sont à prévoir dans l’après-midi. Je zone autour du port et fais quelques photos. Malheureusement, à une heure aussi tardive, impossible de ne pas avoir dans le champ des quidams ou des quidames. 
Dès onze heures, le ciel se couvre. Je passe à La Sentinelle où j’obtiens en réservation la dernière table disponible en salle. Par prudence, j’en réserve également une pour le dernier dimanche de septembre et apprends qu’ensuite La Sentinelle ne montera plus la garde pendant trois semaines pour cause de vacances.
Assis sur un banc du fond du port, près de la passerelle, sous un soleil un peu revenu, je regarde qui passe, dont beaucoup de chiens attachés à des humains. Deux pères à poussettes sont suivis par trois rejetons. Ils discutent sans s’en soucier. Le dernier, un enfançon traîne à l’arrière pas bien loin de l’eau. Des passantes commencent à s’en inquiéter. Quand ils s’en aperçoivent, l’un court : « Chloé ! ». Cette Chloé aurait pu finir comme celle de la chanson de Mylène Farmer. Un couple repeint la coque de son voilier. Voilà à quoi conduit la possession d’un bateau : travailler le dimanche quand tout autour, ça glandouille.
Au menu à dix-huit euros de La Sentinelle : cassolette bretonne gratinée, mijoté de joue de bœuf mironton et éclair pomme pâtissière. L’homme rubicond est là au comptoir, Dédé, devant son verre de vin blanc.
Il est douze heures trois quarts quand je ressors. C’est le début de la première drache. Vite la petite table ronde au coin à l’intérieur du Narval avant que d’autres s’y précipitent. Est-ce que les Notes d’art de Paul-Jean Toulet vont m’intéresser ? Hélas non. Les femmes d’à côté ont une conversation de femmes. « Elle allait pour se faire enlever les ovaires et le chirurgien lui a donné un coup de scalpel dans la vessie. » « Il faudrait savoir son nom. » « C’est pas parce qu’il en rate une qu’il rate la suivante. » Les Notes de littérature alors ? Pas davantage. J’en arrive à ses Journaux qui débutent par Lettres à moi-même. Bof, bof, bof. Puis vient un Journal de voyage. Là au moins, je lis. Rompu avec S… Elle couchait avec un de mes amis, et semblait sur le point avec un autre. Tout cela quoique je m’en doutasse, me laissait froid, mais tant que caché. Quand on sait les uns les autres qu’on le sait, il en résulte une situation cynique et presque honteuse dont je connais par expérience (Bordeaux) les inconvénients. écrivait-il le huit février mil huit cent quatre-vingt-neuf.
Pendant ce temps, les averses se succèdent. Bientôt, elles sont accompagnées de tonnerre. Je rejoins l’abri du car pendant une éclaircie. Le ciel est noir du côté de Paimpol. Côté Saint-Brieuc, ça tient encore. Je peux rentrer avant que ça tombe. Et quand ça tombe, ça y va.
*
Ian Monk est mort ce dix-neuf septembre à l’âge de soixante-cinq ans. De lui, j’ai lu uniquement le recueil Plouk Town que j’avais grandement apprécié. En cette triste occasion, j’ai appris qu’en décembre deux mille quinze sa fille Emilie, âgée de dix-sept ans, s’est tuée en se défenestrant. Cela suite à un harcèlement scolaire de plusieurs années au Collège Privé Notre-Dame de la Paix à Lille. Aucun de ses anciens professeurs n’est venu à ses obsèques.
				 Dès onze heures, le ciel se couvre. Je passe à La Sentinelle où j’obtiens en réservation la dernière table disponible en salle. Par prudence, j’en réserve également une pour le dernier dimanche de septembre et apprends qu’ensuite La Sentinelle ne montera plus la garde pendant trois semaines pour cause de vacances.
Assis sur un banc du fond du port, près de la passerelle, sous un soleil un peu revenu, je regarde qui passe, dont beaucoup de chiens attachés à des humains. Deux pères à poussettes sont suivis par trois rejetons. Ils discutent sans s’en soucier. Le dernier, un enfançon traîne à l’arrière pas bien loin de l’eau. Des passantes commencent à s’en inquiéter. Quand ils s’en aperçoivent, l’un court : « Chloé ! ». Cette Chloé aurait pu finir comme celle de la chanson de Mylène Farmer. Un couple repeint la coque de son voilier. Voilà à quoi conduit la possession d’un bateau : travailler le dimanche quand tout autour, ça glandouille.
Au menu à dix-huit euros de La Sentinelle : cassolette bretonne gratinée, mijoté de joue de bœuf mironton et éclair pomme pâtissière. L’homme rubicond est là au comptoir, Dédé, devant son verre de vin blanc.
Il est douze heures trois quarts quand je ressors. C’est le début de la première drache. Vite la petite table ronde au coin à l’intérieur du Narval avant que d’autres s’y précipitent. Est-ce que les Notes d’art de Paul-Jean Toulet vont m’intéresser ? Hélas non. Les femmes d’à côté ont une conversation de femmes. « Elle allait pour se faire enlever les ovaires et le chirurgien lui a donné un coup de scalpel dans la vessie. » « Il faudrait savoir son nom. » « C’est pas parce qu’il en rate une qu’il rate la suivante. » Les Notes de littérature alors ? Pas davantage. J’en arrive à ses Journaux qui débutent par Lettres à moi-même. Bof, bof, bof. Puis vient un Journal de voyage. Là au moins, je lis. Rompu avec S… Elle couchait avec un de mes amis, et semblait sur le point avec un autre. Tout cela quoique je m’en doutasse, me laissait froid, mais tant que caché. Quand on sait les uns les autres qu’on le sait, il en résulte une situation cynique et presque honteuse dont je connais par expérience (Bordeaux) les inconvénients. écrivait-il le huit février mil huit cent quatre-vingt-neuf.
Pendant ce temps, les averses se succèdent. Bientôt, elles sont accompagnées de tonnerre. Je rejoins l’abri du car pendant une éclaircie. Le ciel est noir du côté de Paimpol. Côté Saint-Brieuc, ça tient encore. Je peux rentrer avant que ça tombe. Et quand ça tombe, ça y va.
*
Ian Monk est mort ce dix-neuf septembre à l’âge de soixante-cinq ans. De lui, j’ai lu uniquement le recueil Plouk Town que j’avais grandement apprécié. En cette triste occasion, j’ai appris qu’en décembre deux mille quinze sa fille Emilie, âgée de dix-sept ans, s’est tuée en se défenestrant. Cela suite à un harcèlement scolaire de plusieurs années au Collège Privé Notre-Dame de la Paix à Lille. Aucun de ses anciens professeurs n’est venu à ses obsèques.
21 septembre 2025
						 Première fois que je sors dans Saint-Brieuc alors qu’il fait encore nuit. La Mie Câline est ouverte, cela vaut bien de payer trois euros vingt la formule pain au chocolat café allongé. Le jour se lève pendant que je petit-déjeune, à l’extérieur, sous un ciel nuageux. 
Ce samedi vingt septembre, en l’honneur de l’ouverture d’une nouvelle ligne en regroupant quatre des Transports urbains briochins (Tub), les bus sont gratuits. C’est l’occasion d’en emprunter plusieurs dans la journée. Je prends le premier Trente, celui de sept heures quarante-neuf. J’en suis le seul passager. « Prochain arrêt : La Ville Néant », annonce la voix du bus. C’est là qu’habiterait la môme néant de Jean Tardieu si elle existait.
Je descends à Boutdeville (commune de Langueux) où je suis allé à pied depuis le centre du bourg, l’autre jour. L’arrêt est à côté de la gare touristique du Petit Train des Côtes-du-Nord qui fête ses cent vingt ans. Je la laisse derrière moi, prenant le chemin de la digue en direction d’Yffiniac (deux kilomètres et demi). Ce chemin domine les prés-salés où serpente un cours d’eau. Sans le vouloir, je fais envoler des nuées d’oiseaux blancs. En face, c’est Hillion.
J’arrive à Yffiniac à neuf heures, exactement à l’endroit que j’avais repéré en passant avec le bus Vingt, à un pignon de maison livré à l’art de la rue pour une œuvre qui dénote. De la dentelle blanche due à NeSpoon, artiste de Varsovie, née comme telle en deux mille neuf. « La dentelle est désormais ma signature. Pourquoi la dentelle ? Aucune idée. » Cela me plaît.
Je fais un détour par l’église qui n’en méritait pas tant. Près du giratoire Bernard-Hinault est un grand bar tabac peu fréquenté, Chez Guillou, où l’allongé coûte un euro cinquante. A sa terrasse, j’ouvre Toulet. J’en suis à ses romans. Ça commence par Monsieur de Paur homme public que je ne fais que survoler et qui s’achève par les carnets de ce Paur, des aphorismes à la Toulet qui me retiennent, malgré beaucoup de déchets dus à sa misogynie, celle de l’époque. J’en garde trois :
Il y a de la volupté à faire pécher une protestante, parce qu’elle ne peut s’en faire absoudre.
Il faudrait considérer ses opinions comme des costumes, et en changer selon la saison, l’heure et le milieu.
Si un peuple a les seuls gouvernements qu’il mérite, quand mériterons-nous de n’en pas avoir.
Suit Le Mariage de Don Quichotte auquel je préfère ne pas assister. Vers dix heures, le soleil fait une apparition, le vent itou. Je me chauffe un peu, mon livre refermé.
Je prends le bus Vingt terminus Hillion de dix heures cinquante-six et en descends au lieu-dit Saint-René où l’on trouve une élégante église et de quoi déjeuner, mais je vois que la pizzeria ne me convient pas. Je me balade le long d’un ruisseau jusqu’à prendre à onze heures quarante le Vingt qui me ramène à Yffiniac.
Il y a ici aussi une pizzeria, seul restaurant du bourg. La Pizzeria de la Baie où presque toutes les tables sont réservées. On y propose une formule du jour même le samedi. Pour dix-sept euros cinquante, on a le plat du jour, un quart de vin, le dessert et un café. Je choisis la cassolette de lieu et saumon riz salade et le far breton. La bande-son diffuse des reprises au féminin de California Daydream et de San Francisco. Ce restaurant est tenu par toute une famille, papa à la cuisine, maman au service ainsi que leur fille absolument séduisante, il y a même la grand-mère qui dessert les tables. C’est fort bon.
Surprise à la sortie, il pleut. J’entre à côté, au Chez Guillou, et demande un expresso. « Ils annoncent la tempête », me dit la patronne (ces mystérieux « ils » qui décident de notre futur proche). Je continue à tourner les pages sans les lire des romans de Paul-Jean Toulet. Mon amie Nane, je connais mais je ne l’ai jamais lu. La Jeune Fille verte, je connais et j’ai dû l’ouvrir autrefois. Lu ? Pas sûr. Derrière moi, des hommes jouent au billard. Devant moi, des femmes parlent de bas de contention.
*
A Yffiniac, on recherche une chatte nommée Caprice qui en a fait un.
*
Le giratoire Bernard-Hinault a été inauguré par lui-même en juillet dernier lors du Tour de France qui passait par là. Yffiniac est son lieu de naissance. On trouve là un vélo jaune stylisé et sur le pignon de la maison voisine un énorme maillot jaune et sa photo.
				 Ce samedi vingt septembre, en l’honneur de l’ouverture d’une nouvelle ligne en regroupant quatre des Transports urbains briochins (Tub), les bus sont gratuits. C’est l’occasion d’en emprunter plusieurs dans la journée. Je prends le premier Trente, celui de sept heures quarante-neuf. J’en suis le seul passager. « Prochain arrêt : La Ville Néant », annonce la voix du bus. C’est là qu’habiterait la môme néant de Jean Tardieu si elle existait.
Je descends à Boutdeville (commune de Langueux) où je suis allé à pied depuis le centre du bourg, l’autre jour. L’arrêt est à côté de la gare touristique du Petit Train des Côtes-du-Nord qui fête ses cent vingt ans. Je la laisse derrière moi, prenant le chemin de la digue en direction d’Yffiniac (deux kilomètres et demi). Ce chemin domine les prés-salés où serpente un cours d’eau. Sans le vouloir, je fais envoler des nuées d’oiseaux blancs. En face, c’est Hillion.
J’arrive à Yffiniac à neuf heures, exactement à l’endroit que j’avais repéré en passant avec le bus Vingt, à un pignon de maison livré à l’art de la rue pour une œuvre qui dénote. De la dentelle blanche due à NeSpoon, artiste de Varsovie, née comme telle en deux mille neuf. « La dentelle est désormais ma signature. Pourquoi la dentelle ? Aucune idée. » Cela me plaît.
Je fais un détour par l’église qui n’en méritait pas tant. Près du giratoire Bernard-Hinault est un grand bar tabac peu fréquenté, Chez Guillou, où l’allongé coûte un euro cinquante. A sa terrasse, j’ouvre Toulet. J’en suis à ses romans. Ça commence par Monsieur de Paur homme public que je ne fais que survoler et qui s’achève par les carnets de ce Paur, des aphorismes à la Toulet qui me retiennent, malgré beaucoup de déchets dus à sa misogynie, celle de l’époque. J’en garde trois :
Il y a de la volupté à faire pécher une protestante, parce qu’elle ne peut s’en faire absoudre.
Il faudrait considérer ses opinions comme des costumes, et en changer selon la saison, l’heure et le milieu.
Si un peuple a les seuls gouvernements qu’il mérite, quand mériterons-nous de n’en pas avoir.
Suit Le Mariage de Don Quichotte auquel je préfère ne pas assister. Vers dix heures, le soleil fait une apparition, le vent itou. Je me chauffe un peu, mon livre refermé.
Je prends le bus Vingt terminus Hillion de dix heures cinquante-six et en descends au lieu-dit Saint-René où l’on trouve une élégante église et de quoi déjeuner, mais je vois que la pizzeria ne me convient pas. Je me balade le long d’un ruisseau jusqu’à prendre à onze heures quarante le Vingt qui me ramène à Yffiniac.
Il y a ici aussi une pizzeria, seul restaurant du bourg. La Pizzeria de la Baie où presque toutes les tables sont réservées. On y propose une formule du jour même le samedi. Pour dix-sept euros cinquante, on a le plat du jour, un quart de vin, le dessert et un café. Je choisis la cassolette de lieu et saumon riz salade et le far breton. La bande-son diffuse des reprises au féminin de California Daydream et de San Francisco. Ce restaurant est tenu par toute une famille, papa à la cuisine, maman au service ainsi que leur fille absolument séduisante, il y a même la grand-mère qui dessert les tables. C’est fort bon.
Surprise à la sortie, il pleut. J’entre à côté, au Chez Guillou, et demande un expresso. « Ils annoncent la tempête », me dit la patronne (ces mystérieux « ils » qui décident de notre futur proche). Je continue à tourner les pages sans les lire des romans de Paul-Jean Toulet. Mon amie Nane, je connais mais je ne l’ai jamais lu. La Jeune Fille verte, je connais et j’ai dû l’ouvrir autrefois. Lu ? Pas sûr. Derrière moi, des hommes jouent au billard. Devant moi, des femmes parlent de bas de contention.
*
A Yffiniac, on recherche une chatte nommée Caprice qui en a fait un.
*
Le giratoire Bernard-Hinault a été inauguré par lui-même en juillet dernier lors du Tour de France qui passait par là. Yffiniac est son lieu de naissance. On trouve là un vélo jaune stylisé et sur le pignon de la maison voisine un énorme maillot jaune et sa photo.
20 septembre 2025
						 Un délicieux ciel rose au-dessus de la Gare, ce vendredi au lever du jour, alors que je me dirige vers la passerelle afin de prendre une nouvelle fois de l’autre côté, le car BreizhGo Deux Cent Cinq pour Quintin dont il me reste à faire le tour par le circuit « ruelles et venelles ». Presque quatre kilomètres, est-il indiqué sur mon plan. La fin me paraissant peu intéressante, j’ai déjà décidé que j’abrègerai. 
C’est une journée ensoleillée. A l’arrivée à La Vallée, je contourne l’étang par le large sentier qui longe le Gouët. Sur l’autre rive de cet étang se dressent le Château et la Basilique qui se reflètent dans l’eau. Je prends un petit bout de route sur la droite et arrive à la cascade du Gouët au-dessus de laquelle se tient un mince calvaire. Je traverse cette route et descends sur la droite. Une passerelle enjambe le Gouët. Me voici ruelle du Gouët. J’entre à gauche dans le faubourg dit de « cure-bourse ». Autrefois s’y trouvaient de nombreux troquets, les soûlauds qui en sortaient se faisaient délester de l’argent qui leur restait par des voyous. Je passe par la venelle de la Berliche (rapport aux tisserands, un tissu de laine). Je remonte la ruelle du Presbytère, lequel a disparu, mais on y trouve la Chapelle Saint-Yves. J’entre dans l’étroite venelle Sonne-Sonne, autrefois prise par les enfants allant à l’école qui y faisaient claquer leurs sabots pour effrayer les démons et les spectres. J’arrive dans le Parc de Roz-Maria que je connais déjà. Je ne vais pas plus loin.
Le centre du bourg est là. A gauche, la Grande Rue où j’entre au P’tit Trou (comme toujours). Pas de marché ce jour, mais la même clientèle aux conversations oiseuses. Un homme établit la généalogie de la famille Duhamel des informations télévisées. Un autre raconte qu’il a envoyé à l’Onu sa thèse sur la dérive des continents.
J’ai besoin de m’aérer la tête. Dès que j’ai terminé d’écrire mon court circuit des ruelles et venelles de Quintin, je vais lire Toulet au bord de l’étang. J’en suis à Vers trouvés sur un mirliton :
Quand tu as bu, M…, sinistre lesbienne,
On dirait Waterloo, Waterloo, morne et pleine.
Onze heures sonnent à la Basilique avec un son de casserole. Est-ce pour cela que cette église ne sonne que les heures ? C’est un homme aujourd’hui qui court autour de l’étang, nettement moins intéressant que l’étudiante de l’autre jour. Parfois, un poisson saute et fait des ronds dans l’eau. Chez Toulet, j’arrive à Les Trois Impostures, recueil d’aphorismes paru de son vivant :
Le miracle de la charité, ce fut de la faire faire par les pauvres. Cela s’appelle : mutualité.
Direction le restaurant à buffet d’entrées La Vallée pour le déjeuner. Il fait chaud. Je choisis une table à l’ombre. Le plat du jour est joue de bœuf façon bourguignonne avec pommes vapeur. Mon dessert : une mousse au chocolat. Les ouvriers de la table d’à côté rêvent de propriété privée. « Quand t’as tout posé tes clôtures, t’es content. »
Pour lire encore un peu Toulet avant le car BreizhGo du retour, je choisis un banc de l’étang à l’ombre face au Château et à la Basilique. Ce vendredi est la journée la plus chaude depuis mon arrivée dans les Côtes d’Armor.
Rentré à Saint-Brieuc, je constate que la terrasse de la Passerelle est à l’ombre en ce début d’après-midi. Elle s’impose pour mon nouveau café Toulet :
Glissant étroitement sa chair hors d’un peu de linon qui la dérobait encore, elle serra son ami entre ses bras :
-Je sais bien, dit-elle, que vous avez couché avec maman ; mais tout de même je ne crois pas que je sois votre fille.
-Hélas, répondit-il, avec autant de sensibilité que de politesse.
*
A Quintin, il est risqué d’emprunter la venelle de la Couaille par où passaient les séminaristes, une descente très raide, à tomber sur le cul, beaucoup en ont eu le coccyx endolori. Quant au chemin de la Haute Folie où des femmes faisaient folie de leur corps, aucune rencontre de ce type n’étant désormais envisageable, il est inutile d’y aller.
				 C’est une journée ensoleillée. A l’arrivée à La Vallée, je contourne l’étang par le large sentier qui longe le Gouët. Sur l’autre rive de cet étang se dressent le Château et la Basilique qui se reflètent dans l’eau. Je prends un petit bout de route sur la droite et arrive à la cascade du Gouët au-dessus de laquelle se tient un mince calvaire. Je traverse cette route et descends sur la droite. Une passerelle enjambe le Gouët. Me voici ruelle du Gouët. J’entre à gauche dans le faubourg dit de « cure-bourse ». Autrefois s’y trouvaient de nombreux troquets, les soûlauds qui en sortaient se faisaient délester de l’argent qui leur restait par des voyous. Je passe par la venelle de la Berliche (rapport aux tisserands, un tissu de laine). Je remonte la ruelle du Presbytère, lequel a disparu, mais on y trouve la Chapelle Saint-Yves. J’entre dans l’étroite venelle Sonne-Sonne, autrefois prise par les enfants allant à l’école qui y faisaient claquer leurs sabots pour effrayer les démons et les spectres. J’arrive dans le Parc de Roz-Maria que je connais déjà. Je ne vais pas plus loin.
Le centre du bourg est là. A gauche, la Grande Rue où j’entre au P’tit Trou (comme toujours). Pas de marché ce jour, mais la même clientèle aux conversations oiseuses. Un homme établit la généalogie de la famille Duhamel des informations télévisées. Un autre raconte qu’il a envoyé à l’Onu sa thèse sur la dérive des continents.
J’ai besoin de m’aérer la tête. Dès que j’ai terminé d’écrire mon court circuit des ruelles et venelles de Quintin, je vais lire Toulet au bord de l’étang. J’en suis à Vers trouvés sur un mirliton :
Quand tu as bu, M…, sinistre lesbienne,
On dirait Waterloo, Waterloo, morne et pleine.
Onze heures sonnent à la Basilique avec un son de casserole. Est-ce pour cela que cette église ne sonne que les heures ? C’est un homme aujourd’hui qui court autour de l’étang, nettement moins intéressant que l’étudiante de l’autre jour. Parfois, un poisson saute et fait des ronds dans l’eau. Chez Toulet, j’arrive à Les Trois Impostures, recueil d’aphorismes paru de son vivant :
Le miracle de la charité, ce fut de la faire faire par les pauvres. Cela s’appelle : mutualité.
Direction le restaurant à buffet d’entrées La Vallée pour le déjeuner. Il fait chaud. Je choisis une table à l’ombre. Le plat du jour est joue de bœuf façon bourguignonne avec pommes vapeur. Mon dessert : une mousse au chocolat. Les ouvriers de la table d’à côté rêvent de propriété privée. « Quand t’as tout posé tes clôtures, t’es content. »
Pour lire encore un peu Toulet avant le car BreizhGo du retour, je choisis un banc de l’étang à l’ombre face au Château et à la Basilique. Ce vendredi est la journée la plus chaude depuis mon arrivée dans les Côtes d’Armor.
Rentré à Saint-Brieuc, je constate que la terrasse de la Passerelle est à l’ombre en ce début d’après-midi. Elle s’impose pour mon nouveau café Toulet :
Glissant étroitement sa chair hors d’un peu de linon qui la dérobait encore, elle serra son ami entre ses bras :
-Je sais bien, dit-elle, que vous avez couché avec maman ; mais tout de même je ne crois pas que je sois votre fille.
-Hélas, répondit-il, avec autant de sensibilité que de politesse.
*
A Quintin, il est risqué d’emprunter la venelle de la Couaille par où passaient les séminaristes, une descente très raide, à tomber sur le cul, beaucoup en ont eu le coccyx endolori. Quant au chemin de la Haute Folie où des femmes faisaient folie de leur corps, aucune rencontre de ce type n’étant désormais envisageable, il est inutile d’y aller.
19 septembre 2025
						 Jour de grève, aucun train en Gare de Saint-Brieuc, très peu de monde à La Passerelle. Les bus ont l’air de circuler mais dans le doute, je fais de ce jeudi une journée pédestre en descendant encore une fois par la vallée du Gouët au Port du Légué, par l’autre rive cette fois. 
Arrivé au Port, je prends la route à gauche et arrive à l’entrée du Parc Rohannec’h. Trois volées de marches puis un long chemin montant me conduisent à la Villa Rohannec’h de couleur rose dont j’aperçois d’abord l’arrière. Un banc est le bienvenu pour la regarder de face à loisir sous le ciel bleu car, après l’effort, je sue.
Cette villa, déjà vue autrefois, fut construite sur la colline de Rohannec’h à la fin du dix-neuvième siècle pour le Vicomte Alain Le Gualès de Mézauban, armateur et homme politique briochin, une demeure « italianisante » d’où il pouvait observer les navires de sa flotte. Le domaine de quatre hectares, où l’on trouve des cèdres de l’Atlas ou du Liban et de séquoias centenaires, possède un accès direct au Port du Légué (par où je suis entré) et, pour rejoindre le centre-ville, le Vicomte a fait créer ce qui est l’actuel boulevard Pasteur. Pour voir le port, il faut être dans les étages ou sur le toit de ce bâtiment. Il sera ouvert lors des Journées du Matrimoine et du Patrimoine. La perspective de la file d’attente à l’entrée me dissuade de profiter de cette occasion.
Le chemin est le même pour quitter le Parc à pied. Arrivé en bas, je prends le Pont Tournant et direction Les Mouettes. « Voilà, jeune homme, me dit le serveur en posant un allongé sur ma table, je vous ai vu arriver. »
C’est une journée à chaud soleil. « Ça fait vacances », remarque finement la retraitée de la table voisine. Son mari ne dit rien, c’est un mari. Je retrouve les chansons et poèmes de Paul-Louis Toulet :
Dans Arle, où sont les Aliscams,
Quand l’ombre est rouge, sous les roses,
Et clair le temps,
Prends garde à la douceur des choses,
Lorsque tu sens battre sans cause
Ton cœur trop lourd ;
Et que se taisent les colombes :
Parle tout bas, si c’est d’amour,
Au bord des tombes.
Peu à peu, le ciel devient gris. Les vacances sont finies. Nous sommes ici à Plérin-sur-Mer. Je traverse le Gouëdic par le Pont de Pierre et c’est Saint-Brieuc. La porte du Quai Gourmand est fermée à onze heures et demie, je ne peux réserver pour midi.
Je m’assois devant, sur un banc de bord de port, et découvre l’existence d’une passerelle électrifiée coulissante. Elle est mise en place à onze heures trente par les employés du Port. Elle permet de traverser sans faire le détour par le Pont de Pierre.
Au Quai Gourmand, le plat du jour est une brandade de morue. Je la fais précéder du buffet d’entrées dans lequel je me sers surtout en saumon gravelax. Cela fait dix-huit euros quatre-vingt-quinze.
Sorti de là, je passe de Saint-Brieuc à Plérin-sur-Mer par la passerelle, m’arrêtant sur celle-ci pour faire quelques photos du Port, et puis, à droite, jusqu’aux Mouettes pour un café verre d’eau Toulet.
Ecoute : au bruit noir des chansons
Satan flagelle tes sœurs nues ;
Viens, et dansons.
(…)
Vous souvient-il de l’auberge
Et combien j’y fus galant ?
Vous étiez en piqué blanc.
On eût dit la Sainte Vierge.
(…)
Cette fraîcheur du soir, qu’on dirait que tamise
Une émeraude, a fait se joindre tes genoux,
Et tu sembles moins nue ainsi. Mais, entre nous,
Ton mari te dirait : « Comme vous voilà mise. »
(…)
J’ai connu dans Séville, une enfant brune et tendre
Nous n’eûmes aucun mal, hélas ! à nous entendre.
Une constatation, la grève ne touche pas la ligne des bus D. Ils passent régulièrement. Ce n’est donc pas à pied que je remonte à mon logis Air Bibi, mais dans celui de quatorze heures.
				 Arrivé au Port, je prends la route à gauche et arrive à l’entrée du Parc Rohannec’h. Trois volées de marches puis un long chemin montant me conduisent à la Villa Rohannec’h de couleur rose dont j’aperçois d’abord l’arrière. Un banc est le bienvenu pour la regarder de face à loisir sous le ciel bleu car, après l’effort, je sue.
Cette villa, déjà vue autrefois, fut construite sur la colline de Rohannec’h à la fin du dix-neuvième siècle pour le Vicomte Alain Le Gualès de Mézauban, armateur et homme politique briochin, une demeure « italianisante » d’où il pouvait observer les navires de sa flotte. Le domaine de quatre hectares, où l’on trouve des cèdres de l’Atlas ou du Liban et de séquoias centenaires, possède un accès direct au Port du Légué (par où je suis entré) et, pour rejoindre le centre-ville, le Vicomte a fait créer ce qui est l’actuel boulevard Pasteur. Pour voir le port, il faut être dans les étages ou sur le toit de ce bâtiment. Il sera ouvert lors des Journées du Matrimoine et du Patrimoine. La perspective de la file d’attente à l’entrée me dissuade de profiter de cette occasion.
Le chemin est le même pour quitter le Parc à pied. Arrivé en bas, je prends le Pont Tournant et direction Les Mouettes. « Voilà, jeune homme, me dit le serveur en posant un allongé sur ma table, je vous ai vu arriver. »
C’est une journée à chaud soleil. « Ça fait vacances », remarque finement la retraitée de la table voisine. Son mari ne dit rien, c’est un mari. Je retrouve les chansons et poèmes de Paul-Louis Toulet :
Dans Arle, où sont les Aliscams,
Quand l’ombre est rouge, sous les roses,
Et clair le temps,
Prends garde à la douceur des choses,
Lorsque tu sens battre sans cause
Ton cœur trop lourd ;
Et que se taisent les colombes :
Parle tout bas, si c’est d’amour,
Au bord des tombes.
Peu à peu, le ciel devient gris. Les vacances sont finies. Nous sommes ici à Plérin-sur-Mer. Je traverse le Gouëdic par le Pont de Pierre et c’est Saint-Brieuc. La porte du Quai Gourmand est fermée à onze heures et demie, je ne peux réserver pour midi.
Je m’assois devant, sur un banc de bord de port, et découvre l’existence d’une passerelle électrifiée coulissante. Elle est mise en place à onze heures trente par les employés du Port. Elle permet de traverser sans faire le détour par le Pont de Pierre.
Au Quai Gourmand, le plat du jour est une brandade de morue. Je la fais précéder du buffet d’entrées dans lequel je me sers surtout en saumon gravelax. Cela fait dix-huit euros quatre-vingt-quinze.
Sorti de là, je passe de Saint-Brieuc à Plérin-sur-Mer par la passerelle, m’arrêtant sur celle-ci pour faire quelques photos du Port, et puis, à droite, jusqu’aux Mouettes pour un café verre d’eau Toulet.
Ecoute : au bruit noir des chansons
Satan flagelle tes sœurs nues ;
Viens, et dansons.
(…)
Vous souvient-il de l’auberge
Et combien j’y fus galant ?
Vous étiez en piqué blanc.
On eût dit la Sainte Vierge.
(…)
Cette fraîcheur du soir, qu’on dirait que tamise
Une émeraude, a fait se joindre tes genoux,
Et tu sembles moins nue ainsi. Mais, entre nous,
Ton mari te dirait : « Comme vous voilà mise. »
(…)
J’ai connu dans Séville, une enfant brune et tendre
Nous n’eûmes aucun mal, hélas ! à nous entendre.
Une constatation, la grève ne touche pas la ligne des bus D. Ils passent régulièrement. Ce n’est donc pas à pied que je remonte à mon logis Air Bibi, mais dans celui de quatorze heures.
18 septembre 2025
						 Compliqué, le réseau des bus Tub à Saint-Brieuc, il y a ceux que l’on prend à la Gare Ferroviaire, ceux que l’on prend de l’autre côté de la passerelle à la Gare Routière, ceux que l’on prend au Centre Commercial Les Champs et d’autres qui partent de rues et de boulevards improbables, comme le Dix que je veux prendre ce mercredi pour aller au Petit Havre (commune de Pordic). De plus, avec ce Dix, il faut veiller à choisir le bon car il y a trois terminus différents. Le mien de terminus est L’Herminier, l’horaire : neuf heures dix, le point de départ : rue du Combat des Trente. Un lieu que je rejoins pédestrement après mon petit-déjeuner, un combo Pôse de Valentine Bar La Passerelle. 
En chemin, la voix du bus annonce « Prochain arrêt : Avenir » (il y en a donc encore un) puis un arrêt Aldo Moro. Je descends à l’avant-dernier, Petit Havre, puis prends la route du Petit Havre qui descend rudement vers la plage du Petit Havre. La mer est visible, bleue comme il faut, plus lointaine qu’elle n’a l’air.
J’y arrive enfin. Cette plage est coincée entre deux pointes rocheuses. Le Géherre est ardu à cet endroit. Je m’y risque vers la Pointe de Pordic, attaque une première volée de marches en bois abîmées, puis une seconde en pire état et ça monte encore. Je renonce et ai un peu de mal à redescendre ces escaliers.
Il n’y a rien pour s’asseoir près de la plage. Je remonte, ce qui est déjà épuisant, à l’arrêt de bus, un simple poteau. Le prochain Dix de retour est à onze heures cinquante-cinq et il est dix heures et quart. Le centre du bourg est trop loin pour y aller à pied. Je reprends la marche jusqu’au terminus L’Herminier. J’y trouve un abribus avec un banc et des toilettes. De quoi survivre.
Je suis en train d’écrire cela et prêt à lire longuement sous cet abri quand la barrière de la maison d’en face s’ouvre. Un homme de mon âge s’apprête à sortir sa voiture. Je traverse, lui explique mon problème et lui demande s’il peut m’emmener au bourg. Il accepte et me voilà sauvé.
Je le remercie bien quand nous arrivons au pied de l’église. Un café est à côté, le bien nommé Bar L’Arrivée. Lui ira après ses courses. J’y vais sans attendre. « Vous écrivez vos mémoires ? » me demande l’homme qui boit une bière à la table d’à côté et dont la vêture est originale ou excentrique (comme on voudra). Souvent, j’envoie balader quand on me pose ce genre de question mais là non. « Je raconte mon voyage », lui dis-je.
La conversation s’engage. C’est surtout lui qui parle. Un comédien de théâtre et de cinéma qui écrit, dessine et fait des performances. Par ailleurs petit-fils du Colonel Rémy. Son nom : François Genty aka SangFroidGitan. Il va ouvrir un centre de cure ayurvédique avec hébergement en dortoir sur tatami à Etables au-dessus de Binic. Je lui raconte comment j’ai été conduit ici par un autochtone alors que j’étais coincé près de la mer. « Et comment s’appelle ce bar ? », me demande-t-il. « L’Arrivée. » « Il n’y a pas de hasard. » Ce grand manipulateur de mots est calé en numérologie et autres sciences plus ou moins occultes. Il me donne son interprétation de mon prénom et de mon patronyme. Tout conduit à faire de moi un ermite. Il calcule je ne sais quoi à propos de mon avenir et arrive toujours au nombre neuf. Et neuf, bien sûr, c’est le renouveau, on repart à zéro. Il me promet une nouvelle vie pour l’an prochain. Le sceptique que je suis l’écoute avec plaisir pendant un bon moment puis je lui annonce que je vais faire le tour de Pordic.
C’est vite fait. Il n’y a que l’église à voir. A l’ombre de celle-ci, je trouve l’Hôtel Restaurant Le Perroquet où on loue des chambres à un prix pas vu depuis longtemps : pour une personne, trente euros hors saison, quarante-cinq euros en saison, douche et vécé dans le couloir bien sûr. On y propose un menu ouvrier à douze euros cinquante donnant droit à entrée plat fromage dessert vin et café. J’entre réserver puis retourne boire un café à L’Arrivée, en terrasse cette fois (un euro quarante).
Au Perroquet, l’entrée est une assiette préparée à l’avance, le plat un couscous poulet merguez, la carafe de vin rouge généreuse, l’eau minérale Cristaline, le pain rustique et excellent. Comme dessert, je choisis une tarte aux pommes qui s’avère délicieuse. Quelques hommes seuls mangent ici ainsi qu’un couple que je pense être des touristes. Le mobilier date des années soixante-dix. Derrière le comptoir, une affiche « Coluche candidat » éditée par Charlie Hebdo. Cet endroit est une sorte de Musée de l’Hôtellerie. J’en sors fort content. Cette journée mal partie est bien retombée sur ses pieds (si j’ose dire).
Je retourne à L’Arrivée pour un autre café en terrasse et ouvre le Bouquins Laffont Œuvres complètes de Paul-Jean Toulet (poésie, romans, nouvelles et contes, théâtre, essais et notes, journaux, correspondance). Ce livre épais s’ouvre sur un portrait de Paul-Jean Toulet par Bernard Delvaille qui commence ainsi : On ne lit pas Toulet sans quelque plaisir pervers.
Cela débute par ses Contrerimes.
Ainsi :
Embrassez-moi, petite fille,
Là, bien. Quoi de nouveau ?
As-tu retrouvé le cerveau
Qui manque à ta famille ?
et aussi ceci :
A Londres, j’ai connu Bella,
Princesse moins lointaine
Que son mari le capitaine
Qui n’était jamais là.
Il y a un bus Dix pour rentrer à quatorze heures quarante-quatre. L’arrêt est devant la Poste. Pordic, tu serais parfaite si ton centre avait les pieds dans l’eau.
*
« Des excuses, c’est comme le trou du cul, tout le monde en a. » (le patron de La Passerelle). Il adore tuer les mouches avec sa raquette électrique.
*
Le soir venu, je regarde un portrait de SangFroidGitan « à la fois calme et totalement barré » par le vidéaste Cédric Barbier. Ça date d’il y a onze ans mais il est toujours lui-même.
				 En chemin, la voix du bus annonce « Prochain arrêt : Avenir » (il y en a donc encore un) puis un arrêt Aldo Moro. Je descends à l’avant-dernier, Petit Havre, puis prends la route du Petit Havre qui descend rudement vers la plage du Petit Havre. La mer est visible, bleue comme il faut, plus lointaine qu’elle n’a l’air.
J’y arrive enfin. Cette plage est coincée entre deux pointes rocheuses. Le Géherre est ardu à cet endroit. Je m’y risque vers la Pointe de Pordic, attaque une première volée de marches en bois abîmées, puis une seconde en pire état et ça monte encore. Je renonce et ai un peu de mal à redescendre ces escaliers.
Il n’y a rien pour s’asseoir près de la plage. Je remonte, ce qui est déjà épuisant, à l’arrêt de bus, un simple poteau. Le prochain Dix de retour est à onze heures cinquante-cinq et il est dix heures et quart. Le centre du bourg est trop loin pour y aller à pied. Je reprends la marche jusqu’au terminus L’Herminier. J’y trouve un abribus avec un banc et des toilettes. De quoi survivre.
Je suis en train d’écrire cela et prêt à lire longuement sous cet abri quand la barrière de la maison d’en face s’ouvre. Un homme de mon âge s’apprête à sortir sa voiture. Je traverse, lui explique mon problème et lui demande s’il peut m’emmener au bourg. Il accepte et me voilà sauvé.
Je le remercie bien quand nous arrivons au pied de l’église. Un café est à côté, le bien nommé Bar L’Arrivée. Lui ira après ses courses. J’y vais sans attendre. « Vous écrivez vos mémoires ? » me demande l’homme qui boit une bière à la table d’à côté et dont la vêture est originale ou excentrique (comme on voudra). Souvent, j’envoie balader quand on me pose ce genre de question mais là non. « Je raconte mon voyage », lui dis-je.
La conversation s’engage. C’est surtout lui qui parle. Un comédien de théâtre et de cinéma qui écrit, dessine et fait des performances. Par ailleurs petit-fils du Colonel Rémy. Son nom : François Genty aka SangFroidGitan. Il va ouvrir un centre de cure ayurvédique avec hébergement en dortoir sur tatami à Etables au-dessus de Binic. Je lui raconte comment j’ai été conduit ici par un autochtone alors que j’étais coincé près de la mer. « Et comment s’appelle ce bar ? », me demande-t-il. « L’Arrivée. » « Il n’y a pas de hasard. » Ce grand manipulateur de mots est calé en numérologie et autres sciences plus ou moins occultes. Il me donne son interprétation de mon prénom et de mon patronyme. Tout conduit à faire de moi un ermite. Il calcule je ne sais quoi à propos de mon avenir et arrive toujours au nombre neuf. Et neuf, bien sûr, c’est le renouveau, on repart à zéro. Il me promet une nouvelle vie pour l’an prochain. Le sceptique que je suis l’écoute avec plaisir pendant un bon moment puis je lui annonce que je vais faire le tour de Pordic.
C’est vite fait. Il n’y a que l’église à voir. A l’ombre de celle-ci, je trouve l’Hôtel Restaurant Le Perroquet où on loue des chambres à un prix pas vu depuis longtemps : pour une personne, trente euros hors saison, quarante-cinq euros en saison, douche et vécé dans le couloir bien sûr. On y propose un menu ouvrier à douze euros cinquante donnant droit à entrée plat fromage dessert vin et café. J’entre réserver puis retourne boire un café à L’Arrivée, en terrasse cette fois (un euro quarante).
Au Perroquet, l’entrée est une assiette préparée à l’avance, le plat un couscous poulet merguez, la carafe de vin rouge généreuse, l’eau minérale Cristaline, le pain rustique et excellent. Comme dessert, je choisis une tarte aux pommes qui s’avère délicieuse. Quelques hommes seuls mangent ici ainsi qu’un couple que je pense être des touristes. Le mobilier date des années soixante-dix. Derrière le comptoir, une affiche « Coluche candidat » éditée par Charlie Hebdo. Cet endroit est une sorte de Musée de l’Hôtellerie. J’en sors fort content. Cette journée mal partie est bien retombée sur ses pieds (si j’ose dire).
Je retourne à L’Arrivée pour un autre café en terrasse et ouvre le Bouquins Laffont Œuvres complètes de Paul-Jean Toulet (poésie, romans, nouvelles et contes, théâtre, essais et notes, journaux, correspondance). Ce livre épais s’ouvre sur un portrait de Paul-Jean Toulet par Bernard Delvaille qui commence ainsi : On ne lit pas Toulet sans quelque plaisir pervers.
Cela débute par ses Contrerimes.
Ainsi :
Embrassez-moi, petite fille,
Là, bien. Quoi de nouveau ?
As-tu retrouvé le cerveau
Qui manque à ta famille ?
et aussi ceci :
A Londres, j’ai connu Bella,
Princesse moins lointaine
Que son mari le capitaine
Qui n’était jamais là.
Il y a un bus Dix pour rentrer à quatorze heures quarante-quatre. L’arrêt est devant la Poste. Pordic, tu serais parfaite si ton centre avait les pieds dans l’eau.
*
« Des excuses, c’est comme le trou du cul, tout le monde en a. » (le patron de La Passerelle). Il adore tuer les mouches avec sa raquette électrique.
*
Le soir venu, je regarde un portrait de SangFroidGitan « à la fois calme et totalement barré » par le vidéaste Cédric Barbier. Ça date d’il y a onze ans mais il est toujours lui-même.
17 septembre 2025
						 Deuxième passage à Quintin ce mardi, le car BreizhGo Deux Cent Cinq me dépose au lieu-dit La Vallée. Le marché va tranquillement, comme la semaine dernière. 
Au début de la Grande Rue, au rez-de-chaussée d’une belle demeure à pans de bois, est la librairie Le Marque Page, vaste et chaleureuse, tenue par un libraire à lunettes rouges et bonne tête. « Je viens voir l’exposition », lui dis-je. « C’est tout au fond. » Je lui demande si je peux prendre des photos. « Oui, bien sûr. »
Je ne connais qu’un tableau de Lise Levitsky, celui que j’ai vu sur le site du Télégramme, son autoportrait. Il me plaît. C’est lui que l’on rencontre sur la droite dans l’avant-dernière salle. Dans la dernière se trouve le reste de son œuvre picturale, de l’abstraction géométrique. Rien d’original mais ça se regarde.
L’exposition est visible depuis le début du mois. Rien n’est vendu. Le livre d’or n’a été signé que par trois personnes. J’ajoute une trace de mon passage : « Une belle initiative » et je signe. Cette initiative est due à la filleule de l’artiste, Sophie Alexinsky, et au libraire, Gilles Perrotin. Lise Levitsky vivait non loin de Quintin, à Plœuc-Lhermitage (dans la partie Lhermitage), m’apprend-il.
Elisabeth Levitsky, dite Lise, dite Elisa, apprentie peintre et future psychanalyste, rencontra Lucien Ginsburg lors d'un cours de peinture en mars mil neuf cent quarante-sept. Elle avait alors vingt et un ans, le futur Serge Gainsbourg étant de deux ans son cadet. Elle fut sa première femme entre mil neuf cent cinquante et un et mil neuf cent cinquante-sept. D’après sa filleule, Gainsbourg continua à la voir jusqu’à sa mort. Il est dit aussi que c’est à propos d’elle qu’il écrivit Elisa, mais ça ne colle pas, me dis-je, puisqu’il est question d’un homme de quarante ans et d’une femme de vingt dans cette chanson (on va dire que je cherche des poux).
J’écris cela au Toujours un P’tit Trou où je prends un café verre d’eau parmi les locaux qui papotent après leurs courses, une tablée d’hommes, une tablée de femmes. Ces dernières parlent d’un homme. « A trente-cinq ans, il a jamais eu personne. Bizarre. »
C’est encore un temps de nuages et d’éclaircies. Il me permet de faire le tour de l’étang. A l’issue, je prends place sur un banc en face de celui-ci et sors Balzac de mon sac. Comme j’ai été heureux quand je me suis trouvé en wagon. écrit-il à Madame Hanska tandis qu’il voyage vers elle. C’est la lettre Quatre Cent Quarante-Quatre. Elle est suivie d’une note : « On vient de lire la dernière lettre de Balzac à Madame Hanska qu’il ne quittera plus. Il l’épousera en Ukraine le 14 mars 1850 avant de regagner Paris avec elle pour y mourir. »
Il est onze heures trente. Je passe réserver à La Vallée puis retourne m’asseoir sur un banc près de l’étang. Une jeune et jolie sportive me dit bonjour puis en fait le tour en courant à fond. Sa queue de cheval va de gauche à droite comme un métronome. Elle en est à son huitième tour quand elle s’arrête. Il est midi moins cinq, je me lève et traverse la route.
J’ai la même table à l’extérieur. Le buffet d’entrée a été renouvelé et est accompagné par une délicieuse mayonnaise maison. En plat du jour, je choisis la langue de bœuf frites salade et en dessert, la crème caramel.
Il me reste une demi-heure, que je passe au bord de l’étang, avant que le car du retour arrive. Il me dépose à la Gare Routière de Saint-Brieuc. J’enjambe les voies ferrées par la passerelle et entre au Bistrot Gourmand pour boire un café et lire les appendices de la correspondance de Balzac avec Madame Hanska, d’abord l’inventaire de son appartement de la rue Fortunée puis les lettres de celle-ci envoyées de France à sa fille Anna avant et après la mort de l’écrivain. J’apprends ainsi qu’Eve Hanska, devenue Madame de Balzac, s’est vite consolée, d’abord avec le jeune Champfleury qui projetait d’écrire une étude à la mémoire de Balzac, puis avec le peintre Jean Gigoux.
*
Dans la librairie Le Marque Page, une affiche du libraire pour se plaindre des vols de livres. Il a dû installer des caméras.
				 Au début de la Grande Rue, au rez-de-chaussée d’une belle demeure à pans de bois, est la librairie Le Marque Page, vaste et chaleureuse, tenue par un libraire à lunettes rouges et bonne tête. « Je viens voir l’exposition », lui dis-je. « C’est tout au fond. » Je lui demande si je peux prendre des photos. « Oui, bien sûr. »
Je ne connais qu’un tableau de Lise Levitsky, celui que j’ai vu sur le site du Télégramme, son autoportrait. Il me plaît. C’est lui que l’on rencontre sur la droite dans l’avant-dernière salle. Dans la dernière se trouve le reste de son œuvre picturale, de l’abstraction géométrique. Rien d’original mais ça se regarde.
L’exposition est visible depuis le début du mois. Rien n’est vendu. Le livre d’or n’a été signé que par trois personnes. J’ajoute une trace de mon passage : « Une belle initiative » et je signe. Cette initiative est due à la filleule de l’artiste, Sophie Alexinsky, et au libraire, Gilles Perrotin. Lise Levitsky vivait non loin de Quintin, à Plœuc-Lhermitage (dans la partie Lhermitage), m’apprend-il.
Elisabeth Levitsky, dite Lise, dite Elisa, apprentie peintre et future psychanalyste, rencontra Lucien Ginsburg lors d'un cours de peinture en mars mil neuf cent quarante-sept. Elle avait alors vingt et un ans, le futur Serge Gainsbourg étant de deux ans son cadet. Elle fut sa première femme entre mil neuf cent cinquante et un et mil neuf cent cinquante-sept. D’après sa filleule, Gainsbourg continua à la voir jusqu’à sa mort. Il est dit aussi que c’est à propos d’elle qu’il écrivit Elisa, mais ça ne colle pas, me dis-je, puisqu’il est question d’un homme de quarante ans et d’une femme de vingt dans cette chanson (on va dire que je cherche des poux).
J’écris cela au Toujours un P’tit Trou où je prends un café verre d’eau parmi les locaux qui papotent après leurs courses, une tablée d’hommes, une tablée de femmes. Ces dernières parlent d’un homme. « A trente-cinq ans, il a jamais eu personne. Bizarre. »
C’est encore un temps de nuages et d’éclaircies. Il me permet de faire le tour de l’étang. A l’issue, je prends place sur un banc en face de celui-ci et sors Balzac de mon sac. Comme j’ai été heureux quand je me suis trouvé en wagon. écrit-il à Madame Hanska tandis qu’il voyage vers elle. C’est la lettre Quatre Cent Quarante-Quatre. Elle est suivie d’une note : « On vient de lire la dernière lettre de Balzac à Madame Hanska qu’il ne quittera plus. Il l’épousera en Ukraine le 14 mars 1850 avant de regagner Paris avec elle pour y mourir. »
Il est onze heures trente. Je passe réserver à La Vallée puis retourne m’asseoir sur un banc près de l’étang. Une jeune et jolie sportive me dit bonjour puis en fait le tour en courant à fond. Sa queue de cheval va de gauche à droite comme un métronome. Elle en est à son huitième tour quand elle s’arrête. Il est midi moins cinq, je me lève et traverse la route.
J’ai la même table à l’extérieur. Le buffet d’entrée a été renouvelé et est accompagné par une délicieuse mayonnaise maison. En plat du jour, je choisis la langue de bœuf frites salade et en dessert, la crème caramel.
Il me reste une demi-heure, que je passe au bord de l’étang, avant que le car du retour arrive. Il me dépose à la Gare Routière de Saint-Brieuc. J’enjambe les voies ferrées par la passerelle et entre au Bistrot Gourmand pour boire un café et lire les appendices de la correspondance de Balzac avec Madame Hanska, d’abord l’inventaire de son appartement de la rue Fortunée puis les lettres de celle-ci envoyées de France à sa fille Anna avant et après la mort de l’écrivain. J’apprends ainsi qu’Eve Hanska, devenue Madame de Balzac, s’est vite consolée, d’abord avec le jeune Champfleury qui projetait d’écrire une étude à la mémoire de Balzac, puis avec le peintre Jean Gigoux.
*
Dans la librairie Le Marque Page, une affiche du libraire pour se plaindre des vols de livres. Il a dû installer des caméras.
16 septembre 2025
						 « On vous changera les draps au milieu du mois », m’a dit mon logeur à mon arrivée. Quand je le rappelle par message à sa femme, je lui précise « Vous pouvez faire ça en ma présence ou en mon absence ». Moyennant quoi, elle se présente dimanche en fin d’après-midi avec un sac contenant le nécessaire, qu’elle me remet, et débrouille-toi mon bonhomme. Il est vrai que je ne suis pas à l’hôtel. Je commence la semaine par cette tâche imposée, maudissant l’inventeur de la couette. 
Durant ma descente au « cœur de ville » ce lundi, je croise les habituels élèves des Collèges et Lycées, par centaines, du privé et du public. Je suis étonné de les voir si calmes. Au centre de Saint-Brieuc, ce qui est calme, c’est la ville elle-même. Quasiment personne dans les rues piétonnières. A croire qu’il n’y a que la jeunesse pour se lever matin.
Un désagrément m’attend : le Bistrot de la Poste est fermé pour une raison inconnue. Je dois me rabattre, rien d’autre n’étant ouvert, sur La Cigogne, un étroit bar tabac derrière la Cathédrale. L’ambiance est sinistre. Un type au comptoir exige six sucres pour son café. Un autre raconte qu’il postule pour un emploi à sept mille euros au Canada. Le patron porte un pull taché sur sa bedaine. Un euro soixante-dix, son allongé. Je lui fais répéter le prix tellement j’en suis surpris. Dans la région, il est toujours à un euro soixante.
Quand je repasse devant le Bistrot de la Poste, je le vois ouvert et en travaux. Il était pourtant parfait. Je me mets à la recherche d’une pharmacie ouverte. Je la trouve rue Saint-Guillaume, la Pharmacie d’Arvor Giphar. Le Cosidime pour mes yeux est toujours manquant mais son générique est là.
Plus haut, j’entre à La Taverne, « table de caractère », la brasserie un peu chic de la ville, ouverte sept jours sur sept, mais seulement à neuf heures et demie. C’est le moment de mon expresso verre d‘eau Balzac, un euro soixante seulement.
Au moment où je veux partir à la recherche d’un endroit où déjeuner, il se met à rudement pleuvoir. Je décide de rester à La Taverne. Fort aimablement installé par la principale serveuse, une jeune femme noire prénommée Hortense, un prénom qui m’enchante, j’attends midi.
J’opte pour la formule plat du jour et café gourmand à dix-huit euros. Ce plat du jour est une escalope de saumon, crème de moules, fondue de poireaux, champignons. La clientèle se partage entre bourgeoisie d’ici et bourgeoisie d’ailleurs avec leur étalage de petites histoires de familles médiocres. Un couple déjeune avec « la box », à qui la serveuse annonce moins vingt euros sur ce qu’ils prendront. Cela ne les enchante pas. La femme conteste. Le tavernier est obligé de lui fournir les imprimés de l’entreprise qui leur a vendu ce truc. Derrière moi, ce sont deux sœurs et leurs maris. L’une au téléphone : « Les chats vont bien ? Les plantes sont arrosées ? »
Je suis étonné de la profusion de pâtisseries entourant ma tasse de café : far, glace au chocolat, mousse au chocolat, meringue et crème brûlée. Je comprends pourquoi quand, au règlement, on me l’annonce à neuf euros. Ça ne devait pas être celui de la formule. On s’est trompé. Bien sûr, je ne paie que dix-huit euros pour le tout.
Une rapide étape chez U pour assurer ma survie du soir et, profitant du retour du soleil, je m’installe à ma table attitrée au Transat Kafé. Balzac est une nouvelle fois en route pour l’Ukraine. Cette fois, il compte bien se marier. Quoique toujours endetté. Voyez-vous comme je deviens gai, sachant que je quitte cet affreux Paris, mais hélas, les dépenses du voyage commencent.
*
Pendant que ceux qui nous gouvernent bricolent, sous la houlette des cathos tendance Retailleau, une loi restrictive sur la fin de vie, le Tribunal de Paris juge, à partir de ce lundi, douze adhérents d’Ultime Liberté âgés de soixante-quinze à quatre-vingt-neuf ans pour avoir aidé des personnes, malades ou non, à se procurer du pentobarbital, commercialisé sous le nom de Nembutal, afin de leur permettre de se suicider. On leur reproche l’« importation en contrebande de marchandise dangereuse », l’« acquisition et détention de substances illicites » et la complicité de ces délits.
Le point positif de ce procès, c’est qu’il fait découvrir Ultime Liberté, cette association devenue mienne depuis que j’ai quitté la mollassonne Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité, à un tas de gens qui ignoraient son existence, comme je le constate sur sa page du réseau social Effe Bé.
				 Durant ma descente au « cœur de ville » ce lundi, je croise les habituels élèves des Collèges et Lycées, par centaines, du privé et du public. Je suis étonné de les voir si calmes. Au centre de Saint-Brieuc, ce qui est calme, c’est la ville elle-même. Quasiment personne dans les rues piétonnières. A croire qu’il n’y a que la jeunesse pour se lever matin.
Un désagrément m’attend : le Bistrot de la Poste est fermé pour une raison inconnue. Je dois me rabattre, rien d’autre n’étant ouvert, sur La Cigogne, un étroit bar tabac derrière la Cathédrale. L’ambiance est sinistre. Un type au comptoir exige six sucres pour son café. Un autre raconte qu’il postule pour un emploi à sept mille euros au Canada. Le patron porte un pull taché sur sa bedaine. Un euro soixante-dix, son allongé. Je lui fais répéter le prix tellement j’en suis surpris. Dans la région, il est toujours à un euro soixante.
Quand je repasse devant le Bistrot de la Poste, je le vois ouvert et en travaux. Il était pourtant parfait. Je me mets à la recherche d’une pharmacie ouverte. Je la trouve rue Saint-Guillaume, la Pharmacie d’Arvor Giphar. Le Cosidime pour mes yeux est toujours manquant mais son générique est là.
Plus haut, j’entre à La Taverne, « table de caractère », la brasserie un peu chic de la ville, ouverte sept jours sur sept, mais seulement à neuf heures et demie. C’est le moment de mon expresso verre d‘eau Balzac, un euro soixante seulement.
Au moment où je veux partir à la recherche d’un endroit où déjeuner, il se met à rudement pleuvoir. Je décide de rester à La Taverne. Fort aimablement installé par la principale serveuse, une jeune femme noire prénommée Hortense, un prénom qui m’enchante, j’attends midi.
J’opte pour la formule plat du jour et café gourmand à dix-huit euros. Ce plat du jour est une escalope de saumon, crème de moules, fondue de poireaux, champignons. La clientèle se partage entre bourgeoisie d’ici et bourgeoisie d’ailleurs avec leur étalage de petites histoires de familles médiocres. Un couple déjeune avec « la box », à qui la serveuse annonce moins vingt euros sur ce qu’ils prendront. Cela ne les enchante pas. La femme conteste. Le tavernier est obligé de lui fournir les imprimés de l’entreprise qui leur a vendu ce truc. Derrière moi, ce sont deux sœurs et leurs maris. L’une au téléphone : « Les chats vont bien ? Les plantes sont arrosées ? »
Je suis étonné de la profusion de pâtisseries entourant ma tasse de café : far, glace au chocolat, mousse au chocolat, meringue et crème brûlée. Je comprends pourquoi quand, au règlement, on me l’annonce à neuf euros. Ça ne devait pas être celui de la formule. On s’est trompé. Bien sûr, je ne paie que dix-huit euros pour le tout.
Une rapide étape chez U pour assurer ma survie du soir et, profitant du retour du soleil, je m’installe à ma table attitrée au Transat Kafé. Balzac est une nouvelle fois en route pour l’Ukraine. Cette fois, il compte bien se marier. Quoique toujours endetté. Voyez-vous comme je deviens gai, sachant que je quitte cet affreux Paris, mais hélas, les dépenses du voyage commencent.
*
Pendant que ceux qui nous gouvernent bricolent, sous la houlette des cathos tendance Retailleau, une loi restrictive sur la fin de vie, le Tribunal de Paris juge, à partir de ce lundi, douze adhérents d’Ultime Liberté âgés de soixante-quinze à quatre-vingt-neuf ans pour avoir aidé des personnes, malades ou non, à se procurer du pentobarbital, commercialisé sous le nom de Nembutal, afin de leur permettre de se suicider. On leur reproche l’« importation en contrebande de marchandise dangereuse », l’« acquisition et détention de substances illicites » et la complicité de ces délits.
Le point positif de ce procès, c’est qu’il fait découvrir Ultime Liberté, cette association devenue mienne depuis que j’ai quitté la mollassonne Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité, à un tas de gens qui ignoraient son existence, comme je le constate sur sa page du réseau social Effe Bé.
15 septembre 2025
						 Dans quelque ville française que ce soit, le dimanche est un jour à moitié sinistré. Une plaie de devoir attendre à Saint-Brieuc jusqu’à neuf heures trente le premier car BreizhGo pour Binic. La conséquence en est que je ne petit-déjeune qu’à partir de dix heures et quart au Narval pendant que l’un se plaint de la disparition de son journal. 
On finit par le retrouver en terrasse, circulant, après avoir été emprunté par un premier qui pensait que c’était celui du bar. « C’est pas normal qu’on me le pique sur ma table », peste son propriétaire. Il veut connaître le coupable, que la serveuse l’identifie puisqu’on est tous filmés avec la caméra. « Les nouvelles sont fraîches au moins ? » lui demande quelqu’un soucieux de le calmer. « Plus que toi ! »
Le calme est revenu lorsque je mets le pied dehors. Après avoir réservé pour midi à La Sentinelle, j’affronte le ciel uniformément gris et la falaise par le Géherre direction Saint-Quay-Portrieux. J’ai réalisé un jour l’exploit de relier pédestrement le Port de Binic à celui de Saint-Quay par le sentier douanier. Aujourd’hui, je me contente de marcher quelques centaines de mètres et d’observer la mer et la plage de là-haut pendant que le soleil tente une percée.
Redescendu, j’assiste au départ de deux voiliers, ce port n’est pas mort, puis m’assois au bout de la passerelle après avoir prélevé dans la boîte à livres Par les routes de Sylvain Prudhomme (L’Arbalète/Gallimard). L’attraction du jour à Binic se trouve à ma droite, au-dessus de la plage, une concentration de véhicules de collection, la spécialité de l’endroit il faut croire. L’entends-tu ronfler mon vieux moteur ?
J’ai une table sous la véranda à La Sentinelle. Le vieil alcoolo du bar est encore là qui rentre chez lui plus rubicond que jamais. Je découvre que le menu du jour à dix-huit euros est servi même le dimanche (j’aurais pu m’éviter le piètre burgueur de Jeff la semaine dernière). Mon entrée est une aumônière du pêcheur et mon plat un suprême de poulet sauce Vallée d’Auge, cela bien cuisiné. Suit, offert, l’équivalent du trou normand, un trou breton, petit verre de vodka au caramel beurre salé. Enfin vient mon dessert, un croustillant pomme rhubarbe.
Je fais alors un nouveau tour du port sous un petit soleil puis reviens en longeant la plage. Deux fillettes marchent dans le sable gadouilleux jusqu’à la mini piscine d’eau de mer laissant derrière elles l’empreinte profonde de leurs pas (il n’y a pas que les oiseaux qui vasouillent).
De retour à la terrasse du Narval, d’où l’on a vue sur celle de La Sentinelle et le ballet de ses serveuses, toutes jolies, l’une particulièrement, brune et grande et mince, je commande un café verre d’eau et ouvre Lettres à Madame Hanska Vous ne connaissez pas la sagesse de Bilboquet ! Il en sera de ma prodigalité comme de mon vice de joueur et de mon libertinage, vous vous apercevrez que tout cela est l’effet de calomnies. J’ai été héroïque dans ces derniers temps !
A ma gauche est un couple possédant un chien hideux qui fait en permanence un bruit de machine à laver. J’ai envie de leur dire d’arrêter le moteur mais le maître (comme on dit) me fait un peu peur. A ma droite est un vieux couple d’Anglais. Il donne à sa femme un cours de français puis l’envoie recommander une bière et un verre de vin. Pendant ce temps, il m’interroge sur ce que je lis. Il a l’air de connaître Balzac. « Et le carnet pour les notes ? » « Oui oui. » A droite de ces Anglais, buvant des bières, sont deux gars d’ici qui sont suivis par le Centre Médico Psychologique de Saint-Quay. L’un parle un peu anglais, étant né à Londres (dit-il). Bientôt, entre ces deux-là et le vieil Anglais, ça fait une bonne conversation un peu barrée, dans laquelle la jolie petite serveuse rousse qui parle fort bien l’anglais, l’ayant appris à l’école, remet un peu d’ordre quand elle passe. Impossible pour moi de continuer à lire. Je commande un autre café écoutant le délire jusqu’à ce qu’il soit temps de retourner à l’abribus.
Comme la semaine dernière, le car BreizhGo du retour a dix minutes de retard.
*
Une femme dans le Port de Binic au téléphone : « On est à Bénodet. Une semaine à l’hôtel. Après on rentre ». Le ton sur lequel elle dit cela laisse entendre que le plaisir sera de rentrer et qu’elle en est impatiente.
				 On finit par le retrouver en terrasse, circulant, après avoir été emprunté par un premier qui pensait que c’était celui du bar. « C’est pas normal qu’on me le pique sur ma table », peste son propriétaire. Il veut connaître le coupable, que la serveuse l’identifie puisqu’on est tous filmés avec la caméra. « Les nouvelles sont fraîches au moins ? » lui demande quelqu’un soucieux de le calmer. « Plus que toi ! »
Le calme est revenu lorsque je mets le pied dehors. Après avoir réservé pour midi à La Sentinelle, j’affronte le ciel uniformément gris et la falaise par le Géherre direction Saint-Quay-Portrieux. J’ai réalisé un jour l’exploit de relier pédestrement le Port de Binic à celui de Saint-Quay par le sentier douanier. Aujourd’hui, je me contente de marcher quelques centaines de mètres et d’observer la mer et la plage de là-haut pendant que le soleil tente une percée.
Redescendu, j’assiste au départ de deux voiliers, ce port n’est pas mort, puis m’assois au bout de la passerelle après avoir prélevé dans la boîte à livres Par les routes de Sylvain Prudhomme (L’Arbalète/Gallimard). L’attraction du jour à Binic se trouve à ma droite, au-dessus de la plage, une concentration de véhicules de collection, la spécialité de l’endroit il faut croire. L’entends-tu ronfler mon vieux moteur ?
J’ai une table sous la véranda à La Sentinelle. Le vieil alcoolo du bar est encore là qui rentre chez lui plus rubicond que jamais. Je découvre que le menu du jour à dix-huit euros est servi même le dimanche (j’aurais pu m’éviter le piètre burgueur de Jeff la semaine dernière). Mon entrée est une aumônière du pêcheur et mon plat un suprême de poulet sauce Vallée d’Auge, cela bien cuisiné. Suit, offert, l’équivalent du trou normand, un trou breton, petit verre de vodka au caramel beurre salé. Enfin vient mon dessert, un croustillant pomme rhubarbe.
Je fais alors un nouveau tour du port sous un petit soleil puis reviens en longeant la plage. Deux fillettes marchent dans le sable gadouilleux jusqu’à la mini piscine d’eau de mer laissant derrière elles l’empreinte profonde de leurs pas (il n’y a pas que les oiseaux qui vasouillent).
De retour à la terrasse du Narval, d’où l’on a vue sur celle de La Sentinelle et le ballet de ses serveuses, toutes jolies, l’une particulièrement, brune et grande et mince, je commande un café verre d’eau et ouvre Lettres à Madame Hanska Vous ne connaissez pas la sagesse de Bilboquet ! Il en sera de ma prodigalité comme de mon vice de joueur et de mon libertinage, vous vous apercevrez que tout cela est l’effet de calomnies. J’ai été héroïque dans ces derniers temps !
A ma gauche est un couple possédant un chien hideux qui fait en permanence un bruit de machine à laver. J’ai envie de leur dire d’arrêter le moteur mais le maître (comme on dit) me fait un peu peur. A ma droite est un vieux couple d’Anglais. Il donne à sa femme un cours de français puis l’envoie recommander une bière et un verre de vin. Pendant ce temps, il m’interroge sur ce que je lis. Il a l’air de connaître Balzac. « Et le carnet pour les notes ? » « Oui oui. » A droite de ces Anglais, buvant des bières, sont deux gars d’ici qui sont suivis par le Centre Médico Psychologique de Saint-Quay. L’un parle un peu anglais, étant né à Londres (dit-il). Bientôt, entre ces deux-là et le vieil Anglais, ça fait une bonne conversation un peu barrée, dans laquelle la jolie petite serveuse rousse qui parle fort bien l’anglais, l’ayant appris à l’école, remet un peu d’ordre quand elle passe. Impossible pour moi de continuer à lire. Je commande un autre café écoutant le délire jusqu’à ce qu’il soit temps de retourner à l’abribus.
Comme la semaine dernière, le car BreizhGo du retour a dix minutes de retard.
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Une femme dans le Port de Binic au téléphone : « On est à Bénodet. Une semaine à l’hôtel. Après on rentre ». Le ton sur lequel elle dit cela laisse entendre que le plaisir sera de rentrer et qu’elle en est impatiente.
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