Dernières notes
Loïc Boyer
Je suis l’auteur de textes courts qui furent publiés depuis mil neuf cent quatre-vingt-quinze dans des revues littéraires en France (Supérieur Inconnu, Supplément d’Ame, Nouvelle Donne, Le Bord de l’Eau, Pris de Peur, l’Art du Bref, Sol’Air, Gros Textes, Salmigondis, Verso, Décharge, Bulle, Filigranes, Diérèse, Martobre, Comme ça et Autrement, (Cahier d’) Ecritures, La Nef des Fous), en Belgique (Traversées, Ecrits Vains, L’Arbre à Plumes, Inédit Nouveau, Bleu d’Encre), au Canada (Les Saisons Littéraires) et en Italie (Les Cahiers du Ru).
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
Les courageuses Editions du Chardon ont publié en mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf Erotica, un recueil de vingt-huit de ces textes, illustré par Isabelle Pio et Antoine Lopez et préfacé par Sarane Alexandrian, toujours disponible auprès de moi.
Je suis également l’auteur d’une pièce de théâtre et de plusieurs romans ou récits à ce jour inédits.
Depuis le onze novembre deux mille six, je publie mon Journal via Internet, un temps sous-titré Persiflages, moquages et autres énervages mâtinés de complimentages et de contentages. Sa première partie est lisible chez Eklablog, la deuxième ici.
Je vis au centre de Rouen dans un ancien monastère où autrefois les Sœurs de la Miséricorde se vouaient à l’éducation des jeunes filles.
25 septembre 2025
Mon séjour à Saint-Brieuc va doucement vers la fin. Je quitterai prochainement mon bizarre logis Air Bibi où je suis exposé comme dans une vitrine. Était-ce une boutique avant ? Ou un garage ? Heureusement, personne en passant ne regarde à l’intérieur. C’est un bel endroit avec un mur de pierre et un confort relatif. Ainsi, pas d’évier dans le coin cuisine. Il faut faire la vaisselle dans le lavabo de la salle d’eau. Ce qui se résume pour moi à laver un verre et un couteau. Cependant, tout y est récent et le prix de la nuitée n’est que de vingt-cinq euros.
J’en sors de nuit ce mercredi matin, voulant prendre un bus à huit heures sept. Eh bien non, il se met à pleuvoir peu avant huit heures, ce qui me conduit à ajourner mon projet. A la place, je vais une nouvelle fois à Quintin avec le car Deux Cent Cinq de huit heures quarante.
Comme la pluie s’est provisoirement arrêtée à l’arrivée, je fais le tour de l’étang dans le sens des aiguilles de la montre, longeant le Gouët (car pas de doute c’est bien lui) entre l’heure et la demie.
Aux premières gouttes, je monte dans le bourg, m’arrête à la Pharmacie du Centre pour un renouvellement de médicaments puis au Toujours un P’tit Trou. Il est dix heures moins dix. Après le café, je retrouve Toulet. En mil huit cent quatre-vingt-onze, il voyage en Espagne. Le train s’arrête devant un appareil de toits violemment silhouettés sur un couchant qui saigne. Deux ou trois déprimés cherchent quoi se dire « T’as vu, Claudia Cardinale est morte. » Pas de groupe de sportives et sportifs envahissants comme hier au Légué. Il faut pourtant que l’auteur de la thèse sur la dérive des continents envoyée à l’Onu vienne me saouler : « Pardon monsieur, vous êtes un grand lecteur ? Je suis écrivain local si ça vous intéresse. » Je l’envoie paître.
Dehors, ça pleut ou ça ne pleut pas. Vers onze heures trente, je remballe et descends à La Vallée où, ma table réservée, je reste boire un autre café (un euro quarante) tandis que ça pleut dur. « Un coup de pinard », demande un vieux d’ici au comptoir.
Cette fois, je déjeune à l’intérieur, une grande salle dans laquelle les ouvriers, avant même d’avoir une table et de poser leur veste, foncent sur le buffet d’entrées. Comme plat, j’opte pour les lasagnes à la bolognaise (fort bonnes) et comme dessert, je vais chercher une crème brûlée (décevante).
Quand je sors, une éclaircie me permet un nouveau tour d’étang que j’effectue en passant par l’autre rive du Gouët, ce qui est un peu risqué car la pente est glissante. Mon banc préféré ayant séché grâce au vent, j’y attends sous un soleil intermittent le BreizhGo de treize heures trente-deux.
Je ne suis pas le seul à y monter. Une vingtaine de lycéens font de même, nous sommes mercredi, les cours se terminent plus tôt. Que des garçons qui n’ont pas une tête de bon élève mais n’en sont pas moins calmes et tranquilles.
*
La petite polémique du jour : Charlotte Gainsbourg a-t-elle le droit de jouer le rôle de Gisèle Halimi ? Elle ne serait pas assez pro-palestinienne.
Depuis quand une comédienne doit-elle avoir les idées de son rôle ! Faut-il prendre une anarchiste pour jouer Louise Michel ? Une catholique pour jouer Jeanne d’Arc ? Une négationniste pour jouer Leni Riefenstahl ?
Ce siècle de la morale et de la vertu ne cesse de me consterner.
J’en sors de nuit ce mercredi matin, voulant prendre un bus à huit heures sept. Eh bien non, il se met à pleuvoir peu avant huit heures, ce qui me conduit à ajourner mon projet. A la place, je vais une nouvelle fois à Quintin avec le car Deux Cent Cinq de huit heures quarante.
Comme la pluie s’est provisoirement arrêtée à l’arrivée, je fais le tour de l’étang dans le sens des aiguilles de la montre, longeant le Gouët (car pas de doute c’est bien lui) entre l’heure et la demie.
Aux premières gouttes, je monte dans le bourg, m’arrête à la Pharmacie du Centre pour un renouvellement de médicaments puis au Toujours un P’tit Trou. Il est dix heures moins dix. Après le café, je retrouve Toulet. En mil huit cent quatre-vingt-onze, il voyage en Espagne. Le train s’arrête devant un appareil de toits violemment silhouettés sur un couchant qui saigne. Deux ou trois déprimés cherchent quoi se dire « T’as vu, Claudia Cardinale est morte. » Pas de groupe de sportives et sportifs envahissants comme hier au Légué. Il faut pourtant que l’auteur de la thèse sur la dérive des continents envoyée à l’Onu vienne me saouler : « Pardon monsieur, vous êtes un grand lecteur ? Je suis écrivain local si ça vous intéresse. » Je l’envoie paître.
Dehors, ça pleut ou ça ne pleut pas. Vers onze heures trente, je remballe et descends à La Vallée où, ma table réservée, je reste boire un autre café (un euro quarante) tandis que ça pleut dur. « Un coup de pinard », demande un vieux d’ici au comptoir.
Cette fois, je déjeune à l’intérieur, une grande salle dans laquelle les ouvriers, avant même d’avoir une table et de poser leur veste, foncent sur le buffet d’entrées. Comme plat, j’opte pour les lasagnes à la bolognaise (fort bonnes) et comme dessert, je vais chercher une crème brûlée (décevante).
Quand je sors, une éclaircie me permet un nouveau tour d’étang que j’effectue en passant par l’autre rive du Gouët, ce qui est un peu risqué car la pente est glissante. Mon banc préféré ayant séché grâce au vent, j’y attends sous un soleil intermittent le BreizhGo de treize heures trente-deux.
Je ne suis pas le seul à y monter. Une vingtaine de lycéens font de même, nous sommes mercredi, les cours se terminent plus tôt. Que des garçons qui n’ont pas une tête de bon élève mais n’en sont pas moins calmes et tranquilles.
*
La petite polémique du jour : Charlotte Gainsbourg a-t-elle le droit de jouer le rôle de Gisèle Halimi ? Elle ne serait pas assez pro-palestinienne.
Depuis quand une comédienne doit-elle avoir les idées de son rôle ! Faut-il prendre une anarchiste pour jouer Louise Michel ? Une catholique pour jouer Jeanne d’Arc ? Une négationniste pour jouer Leni Riefenstahl ?
Ce siècle de la morale et de la vertu ne cesse de me consterner.
24 septembre 2025
De la pluie toute la nuit et l’incertitude pour ce mardi. Difficile de décider dans quel ordre aller voir ce qu’il me reste à voir à Saint-Brieuc. A La Passerelle, j’attends que le jour se lève pour en décider. Une femme au comptoir est en pétard suite à un évènement entendu à la radio de Bolloré. Je ne sais pas de quoi elle parle mais ça concerne une école Monte et Souris.
Un peu de pluie revenue me conduit à choisir la Chapelle Saint-Yves qu’on atteint dans le quartier de Cesson avec le bus Teo (un toutes les dix minutes). Il dessert le Pôle Universitaire. J’en descends à l’arrêt suivant, son terminus, Avenir. La conductrice m’indique comment trouver ce que je cherche, derrière, au bout, pas loin. C’est l’ancien Grand Séminaire du diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier, construit en mil neuf cent vingt-sept par Georges-Robert Lefort. Un bâtiment qui a accueilli pendant quarante ans des centaines de séminaristes. Il a été entièrement restructuré en deux mille dix-sept. C’est aujourd’hui la Maison Saint-Yves, une maison diocésaine qui se veut ouverte sur la ville.
J’y arrive quand le soleil commence à poindre. Il est huit heures quarante. Ça ouvre à huit heures trente. Je suis le premier visiteur. La dame de l’accueil vient avec moi de l’autre côté du cloître pour mettre les lumières dans la Chapelle et m’ouvrir la crypte dans laquelle la communauté prie avant huit heures et demie, me dit-elle.
Cette Chapelle, fort belle, est de style Art déco avec des mosaïques d’Isidore Odorico, des peintures à fresco et un riche mobilier inspiré par le mouvement breton Seiz Breur. L’autel et le sol sont composés de milliers de tesselles colorées, dorées, ou en duo de noir et blanc qui évoque le Gwen Ha Du, le drapeau de la Bretagne. Des arabesques partent à l’assaut des portails en fer forgé, des murs et des allées de la nef, en forme de fleurs et de triskells. Les fresques peintes à même le mortier donnent de la densité aux couleurs, de l’ocre et du safran soulignés par du vert.
Je descends dans la crypte, plus sobre, dont la niche du fond comporte une scène peinte par le Seiz Breur Xavier de Langlais : le péché originel, la présentation de Marie au temple, etc.
Je fais ensuite le tour du cloître. En son centre, le jardin paysager graphique reprend des symboliques religieuses. Sur un mur, une immense fresque, due elle aussi à Xavier de Langlais, représente l’arrivée légendaire de Saint Brieuc au Port du Légué.
Le Port du Légué, c’est là où je vais, le soleil réapparu, par un beau sentier qui descend de derrière la Maison Saint-Yves, dans les bois, jusqu’à la station d’épuration. L’eau du Port est marronnasse, complètement boueuse, mais les abords de celui-ci ne gardent pas trace de l’orage de dimanche qui souleva les plaques d’égout.
Une place au soleil au Bar Les Mouettes, un allongé, et me voici lisant mon livre sur Colette tandis qu’un peu plus loin une fille au téléphone règle les détails de sa vie sentimentale. « Tu viens chercher tes affaires et tu dégages. »
Je suis là à lire tranquillement quand arrive un groupe qui ne trouve rien de mieux à faire que de s’asseoir aux tables voisines de la mienne alors qu’il y a de la place partout ailleurs. Sept femmes et trois hommes, des retraités qui sortent de la salle de sport. La plupart en surpoids malgré l’effort. Je les déteste, surtout les femmes avec leurs rires de ménopausées, et déménage à l’autre bout de la terrasse.
Pour déjeuner, je rejoins Rosengart par le Pont de Pierre, la passerelle n’étant pas en service. Au Quai Gourmand, je commande le menu entier (vingt euros cinquante). D’abord le buffet d’entrées, puis un excellent sauté de canard, figues et pommes de terre au four, enfin en dessert, je choisis au buffet une mousse aux trois chocolats.
En retournant de l’autre côté je croise une journaliste à micro poilu qui veut savoir si j’ai vu quelque chose dimanche (ce qui s’appelle arriver après l’inondation). Aux Mouettes, je m’assois à une table contre le mur, à l’abri du vent devenu frisquet, un café, un verre d’eau et je termine Un été avec Colette. Je n’aurai rien appris de nouveau sur sa vie mais c’est joliment écrit.
*
Se gourer. Prendre le Gouët pour le Gouédic et réciproquement. A Saint-Brieuc, c’est le Gouët dont l’embouchure abrite le Port du Légué et c’est le Gouédic que l’on suit quand on descend à pied vers ce Port. Et non le contraire comme j’ai écrit plusieurs fois précédemment. Trop compliqué de corriger.
Un peu de pluie revenue me conduit à choisir la Chapelle Saint-Yves qu’on atteint dans le quartier de Cesson avec le bus Teo (un toutes les dix minutes). Il dessert le Pôle Universitaire. J’en descends à l’arrêt suivant, son terminus, Avenir. La conductrice m’indique comment trouver ce que je cherche, derrière, au bout, pas loin. C’est l’ancien Grand Séminaire du diocèse de Saint-Brieuc et Tréguier, construit en mil neuf cent vingt-sept par Georges-Robert Lefort. Un bâtiment qui a accueilli pendant quarante ans des centaines de séminaristes. Il a été entièrement restructuré en deux mille dix-sept. C’est aujourd’hui la Maison Saint-Yves, une maison diocésaine qui se veut ouverte sur la ville.
J’y arrive quand le soleil commence à poindre. Il est huit heures quarante. Ça ouvre à huit heures trente. Je suis le premier visiteur. La dame de l’accueil vient avec moi de l’autre côté du cloître pour mettre les lumières dans la Chapelle et m’ouvrir la crypte dans laquelle la communauté prie avant huit heures et demie, me dit-elle.
Cette Chapelle, fort belle, est de style Art déco avec des mosaïques d’Isidore Odorico, des peintures à fresco et un riche mobilier inspiré par le mouvement breton Seiz Breur. L’autel et le sol sont composés de milliers de tesselles colorées, dorées, ou en duo de noir et blanc qui évoque le Gwen Ha Du, le drapeau de la Bretagne. Des arabesques partent à l’assaut des portails en fer forgé, des murs et des allées de la nef, en forme de fleurs et de triskells. Les fresques peintes à même le mortier donnent de la densité aux couleurs, de l’ocre et du safran soulignés par du vert.
Je descends dans la crypte, plus sobre, dont la niche du fond comporte une scène peinte par le Seiz Breur Xavier de Langlais : le péché originel, la présentation de Marie au temple, etc.
Je fais ensuite le tour du cloître. En son centre, le jardin paysager graphique reprend des symboliques religieuses. Sur un mur, une immense fresque, due elle aussi à Xavier de Langlais, représente l’arrivée légendaire de Saint Brieuc au Port du Légué.
Le Port du Légué, c’est là où je vais, le soleil réapparu, par un beau sentier qui descend de derrière la Maison Saint-Yves, dans les bois, jusqu’à la station d’épuration. L’eau du Port est marronnasse, complètement boueuse, mais les abords de celui-ci ne gardent pas trace de l’orage de dimanche qui souleva les plaques d’égout.
Une place au soleil au Bar Les Mouettes, un allongé, et me voici lisant mon livre sur Colette tandis qu’un peu plus loin une fille au téléphone règle les détails de sa vie sentimentale. « Tu viens chercher tes affaires et tu dégages. »
Je suis là à lire tranquillement quand arrive un groupe qui ne trouve rien de mieux à faire que de s’asseoir aux tables voisines de la mienne alors qu’il y a de la place partout ailleurs. Sept femmes et trois hommes, des retraités qui sortent de la salle de sport. La plupart en surpoids malgré l’effort. Je les déteste, surtout les femmes avec leurs rires de ménopausées, et déménage à l’autre bout de la terrasse.
Pour déjeuner, je rejoins Rosengart par le Pont de Pierre, la passerelle n’étant pas en service. Au Quai Gourmand, je commande le menu entier (vingt euros cinquante). D’abord le buffet d’entrées, puis un excellent sauté de canard, figues et pommes de terre au four, enfin en dessert, je choisis au buffet une mousse aux trois chocolats.
En retournant de l’autre côté je croise une journaliste à micro poilu qui veut savoir si j’ai vu quelque chose dimanche (ce qui s’appelle arriver après l’inondation). Aux Mouettes, je m’assois à une table contre le mur, à l’abri du vent devenu frisquet, un café, un verre d’eau et je termine Un été avec Colette. Je n’aurai rien appris de nouveau sur sa vie mais c’est joliment écrit.
*
Se gourer. Prendre le Gouët pour le Gouédic et réciproquement. A Saint-Brieuc, c’est le Gouët dont l’embouchure abrite le Port du Légué et c’est le Gouédic que l’on suit quand on descend à pied vers ce Port. Et non le contraire comme j’ai écrit plusieurs fois précédemment. Trop compliqué de corriger.
23 septembre 2025
La Nationale Douze coupée, le Port du Légué envahi par les eaux et la boue, la Cathédrale inondée, pour pleuvoir, il a plu, à Saint-Brieuc ce dimanche soir. Pas de messe ce lundi, annonce l’Evêché. Certains bus déviés, annoncent les Transports urbains briochins (Tub). De la pluie fine toute la journée, annonce Météo France. Je me vêts en conséquence et laisse Toulet et mon sac à dos dans mon logis provisoire, glissant Colette dans ma poche.
Il ne pleut pas quand, dans la nuit, je traverse les voies ferrées par la passerelle, allant vers le petit-déjeuner. J’ai pour projet de me réfugier à Pordic et pour ce faire de prendre le car BreizhGo Deux Cent Un de huit heures trente-cinq. « Un mois de pluie en quelques heures » « Coulée de boue au Légué » « C’est le bordel », on parle de ça à La Passerelle.
En passant le viaduc j’ai vue plongeante depuis le car sur le Port du Légué qui a l’air d’avoir repris ses esprits puisque des voitures y circulent. De gros paquets de nuages noirs ornent le ciel, mais il ne pleut pas quand je descends au centre de Pordic.
L’Hôtel Restaurant Le Perroquet a son grand H allumé, mais il semble fermé. J’en pousse la porte. Son aimable patron sort de la cuisine, à qui je réserve une table pour midi, puis direction L’Arrivée où, après le café, j’ouvre Un été avec Colette d’Antoine Compagnon, la reprise sous forme écrite de sa série du même nom sur France Inter. Le point commun entre Colette et Paul-Jean Toulet : Willy. Elle en fut l’épouse. Il fut l’un de ses nègres (comme on ne doit plus dire). Ici aussi, on parle des dégâts au Légué. « En plus, c’était marée haute hier soir » « Les restaurants, ils ont été inondés, les terrasses et tout ça ». Je lis un bon moment puis une éclaircie se pointant, je vais marcher dans Pordic, découvrant de beaux équipements municipaux, Médiathèque, Salle de Musique, Espace Culturel (dans une ancienne ferme) ainsi que de fières demeures en pierre.
Le vent frisquet me ramène à L’Arrivée où j’attends midi avec un autre café. Une camionnette Beaux Garçons, « coiffeur et barbier briochin » se gare, d’où descend un garçon qui ne l’est pas.
Dans le menu à douze euros cinquante du Perroquet, je choisis l’andouillette frites, celles-ci excellentes. A l’une des tables s’installe un trio. Des vieux parents et leur enfant quadragénaire trisomique. Un kir pour la mère, un pastis pour le père et Coca zéro pour le descendant à qui on ne demande pas ce qu’il veut. Pas d’alcool pour les enfants. La serveuse, qui ne le connaît pas, le tutoie en dépit de son âge.
Comme le soleil est de retour, c’est à la terrasse de l’Arrivée que je reprends Colette (si je puis m’exprimer ainsi). Malgré le bruit de travaux sur la place qui exaspèrent le patron du Perroquet. Il y a seize ans, il a vu les gars mettre des pavés et maintenant on les enlève. C’est qu’à Pordic aussi, il est question de végétalisation.
*
De gros dégâts partout sur la côte, de Saint-Brieuc à Paimpol. Navré d’apprendre qu’à Saint-Quay-Portrieux, une partie de la corniche aux belles barrières blanches de la plage du Casino a été emportée par les eaux.
Il ne pleut pas quand, dans la nuit, je traverse les voies ferrées par la passerelle, allant vers le petit-déjeuner. J’ai pour projet de me réfugier à Pordic et pour ce faire de prendre le car BreizhGo Deux Cent Un de huit heures trente-cinq. « Un mois de pluie en quelques heures » « Coulée de boue au Légué » « C’est le bordel », on parle de ça à La Passerelle.
En passant le viaduc j’ai vue plongeante depuis le car sur le Port du Légué qui a l’air d’avoir repris ses esprits puisque des voitures y circulent. De gros paquets de nuages noirs ornent le ciel, mais il ne pleut pas quand je descends au centre de Pordic.
L’Hôtel Restaurant Le Perroquet a son grand H allumé, mais il semble fermé. J’en pousse la porte. Son aimable patron sort de la cuisine, à qui je réserve une table pour midi, puis direction L’Arrivée où, après le café, j’ouvre Un été avec Colette d’Antoine Compagnon, la reprise sous forme écrite de sa série du même nom sur France Inter. Le point commun entre Colette et Paul-Jean Toulet : Willy. Elle en fut l’épouse. Il fut l’un de ses nègres (comme on ne doit plus dire). Ici aussi, on parle des dégâts au Légué. « En plus, c’était marée haute hier soir » « Les restaurants, ils ont été inondés, les terrasses et tout ça ». Je lis un bon moment puis une éclaircie se pointant, je vais marcher dans Pordic, découvrant de beaux équipements municipaux, Médiathèque, Salle de Musique, Espace Culturel (dans une ancienne ferme) ainsi que de fières demeures en pierre.
Le vent frisquet me ramène à L’Arrivée où j’attends midi avec un autre café. Une camionnette Beaux Garçons, « coiffeur et barbier briochin » se gare, d’où descend un garçon qui ne l’est pas.
Dans le menu à douze euros cinquante du Perroquet, je choisis l’andouillette frites, celles-ci excellentes. A l’une des tables s’installe un trio. Des vieux parents et leur enfant quadragénaire trisomique. Un kir pour la mère, un pastis pour le père et Coca zéro pour le descendant à qui on ne demande pas ce qu’il veut. Pas d’alcool pour les enfants. La serveuse, qui ne le connaît pas, le tutoie en dépit de son âge.
Comme le soleil est de retour, c’est à la terrasse de l’Arrivée que je reprends Colette (si je puis m’exprimer ainsi). Malgré le bruit de travaux sur la place qui exaspèrent le patron du Perroquet. Il y a seize ans, il a vu les gars mettre des pavés et maintenant on les enlève. C’est qu’à Pordic aussi, il est question de végétalisation.
*
De gros dégâts partout sur la côte, de Saint-Brieuc à Paimpol. Navré d’apprendre qu’à Saint-Quay-Portrieux, une partie de la corniche aux belles barrières blanches de la plage du Casino a été emportée par les eaux.
22 septembre 2025
Un beau soleil dominical en cette fin d’été, dont je ne peux commencer à sentir les rayons qu’à dix heures en descendant du car BreizhGo à Binic. Ça ne va pas durer : des orages sont à prévoir dans l’après-midi. Je zone autour du port et fais quelques photos. Malheureusement, à une heure aussi tardive, impossible de ne pas avoir dans le champ des quidams ou des quidames.
Dès onze heures, le ciel se couvre. Je passe à La Sentinelle où j’obtiens en réservation la dernière table disponible en salle. Par prudence, j’en réserve également une pour le dernier dimanche de septembre et apprends qu’ensuite La Sentinelle ne montera plus la garde pendant trois semaines pour cause de vacances.
Assis sur un banc du fond du port, près de la passerelle, sous un soleil un peu revenu, je regarde qui passe, dont beaucoup de chiens attachés à des humains. Deux pères à poussettes sont suivis par trois rejetons. Ils discutent sans s’en soucier. Le dernier, un enfançon traîne à l’arrière pas bien loin de l’eau. Des passantes commencent à s’en inquiéter. Quand ils s’en aperçoivent, l’un court : « Chloé ! ». Cette Chloé aurait pu finir comme celle de la chanson de Mylène Farmer. Un couple repeint la coque de son voilier. Voilà à quoi conduit la possession d’un bateau : travailler le dimanche quand tout autour, ça glandouille.
Au menu à dix-huit euros de La Sentinelle : cassolette bretonne gratinée, mijoté de joue de bœuf mironton et éclair pomme pâtissière. L’homme rubicond est là au comptoir, Dédé, devant son verre de vin blanc.
Il est douze heures trois quarts quand je ressors. C’est le début de la première drache. Vite la petite table ronde au coin à l’intérieur du Narval avant que d’autres s’y précipitent. Est-ce que les Notes d’art de Paul-Jean Toulet vont m’intéresser ? Hélas non. Les femmes d’à côté ont une conversation de femmes. « Elle allait pour se faire enlever les ovaires et le chirurgien lui a donné un coup de scalpel dans la vessie. » « Il faudrait savoir son nom. » « C’est pas parce qu’il en rate une qu’il rate la suivante. » Les Notes de littérature alors ? Pas davantage. J’en arrive à ses Journaux qui débutent par Lettres à moi-même. Bof, bof, bof. Puis vient un Journal de voyage. Là au moins, je lis. Rompu avec S… Elle couchait avec un de mes amis, et semblait sur le point avec un autre. Tout cela quoique je m’en doutasse, me laissait froid, mais tant que caché. Quand on sait les uns les autres qu’on le sait, il en résulte une situation cynique et presque honteuse dont je connais par expérience (Bordeaux) les inconvénients. écrivait-il le huit février mil huit cent quatre-vingt-neuf.
Pendant ce temps, les averses se succèdent. Bientôt, elles sont accompagnées de tonnerre. Je rejoins l’abri du car pendant une éclaircie. Le ciel est noir du côté de Paimpol. Côté Saint-Brieuc, ça tient encore. Je peux rentrer avant que ça tombe. Et quand ça tombe, ça y va.
*
Ian Monk est mort ce dix-neuf septembre à l’âge de soixante-cinq ans. De lui, j’ai lu uniquement le recueil Plouk Town que j’avais grandement apprécié. En cette triste occasion, j’ai appris qu’en décembre deux mille quinze sa fille Emilie, âgée de dix-sept ans, s’est tuée en se défenestrant. Cela suite à un harcèlement scolaire de plusieurs années au Collège Privé Notre-Dame de la Paix à Lille. Aucun de ses anciens professeurs n’est venu à ses obsèques.
Dès onze heures, le ciel se couvre. Je passe à La Sentinelle où j’obtiens en réservation la dernière table disponible en salle. Par prudence, j’en réserve également une pour le dernier dimanche de septembre et apprends qu’ensuite La Sentinelle ne montera plus la garde pendant trois semaines pour cause de vacances.
Assis sur un banc du fond du port, près de la passerelle, sous un soleil un peu revenu, je regarde qui passe, dont beaucoup de chiens attachés à des humains. Deux pères à poussettes sont suivis par trois rejetons. Ils discutent sans s’en soucier. Le dernier, un enfançon traîne à l’arrière pas bien loin de l’eau. Des passantes commencent à s’en inquiéter. Quand ils s’en aperçoivent, l’un court : « Chloé ! ». Cette Chloé aurait pu finir comme celle de la chanson de Mylène Farmer. Un couple repeint la coque de son voilier. Voilà à quoi conduit la possession d’un bateau : travailler le dimanche quand tout autour, ça glandouille.
Au menu à dix-huit euros de La Sentinelle : cassolette bretonne gratinée, mijoté de joue de bœuf mironton et éclair pomme pâtissière. L’homme rubicond est là au comptoir, Dédé, devant son verre de vin blanc.
Il est douze heures trois quarts quand je ressors. C’est le début de la première drache. Vite la petite table ronde au coin à l’intérieur du Narval avant que d’autres s’y précipitent. Est-ce que les Notes d’art de Paul-Jean Toulet vont m’intéresser ? Hélas non. Les femmes d’à côté ont une conversation de femmes. « Elle allait pour se faire enlever les ovaires et le chirurgien lui a donné un coup de scalpel dans la vessie. » « Il faudrait savoir son nom. » « C’est pas parce qu’il en rate une qu’il rate la suivante. » Les Notes de littérature alors ? Pas davantage. J’en arrive à ses Journaux qui débutent par Lettres à moi-même. Bof, bof, bof. Puis vient un Journal de voyage. Là au moins, je lis. Rompu avec S… Elle couchait avec un de mes amis, et semblait sur le point avec un autre. Tout cela quoique je m’en doutasse, me laissait froid, mais tant que caché. Quand on sait les uns les autres qu’on le sait, il en résulte une situation cynique et presque honteuse dont je connais par expérience (Bordeaux) les inconvénients. écrivait-il le huit février mil huit cent quatre-vingt-neuf.
Pendant ce temps, les averses se succèdent. Bientôt, elles sont accompagnées de tonnerre. Je rejoins l’abri du car pendant une éclaircie. Le ciel est noir du côté de Paimpol. Côté Saint-Brieuc, ça tient encore. Je peux rentrer avant que ça tombe. Et quand ça tombe, ça y va.
*
Ian Monk est mort ce dix-neuf septembre à l’âge de soixante-cinq ans. De lui, j’ai lu uniquement le recueil Plouk Town que j’avais grandement apprécié. En cette triste occasion, j’ai appris qu’en décembre deux mille quinze sa fille Emilie, âgée de dix-sept ans, s’est tuée en se défenestrant. Cela suite à un harcèlement scolaire de plusieurs années au Collège Privé Notre-Dame de la Paix à Lille. Aucun de ses anciens professeurs n’est venu à ses obsèques.
21 septembre 2025
Première fois que je sors dans Saint-Brieuc alors qu’il fait encore nuit. La Mie Câline est ouverte, cela vaut bien de payer trois euros vingt la formule pain au chocolat café allongé. Le jour se lève pendant que je petit-déjeune, à l’extérieur, sous un ciel nuageux.
Ce samedi vingt septembre, en l’honneur de l’ouverture d’une nouvelle ligne en regroupant quatre des Transports urbains briochins (Tub), les bus sont gratuits. C’est l’occasion d’en emprunter plusieurs dans la journée. Je prends le premier Trente, celui de sept heures quarante-neuf. J’en suis le seul passager. « Prochain arrêt : La Ville Néant », annonce la voix du bus. C’est là qu’habiterait la môme néant de Jean Tardieu si elle existait.
Je descends à Boutdeville (commune de Langueux) où je suis allé à pied depuis le centre du bourg, l’autre jour. L’arrêt est à côté de la gare touristique du Petit Train des Côtes-du-Nord qui fête ses cent vingt ans. Je la laisse derrière moi, prenant le chemin de la digue en direction d’Yffiniac (deux kilomètres et demi). Ce chemin domine les prés-salés où serpente un cours d’eau. Sans le vouloir, je fais envoler des nuées d’oiseaux blancs. En face, c’est Hillion.
J’arrive à Yffiniac à neuf heures, exactement à l’endroit que j’avais repéré en passant avec le bus Vingt, à un pignon de maison livré à l’art de la rue pour une œuvre qui dénote. De la dentelle blanche due à NeSpoon, artiste de Varsovie, née comme telle en deux mille neuf. « La dentelle est désormais ma signature. Pourquoi la dentelle ? Aucune idée. » Cela me plaît.
Je fais un détour par l’église qui n’en méritait pas tant. Près du giratoire Bernard-Hinault est un grand bar tabac peu fréquenté, Chez Guillou, où l’allongé coûte un euro cinquante. A sa terrasse, j’ouvre Toulet. J’en suis à ses romans. Ça commence par Monsieur de Paur homme public que je ne fais que survoler et qui s’achève par les carnets de ce Paur, des aphorismes à la Toulet qui me retiennent, malgré beaucoup de déchets dus à sa misogynie, celle de l’époque. J’en garde trois :
Il y a de la volupté à faire pécher une protestante, parce qu’elle ne peut s’en faire absoudre.
Il faudrait considérer ses opinions comme des costumes, et en changer selon la saison, l’heure et le milieu.
Si un peuple a les seuls gouvernements qu’il mérite, quand mériterons-nous de n’en pas avoir.
Suit Le Mariage de Don Quichotte auquel je préfère ne pas assister. Vers dix heures, le soleil fait une apparition, le vent itou. Je me chauffe un peu, mon livre refermé.
Je prends le bus Vingt terminus Hillion de dix heures cinquante-six et en descends au lieu-dit Saint-René où l’on trouve une élégante église et de quoi déjeuner, mais je vois que la pizzeria ne me convient pas. Je me balade le long d’un ruisseau jusqu’à prendre à onze heures quarante le Vingt qui me ramène à Yffiniac.
Il y a ici aussi une pizzeria, seul restaurant du bourg. La Pizzeria de la Baie où presque toutes les tables sont réservées. On y propose une formule du jour même le samedi. Pour dix-sept euros cinquante, on a le plat du jour, un quart de vin, le dessert et un café. Je choisis la cassolette de lieu et saumon riz salade et le far breton. La bande-son diffuse des reprises au féminin de California Daydream et de San Francisco. Ce restaurant est tenu par toute une famille, papa à la cuisine, maman au service ainsi que leur fille absolument séduisante, il y a même la grand-mère qui dessert les tables. C’est fort bon.
Surprise à la sortie, il pleut. J’entre à côté, au Chez Guillou, et demande un expresso. « Ils annoncent la tempête », me dit la patronne (ces mystérieux « ils » qui décident de notre futur proche). Je continue à tourner les pages sans les lire des romans de Paul-Jean Toulet. Mon amie Nane, je connais mais je ne l’ai jamais lu. La Jeune Fille verte, je connais et j’ai dû l’ouvrir autrefois. Lu ? Pas sûr. Derrière moi, des hommes jouent au billard. Devant moi, des femmes parlent de bas de contention.
*
A Yffiniac, on recherche une chatte nommée Caprice qui en a fait un.
*
Le giratoire Bernard-Hinault a été inauguré par lui-même en juillet dernier lors du Tour de France qui passait par là. Yffiniac est son lieu de naissance. On trouve là un vélo jaune stylisé et sur le pignon de la maison voisine un énorme maillot jaune et sa photo.
Ce samedi vingt septembre, en l’honneur de l’ouverture d’une nouvelle ligne en regroupant quatre des Transports urbains briochins (Tub), les bus sont gratuits. C’est l’occasion d’en emprunter plusieurs dans la journée. Je prends le premier Trente, celui de sept heures quarante-neuf. J’en suis le seul passager. « Prochain arrêt : La Ville Néant », annonce la voix du bus. C’est là qu’habiterait la môme néant de Jean Tardieu si elle existait.
Je descends à Boutdeville (commune de Langueux) où je suis allé à pied depuis le centre du bourg, l’autre jour. L’arrêt est à côté de la gare touristique du Petit Train des Côtes-du-Nord qui fête ses cent vingt ans. Je la laisse derrière moi, prenant le chemin de la digue en direction d’Yffiniac (deux kilomètres et demi). Ce chemin domine les prés-salés où serpente un cours d’eau. Sans le vouloir, je fais envoler des nuées d’oiseaux blancs. En face, c’est Hillion.
J’arrive à Yffiniac à neuf heures, exactement à l’endroit que j’avais repéré en passant avec le bus Vingt, à un pignon de maison livré à l’art de la rue pour une œuvre qui dénote. De la dentelle blanche due à NeSpoon, artiste de Varsovie, née comme telle en deux mille neuf. « La dentelle est désormais ma signature. Pourquoi la dentelle ? Aucune idée. » Cela me plaît.
Je fais un détour par l’église qui n’en méritait pas tant. Près du giratoire Bernard-Hinault est un grand bar tabac peu fréquenté, Chez Guillou, où l’allongé coûte un euro cinquante. A sa terrasse, j’ouvre Toulet. J’en suis à ses romans. Ça commence par Monsieur de Paur homme public que je ne fais que survoler et qui s’achève par les carnets de ce Paur, des aphorismes à la Toulet qui me retiennent, malgré beaucoup de déchets dus à sa misogynie, celle de l’époque. J’en garde trois :
Il y a de la volupté à faire pécher une protestante, parce qu’elle ne peut s’en faire absoudre.
Il faudrait considérer ses opinions comme des costumes, et en changer selon la saison, l’heure et le milieu.
Si un peuple a les seuls gouvernements qu’il mérite, quand mériterons-nous de n’en pas avoir.
Suit Le Mariage de Don Quichotte auquel je préfère ne pas assister. Vers dix heures, le soleil fait une apparition, le vent itou. Je me chauffe un peu, mon livre refermé.
Je prends le bus Vingt terminus Hillion de dix heures cinquante-six et en descends au lieu-dit Saint-René où l’on trouve une élégante église et de quoi déjeuner, mais je vois que la pizzeria ne me convient pas. Je me balade le long d’un ruisseau jusqu’à prendre à onze heures quarante le Vingt qui me ramène à Yffiniac.
Il y a ici aussi une pizzeria, seul restaurant du bourg. La Pizzeria de la Baie où presque toutes les tables sont réservées. On y propose une formule du jour même le samedi. Pour dix-sept euros cinquante, on a le plat du jour, un quart de vin, le dessert et un café. Je choisis la cassolette de lieu et saumon riz salade et le far breton. La bande-son diffuse des reprises au féminin de California Daydream et de San Francisco. Ce restaurant est tenu par toute une famille, papa à la cuisine, maman au service ainsi que leur fille absolument séduisante, il y a même la grand-mère qui dessert les tables. C’est fort bon.
Surprise à la sortie, il pleut. J’entre à côté, au Chez Guillou, et demande un expresso. « Ils annoncent la tempête », me dit la patronne (ces mystérieux « ils » qui décident de notre futur proche). Je continue à tourner les pages sans les lire des romans de Paul-Jean Toulet. Mon amie Nane, je connais mais je ne l’ai jamais lu. La Jeune Fille verte, je connais et j’ai dû l’ouvrir autrefois. Lu ? Pas sûr. Derrière moi, des hommes jouent au billard. Devant moi, des femmes parlent de bas de contention.
*
A Yffiniac, on recherche une chatte nommée Caprice qui en a fait un.
*
Le giratoire Bernard-Hinault a été inauguré par lui-même en juillet dernier lors du Tour de France qui passait par là. Yffiniac est son lieu de naissance. On trouve là un vélo jaune stylisé et sur le pignon de la maison voisine un énorme maillot jaune et sa photo.
20 septembre 2025
Un délicieux ciel rose au-dessus de la Gare, ce vendredi au lever du jour, alors que je me dirige vers la passerelle afin de prendre une nouvelle fois de l’autre côté, le car BreizhGo Deux Cent Cinq pour Quintin dont il me reste à faire le tour par le circuit « ruelles et venelles ». Presque quatre kilomètres, est-il indiqué sur mon plan. La fin me paraissant peu intéressante, j’ai déjà décidé que j’abrègerai.
C’est une journée ensoleillée. A l’arrivée à La Vallée, je contourne l’étang par le large sentier qui longe le Gouët. Sur l’autre rive de cet étang se dressent le Château et la Basilique qui se reflètent dans l’eau. Je prends un petit bout de route sur la droite et arrive à la cascade du Gouët au-dessus de laquelle se tient un mince calvaire. Je traverse cette route et descends sur la droite. Une passerelle enjambe le Gouët. Me voici ruelle du Gouët. J’entre à gauche dans le faubourg dit de « cure-bourse ». Autrefois s’y trouvaient de nombreux troquets, les soûlauds qui en sortaient se faisaient délester de l’argent qui leur restait par des voyous. Je passe par la venelle de la Berliche (rapport aux tisserands, un tissu de laine). Je remonte la ruelle du Presbytère, lequel a disparu, mais on y trouve la Chapelle Saint-Yves. J’entre dans l’étroite venelle Sonne-Sonne, autrefois prise par les enfants allant à l’école qui y faisaient claquer leurs sabots pour effrayer les démons et les spectres. J’arrive dans le Parc de Roz-Maria que je connais déjà. Je ne vais pas plus loin.
Le centre du bourg est là. A gauche, la Grande Rue où j’entre au P’tit Trou (comme toujours). Pas de marché ce jour, mais la même clientèle aux conversations oiseuses. Un homme établit la généalogie de la famille Duhamel des informations télévisées. Un autre raconte qu’il a envoyé à l’Onu sa thèse sur la dérive des continents.
J’ai besoin de m’aérer la tête. Dès que j’ai terminé d’écrire mon court circuit des ruelles et venelles de Quintin, je vais lire Toulet au bord de l’étang. J’en suis à Vers trouvés sur un mirliton :
Quand tu as bu, M…, sinistre lesbienne,
On dirait Waterloo, Waterloo, morne et pleine.
Onze heures sonnent à la Basilique avec un son de casserole. Est-ce pour cela que cette église ne sonne que les heures ? C’est un homme aujourd’hui qui court autour de l’étang, nettement moins intéressant que l’étudiante de l’autre jour. Parfois, un poisson saute et fait des ronds dans l’eau. Chez Toulet, j’arrive à Les Trois Impostures, recueil d’aphorismes paru de son vivant :
Le miracle de la charité, ce fut de la faire faire par les pauvres. Cela s’appelle : mutualité.
Direction le restaurant à buffet d’entrées La Vallée pour le déjeuner. Il fait chaud. Je choisis une table à l’ombre. Le plat du jour est joue de bœuf façon bourguignonne avec pommes vapeur. Mon dessert : une mousse au chocolat. Les ouvriers de la table d’à côté rêvent de propriété privée. « Quand t’as tout posé tes clôtures, t’es content. »
Pour lire encore un peu Toulet avant le car BreizhGo du retour, je choisis un banc de l’étang à l’ombre face au Château et à la Basilique. Ce vendredi est la journée la plus chaude depuis mon arrivée dans les Côtes d’Armor.
Rentré à Saint-Brieuc, je constate que la terrasse de la Passerelle est à l’ombre en ce début d’après-midi. Elle s’impose pour mon nouveau café Toulet :
Glissant étroitement sa chair hors d’un peu de linon qui la dérobait encore, elle serra son ami entre ses bras :
-Je sais bien, dit-elle, que vous avez couché avec maman ; mais tout de même je ne crois pas que je sois votre fille.
-Hélas, répondit-il, avec autant de sensibilité que de politesse.
*
A Quintin, il est risqué d’emprunter la venelle de la Couaille par où passaient les séminaristes, une descente très raide, à tomber sur le cul, beaucoup en ont eu le coccyx endolori. Quant au chemin de la Haute Folie où des femmes faisaient folie de leur corps, aucune rencontre de ce type n’étant désormais envisageable, il est inutile d’y aller.
C’est une journée ensoleillée. A l’arrivée à La Vallée, je contourne l’étang par le large sentier qui longe le Gouët. Sur l’autre rive de cet étang se dressent le Château et la Basilique qui se reflètent dans l’eau. Je prends un petit bout de route sur la droite et arrive à la cascade du Gouët au-dessus de laquelle se tient un mince calvaire. Je traverse cette route et descends sur la droite. Une passerelle enjambe le Gouët. Me voici ruelle du Gouët. J’entre à gauche dans le faubourg dit de « cure-bourse ». Autrefois s’y trouvaient de nombreux troquets, les soûlauds qui en sortaient se faisaient délester de l’argent qui leur restait par des voyous. Je passe par la venelle de la Berliche (rapport aux tisserands, un tissu de laine). Je remonte la ruelle du Presbytère, lequel a disparu, mais on y trouve la Chapelle Saint-Yves. J’entre dans l’étroite venelle Sonne-Sonne, autrefois prise par les enfants allant à l’école qui y faisaient claquer leurs sabots pour effrayer les démons et les spectres. J’arrive dans le Parc de Roz-Maria que je connais déjà. Je ne vais pas plus loin.
Le centre du bourg est là. A gauche, la Grande Rue où j’entre au P’tit Trou (comme toujours). Pas de marché ce jour, mais la même clientèle aux conversations oiseuses. Un homme établit la généalogie de la famille Duhamel des informations télévisées. Un autre raconte qu’il a envoyé à l’Onu sa thèse sur la dérive des continents.
J’ai besoin de m’aérer la tête. Dès que j’ai terminé d’écrire mon court circuit des ruelles et venelles de Quintin, je vais lire Toulet au bord de l’étang. J’en suis à Vers trouvés sur un mirliton :
Quand tu as bu, M…, sinistre lesbienne,
On dirait Waterloo, Waterloo, morne et pleine.
Onze heures sonnent à la Basilique avec un son de casserole. Est-ce pour cela que cette église ne sonne que les heures ? C’est un homme aujourd’hui qui court autour de l’étang, nettement moins intéressant que l’étudiante de l’autre jour. Parfois, un poisson saute et fait des ronds dans l’eau. Chez Toulet, j’arrive à Les Trois Impostures, recueil d’aphorismes paru de son vivant :
Le miracle de la charité, ce fut de la faire faire par les pauvres. Cela s’appelle : mutualité.
Direction le restaurant à buffet d’entrées La Vallée pour le déjeuner. Il fait chaud. Je choisis une table à l’ombre. Le plat du jour est joue de bœuf façon bourguignonne avec pommes vapeur. Mon dessert : une mousse au chocolat. Les ouvriers de la table d’à côté rêvent de propriété privée. « Quand t’as tout posé tes clôtures, t’es content. »
Pour lire encore un peu Toulet avant le car BreizhGo du retour, je choisis un banc de l’étang à l’ombre face au Château et à la Basilique. Ce vendredi est la journée la plus chaude depuis mon arrivée dans les Côtes d’Armor.
Rentré à Saint-Brieuc, je constate que la terrasse de la Passerelle est à l’ombre en ce début d’après-midi. Elle s’impose pour mon nouveau café Toulet :
Glissant étroitement sa chair hors d’un peu de linon qui la dérobait encore, elle serra son ami entre ses bras :
-Je sais bien, dit-elle, que vous avez couché avec maman ; mais tout de même je ne crois pas que je sois votre fille.
-Hélas, répondit-il, avec autant de sensibilité que de politesse.
*
A Quintin, il est risqué d’emprunter la venelle de la Couaille par où passaient les séminaristes, une descente très raide, à tomber sur le cul, beaucoup en ont eu le coccyx endolori. Quant au chemin de la Haute Folie où des femmes faisaient folie de leur corps, aucune rencontre de ce type n’étant désormais envisageable, il est inutile d’y aller.
19 septembre 2025
Jour de grève, aucun train en Gare de Saint-Brieuc, très peu de monde à La Passerelle. Les bus ont l’air de circuler mais dans le doute, je fais de ce jeudi une journée pédestre en descendant encore une fois par la vallée du Gouët au Port du Légué, par l’autre rive cette fois.
Arrivé au Port, je prends la route à gauche et arrive à l’entrée du Parc Rohannec’h. Trois volées de marches puis un long chemin montant me conduisent à la Villa Rohannec’h de couleur rose dont j’aperçois d’abord l’arrière. Un banc est le bienvenu pour la regarder de face à loisir sous le ciel bleu car, après l’effort, je sue.
Cette villa, déjà vue autrefois, fut construite sur la colline de Rohannec’h à la fin du dix-neuvième siècle pour le Vicomte Alain Le Gualès de Mézauban, armateur et homme politique briochin, une demeure « italianisante » d’où il pouvait observer les navires de sa flotte. Le domaine de quatre hectares, où l’on trouve des cèdres de l’Atlas ou du Liban et de séquoias centenaires, possède un accès direct au Port du Légué (par où je suis entré) et, pour rejoindre le centre-ville, le Vicomte a fait créer ce qui est l’actuel boulevard Pasteur. Pour voir le port, il faut être dans les étages ou sur le toit de ce bâtiment. Il sera ouvert lors des Journées du Matrimoine et du Patrimoine. La perspective de la file d’attente à l’entrée me dissuade de profiter de cette occasion.
Le chemin est le même pour quitter le Parc à pied. Arrivé en bas, je prends le Pont Tournant et direction Les Mouettes. « Voilà, jeune homme, me dit le serveur en posant un allongé sur ma table, je vous ai vu arriver. »
C’est une journée à chaud soleil. « Ça fait vacances », remarque finement la retraitée de la table voisine. Son mari ne dit rien, c’est un mari. Je retrouve les chansons et poèmes de Paul-Louis Toulet :
Dans Arle, où sont les Aliscams,
Quand l’ombre est rouge, sous les roses,
Et clair le temps,
Prends garde à la douceur des choses,
Lorsque tu sens battre sans cause
Ton cœur trop lourd ;
Et que se taisent les colombes :
Parle tout bas, si c’est d’amour,
Au bord des tombes.
Peu à peu, le ciel devient gris. Les vacances sont finies. Nous sommes ici à Plérin-sur-Mer. Je traverse le Gouëdic par le Pont de Pierre et c’est Saint-Brieuc. La porte du Quai Gourmand est fermée à onze heures et demie, je ne peux réserver pour midi.
Je m’assois devant, sur un banc de bord de port, et découvre l’existence d’une passerelle électrifiée coulissante. Elle est mise en place à onze heures trente par les employés du Port. Elle permet de traverser sans faire le détour par le Pont de Pierre.
Au Quai Gourmand, le plat du jour est une brandade de morue. Je la fais précéder du buffet d’entrées dans lequel je me sers surtout en saumon gravelax. Cela fait dix-huit euros quatre-vingt-quinze.
Sorti de là, je passe de Saint-Brieuc à Plérin-sur-Mer par la passerelle, m’arrêtant sur celle-ci pour faire quelques photos du Port, et puis, à droite, jusqu’aux Mouettes pour un café verre d’eau Toulet.
Ecoute : au bruit noir des chansons
Satan flagelle tes sœurs nues ;
Viens, et dansons.
(…)
Vous souvient-il de l’auberge
Et combien j’y fus galant ?
Vous étiez en piqué blanc.
On eût dit la Sainte Vierge.
(…)
Cette fraîcheur du soir, qu’on dirait que tamise
Une émeraude, a fait se joindre tes genoux,
Et tu sembles moins nue ainsi. Mais, entre nous,
Ton mari te dirait : « Comme vous voilà mise. »
(…)
J’ai connu dans Séville, une enfant brune et tendre
Nous n’eûmes aucun mal, hélas ! à nous entendre.
Une constatation, la grève ne touche pas la ligne des bus D. Ils passent régulièrement. Ce n’est donc pas à pied que je remonte à mon logis Air Bibi, mais dans celui de quatorze heures.
Arrivé au Port, je prends la route à gauche et arrive à l’entrée du Parc Rohannec’h. Trois volées de marches puis un long chemin montant me conduisent à la Villa Rohannec’h de couleur rose dont j’aperçois d’abord l’arrière. Un banc est le bienvenu pour la regarder de face à loisir sous le ciel bleu car, après l’effort, je sue.
Cette villa, déjà vue autrefois, fut construite sur la colline de Rohannec’h à la fin du dix-neuvième siècle pour le Vicomte Alain Le Gualès de Mézauban, armateur et homme politique briochin, une demeure « italianisante » d’où il pouvait observer les navires de sa flotte. Le domaine de quatre hectares, où l’on trouve des cèdres de l’Atlas ou du Liban et de séquoias centenaires, possède un accès direct au Port du Légué (par où je suis entré) et, pour rejoindre le centre-ville, le Vicomte a fait créer ce qui est l’actuel boulevard Pasteur. Pour voir le port, il faut être dans les étages ou sur le toit de ce bâtiment. Il sera ouvert lors des Journées du Matrimoine et du Patrimoine. La perspective de la file d’attente à l’entrée me dissuade de profiter de cette occasion.
Le chemin est le même pour quitter le Parc à pied. Arrivé en bas, je prends le Pont Tournant et direction Les Mouettes. « Voilà, jeune homme, me dit le serveur en posant un allongé sur ma table, je vous ai vu arriver. »
C’est une journée à chaud soleil. « Ça fait vacances », remarque finement la retraitée de la table voisine. Son mari ne dit rien, c’est un mari. Je retrouve les chansons et poèmes de Paul-Louis Toulet :
Dans Arle, où sont les Aliscams,
Quand l’ombre est rouge, sous les roses,
Et clair le temps,
Prends garde à la douceur des choses,
Lorsque tu sens battre sans cause
Ton cœur trop lourd ;
Et que se taisent les colombes :
Parle tout bas, si c’est d’amour,
Au bord des tombes.
Peu à peu, le ciel devient gris. Les vacances sont finies. Nous sommes ici à Plérin-sur-Mer. Je traverse le Gouëdic par le Pont de Pierre et c’est Saint-Brieuc. La porte du Quai Gourmand est fermée à onze heures et demie, je ne peux réserver pour midi.
Je m’assois devant, sur un banc de bord de port, et découvre l’existence d’une passerelle électrifiée coulissante. Elle est mise en place à onze heures trente par les employés du Port. Elle permet de traverser sans faire le détour par le Pont de Pierre.
Au Quai Gourmand, le plat du jour est une brandade de morue. Je la fais précéder du buffet d’entrées dans lequel je me sers surtout en saumon gravelax. Cela fait dix-huit euros quatre-vingt-quinze.
Sorti de là, je passe de Saint-Brieuc à Plérin-sur-Mer par la passerelle, m’arrêtant sur celle-ci pour faire quelques photos du Port, et puis, à droite, jusqu’aux Mouettes pour un café verre d’eau Toulet.
Ecoute : au bruit noir des chansons
Satan flagelle tes sœurs nues ;
Viens, et dansons.
(…)
Vous souvient-il de l’auberge
Et combien j’y fus galant ?
Vous étiez en piqué blanc.
On eût dit la Sainte Vierge.
(…)
Cette fraîcheur du soir, qu’on dirait que tamise
Une émeraude, a fait se joindre tes genoux,
Et tu sembles moins nue ainsi. Mais, entre nous,
Ton mari te dirait : « Comme vous voilà mise. »
(…)
J’ai connu dans Séville, une enfant brune et tendre
Nous n’eûmes aucun mal, hélas ! à nous entendre.
Une constatation, la grève ne touche pas la ligne des bus D. Ils passent régulièrement. Ce n’est donc pas à pied que je remonte à mon logis Air Bibi, mais dans celui de quatorze heures.
18 septembre 2025
Compliqué, le réseau des bus Tub à Saint-Brieuc, il y a ceux que l’on prend à la Gare Ferroviaire, ceux que l’on prend de l’autre côté de la passerelle à la Gare Routière, ceux que l’on prend au Centre Commercial Les Champs et d’autres qui partent de rues et de boulevards improbables, comme le Dix que je veux prendre ce mercredi pour aller au Petit Havre (commune de Pordic). De plus, avec ce Dix, il faut veiller à choisir le bon car il y a trois terminus différents. Le mien de terminus est L’Herminier, l’horaire : neuf heures dix, le point de départ : rue du Combat des Trente. Un lieu que je rejoins pédestrement après mon petit-déjeuner, un combo Pôse de Valentine Bar La Passerelle.
En chemin, la voix du bus annonce « Prochain arrêt : Avenir » (il y en a donc encore un) puis un arrêt Aldo Moro. Je descends à l’avant-dernier, Petit Havre, puis prends la route du Petit Havre qui descend rudement vers la plage du Petit Havre. La mer est visible, bleue comme il faut, plus lointaine qu’elle n’a l’air.
J’y arrive enfin. Cette plage est coincée entre deux pointes rocheuses. Le Géherre est ardu à cet endroit. Je m’y risque vers la Pointe de Pordic, attaque une première volée de marches en bois abîmées, puis une seconde en pire état et ça monte encore. Je renonce et ai un peu de mal à redescendre ces escaliers.
Il n’y a rien pour s’asseoir près de la plage. Je remonte, ce qui est déjà épuisant, à l’arrêt de bus, un simple poteau. Le prochain Dix de retour est à onze heures cinquante-cinq et il est dix heures et quart. Le centre du bourg est trop loin pour y aller à pied. Je reprends la marche jusqu’au terminus L’Herminier. J’y trouve un abribus avec un banc et des toilettes. De quoi survivre.
Je suis en train d’écrire cela et prêt à lire longuement sous cet abri quand la barrière de la maison d’en face s’ouvre. Un homme de mon âge s’apprête à sortir sa voiture. Je traverse, lui explique mon problème et lui demande s’il peut m’emmener au bourg. Il accepte et me voilà sauvé.
Je le remercie bien quand nous arrivons au pied de l’église. Un café est à côté, le bien nommé Bar L’Arrivée. Lui ira après ses courses. J’y vais sans attendre. « Vous écrivez vos mémoires ? » me demande l’homme qui boit une bière à la table d’à côté et dont la vêture est originale ou excentrique (comme on voudra). Souvent, j’envoie balader quand on me pose ce genre de question mais là non. « Je raconte mon voyage », lui dis-je.
La conversation s’engage. C’est surtout lui qui parle. Un comédien de théâtre et de cinéma qui écrit, dessine et fait des performances. Par ailleurs petit-fils du Colonel Rémy. Son nom : François Genty aka SangFroidGitan. Il va ouvrir un centre de cure ayurvédique avec hébergement en dortoir sur tatami à Etables au-dessus de Binic. Je lui raconte comment j’ai été conduit ici par un autochtone alors que j’étais coincé près de la mer. « Et comment s’appelle ce bar ? », me demande-t-il. « L’Arrivée. » « Il n’y a pas de hasard. » Ce grand manipulateur de mots est calé en numérologie et autres sciences plus ou moins occultes. Il me donne son interprétation de mon prénom et de mon patronyme. Tout conduit à faire de moi un ermite. Il calcule je ne sais quoi à propos de mon avenir et arrive toujours au nombre neuf. Et neuf, bien sûr, c’est le renouveau, on repart à zéro. Il me promet une nouvelle vie pour l’an prochain. Le sceptique que je suis l’écoute avec plaisir pendant un bon moment puis je lui annonce que je vais faire le tour de Pordic.
C’est vite fait. Il n’y a que l’église à voir. A l’ombre de celle-ci, je trouve l’Hôtel Restaurant Le Perroquet où on loue des chambres à un prix pas vu depuis longtemps : pour une personne, trente euros hors saison, quarante-cinq euros en saison, douche et vécé dans le couloir bien sûr. On y propose un menu ouvrier à douze euros cinquante donnant droit à entrée plat fromage dessert vin et café. J’entre réserver puis retourne boire un café à L’Arrivée, en terrasse cette fois (un euro quarante).
Au Perroquet, l’entrée est une assiette préparée à l’avance, le plat un couscous poulet merguez, la carafe de vin rouge généreuse, l’eau minérale Cristaline, le pain rustique et excellent. Comme dessert, je choisis une tarte aux pommes qui s’avère délicieuse. Quelques hommes seuls mangent ici ainsi qu’un couple que je pense être des touristes. Le mobilier date des années soixante-dix. Derrière le comptoir, une affiche « Coluche candidat » éditée par Charlie Hebdo. Cet endroit est une sorte de Musée de l’Hôtellerie. J’en sors fort content. Cette journée mal partie est bien retombée sur ses pieds (si j’ose dire).
Je retourne à L’Arrivée pour un autre café en terrasse et ouvre le Bouquins Laffont Œuvres complètes de Paul-Jean Toulet (poésie, romans, nouvelles et contes, théâtre, essais et notes, journaux, correspondance). Ce livre épais s’ouvre sur un portrait de Paul-Jean Toulet par Bernard Delvaille qui commence ainsi : On ne lit pas Toulet sans quelque plaisir pervers.
Cela débute par ses Contrerimes.
Ainsi :
Embrassez-moi, petite fille,
Là, bien. Quoi de nouveau ?
As-tu retrouvé le cerveau
Qui manque à ta famille ?
et aussi ceci :
A Londres, j’ai connu Bella,
Princesse moins lointaine
Que son mari le capitaine
Qui n’était jamais là.
Il y a un bus Dix pour rentrer à quatorze heures quarante-quatre. L’arrêt est devant la Poste. Pordic, tu serais parfaite si ton centre avait les pieds dans l’eau.
*
« Des excuses, c’est comme le trou du cul, tout le monde en a. » (le patron de La Passerelle). Il adore tuer les mouches avec sa raquette électrique.
*
Le soir venu, je regarde un portrait de SangFroidGitan « à la fois calme et totalement barré » par le vidéaste Cédric Barbier. Ça date d’il y a onze ans mais il est toujours lui-même.
En chemin, la voix du bus annonce « Prochain arrêt : Avenir » (il y en a donc encore un) puis un arrêt Aldo Moro. Je descends à l’avant-dernier, Petit Havre, puis prends la route du Petit Havre qui descend rudement vers la plage du Petit Havre. La mer est visible, bleue comme il faut, plus lointaine qu’elle n’a l’air.
J’y arrive enfin. Cette plage est coincée entre deux pointes rocheuses. Le Géherre est ardu à cet endroit. Je m’y risque vers la Pointe de Pordic, attaque une première volée de marches en bois abîmées, puis une seconde en pire état et ça monte encore. Je renonce et ai un peu de mal à redescendre ces escaliers.
Il n’y a rien pour s’asseoir près de la plage. Je remonte, ce qui est déjà épuisant, à l’arrêt de bus, un simple poteau. Le prochain Dix de retour est à onze heures cinquante-cinq et il est dix heures et quart. Le centre du bourg est trop loin pour y aller à pied. Je reprends la marche jusqu’au terminus L’Herminier. J’y trouve un abribus avec un banc et des toilettes. De quoi survivre.
Je suis en train d’écrire cela et prêt à lire longuement sous cet abri quand la barrière de la maison d’en face s’ouvre. Un homme de mon âge s’apprête à sortir sa voiture. Je traverse, lui explique mon problème et lui demande s’il peut m’emmener au bourg. Il accepte et me voilà sauvé.
Je le remercie bien quand nous arrivons au pied de l’église. Un café est à côté, le bien nommé Bar L’Arrivée. Lui ira après ses courses. J’y vais sans attendre. « Vous écrivez vos mémoires ? » me demande l’homme qui boit une bière à la table d’à côté et dont la vêture est originale ou excentrique (comme on voudra). Souvent, j’envoie balader quand on me pose ce genre de question mais là non. « Je raconte mon voyage », lui dis-je.
La conversation s’engage. C’est surtout lui qui parle. Un comédien de théâtre et de cinéma qui écrit, dessine et fait des performances. Par ailleurs petit-fils du Colonel Rémy. Son nom : François Genty aka SangFroidGitan. Il va ouvrir un centre de cure ayurvédique avec hébergement en dortoir sur tatami à Etables au-dessus de Binic. Je lui raconte comment j’ai été conduit ici par un autochtone alors que j’étais coincé près de la mer. « Et comment s’appelle ce bar ? », me demande-t-il. « L’Arrivée. » « Il n’y a pas de hasard. » Ce grand manipulateur de mots est calé en numérologie et autres sciences plus ou moins occultes. Il me donne son interprétation de mon prénom et de mon patronyme. Tout conduit à faire de moi un ermite. Il calcule je ne sais quoi à propos de mon avenir et arrive toujours au nombre neuf. Et neuf, bien sûr, c’est le renouveau, on repart à zéro. Il me promet une nouvelle vie pour l’an prochain. Le sceptique que je suis l’écoute avec plaisir pendant un bon moment puis je lui annonce que je vais faire le tour de Pordic.
C’est vite fait. Il n’y a que l’église à voir. A l’ombre de celle-ci, je trouve l’Hôtel Restaurant Le Perroquet où on loue des chambres à un prix pas vu depuis longtemps : pour une personne, trente euros hors saison, quarante-cinq euros en saison, douche et vécé dans le couloir bien sûr. On y propose un menu ouvrier à douze euros cinquante donnant droit à entrée plat fromage dessert vin et café. J’entre réserver puis retourne boire un café à L’Arrivée, en terrasse cette fois (un euro quarante).
Au Perroquet, l’entrée est une assiette préparée à l’avance, le plat un couscous poulet merguez, la carafe de vin rouge généreuse, l’eau minérale Cristaline, le pain rustique et excellent. Comme dessert, je choisis une tarte aux pommes qui s’avère délicieuse. Quelques hommes seuls mangent ici ainsi qu’un couple que je pense être des touristes. Le mobilier date des années soixante-dix. Derrière le comptoir, une affiche « Coluche candidat » éditée par Charlie Hebdo. Cet endroit est une sorte de Musée de l’Hôtellerie. J’en sors fort content. Cette journée mal partie est bien retombée sur ses pieds (si j’ose dire).
Je retourne à L’Arrivée pour un autre café en terrasse et ouvre le Bouquins Laffont Œuvres complètes de Paul-Jean Toulet (poésie, romans, nouvelles et contes, théâtre, essais et notes, journaux, correspondance). Ce livre épais s’ouvre sur un portrait de Paul-Jean Toulet par Bernard Delvaille qui commence ainsi : On ne lit pas Toulet sans quelque plaisir pervers.
Cela débute par ses Contrerimes.
Ainsi :
Embrassez-moi, petite fille,
Là, bien. Quoi de nouveau ?
As-tu retrouvé le cerveau
Qui manque à ta famille ?
et aussi ceci :
A Londres, j’ai connu Bella,
Princesse moins lointaine
Que son mari le capitaine
Qui n’était jamais là.
Il y a un bus Dix pour rentrer à quatorze heures quarante-quatre. L’arrêt est devant la Poste. Pordic, tu serais parfaite si ton centre avait les pieds dans l’eau.
*
« Des excuses, c’est comme le trou du cul, tout le monde en a. » (le patron de La Passerelle). Il adore tuer les mouches avec sa raquette électrique.
*
Le soir venu, je regarde un portrait de SangFroidGitan « à la fois calme et totalement barré » par le vidéaste Cédric Barbier. Ça date d’il y a onze ans mais il est toujours lui-même.
© 2014 Michel Perdrial - Design: Bureau l’Imprimante



